Hello from the other side. † Kol

Hello from the other side.
Effy & Kol

Vendredi après-midi. Effy avait décidé de terminer ses cours un peu plus tôt. Pas envie de traîner dans les couloirs de l'université jusque 16 heures. Et puis il faisait encore chaud en Australie, le soleil brillait au-dehors, c'était la bonne occasion pour prendre un peu l'air en toute tranquillité à Mullers Lagoon. La brunette aimait bien ce parc. Il y avait des endroits bondés où on trouvait des groupes ou des couples, assis ou allongés, tous les trois mètres. Mais également des coins un peu plus reculés. Bon, comme on était en début d'après-midi un vendredi, il y avait quand même pas mal de monde. Mais ça ne dérangeait pas la jeune étudiante qui s'était calée contre un arbre dans un endroit reculé, assez loin du lac et du sentier parsemé de bancs qui en faisait le tour. Elle fumait tranquillement sa cigarette, ses lunettes de soleil sur le nez, lui donnant un air encore plus confiant et charismatique que d'habitude. Vu comme ça, on aurait pu croire qu'un photographe se cachait dans le coin pour prendre des clichés d'automne de la jeune femme à la crinière brune. Mais c'était loin d'être le cas. Elle n'avait goût à rien aujourd'hui. Elle n'avait toujours pas cherché de psy alors que ça faisait maintenant plusieurs mois qu'elle était à Bowen. Ses parents l'avaient gentiment harcelée avec ça dès son arrivée. Bien sûr elle leur mentait depuis, prétendant se rendre à ses séances régulièrement. Elle n'avait nulle envie de parler de son instabilité et de ses épisodes auto-destructeurs à quelqu'un pour que cette personne la psychanalyse de partout. Comme s'il allait lui trouver une solution miracle, mettre un mot sur une quelconque maladie dont elle était victime. Elle n'était pas malade. C'était elle tout simplement. Son être entier, conçu ainsi, qui hurlait. Son essence naturelle.

Effy avait revêtu un short en jean déchiré, surmonté d'une blouse bleu marine à motifs, ainsi que ses habituelles Doc Martens en cuir noir aux pieds. Son regard ne s'attardait guère sur les passants et les enfants qui jouaient dans la pelouse. Elle tirait lentement sur la cigarette qui se consumait entre ses doigts, laissant la fumée empoisonner un peu plus ses poumons. Aucun sourire n'éclairait son visage pâle. Elle avait juste l'air... Vidée. Dénuée d'âme. Dénuée de sens. Un peu comme son existence.

Tandis qu'Effy ruminait tranquillement ses pensées, elle ne remarqua pas l'arrivée d'un homme et d'une petite fille non loin d'elle, à plusieurs mètres. Fallait dire qu'elle ne faisait attention à rien autour d'elle, enfermée dans sa petite bulle de noirceur. Cherchant désespérant un moyen d'en sortir, vu que là tout de suite, elle y suffoquait. La jolie brune avait envie de se lever, de courir et d'aller se jeter dans le lac. De se laisser dériver, ou de se laisser attirer vers le fond, en douceur, comme dans un rêve. Laisser le sort décider à sa place. D'ailleurs, elle était quasiment prête à choisir cette option, tirant une dernière bouffée de cigarette, lorsqu'une voix guillerette la tira de ses idées noires. Effy tourna la tête vers une petite fille aux longs cheveux châtains qui venait en fait de l'aborder. Merde, elle n'avait même pas remarqué ce moustique. Alerte microbe, alerte microbe, abandonnez le navire. Un môme tout baveux et transpirant l'innocence était la dernière chose dont elle avait besoin. Pauvre chérie, tu ne vois pas encore que la vie ne t'offriras jamais ce que tu attends d'elle. Tu ne comprends donc pas que l'existence est cruelle ? Que tu souffriras sans même plus trop savoir pourquoi, à force de prendre des claques ?

