Hangover (alex)

Quand tu es dans cet état, Cassandre, il n’est pas possible que tu rentres chez toi. Peu importe le taux d’alcool dans ton sang, tu sais parfaitement que jamais au grand jamais Hermès ne doit te voir dans cet état, même si sûrement qu’il s’en doute. Après tout, vous autres, jumeaux, êtes comme connecté. Alors, forcément, savoir et sentir que ton jumeau va mal t’affecte, toi aussi. Avec en plus de cela la présence de Jamie qui te perturbe et le fait que tu sois perdue dans tes sentiments, tout ce qui t’entoure semble comme destiné à te perturber davantage encore voire même prévu pour te faire du mal. Toi, tu ne sais plus quoi faire, tu tournes en rond, encore et toujours, ne sachant ni comment agir ni comment réagir, assez tristement pour toi. Alors, quand tu es saoule comme ça, il n’y a que deux solutions ; soit tu vas pleurer devant chez Jamie, ce qui semble être une particulièrement mauvaise idée, soit tu vas chez Nev. C’est cette seconde option que tu choisis, d’ailleurs. Parce que tu sais ce que tu fais, parce que tu te sais à ta place chez ta meilleure amie, et parce qu’elle sait chacun de tes soucis. Les pas chancelants, hésitants te mènent au bout d’un certain temps, à force de t’asseoir pour retrouver l’équilibre et de marcher, devant un immeuble. Ayant un pass grâce à ta meilleure amie, tu entres, espérant qu’elle ne dort pas. Tu n’avais cependant pas prévu d’être tellement fatiguée après avoir monté des marches que tu maudissais les unes après les autres, alors il est bien évident que tu ne pouvais pas avoir pressenti cette fatigue qui a bien rapidement commencé à s’installer. Ne sachant pas quoi faire, tu t’es assise contre la porte. Nev n’est pas là, tu es seule. Seule et abandonnée. Tu ne sais plus quoi faire, et tu commences à pleurer, sans raison apparente, repliant les genoux contre ta poitrine et pleurant, visage caché.

Elle avait quitté la maison familiale alors que la nuit était déjà tombée, presque soulagée de retrouver son immeuble. Cela faisait trois jours qu'elle n'avait pas quitté son père, passant un long week-end de randonnée avec lui. Comme avant, un truc de père et fille, une sorte de tradition qu'ils avaient instauré quinze ans plus tôt. Elle resserra son foulard autour de son cou et regagna son quartier après une dernière balade éprouvante dans les rues de Bowen. Elle avait hâte de prendre un bain et de se glisser dans son lit avec un pot de glace. Devant la porte de l'immeuble, elle resta un instant immobile, essayant de se souvenir du code de la porte. Elle finit par se décider à entrer lorsque de l'autre côté de la rue, un voisin sortit de sa voiture en un claquement de porte qui la fit sursauter. Elle s'engouffra dans l'ascenseur, un peu irritée qu'il n'aille pas plus vite, tenant dans ses mains le courrier reçu dans sa boîte aux lettres pendant son absence. L'immeuble était endormi, silencieux, il n'y avait personne dans les couloirs jusqu'à ce qu'elle arrive à son étage. Même les voisins agaçants du cinquième étage étaient absents et elle nota le soulagement de ne plus entendre leur radio allumée. Elle ne mit pas longtemps à sortir de l'ascenseur et trouver l'interrupteur pour éclairer son couloir, trouvant alors sur son palier une fille assise devant la porte de Nevaeh. En s'approchant, elle devina facilement que la jeune femme pleurait, complètement dévastée, recroquevillée contre la porte, les jambes ramenées contre sa poitrine. Inquiète à l'idée que quelqu'un lui ait fait du mal, Alex s'approcha timidement, après s'être assurée que personne n'allait surgir dans son dos pour lui faire peur. « Hey. Est-ce que ça va ? » S'abaissant un peu, assez pour que son visage soit à la même hauteur que celui de la jeune femme, Alex se tenait qu'à quelques centimètres et s'efforça de prendre une voix calme pour la rassurer. Elle priait intérieurement pour que cette inconnue ne soit pas une ancienne amie qu'elle aurait oublié avec son amnésie. « Tu viens voir Nevaeh ? Je suis Alex, sa voisine. »

