Bienvenue à Bowen, petite ville côtière du Nord-Est de l'Australie, abritant moins de 7 000 habitants. Si vous recherchez le calme, la bonne humeur et la joie de vivre, vous serez au paradis. Tous les habitants vous le diront, Bowen est l'endroit idéal pour se ressourcer. Et puis ne vous inquiétez pas pour l'intégration, ici tout le monde se connaît et les habitants adorent accueillir les nouveaux. › suite.
Sujet: we visit a life we both left behind (terrence) 18/5/2016, 05:01
Neuf ans plus tôt. C’était comme s’il était en Italie de nouveau. Il venait pourtant à peine d’y en revenir, quelques mois auparavant. Pour un séjour plus ou moins heureux, durant lequel il avait vu sa mère pleurer la mort d’une de ses bonnes et vieilles amies. Par vieille, j’entends de longue date. Ces deux femmes-là avaient toujours eu la jeunesse éternelle dans le regard. Comme si les années n’arrivaient pas à faner leurs sourires. Comme si le passage du temps ne laissait aucune marque sur le coin de leurs yeux rieurs. August avait souvent vu ces deux femmes ensemble, sa mère et son amie. Deux belles italiennes que l’amitié avait rendues moqueuses du reste du monde. Elles ne se voyaient pas souvent. Elles n’habitaient pas le même pays. Mais à chaque fois qu’elles se voyaient, c’était pour qu’une vague de joie déferle sur tout leur entourage, et encore plus sur les deux âmes. August devait bien avoir une centaine de photographies d’elles enregistrées dans son ordinateur, parce que sa mère les envoyait toujours à son fils par courrier électronique pour lui partager ces petits morceaux de bonheur qui réconfortaient August. Puis un jour, plus rien. Cette femme, qui sur ces photos, avait toujours un souvenir à toute épreuve, s’était enlevé la vie. Les épreuves sont parfois bien plus grandes que nous. La mère d’August n’avait pas vu venir la fin. Elle n’avait pas vu venir leur fin. Sa mère avait pleuré toutes les larmes de son corps durant ce court séjour d’August passé en Italie. Alors de le revoir, là, cet homme. Le fils de l’autre. Le fils de l’amie. Son reflet dans le miroir, mais Terrence lui était du mauvais côté du verre, le côté qui avait tout vécu, le côté qui avait tout perdu. De son côté, il était seul. Au moins, August, de l’autre bord, avait encore la main de sa mère dans la sienne, même en pensée. Lui ne le pouvait plus. August baissa alors le regard pour fixer le comptoir de sa toute nouvelle rhumerie, cherchant à ne pas laisser la vague de tristesse l’envahir. Il releva finalement les yeux vers Terrence, qui avait plusieurs verres vides étalés sur sa table. Signe non seulement que ses serveurs n’étaient pas assez rapides pour débarrasser sa table, mais surtout signe que Terrence sombrait. L’homme se décida finalement à marcher d’un pas lent jusqu’à la table de l’autre. Il attrapa les verres vides et les déposa sur la table à côté, elle aussi vide. Il passa son linge blanc sur la table de Terrence. Le regard de celui-ci n’avait pas bougé. « Bonsoir, Ted. Je dois avouer que je suis un peu surpris de te voir ici. Va falloir que tu m’expliques ce qui t’amène, même. » August venait à peine d’arriver en Australie lui-même. Il ne savait donc pas que toute la famille Adler y vivait depuis un bon moment. Sa mère ne lui avait rien dit, et Terrence et August n’avaient pas parlé de leurs lieux de résidence aux funérailles. C’était un peu la confusion dans l’esprit d’August. Et c'était la confusion dans l'esprit de Terrence, mais sans doute plus à cause du rhum, pour sa part.
