ce qui se passe à vegas, reste à vegas ~ aleja

Elle lui retourne son compliment, et ça fait sourire Alfie qui se contente de hausser les épaules. La chemise, le noeud papillon, ce n'est pas vraiment ce qu'il a l'habitude de porter. C'est bien plus serrant qu'un jean et un t-shirt, et étrangement bien plus salissant aussi. Il en a d'ailleurs fait l'expérience à l'anniversaire de Lily, où il s'est retrouvé avec une foutue tâche de bière sur une de ses seules chemises habillées qui refusait de s'effacer. Le taxi s'arrête, et ils descendent tout les deux. Alfie paie le chauffeur avant de rejoindre Freja qui s'avance déjà en direction du casino. Dans sa vie, il n'est rentré qu'une seule fois dans un endroit pareil, avec Jackson. Ils n'ont pas vraiment joué ce soir là, du moins pas aux jeux d'argent. Freja lui fait quelques propositions, et il en choisit une au pif. « La roulette tiens, je me suis toujours demandé comment ce truc marchait. » Il se dirige vers une des tables et, au passage, croise un serveur portant plusieurs verres remplis. Discrètement, Alfie prend deux verres avant de se tourner vers Freja. « T'as le choix, bleu ou rouge ? » Il ne sait pas vraiment de quoi sont composés ces deux cocktails, mais au moins les couleurs sont sympas. Quand il voit tous ses joueurs pros à qui ils vont bientôt avoir à faire, Alfie se dit qu'un petit verre d'encouragement ne serait pas de trop.

Après qu'elle aie choisi son cocktail, Alfie lui tend sa boisson et boit une gorgée du liquide bleu qui remplit son verre. C'est sucré, mais pas spécialement mauvais. Il la suit jusqu'à la table où se joue le jeu et sourit quand elle lui dit de bien se concentrer. « Je t'écoute, » dit-il en hochant la tête. Les règles de ce genre de jeu ont toujours eu l'air si compliquées, et ça l'étonne de voir que Freja semble en connaître un rayon dans ce domaine. Il boit ses paroles, tentant d'assimiler chaque détail du mieux qu'il le peut. Effectivement, les règles sont loin d'être simples. Malgré ça, il pense avoir réussi à vaguement comprendre comme fonctionne le jeu (plus ou moins) et prend place à coté d'elle. « D'accord, laisse moi réfléchir à une tactique. » Au fond, Alfie espère qu'il va avoir droit à cette fameuse chance du débutant. Perdre au premier jeu le décevrait un peu, et il a bien envie d'impressionner Freja en jouant les joueurs professionnels alors qu'il n'a jamais touché à un jeton de casino de sa vie. « On va y aller en douceur et commencer par un chiffe. » L'homme qui s'occupe du jeu regarde Alfie, attendant sa proposition. Le brun lève les yeux vers Freja. « C'est quoi le jour de ton anniversaire ? » Car si une personne peut lui porter chance, c'est bien elle.

D'une traite, Alfie finit son verre et le pose sur le côté. Il devrait peut-être ralentir sur l'alcool, surtout si il commence à parier de l'argent, mais c'est plus fort que lui. Non pas qu'il aie déjà eu un problème avec la boisson, mais il a toujours apprécié cette chaleur dans sa gorge et l'effet que lui procure ces quelques verres lors des soirées. Après que Freja lui ai donné le jour de son anniversaire il mise le 24 et suit le jeu du regard tout en écoutant sa question. « Le 15, » répond-il vite fait, les bras croisés contre son torse. C'est la première fois qu'il joue, la première fois qu'il ressent cette excitation de pouvoir tout perdre ou tout gagner en une soirée. Le jeu commence, les différents participants misent, de l'argent évidemment. Plus ça avance, et plus les mises sont élevées. Alfie voit même une bague passer dans le tas, et il se surprend à penser que les gens sont parfois vraiment inconscients alors que lui n'est clairement pas un exemple. Alors qu'il perd de petites sommes, prêt à abandonner et à changer de jeu, l'homme chargé de contrôler le jeu annonce ses numéros. « ¡ Viva ! » s'exclame-t-il en retrouvant sa langue d'origine, comme souvent lorsqu'il est surprit, positivement comme négativement. Alfie ramasse son butin, un joli petit paquet de jetons ainsi qu'une bague qui doit coûter bien cher. Il fourre tout dans la poche de son jean et se tourne vers Freja avant de passer son bras autour de ses hanches et l'emmener sur le balcon, à l'abris du chahut. « Ça donne chaud d'être un gagnant, » lâche-t-il en souriant, fier de lui. Dehors, de petites lumières sont allumées sur la rambarde en pierre du balcon. Certaines personnes discutent entre elles, mais beaucoup moins que toutes celles présentes à l'intérieur. Alfie sort la bague de sa poche et la contemple sous tous les angles. « Certains sont vraiment prêts à parier de sacrées sommes, cette chose doit être encore plus chère que mon appartement. » Il pose ensuite son regard sur Freja avant de prendre sa main et de glisser l'anneau à son doigt. « Je crois que ça t'ira beaucoup mieux qu'à moi. » Il la lâche après quelques secondes, avec toujours ce même sourire heureux accrochés aux lèvres. L'alcool lui rougit les joues, mais il est encore assez conscient pour réussir à tenir droit et peut-être même s'enfiler encore un ou deux verres.

