H.& L. New York baby

C’est une belle journée à New York et étonnamment, je ne travaille pas. Pour être plus exact, j’ai pris une journée sabbatique car je commence à en avoir marre de ce train-train quotidien. Matthew me tanne chaque jour avec son projet d’aller vivre dans un pays étranger et je commence à trouver son idée intéressante, bien que je n’ai aucune envie qu’il parte à l’autre bout du monde sans moi, et que je compte bien rester à New York toute ma vie. Bref, tout ça pour dire que je me promène dans la ville, sans but précis, si ce n’est marcher. Soudain, je remarque une jeune femme brune et plutôt canon. Elle n’a pas l’air d’être du coin car elle n’est pas aussi rapide que les citadins de la grosse pomme. Oui, c’est bien connu. On est tous pressé dans le coin. Métro, boulot, dodo. Il n’y a que les touristes pour ralentir le rythme de la sorte. Je m’approche d’elle et mine de rien, comme si je la connaissais depuis des années alors que nous ne sommes que des inconnus, je passe mon bras autour de son épaule et lui dit :

« Salut, tu vas bien toi aujourd’hui ? »

J’espère juste qu’elle parle anglais parce que sinon, je ne suis pas dans la merde… J’ai bien quelques notions en français et espagnol mais clairement pas assez pour entretenir une conversation. Je lui laisse à peine le temps de me répondre ou de m’envoyer chier, de réagir tout court d’ailleurs que je continue ma petite discussion.

« Je me disais que ça serait sympa d’aller faire un tour à Central Park, voir les carrioles, tout ça… Je sais qu’on avait prévu d’y aller la semaine dernière mais comme je n’ai pas pu venir ! »

Elle va définitivement me prendre pour un dingue, ou me mettre une grosse claque en pleine figure… Je me prépare à toutes les éventualités !

Contrairement à ce que j’aurais pu penser, ma technique ne semble pas si pourrie que cela car je ne reçois aucune main dans la figure, ni aucun autre signe de violence d’ailleurs. Néanmoins, pas sûr que ça fasse cet effet à chaque fois donc je tenterais quand même de trouver une meilleure approche la prochaine fois. En tout cas, elle m’a grillé direct et me demande si tous les New-Yorkais draguent de la sorte. Franchement, j’espère bien être le seul parce que sinon, je n’imagine même pas la réputation de notre ville. Les gens auraient peur d’y venir si tout le monde était aussi fou que moi !

« Tu ne semblais plus retrouver ta route, j’ai voulu aider, c’est tout… » Je laisse un petit silence le temps d’une seconde avant de reprendre : « Et plus sérieusement, ça marche ? »

J’ai un grand sourire sur le visage et elle ne tarde pas à avoir le même. Son regard joueur me donne envie de continuer sur ma lancée et je me dis que j’ai bien choisi ma cible et que je risque de passer une très bonne journée en charmante compagnie à ce rythme-là !

« Ça tombe bien parce que je connais le meilleur endroit pour en trouver ! Mais attention, de nombreux obstacles risquent de se mettre sur notre chemin ! Es-tu prête à relever ce défi pour avoir un super bon bretzel ? »

Franchement, je ne sais pas trop ce qui me passe par la tête à vouloir me prendre pour un personnage de jeu vidéo ou je ne sais trop quoi. Elle risque vraiment de me prendre pour un dingue mais après tout, je le suis un peu (beaucoup ?) alors…

Elle m’avoue que mon stratagème marche, enfin pas exactement mais j’entends bien ce que je veux, comme d’habitude. Alors je souris, comme un gamin à qui on aurait enfin donné la sucette qu’il attend depuis des heures, avant de m’exclamer :

« Je suis sur la bonne voix alors ! »

Puis, je décris la ville de New-York comme une quête qu’il nous faudra affronter. Et sa réponse me fait rire et me satisfait pleinement.

« Que la course au Bretzel commence dans ce cas ! »

Je la prends par la main et l’entraine un peu plus loin, tout en m’accroupissant. Nous sommes derrière une poubelle et il ne faut pas que quelqu’un nous voie, sous peine que l’on soit démasqué.

« Tu vois la petite mamie là-bas ? » lui demandais-je alors en montrant du doigt une femme d’un certain âge assis sur un banc à une vingtaine de mètres de nous. « C’est une agent des services spéciaux anti-bretzels ! Elle se cache derrière son journal pour démasquer tout ceux qui ont envie d’en manger ! »

Comment va-t-on faire pour passer ? C’est une bonne question ! Il faut que je réfléchisse et vite. Alors je regarde tout autour de nous mais je n’ai pas d’idées tout de suite. Je nous imagine déjà courir très vite pour rejoindre une autre cachette, sauf que j’ai un éclair qui me rappelle que la jeune femme n’est pas habillé pour ! Et moi non plus d’ailleurs avec mes chaussures de ville. Je n’avais pas spécialement prévu une telle escapade sans quoi j’aurais enfilé mes baskets avant de sortir. Seulement quelques secondes plus tard, la miss me montre du doigt un tas de grands cartons. Mon visage s’illumine !