Invité
Sujet: Re: we visit a life we both left behind (terrence) 21/5/2016, 16:41
FLASHBACK we visit a life we both left behind
vingt-six ans, ta mère se suicide. pas un mot, pas une lettre. rien, seul son corps pendu dans le grenier où tu passais des heures. avant. plus jeune, tu y étudiais. tu ne laissais personne entrer là, mis à part elle. il s'agissait de ton refuge, auquel ni ton père, ni ton frère n'avaient accès. juste elle et toi. toi et elle. contre le reste du monde, ça a toujours été comme ça. tu étais aussi le seul à l'écouter. ou plutôt, à la regarder agiter ses mains puisqu'elle était sourde. elle parlait, parfois, lorsqu'on prenait la peine de l'écouter. tu le faisais, mais elle osait à peine essayer en présence de ton père. elle avait honte. honte, c'est ridicule sachant qu'il l'avait épousée. il savait pertinemment qu'elle était sourde, cela ne l'avait jamais dérangé. ton père est un homme froid, distant. mais il l'aimait. il l'aime encore, bien qu'il n'ait pas exprimé le moindre chagrin jusqu'ici. pas très démonstratif, non plus. c'est l'une des raisons qui l'a conduit à être suspecté de meurtre: l'absence d'émotions. ajoutée au fait que ta mère n'avait pas véritablement de raison de se donner la mort. aucune connue, et tu ne sauras probablement jamais pourquoi elle a souhaité en finir. le pourquoi t'importe peu. l'unique question que tu te poses, peut-être égoïste, est assez logique: pourquoi t'avoir abandonné ? tu étais son fils préféré, et elle était... ta mère, c'est une raison suffisante. ta mère, pas n'importe qui. elle t'a laissé tomber, et tu lui en voudras toujours pour ça. elle a laissé un trou béant, vide immense que jamais tu ne pourras combler. c'est pourquoi tu plonges chaque soir dans un alcoolisme que tu découvres. et dans des bras inconnus, de nouveaux toutes les nuits. cela ne remplace pas ta mère, mais cela te permet de l'oublier quelques heures. quelques nuits. tu atterris cette fois dans une rhumerie. tu enfiles les verres en marmonnant des merci de moins en moins audibles. cela finit en grognements, mais les serveurs comprennent forcément ce que tu essayes d'articuler. des serveurs, pourquoi pas des serveuses ? bien que, dans ton état, tu n'aurais probablement pas eu beaucoup de chances. ou peut-être avec une moche désespérée. pour ta part, tu n'aurais même pas remarqué qu'elle était moche: tu commences à voir flou. pourtant, tu ne peux que reconnaître August lorsqu'il te rejoint. de ton esprit embrumé sort une question: pourquoi ? qu'est-ce qu'il fout là ? réfléchir te faisant mal au crâne, tu te contentes de le fixer, tes paupières papillonnant bêtement. « 'soir » tu secoues ton verre devant toi pour le lui montrer. « je bois, ça m'paraît évident. et je remplis tes poches, apparemment. » tu le détailles quelques secondes durant avant de ricaner pour toi-même. « tu veux parler de Bowen, c'est ça ? » tu te grattes l'arrière de la tête en haussant les épaules avant de finir ton verre d'une traite, le reposant bruyamment sur la table.
Sujet: Re: we visit a life we both left behind (terrence) 27/5/2016, 03:53
La mort. Ce sujet un peu tabou, qui donne des frissons dans le dos de tout le monde, même de ceux qui la désirent. La mort est mystérieuse, la mort est vague. La mort est l’inconnu. August n’aimait pas la mort. Elle lui faisait peur autant pour lui que pour les autres. La mort des uns et des autres est pourtant nécessaire à l’évolution du monde, à l’avancement de l’histoire. Cette histoire qu’August chérissait tant, et pourtant, sa fin à lui et la fin de ses proches n’arrivaient pas à être consolées par l’idée de laisser une petite trace d’eux-mêmes dans l’histoire. Aussi infimes soient-elles. Il préférait espérer vivre le plus longtemps possible afin d’assister à tous ces événements qui marqueraient un jour l’histoire, tout comme il aurait adoré pouvoir vivre ceux qu’il avait si longtemps étudiés. Alors non, August ne dansait pas avec la mort, et quand il avait appris que la mère de Terrence, elle, avait décidé de valser avec elle jusqu’au bout de la nuit, jusqu’au bout de sa vie, il avait été sous le choc. Personne de son entourage ne s’était enlevé la vie auparavant, et même si la mère de Ted n’était pas vraiment dans son entourage à proprement parler, l’impact était tout de même présent. D’autant plus qu’il avait vu, lors des funérailles, les larmes rouler le long des joues des proches de la femme. Sur les joues de sa propre mère, celle qu’il tenait par la main pour lui montrer qu’il était là pour elle. Et c’était un peu ça. August était là pour sa mère, non pas pour celle de Ted qu’il connaissait à peine. Il était attristé, certes, mais n’eut été de sa mère, August ne se serait jamais retrouvé là, entouré des Adler. Vivant ce moment lourd d’émotions comme un intrus.
Il avait donc hésité, ce soir, à se rendre jusqu’à Terrence pour lui parler. Il n’avait pas envie d’en ajouter à la détresse de l’homme en lui montrant ce visage qu’il avait vu, pour la dernière fois, en train de pleurer et d’enterrer sa mère. Pourtant, ses pas l’avaient mené jusqu’à sa table. Parce qu’il se disait qu’à quelque part, cet homme profondément seul n’avait peut-être que besoin de parler un peu. L’air grognon de Ted lui fit rapidement changer d’avis, mais maintenant qu’il était là devant lui, il n’allait pas rebrousser chemin. August n’avait pas peur des grognements, il avait l’habitude de l’air renfrogné de clients un peu trop ivres. « Apparemment. » Avait-il répondu avec un sourire en coin, les bras croisés sur son torse, pas parce qu’il était sur la défensive ou de quoi, mais juste parce que cette posture lui était plus confortable. « Oui, de Bowen. Je ne me souviens pas t’avoir mentionné mon petit coin de pays, et de toute façon, je doute fort bien que tu viendrais me rendre visite volontairement … » August s’était assis en face de l’homme, avec un petit rire doux. Il n’y avait pas eu d’animosité entre eux, mais sa réplique faisait plutôt référence au fait qu’ils n’étaient tout de même pas de grands amis, et que la venue de Ted à Bowen était inexplicable aux yeux d’August. Terrence termina son verre d’une traite. Le propriétaire de la rhumerie s’en empara et le déposa à la table derrière, avec les autres. « J’crois que ce sera assez pour ce soir. » Avait-il lâché en se retournant de nouveau vers Terrence.
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Sujet: Re: we visit a life we both left behind (terrence)