Lui qui est d'habitude bien trop modeste, il ne peut s'empêcher de montrer sa joie d'avoir gagné au jeu de la roulette alors que c'était une première pour lui. Certainement la chance du débutant comme on dit. Il avait bien remarqué que la bague qu'il avait gagnée faisait de l'oeil à Freja, et c'était évidemment pour cette raison qu'il la lui avait tout simplement offerte. Si elle ne s'y intéressait pas, il l'aurait gardée pour sa petite soeur si jamais il se décidait enfin à retourner en Espagne un jour, ou bien il l'aurait tout simplement gardée dans une boîte jusqu'à la fin du temps. Alfie n'avait pas pour plan de se faire de l'argent dessus, il n'est pas assez matérialiste pour qu'une idée pareille traverse son esprit. « Oui je suis sûr, » se contente-t-il de répondre en regardant en direction du ciel. Il a à peine le temps de contempler la vue qu'ils ont sur Vegas pendant quelques secondes qu'une remarque de Freja étire ses lèvres en un grand sourire. « Je pensais que c'était pour cette raison que tu m'avais invité à Vegas, » glisse-t-il avec un regard en coin dans sa direction. Alfie s'appuie contre la rambarde pour lui faire face. Au-dessus d'eux, la lune illumine la moitié du visage de Freja. « Mais t'as raison, ça doit être toi qui dois me porter chance. J'ai jamais été un grand veinard, je pense que dans ma vie j'ai plus perdu que je n'ai parié. Pas au casino je veux dire, mais genre dans les pokers, les paris, toutes ces bêtises. » Il marque une pause, regarde autour de lui les autres personnes retourner lentement vers l'intérieur du casino. Peut-être qu'ils devraient faire pareil, ils n'ont pas fait tout ce trajet pour se retrouver sur ce balcon après tout. Même si, au final, ça ne le dérange pas plus que ça d'être à cet endroit précis avec Freja. « Tu dois être quelqu'un d'assez extraordinaire pour réussir à sauver un condamné. »

Vegas a longtemps effleuré l'esprit d'Alfie, et ça même après qu'il n'aie décidé de s'installer à Bowen pour de bon. Il n'y avait pas que l'argent qui l'avait empêché de se rendre dans cette ville pourtant si convoitée à l'époque, mais aussi un autre détail auquel il n'a lui-même jamais été réellement conscient : la solitude. Car même si il affirme sans arrêt le contraire, Alfie en a eu marre de voyager seul. Ne pas partager ses découvertes avec quelqu'un, être obligé de garder toutes ces merveilles pour lui seul. Sauf qu'aujourd'hui, le voilà dans le casino le plus réputé de Las Vegas. Après tout, qui d'autre aurait pu être une meilleure compagne de voyage que Freja ? Cette fille qu'il connait sans trop connaître, celle qui le fait rire, et qu'il aime faire sourire parce qu'elle dégage ce petit quelque chose qui suffit à lui vider la tête. Alfie serait-il petit à petit en train de s'attacher, pour une fois dans sa vie ? « Je ne sais pas si j'aurais pu supporter un refus de ta part, » se justifie-t-il en réponse à sa remarque plutôt cohérente. Il a toujours considéré les mariages à Vegas comme une sorte de jeu, rien à voir avec la réalité trop pleine de compromis qu'est le vrai mariage. Suite à sa question, il hausse les épaules. « C'est déjà arrivé, mais je ne me qualifierai pas de vrai joueur. » Oui, Alfie a déjà joué au poker, peut-être une fois ou deux. Il a perdu de petites sommes ces jours-là, mais c'était plus pour passer du bon temps avec quelques potes de l'époque qu'une réelle partie avec des professionnels. Il remarque alors l'expression perplexe de Freja, et se retient de rire en la voyant se prendre la tête pour si peu. « C'est une métaphore, » souffle-t-il entre les deux paroles de son amie. Lui qui n'a pas pour habitude de parler en énigme, il a pourtant été un peu trop fier de sa réplique semblable à celle d'un film. Ce doit être sa victoire qui lui monte à la tête, ça et les quelques verres qu'ils se sont enfilés. Son sourire s'efface petit à petit face aux révélations de Freja. Pendant un instant, il est tenté de lui demander de quoi elle parle. Elle n'est jamais allée dans les confidences avec Alfie, et il ne voit pas comment elle, personne qui arrive à se démarquer des autres aux yeux du garçon -chose rare-, pourrait avoir fait plus de conneries que lui. Sauf qu'il chasse rapidement ces questionnements de son esprit. « Tu sais quoi ? On s'en fiche ! Tu pourrais être une braqueuse en série ou une meurtrière en cavale que je n'en aurais sérieusement rien à faire. Ce voyage a pas seulement pour but de claquer tout notre argent en porte-clés en forme d'Elvis, mais il sert aussi à te faire oublier ce à quoi t'as plus nécessairement envie de penser. » Alfie s'approche d'elle de quelques pas. Il fait glisser ses doigts sous le menton de Freja, la forçant ainsi à le regarder. « Et ce serait un honneur pour moi d'être ton effaceur de mémoire pour quelques jours. »

