kaliska&lela + What is dead may never die

Alexis était finalement rentré à la maison, mettant fin à ces dix mois d’attente et de solitude au travers desquels je venais de passer. Bien sûr, j’avais fait tout mon possible pour me montrer forte, comptant sur la présence de mes amis, mes proches, et du fait que je ne pouvais pas laisser tomber mes enfants pour ne pas craquer, mais lorsque les choses étaient devenues trop compliquées, j’avais pris la fuite chez mes parents avec Analeigh et Dillan, arrivant seulement pour la rentrée. Pendant tout ce temps, j’avais été constamment partagée entre l’idée de faire quelque chose pour régler le tout avec Lela, puisqu’elle était la raison pour laquelle j’avais décidé de m’éloigner ainsi et ne rien faire. Finalement, je n’avais pas su prendre de décision jusqu’à ce qu’Alexis rentre, m’inspirant au bout du compte de sa présence pour faire un choix. En effet, je savais comment mon mari n’aimait pas ma sœur, et même s’il viendrait à apprendre à un moment ou un autre ce qui s’était passé et que le tout n’était pas réglé, ça n’aiderait certainement pas la situation, très loin de là. En venant alors à la conclusion qu’il valait mieux que je tente de régler les choses toute seule dans un premier temps, je décidai également de le faire avant que Lela sorte de prison. J’avais beau ne pas avoir été en contact avec elle depuis qu’elle avait été arrêtée, il n’en demeurait pas moins que je m’étais tenue au courant de sa date de sortie. Bien sûr, je ne me rendrais pas en prison seulement pour être sûre qu’elle ne vienne pas me traquer chez moi et me tuer dans mon sommeil, un truc comme ça, mais plutôt pour m’assurer qu’elle ne se déroberait pas, et dans le meilleur des mondes, qu’on soit en mesure de repartir sur de bonnes bases, surtout si Lela décidait de se prendre en main et se relever de ce qui s’était passé dans sa vie ces derniers mois. Le fameux jour où j’avais décidé d’y aller étant maintenant venu, je quittai l’école à l’heure de ma pause pour me rendre au centre correctionnel. L’idéal aurait été que je mange avant d’y aller, mais j’avais l’estomac si noué que je n’y arrivais pas. En cas de besoin, j’avais apporté un sandwich dans la voiture pour le manger sur le chemin du retour avant de retourner devant mes élèves, ne pouvant quand même pas m’effondrer devant eux, quand même. Une fois arrivée à la prison, je me garai, puis me présentai à l’entrée en fournissant une pièce d’identité, demandant à voir Lela, tout ce qui venait avec. Inutile de mentionner que tout le processus eut pour effet de sitôt m’intimider, mais je passai au travers, et finalement, je me rendis dans la salle où les visites avaient lieu, attendant qu’on me donne le signal pour entrer et m’asseoir.

Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu Lela. En fait, cela me paraissait être à la fois depuis une éternité et tout récemment. Une éternité parce que quelques mois, ce n’était pas rien, tout récemment parce que chaque fois que je repensais à tout ce temps qui était passé, la seule chose qui me revenait à l’esprit, c’était cette fameuse soirée qui me revenait en tête, celle où tout avait dérapé, celle où je m’étais rendue compte que j’étais seule, que je n’avais pas su faire mieux que de retourner chez mes parents pour trouver du réconfort, à défaut de pouvoir avoir mon mari pour me blottir dans ses bras et pleurer sur son épaule. Pour toutes ces raisons, inutile de mentionner que je ne savais pas du tout comment réagir, si bien que lorsque Lela arriva finalement dans mon champ de vision, je me sentis soudainement tendue. Les bras croisés sur ma poitrine, je ne savais que faire, comment l’aborder. Allait-elle m’en vouloir de ce qui s’était passé ? Tenterait-elle de m’agresser à nouveau ? Ce n’était pas une possibilité très plausible, vu tous les gardiens qui nous entouraient – ce qui faisait peur, mine de rien – mais quand même, cette idée me faisait peur. Toutefois, elle ne fit rien de tout cela. Plus encore, elle ne semblait même pas m’en vouloir, vu comment elle m’aborda. Elle l’avait fait de façon très simple, mais suffisante pour que je sois encore plus perdue, compte tenu du baiser qu’elle déposa sur ma joue, mais que je ne sus malheureusement lui rendre. Pourtant, ce n’était pas l’envie qui me manquait. Pourquoi fallait-il que les choses soient devenues aussi compliquées ? Pourquoi fallait-il qu’on soit encore en froid alors que nous avions mis tant d’efforts pour nous retrouver ? Pourquoi fallait-il que Lela change autant, à un tel point qu’alors qu’elle se montrait gentille envers moi, je ne savais plus qu’en penser, je me demandais si c’était vraiment elle ou bien si elle tentait de paraître correcte simplement pour s’assurer d’être libérée dans les prochains jours comme c’était prévu. Quoiqu’il en soit, il fallut bien que je dise, que je fasse quelque chose. Je ne pouvais pas avoir fait tout ce trajet pour ne simplement rien dire, même si, pour être honnête, j’en venais presque à me demander pourquoi je m’étais présentée en ces lieux tant je n’étais pas à l’aise. Après maintes efforts, je réussis finalement à lui dire :  « Salut… » avant de me râcler la gorge, comme si c’était là un prétexte pour ne pas poursuivre mon discours tout de suite. En réalité, je n’avais aucun discours de prévu, je ne savais même pas ce que j’allais lui dire en venant, alors en la voyant et réalisant qu’elle n’avait aucun regard froid à mon égard comme elle l’aurait dû, c’était encore plus déroutant. Toutefois, je parvins à ajouter, par la suite :  « On… On va s’asseoir ? » en désignant les quelques tables qui se trouvaient dans la salle, là où d’autres détenues étaient en train de discuter avec leur famille, leurs amis, bref, toute personne qui voulait bien venir les visiter.