Rentrer chez toi ? ce n’est pas une option, il n’est pas question que ton frère te voit dans cet état, jamais au grand jamais. Tu ne peux pas te montrer faible face à ton jumeau, parce que ce serait avouer que tu as besoin de lui alors que tu essaies justement de devenir indépendante ou tout du moins de passer pour une adulte plus que tu ne l’as jamais été. Alors, tu as réfléchi, Cassie. Dans ton esprit de fille saoule, une seule option s’ouvrait à toi : Nevaeh ne vit pas très loin et tu sais bien qu’elle ne te jugera pas, qu’elle te laissera sûrement dormir sur son canapé comme tu en as envie, et ne te demander des explications sur ton état que le lendemain. Alors, pour toutes ces raisons, tu fais le choix plus qu’évident d’aller jusqu’à chez elle. Tu entres au moment où d’autres personnes entraient, et vas devant la porte de Nevaeh. Seulement, tu n’as pas le courage de rester là, tu en es incapable, tu te tiens devant cette porte et tu n’as pas le culot de sonner. Alors tu te mets par terre, replies tes jambes contre ta poitrine, et tu pleures. Tu pleures à ton amour perdu, tu pleures à l’alcool, tu pleures à ta solitude. « Hey. Est-ce que ça va ? » Tu la regardes, cette inconnue, en sanglotant. Tu te sens si idiote, si futile. Et tu ne peux que hocher la tête, la regardant de tes grands yeux larmoyants. « Tu viens voir Nevaeh ? Je suis Alex, sa voisine. » Tu la regardes et renifles de manière bien peu élégante. « Ouais mais elle est pas là… Et non ça va pas, rien va jamais. » Tu affirmes en la regardant, essayant de te lever. « J’vais dormir là je crois, ça pose pas de problème ? » Tu demandes en ayant l’impression de parler avec une voix claire qui ne l’est en vérité pas du tout.

Le confort de son appartement lui avait manqué même si elle avait aimé dormir sous une tente pendant trois nuits. S'éloigner de la ville le temps de quelques heures lui avait offert l'occasion de ne plus penser à son amnésie. Là, dans la forêt, au milieu des arbres, personne n'avait été là pour lui demander si ses souvenirs lui étaient revenus, personne ne la forçait et personne ne la regardait avec pitié. Elle rentrait à son immeuble avec le cœur plus léger, plus reposé aussi. Jusqu'à ce qu'elle trouve une fille recroquevillée contre la porte de sa voisine, le visage ravagé par les larmes. Ça lui faisait du mal de penser que quelqu'un ait pu la blesser. Peu importe qu'elles ne se connaissent pas, peu importe que toute cette situation semble étrange. « Ouais mais elle est pas là… Et non ça va pas, rien va jamais. » Alexandra farfouillait dans une poche de son gros sac de randonnée pour y trouver un paquet de mouchoir, en sortir un et le donner à l'inconnue au moment où elle essayait de se lever sans y parvenir. « J’vais dormir là je crois, ça pose pas de problème ? » Elle passa délicatement son bras autour de sa taille pour l'aider à se mettre debout. Elle n'avait aucune intention de laisser cette fille dehors alors qu'elle semblait au plus mal. Depuis toujours, on le lui avait souvent reproché. Sa manie, cette passion de vouloir aider tout le monde. Mais son cœur trop grand était incapable d'abandonner les gens. « Je pense pas que ça soit une bonne idée. » Selon Alex, c'était même la plus mauvaise idée. Ses voisins du dessus étaient assez étranges et elle n'aimait pas l'idée qu'ils puissent découvrir une fille dans les couloirs de l'immeuble. « Tu peux dormir chez moi ce soir si tu veux, j'ai une chambre de libre. Et tu repartiras quand tu voudras. Deal ? » C'était sa manière de lui montrer qu'elle serait libre de partir à n'importe quel moment, tant qu'elle ne décidait plus de dormir sur le paillasson de Nevaeh. Elle sortit ses clés pour ouvrir la porte de son appartement, alluma rapidement la lumière du couloir et adressa un sourire encourageant à la fille. Son bras était toujours autour de sa taille pour l'aider à tenir débout sans qu'elle ne s'écroule sur le sol. « Tu t'appelles comment toi ? »