La brunette écrasa rapidement sa cigarette. Elle avait beau n'en avoir rien à foutre de rien et ne pas spécialement apprécier les mômes, elle ne voulait pas encrasser leurs poumons encore tout frais alors qu'ils n'avaient rien demandé. Sa cigarette n'avait pas l'air d'avoir perturbé la gamine qui s'était déjà carrément assise à côté d'elle - mon Dieu épargnez-moi ça - et lui proposait un beignet qui dégoulinait de sucre. Sur le coup, Effy resta bloquée. Elle savait jamais quoi faire avec ces p'tites bêtes là. Elle avait envie de la remballer et de lui faire bouffer sa pureté à coups de pelle, mais... Merde, c'était qu'une môme qui profitait encore un peu de la joie de vivre qui allait peut-être bientôt la quitter. Eff' se sentit obligée d'esquisser un sourire, masquant sa gêne. Elle releva ses lunettes de soleil sur sa tête, pour découvrir ses yeux d'un bleu perçant et envoûtant.

« Bonjour toi. »

Finit-elle par dire d'une voix étonnamment plus douce que ce à quoi elle s'attendait. Elle planta son regard azur dans celui de la fillette, avant de laisser échapper un petit soupir.

« Bon allez, laisse-moi goûter cette merde. Mais viens pas crier après en disant que je t'ai volé ton goûter, c'est toi qui m'as proposé hein. »

La gamine hocha la tête avec un grand sourire et lui tendit le beignet, qu'Effy saisit entre deux doigts fins. Bah, ça pouvait pas être mauvais. Elle mordit dedans, le goût du sucre en trop grosse quantité inondant son palais. C'est vrai que c'était plutôt bon.

« Merci. »

Ajouta-t-elle à l'attention de la petite fille en lui adressant un sourire, une étincelle bienveillante s'allumant dans ses iris clairs et si particuliers. Voilà qu'elle faisait copine-copine avec une gosse de 5 ans. Si elle s'était vue de loin, hors de son corps, elle n'y aurait pas cru. Elle releva la tête pour croiser le regard d'un homme plus âgé, sans doute le père de la petite fille. Merde alors. Qu'est-ce qu'il allait dire ? Elle avait pas envie de passer pour une kidnappeuse d'enfants.

L'homme qui semblait bel et bien être le père de la petite fille s'approcha, avec un air plus détendu que suspicieux ou inquiet. Il sembla même vouloir préserver son espace vital - que sa progéniture avait pourtant déjà envahi - en s'arrêtant à quelques pas. Effy se reprit, constatant que le brun ne semblait guère en colère ou quoi que ce soit. Il se contenta d'ailleurs de réprimander gentiment son rejeton, qui planta d'ailleurs un regard décidé dans celui de son géniteur avec un grand sourire, l'air de dire "je me moque éperdument de ce que tu me dis, laisse-moi jouer avec ma nouvelle copine". Un éclair amusé traversa le regard azur de la jolie brune, qui cligna des yeux pour transpercer le père de son regard indéchiffrable. Finalement, cette gamine lui plaisait bien. Elle aurait bien répondu qu'il n'y avait pas de soucis et que la petite fille, dénommée Opale, ne la dérangeait absolument pas, mais elle avait pas envie de se faire coller l'étiquette "baby-sitteuse à votre service". Elle se contenta donc de son sourire en coin qui avait le don de vous perturber, et mangea le deuxième bout de beignet sans se départir de son sourire.

« Quelle chance. »

Se moqua gentiment Effy. Elle venait effectivement de se faire adopter par une gamine de deux ans, comme on aurait pu adopter un chien sans lui demander son avis. Honnêtement, ça la faisait marrer d'être considérée comme le nouveau jouet de cette petite fille. Guère perturbée par le sourire craquant de ce jeune homme, Eff' sourcilla quand il proposa de se joindre à eux pour un pique-nique. Ah, elle faisait carrément partie de la famille maintenant ? L'hésitation se lisait sur le visage de la brune, à qui on avait rarement fait ce genre de proposition. Elle n'avait rien à faire avec ces deux-là, ce n'était pas son monde. Et puis merde elle ne les connaissait pas. Mais la petite Opale tourna son visage qui vous aurait donné envie de fondre sur place vers elle. Ah... Elle n'allait quand même pas déjà briser les rêves de cette gamine. La vie le ferait bien assez tôt à sa place. De toute manière elle n'avait rien d'autre à faire, et ça la changeait au moins de ses sombres pensées quelques minutes plus tôt.