Il ne le remarque que maintenant, mais Alfie a l'impression que ce début de voyage rien qu'à deux a suffi pour changer de manière subtile la relation qu'ils entretiennent, Freja et lui. Eux qui ont toujours été fort taquins l'un envers l'autre, à se chercher en se lançant pique sur pique, on dirait maintenant deux ados en train d'essayer d'avoir le dernier mot sur "qui fera le plus sourire l'autre". Ce n'est qu'un jeu après tout, des phrases lâchées dans le vent qui seront rapidement oubliées le jour suivant. Mais sur le moment-même, ça ne le dérange pas. Ça lui fait même presque plaisir, parce que c'est le genre de conversation sans prise de tête qu'il a toujours eue avec elle. À son compliment, il sourit et lève les yeux au ciel en secouant les épaules comme le font toutes ces personnes fières de leur physique avant d'à nouveau poser ses yeux noisettes sur le joli visage de Freja. « T'es pas mal non plus, » ajoute-t-il avec un sourire en coin. En réalité, il la trouve vraiment, vraiment jolie. Il apprécie ses cheveux, ses yeux, mais cette relation de chien et chat qu'ils ont toujours entretenue jusqu'à ce voyage le faisait fermer les yeux sur ce genre de détails. Puis il parle, plus qu'il ne l'a jamais fait. Alfie se lance dans ce discours ridicule qui la fait sourire pendant que ses doigts entourent son menton. Il remarque ses yeux qui jonglent entre les différentes parties de son visage, et ça le fait sourire lui aussi. Le surnom qu'elle lui donne l'amuse, puis il la laisse poser sa tête contre son épaule pour profiter l'espace d'un instant de la merveilleuse vue qu'ils ont de là-haut. Après plusieurs minutes, Alfie se tourne vers Freja et désigne l'intérieur d'un geste de la tête. « On devrait peut-être y retourner avant qu'on ne se retrouve coincés dehors. » Dans le casino, l'ambiance semble être à son apogée. Les gens jouent, boivent, parlent fort, il n'y a que sur ce balcon qu'il y a la possibilité d'être au calme. Alfie laisse Freja passer devant lui puis, comme si son corps avait soudainement décidé d'agir en solo, sa main attrape celle de la jolie blonde. « Il y a juste une chose que je voudrais faire avant. » Il tire Freja vers lui et lâche sa main pour entourer de ses doigts son visage. Toujours sans réfléchir, il diminue l'espace qu'il y a entre leurs deux visages jusqu'à le réduire à néant lorsque leurs lèvres rentrent en contact. Il l'embrasse, doucement, puis s'écarte de quelques centimètres pour la regarder dans les yeux. « Maintenant on peut y aller. »