L’alcool te fait te considérer comme une loque, Cassandre, à n’en pas douter. Oui, tu te sens mal, ce n’est pas prêt de changer. Tu te détestes, tu détestes Jamie, et tu aurais peut être même envie d’en finir, si tu étais sur une falaise, juste pour te sentir vivre, pour sentir cette adrénaline qui coule dans tes veines. Mais voilà, la voix de la raison, celle qui est encore là bien que tu essaies de l’enfouir, cette voix, elle t’a poussée à rentrer chez ta meilleure amie, devant chez elle du moins. Alors tu es là, et tu ne sais pas quoi faire, tu ne sais plus quoi faire, à présent. Tu es blottie sur ce paillasson, tel un déchet, telle l’horreur que tu as l’impression d’être. Puis une femme vient, te parle, et toi, tu la regardes, toujours aussi mal dans ta peau. « Je pense pas que ça soit une bonne idée. » Tu la regardes. Elle te maintient et toi tu n’es qu’une épave, tu ne sais pas pourquoi elle est là pour toi alors que personne ne l’est en cet instant précis.  « Tu peux dormir chez moi ce soir si tu veux, j'ai une chambre de libre. Et tu repartiras quand tu voudras. Deal ? » Tu hoches faiblement la tête, saoule que tu es. De toute façon, tu n’as pas la force de la contredire, cette inconnue que tu n’avais jusqu’à présent jamais vue. Difficilement, tu la suis, tu entres, bénissant mentalement cette femme de ne pas te donner le choix, de te soutenir alors que tu pourrais t’écraser au sol comme la loque que tu es présentement. « Deal. » Tu dis quand tu es finalement entrée, la regardant. « Tu t'appelles comment toi ? » Tu la regardes. Ton nom. Vestige d’une personne que tu n’es plus, trop snob pour toi. Et pourtant, il est bien là, et tu n’y peux rien. « Cassandre. J’m’appelle Cassandre. » Tu dis avec une moue contrariée. « Pourquoi vous êtes gentille ? Ca se trouve je vais être malade, j’ai pas envie de gâcher votre nuit ! » Tu dis avec toujours cette moue contrariée. Dès que tu vois un endroit où tu peux t’asseoir ; tu y vas. Assise, ça tangue moins. « Vous auriez un mouchoir ? S'il vous plaît? » Tu demandes avec une moue honteuse.