Le fait de prendre place à une des tables mises à disposition pour les visites ne vint pas vraiment aider à diminuer la tension palpable entre Lela et moi. Ça, je m’y en attendais, j’avais simplement proposé de s’asseoir pour ne pas se tenir ainsi, debout, un agent correctionnel à moins d’un mètre de nous alors que nous n’avions pas l’intention de nous entretuer. Enfin, moi, je n’étais pas venue pour me venger de quoi que ce soit, loin de moi cette idée. Non seulement, ce n’était pas mon genre mais de plus, me connaissant, je me sentirais beaucoup trop coupable d’altérer notre relation plus qu’elle ne l’était déjà. Si j’avais quand même un peu espoir que nous puissions arranger les choses avec un peu de volonté, puisqu’après tout, nous étions sœurs et que nous y étions déjà parvenues auparavant, il fallait quand même que nous fassions des efforts pour reconnecter, ce qui était en train de se passer en ce moment et ce, qu’importe si la situation me rendait nerveuse ou non. Sans mot dire, je considérai ma sœur assise en face d’elle, la laissant par conséquent briser le silence la première, me posant des questions si banales que je figeai, comme si je ne savais pas quoi dire dans un premier temps. Peut-être était-ce le fait qu’elle avait utilisé le terme « à l’extérieur » qui me perturbait autant sans que je le comprenne directement ? N’ayant pas le temps ou le courage de répondre à cette question, je choisis plutôt de me concentrer sur le fait de répondre à ma cadette, puis je lui dis, toujours aussi hésitante :  « Hum… Ça va. Ils vont bien. », ayant choisi volontairement de faire fi de ce qui s’était passé pendant mes vacances, de comment ils avaient été troublés d’apprendre ce qui s’était passé. Elle n’avait pas besoin d’entendre ça, et si elle voulait le savoir, elle n’aurait qu’à les contacter en sortant. Elle était leur fille, pour sûr qu’ils voudraient lui parler quand même, j’y mettrais ma main au feu. Plus encore, je me disais même qu’ils seraient plus que soulagés de lui parler directement, parce que visiblement, ils ne comprenaient pas ce qui se passait avec elle, et ils s’inquiétaient, tout comme moi d’ailleurs. C’est d’ailleurs ce qui me poussa à lui demander :  « Et toi… Comment ça va ? » en pinçant les lèvres, me doutant que c’était loin la meilleure question à lui poser en ce moment, même si au fond, je ne voyais pas ce que je pourrais lui demander d’autre. Je n’allais quand même pas m’enquérir du bon goût des pommes de terre de la cantine ou bien du confort de sa couchette, quand même, ce serait trop étrange, encore plus que cette discussion plus que stressante, pour moi, en tout cas.