« Je ne voudrais pas vous déranger... Mais d'accord, Opale a l'air d'insister. Au fait, je m'appelle Effy. »

Finit par céder l'étudiante, avant de serrer la main de la petite fille quand elle se présenta, comme pour sceller cette rencontre amicale. C'était tout de même pas dans ses habitudes de s'incruster dans un repas familial, aussi léger et détendu soit-il. Elle n'avait rien à dire à des inconnus. Mais bon... Opale s'occuperait sûrement de la conversation. Elle se leva donc, et la petite fille vint immédiatement placer sa petite main dans celle de la jeune femme, pour l'entraîner vers leur festin. Merde. Merde. Merde. Elle avait encore eu une idée de génie en acceptant... Mais bon, elle ne pouvait plus reculer et puis si ça faisait plaisir à la gamine... Elle suivit donc Opale avec un sourire amusé, haussant les épaules avec un sourire désolé en croisant le regard du jeune homme.

Elle avait l'impression de se faire tenir en laisse par une petite fille à qui on ne pouvait refuser le moindre caprice. Pourtant, c'était pas le genre d'Effy de se laisser faire par qui que ce soit, encore moins par une môme, en général elle évitait de les laisser s'approcher. Mais Opale... C'était comme si elle ne lui laissait vraiment pas le choix, et puis sa détermination juvénile, avec cet air de défi qui indiquait clairement qu'elle ne doutait de rien et certainement pas d'elle-même, parvenait à faire rire Effy de bon cœur. Elle la faisait marrer, cette gamine. Elle avait beau ne pas être plus haute que trois pommes, elle parvenait à apprivoiser ce qui l'entourait d'une manière si naturelle et convaincante que rien ne lui résistait. Ce qui fit que la jeunette à la chevelure brune n'eut même pas le courage de la reprendre quand la petite fille l'affubla du nom "Fairy". Elle aurait sans doute dû, parce que maintenant ça allait sûrement devenir son surnom officiel. Tant pis, trop tard.

D'ailleurs, le père de la gamine se moquait déjà de ce drôle de surnom, et se présenta à son tour. Mais un sourire authentique et amusé éclaira le visage d'Effy. Bon, ben voilà qu'elle était rebaptisée, sur les ordres d'une gamine de 4 ans. Youpie.

« Enchantée également. »

Répondit l'étudiante, histoire de faire preuve d'un peu de savoir-vivre pour une fois. C'était tout de même super étrange comme situation, le tableau qu'ils devaient représenter à trois autour de ce pique-nique lui semblait grotesque. Mais bon ça n'engageait à rien. Effy s'assit donc sur le sol aux côtés d'Opale tandis que cette dernière lui proposait déjà son petit carton de jus dans lequel elle avait bu. Ah merde. La bave de gamine, merci mais non merci. D'un autre côté, la brunette ne se serait sûrement pas permis de prendre d'elle-même un des jus, elle n'était pas dans son élément et n'osait absolument pas prendre ses aises. Pour une fois qu'elle veillait à ne rien faire de déplacé... C'était quelque chose d'exceptionnel et inespéré chez Effy, même si les deux personnes à côté d'elle n'en avaient sûrement pas conscience. Bien qu'elle y ait été invitée, la jeune femme ne touchait à rien. Elle n'allait tout de même pas se servir comme si elle faisait partie de la famille ! Opale quant à elle ne s'était pas privée pour déjà ouvrir un paquet contenant des sandwichs en triangle et d'y mordre à pleine dents, avant de babiller de tout et de rien, et s'occupant donc de l'essentiel de la conversation - enfin, conversation niveau enfant de 4 ans ou peu importe son âge - tandis qu'Effy restait assise les jambes croisées, jouant avec ses doigts fins avec un sourire en coin. Kol lui demanda s'il avait la permission de prendre des photos. Effy acquiesça avec un haussement d'épaules, après tout ce n'était pas la première fois qu'un inconnu demandait de faire des photos, ça ne la gênait nullement.

« Dis donc, tu manges comme un ogre ! T'as quel âge pour pouvoir avaler tout ça ? »

Se moqua gentiment Effy à l'attention d'Opale, désignant le deuxième sandwich qu'elle venait d'entamer.