Elle disait s'appeler Cassandre, cependant les traits de son visage s'étirèrent en un air déçu. Elle ne devait pas beaucoup aimer son prénom. Alexandra ne savait pas trop quoi en penser mais offrir un toit et un bon lit pour la nuit lui semblait être une bonne idée. Encore une fois elle agissait sans réfléchir, sans penser aux conséquences. Elle se doutait bien que les probabilités que cette inconnue soit dangereuse étaient faibles, mais il aurait été normal, dans la nature humaine d'être méfiante, de douter un peu. Elle passa un bras autour de sa taille pour l'accompagner et l'aider à marcher droit jusqu'au salon, jusqu'au canapé pour la laisser s'y assoir. « Pourquoi vous êtes gentille ? Ca se trouve je vais être malade, j’ai pas envie de gâcher votre nuit ! » Pour Alex, ça avait été naturel de l'aider, elle n'y avait pas réfléchi. Il n'y avait aucun but, seulement le désir de soutenir Cassandre et lui redonner le sourire. Elle pouvait sauver une vie alors elle agissait dans cet unique objectif. Elle releva les épaules prenant un mouchoir dans son sac pour le tendre à la jeune femme. « Qui a dit que j'étais gentille ? Peut-être que je suis recherchée par la police. » Elle ricanait, le regard rieur avant de prendre deux boîtes posées sur la table pour les poser plus loin dans le salon. Son appartement était en chantier, il y avait des cartons partout. « Désolée, rien n'est rangé, je fais des travaux. » s'excusa-t-elle avant de se retourner vers Cassandre, assise sur son canapé. « Et je plaisantais, hein. Personne me recherche. Je voulais pas vous laisser à la rue, ça n'a pas l'air d'aller. Si vous avez besoin de quelque chose, vous pouvez me demander. » Elle lui offrit un sourire rassurant. Alexandra n'avait pas de mot pour expliquer son geste, venir en aide à quelqu'un, c'était normal à ses yeux. Elle fit quelques pas pour atteindre sa cuisine, ouvrit un placard pour en prendre un verre et le remplir d'eau froide. Elle jetait parfois des regards timides vers Cassandre pour s'assurer qu'elle ne s'évanouisse pas et revint rapidement jusqu'au salon pour lui tendre le verre. « Prenez, vous devriez boire un peu d'eau. » Inquiète, un sourire timide sur les lèvres, elle passa une main sur sa nuque, hésitant à lui demander ce qui s'était passé pour qu'elle finisse dans cet état. Ivre, jusqu'au point de s'être effondrée sur un paillasson. Ce n'était pas une soirée très glorieuse. « Vous voulez me raconter ce qui ne va pas ? »

La honte. Le désespoir, aussi. Tu es bien trop alcoolisée, tu ne veux surtout pas que Hermès te voie comme ça, tu as bien trop honte d’être saoule, d’être là, assise sur ce palier. Et puis, il y a cette femme. Cette femme, tu ne la connais pas, tu ne l’as jamais vue, et pourtant elle veut t’aider et tu en es bien consciente. Tu es chanceuse d’être tombée sur cette femme, même si elle est une parfaite inconnue, et elle va pouvoir t’aider, enfin, tu ne vas pas dormir sur le palier de Nevaeh parce que ta meilleure amie n’est pas là. Tu entres avec cette Alex que tu viens de rencontrer, t’asseyant presque immédiatement parce que dès que tu es entrée, la tête a commencé à te tourner à cause de l’alcool. « Qui a dit que j'étais gentille ? Peut-être que je suis recherchée par la police. » Tu ris et lèves les yeux au ciel, Cassandre. Tu as bien du mal à imaginer que cette femme, tant elle est gentille, puisse potentiellement être recherchée par la police alors qu’elle te laisse entrer chez elle parce qu’elle s’inquiète de toi et de ton taux d’alcoolémie. « Désolée, rien n'est rangé, je fais des travaux. Et je plaisantais, hein. Personne me recherche. Je voulais pas vous laisser à la rue, ça n'a pas l'air d'aller. Si vous avez besoin de quelque chose, vous pouvez me demander. » Tu hausses les épaules, pas le moins du monde gênée par le désordre environnant ; tu t’estimes bien assez chanceuse d’être recueillie ici, dans cet appartement, sans être apeurée en dehors d’être sur le palier de cet immeuble. Soudain, tu vois un verre apparaître devant toi, verre que tu prends spontanément sans même que la blonde ne t’aies parlé. « Prenez, vous devriez boire un peu d'eau. » Tu hoches la tête en lui adressant un sourire timide et bois timidement ce verre d’eau qu’est le tiens maintenant, ayant bien du mal à assimiler toute cette eau que tu as bue. « Vous voulez me raconter ce qui ne va pas ? » Lui raconter ? Tu as besoin de parler, Cassandre, c’est bien vrai. « Je… J’ai rompu avec mon copain. Enfin, ex. Et il me manque, mais je peux pas retourner avec, il s’est retrouvé quelqu’un. J’suis seule. » Tu affirmes en fronçant le nez, agacée. « Il me manque, j’en peux plus, j’me sens nulle, il a même pas besoin de moi. » Tu affirmes en reniflant tristement « Je peux avoir un autre verre d’eau s’il te plaît ? » Tu demandes timidement en tendant ton verre.