Je ne savais pas trop à quoi m’attendre en demandant à Lela comment elle allait, mais une chose était certaine, c’était que je ne m’attendais pas à une réponse des plus heureuses. Et dans le cas présent, je fus plutôt bien servie ; ma jeune sœur vint à me dire que sa vie était complètement gâchée, exagérant çà et là certains points que je ne pensais pas vrai, notamment en ce qui concernant Evan et Nala. Après, puisque je n’avais jamais vraiment abordé la question avec le principal concerné, je ne pouvais pas la rassurer pour sûr, d’autant plus que je me sentais particulièrement mal à l’aise, comme si c’était ma faute, tout ça. En réalité, maintes fois, j’avais blâmé le tout sur ma personne, j’en avais eu du mal à dormir, j’en avais pleuré dans les bras de ma mère plusieurs fois, pour finalement me convaincre que non, ce n’était pas ma faute, que Lela aurait pu frapper n’importe qui et se retrouver dans la même situation. Cependant, l’entendre le dire m’arracha un pincement au cœur, c’était inévitable, même si, pour le coup, je n’en fis rien, laissant un nouveau silence s’installer dans la discussion. Ce fut Lela qui le brisa une nouvelle fois en m’annonçant que j’étais la première personne qu’elle voyait, ce qui me fit froncer les sourcils, parce que j’étais persuadée qu’Evan serait venue la voir… Enfin, ce n’était pas mes affaires, et je me doutais bien que là n’était pas le point, puisque le propos de ma sœur se termina par une question particulièrement délicate. Légèrement à court de mots, je finis par hausser les épaules, puis dire :  « C’est un peu tout comme quoi… », ayant joué la carte de la sincérité, malgré moi. Dans ma furtive réflexion, j’avais fini par me convaincre que valait mieux agir ainsi, autrement, je ne réglerais rien avec elle aujourd’hui et ce, même si cela faisait mal par moments, comme lorsque je lui dis :  « Ça fait un moment que je ne te reconnais plus, Lela… » tout en pinçant les lèvres, espérant que plutôt que de m’en vouloir une nouvelle fois, que nous pourrions en discuter, tenter de trouver les solutions. Bref, tout faire pour que ce genre de situation ne se reproduise plus, que je puisse retrouver ma sœur, et que cette dernière puisse aussi retrouver les gens qu’elle aime.

Evan n’aurait pas eu besoin de me dire quoi que ce soit concernant la condition de ma sœur que je l’aurais deviné. En effet, je me doutais depuis un bon moment maintenant que quelque chose ne tournait pas rond et que son comportement n’était pas simplement dû à une dépression post-partum ou quelque chose du genre. Après, je n’écartais pas la possibilité que ce genre de chose soit à la base de tout ce qui s’était passé par la suite et ce, sans que quiconque ne le réalise vraiment, mais après, pour sûr, il y avait autre chose, et j’avais appris par mon beau-frère que la drogue était en cause. Troublée, j’avais tenté tant bien que mal de me dire que je pouvais excuser ce qu’elle avait fait en disant que pour le coup, elle n’était pas elle-même, mais je n’y étais pas parvenue, parce que je me disais que l’excuser serait nier qu’elle avait un problème, ce qui ne l’avancerait à rien du tout au final. Cependant, il n’en demeurait pas moins que tandis qu’elle m’expliquait le pourquoi du comment elle était comme cela, je ne savais pas quoi faire pour lui venir en aide. Lui proposer une désintoxication ? C’était difficile, compte tenu qu’elle était très probablement forcée d’être sobre en ces lieux austères. Pourtant, ce fut la seule chose qui me vint en tête, jusqu’au moment où elle m’avoue que sa vie avec Evan signifiait trop de responsabilités, responsabilités qu’elle refusait de prendre à présent. À ces mots, je me mordillai la lèvre inférieure, ne sachant pas quoi lui dire pour le coup. Je savais qu’elle était jeune, qu’Evan était beaucoup plus âgé qu’elle, mais ils avaient un enfant maintenant, n’était-il pas un peu trop tard pour ne pas vouloir accepter la situation ? Malheureusement, je ne pouvais pas comparer avec ma propre expérience, raison étant que lorsque j’avais appris que j’étais enceinte d’Analeigh, malgré les circonstances plus que troublantes, j’avais choisi d’embrasser cette vie, et jamais je ne l’avais regretté. J’avais toutefois regretté bien d’autres choses, alors je me doutais bien que pour Lela, ce n’était pas facile en ce moment. Toutefois, pouvait-elle penser qu’à elle dans le cas présent ? Malheureusement, j’en doutais fort, mais je ne me voyais pas lui dire cela pour le coup, me doutant bien que ce n’était pas cela qu’elle voulait entendre. Réellement paumée pour le coup, je baissai la tête et je poussai un soupir. Décidément, je ne voyais aucune alternative. Peut-être que j’étais biaisée dans mon opinion, que j’étais trop d’avis que cela ne se faisait juste pas, mais malheureusement, c’était avec la conclusion que j’arrivais, à chaque fois, si bien que je me résignai finalement à dire :  « Lela… Tu le savais quand tu as commencé à sortir avec Evan, et quand tu es tombée enceinte, ce que ce serait… » En effet, je ne pouvais pas croire qu’elle n’en avait pas pris conscience, surtout que je lui avais dit, qu’elle m’avait vue faire avec Analeigh, puis Dillan. Avais-je si peu d’impact dans sa vie qu’elle se moquait complètement de tout cela ? Cette idée me briserait le cœur, je ne pouvais pas le cacher, mais si c’était le cas, je n’aurais malheureusement pas d’autre choix que de l’accepter, aussi difficile cela puisse-t-il être.