« Oh mais tu as de superbes idées partenaire ! »

Je regarde une nouvelle fois en direction de la mamie et je vois qu’elle semble observer dans une autre direction. Je fais alors un signe de tête à la brune lui indiquant ainsi que le chemin est libre et qu’on peut donc y aller. J’avance donc le plus vite possible derrière les cartons et je m’y cache.

« Et maintenant on se fait un déguisement de carton ? »

Je vois que la modestie est une chose peu commune, que ce soit chez moi ou chez elle. Au moins, je sais son prénom désormais. C’est vrai que nous n’avions pas pensé à se le demander mais d’un autre côté, notre rencontre ne s’est pas prêté au questionnement de ce genre de broutilles. Je mets ma main sur ma tête, comme pour faire un signe du garde à vous et je lui réponds :

« Je suis honoré Chez St-Vincent ! Et moi je suis l’agent des Bretzels Hayden Rickemoore, pour vous servir ! »

Et puis, je pars dans un fou rire que j’ai du mal à stopper. Sauf qu’il est temps de nous remettre en quête du St Grâle. On fonce alors vers les cartons et je regarde la demoiselle choisir ses cartons, alors j’en fais autant. Je trouve assez facilement mon bonheur. Un énorme carton qui a sans doute servi pour protéger un grand réfrigérateur. Cela fera parfaitement l’affaire. Mais lorsqu’il s’agit de l’assembler, on a autant de mal l’un que l’autre !

« J’avoue que je ne pensais pas que c’était aussi compliqué ! Qu’est-ce que ça va être quand on va devoir se déplacer avec ! »

Je décide de lui filer un coup de main pour assembler son carton et finalement, à deux, on y arrive assez rapidement. On est enfin prêt. Les trous sont faits pour les yeux, alors je la regarde et je rigole :

« Franchement, tu es tellement sexy dans cette tenue ! »

A élaborer nos déguisements, j’en avais presque oublié cette mamie anti-bretzel, soit la raison même de cette expérience insolite. Je souris alors qu’on termine les derniers préparatifs et je confirme, on est vraiment trop canon ! Et si des gens nous regardent, ils doivent vraiment se demander ce qu’on est en train de fabriquer, voir bien se moquer de nous. En même temps, j’en ferais autant si j’étais spectateur et non acteur de cette scène. Je finis de me préparer et c’est alors que mademoiselle Lou me pousse. Je tombe alors et me retrouve sur le cul, les cartons totalement remontés. « Mais ! Je ne vois plus rien d’abord. » Maugréais-je, faussement mécontent avant d’éclater de rire. « La vengeance est un plat qui se mange froid visiblement ! Attend de voir ce qui t’attend ! » Annonçais-je fièrement. Je sors une main de mon carton et dès que j’ai assez de visibilité pour le faire, je choppe une de ses chevilles pour la faire basculer à son tour. « Et maintenant on fait une crêpe de cartons ! »

Et le pire c’est qu’elle prétend s’excuser alors que sa tête même dit le contraire. Je sais qu’elle ne pense aucun des mots qui viennent de sortir de sa bouche et je ne peux pas m’empêcher d’éclater de rire, encore. Décidément, si j’avais su que je m’amuserais autant, sans doute que je serais sorti plus tôt de chez moi. « P’tite maline va ! » lui adressais-je alors avant d’entamer mon nouveau plan machiavélique. Et même si je l’entendis prononcer des mots pour mettre à mal mes nouvelles actions, je ne l’écoutais pas et fis la sourde oreille. Et la crêpe de cartons franchement, c’était une super idée ! Rien à redire. « J’avoue… » dis-je en me relevant, bien que cette tâche était difficile avec les cartons. « Ça serait bête qu’on vienne nous arrêter alors qu’on s’amuse si bien ! » Et je ne tarde pas à lui prendre la main et je l’entraine dans ma course folle à travers les rues de New-York, toujours vêtu de nos supers déguisements trop pratiques pour courir. « Alors maintenant que tu as vécu la pire honte de ta vie à New York, je dis qu’il faut immortaliser ce moment ! » J’attrape un touriste dans la rue au hasard avant de lui donner mon téléphone pour qu’il prenne une photo. Je ne lui laisse même pas le temps de me poser la moindre question à ce petit monsieur. « Souriez agent Lou ! »