Alfie ne sait pas pourquoi il a fait ça. Peut-être l'euphorie du voyage, ou une pulsion soudaine créée par l'ambiance Vegas qui lui a fait faire ce geste que peut-être il regrettera plus tard. Sauf que là, sur le moment même, il ne perd pas son temps à se préoccuper de si ce baiser est bien ou non. Il en a eu l'envie, et les regards que lui lançaient Freja n'ont fait qu'intensifier celle-ci. Ce qu'elle dit le fait sourire, et il quitte des yeux son regard envoûtant pour se concentrer sur l'intérieur du casino. Il ne répond rien et se contente de garder en mémoire l'invitation. Le problème, c'est que maitenant, Alfie a envie de plus. Il se réjouit que les jeux se terminent, ou que Freja se lasse de toutes ces machines pour qu'ils puissent se retrouver tous les deux. C'est stupide tout ce qu'un simple baiser peut engendrer, et Alfie en est bien conscient. Il se contente donc de la laisser l'emmener dans la pièce en lui tirant la main et prend ensuite le verre qu'elle lui tend. « Pourquoi pas ? Je te laisse l'honneur d'être la possible gagnante cette fois-ci, » dit-il avec un sourire au coin des lèvres. Alfie se dirige vers ces fameuses machines à sous, buvant une gorgée de son verre sur le chemin, et attend que Freja ne le rejoigne. Il lui laisse l'emprise totale sur l'objet et regarde la bague qu'il lui a plus ou moins offerte briller à son doigt. C'est un beau bijou, et il va parfaitement à sa nouvelle propriétaire. « J'espère que je suis aussi capable que toi de porter de chance. » Alfie lève à nouveau les yeux vers le visage de Freja, vers ses yeux, ses joues rosées, ses lèvres. Il se ressaisit rapidement et passe une main dans ses cheveux en regardant en direction de la machine. Lui qui a toujours eu l'habitude de contrôler n'importe quelle situation, il a petit à petit l'impression qu'il en est train de perdre le contrôle de lui même. Sans y réfléchir plus longtemps, Alfie met ça sur le compte de la fatigue et de l'alcool avant de s'appuyer contre la machine à sous.

Appuyé sur la machine, il suit du regard les gestes de Freja. Il la regarde s'installer, entourer le manche de la machine de ses fins doigts. Lui qui ne s'était encore jamais familiarisé avec l'ambiance d'un casino, il a fini par rapidement s'y plaire. Alfie a toujours été un grand joueur, surtout lorsqu'il a la possibilité de gagner. Lui a été chanceux au jeu précédent, et il espère qu'elle le sera tout autant car il n'a pas envie de la voir démoralisée. Il sait qu'il arriverait à relativiser la situation en cas d'échec, mais il préférerait les imaginer sortir tous les deux victorieux plutôt que seulement lui. Alors qu'il ne s'y attend pas, Freja propose un enjeu à Alfie qui attise immédiatement la curiosité de ce dernier. Lui qui adore ce genre de pari, il ne peut qu'hocher la tête face à sa proposition. « Que je veux ? Tu m'intéresses là. » Il sourit à son tour, et commence déjà à faire marcher son petit cerveau à la recherche d'un gage qu'il pourrait lui trouver. Alfie se dit qu'il restera raisonnable, et qu'il lui laissera évidemment une marche de liberté, mais il aime l'idée de pouvoir gagner un petit quelque chose en échange de sa victoire à elle. Il suit le jeu avec attention, sourit en voyant son visage s'illuminer quand quelques pièces tombent de la machine. Ce n'est ensuite plus un simple rictus qui étire ses lèvres quand Alfie voit le jackpot tomber, mais un expression de surprise mélangée à une vague de soulagement. Ce soir, elle et lui auront été le roi et la reine de la soirée. Il profite de leur proximité avec le guichet pour échanger rapidement ses jetons en argent, et arrive à amasser une jolie petite somme de 335 dollars. Une fois l'argent dans sa poche, Alfie retourne près de Freja qui l'interroge sur son pari. Il a finalement réussi à trouver quelque chose qui lui semble convenable à force d'y réfléchir pendant qu'elle jouait, et il ne peut s'empêcher de sourire pendant qu'il lui ouvre la porte d'entrée du bâtiment. « Ton défi, si tu l'acceptes, sera de réussir à faire quelque chose qui me surprendra. Ça peut être tout ce que tu veux, mais ta date d'échéance est cette nuit. » Un sourire malicieux étire ses lèvres, et il regarde Freja du coin de l'oeil avant d'appeler le taxi vide qui entre justement dans la rue. Le véhicule s'arrête, et il la laisse rentrer avant de prendre place et de fermer la portière derrière lui.