look you straight in the eyes (jayson)

Les mois de septembre et d’octobre avaient certainement été une période haute en rebondissements pour Nelligan. Maintenant qu’il était sorti de l’hôpital et qu’il reprenait peu à peu des forces, il pouvait s’arrêter et prendre le temps de faire le bilan sur tout ce qui s’était passé. D’abord, il avait quitté Juliet dans l’espoir d’enfin vivre l’histoire d’amour après laquelle Lily-Anaëlle et lui avaient tellement attendue. Malheureusement, son empressement à retrouver ses bras et ses lèvres fut puni par le séisme qui survint à Bowen et détruisit une bonne partie de la ville. Lui-même y comprit. Et sa sœur. Nelligan avait eu cette « chance » de ne rester que deux semaines dans un coma profond, duquel il ressortit avec quelques séquelles seulement. Sa sœur, elle, était décédée sous les décombres. Nelligan s’était réveillé depuis trois semaines déjà et, pourtant, la douleur n'était que plus vive à chaque matin où il se réveillait avec le besoin d’appeler Lexi, sa petite sœur, pour prendre de ses nouvelles. Mais de ses nouvelles, il n’en aurait plus jamais. Le morceau était difficile à passer, avec tout ce qui s’était passé. Heureusement que dans toute cette noirceur, il lui restait quelques lumières qui brillaient pour le guider sur son chemin. Évidemment, il y avait la demande en mariage que Lily-Anaëlle lui avait faite à l’hôpital, à son réveil. Il espérait qu’elle n’ait pas agit sous l’impulsion, qu’elle ne changerait pas d’idée, parce que lui ne le ferait pas. Son « oui » était tout aussi soudain que sa demain, et pourtant chaque jour qui passait ne faisait que confirmer sa décision. Il l’aimait de tout son cœur. Puis, il y avait eu le retour d’Annaëlle à Bowen, cette amie d’enfance qui avait toujours complété le trio de mousquetaires qu’ils formaient avec Jayson. Certes, contrairement à bien des gens de leur entourage, Nelligan avait gardé contact avec elle. Ils s’échangeaient des courriels, de rares coups de téléphone, se tenaient au courant de leur vie. Nelligan avait gardé son secret, pendant ces onze longues années, au détriment de sa relation avec Jayson. Il n’en avait aucune idée, lui, mais Nelligan savait qu’il détruisait silencieusement le lien de confiance qui s’était si bien tissé entre eux. Et il croyait que jamais ça ne se saurait, mais avec le retour d’Annaëlle, Nelligan craignait que tout explose. Ainsi, même s’il était ravi de retrouver sa grande amie, il avait aussi une peur bleue d’en perdre un autre par le fait même. C’est pourquoi, depuis sa sortie de l’hôpital, Nelligan avait évité le plus possible Jayson, de peur d’être confronté à sa rage, son incompréhension et sa déception. Il avait trop vécu pour subir une autre perte. Pourtant, ce matin, alors que le jeune homme se remettait doucement en forme en raison de son hospitalisation, il tomba face à face avec Jayson, qui faisait son jogging matinal au même endroit que lui. Leurs regards se croisèrent, et Nelligan ne put l’ignorer plus longtemps. « Hé ! Jay ! Salut ! » Lui dit-il alors que son ami arrêtait son entraînement pour le rejoindre. Il n’avait aucune idée de ce qui s’était passé entre Annaëlle et lui depuis le retour de celle-ci. Il ne savait pas s’il devait mentalement se préparer à recevoir sa hargne, ou s’il devait continuer de prétendre que tout allait bien.

Ces dernières semaines avaient aussi été des plus éreintantes pour Jayson. Déjà le séisme auquel il avait dû faire face. Lui et sa famille avaient eu beaucoup de chance car ils n'avaient eu aucune séquelles physiques mais une partie de sa maison d'enfance avait été détruite par le séisme et il avait passé ses nombreuses heures de temps libre à réparer ce qu'il pouvait, seul car son père étant trop faible pour l'aider. Quant au travail, cela avait aussi été une période chargée avec beaucoup de situations de crises à gérer, comme si avec le séisme, tous ces habitants avaient eux même été secoués et agissaient beaucoup moins raisonnablement. Mais le pire - ou le meilleur dans tout ça, il ne savait plus - avait été le moment le plus marquant de ces derniers jours. Mais contrairement à toutes les retrouvailles qu'il avait pu s'imaginer, il avait été confronté à une énorme désillusion. Déjà qu'elle débarquait du jour au lendemain dans sa vie, il avait fallu rajouter le fait qu'elle s’immisce pleinement dans son quotidien, au travail en tant que coéquipière. Et pour le moment, il ne faisait que la fuir et l'éviter un maximum. Et l'ambiance était électrique. Parce qu'elle n'avait pas réussi à lui apporter une réponse concluante concernant la raison de son départ. Et il ne comprenait pas ce qu'elle pouvait bien lui cacher. Parce qu'il sentait qu'elle lui cachait quelque chose. Malgré les années il y avait toujours une once de complicité entre les deux qui ne demandaient qu'à s'exprimer. Sauf qu'il ne se l'autorisait pas, pas tant qu'il n'avait pas comprit. Parce qu'il avait cru que cette blessure était refermée, Nelligan l'avait bien aidé à ça, mais le retour d'Annaëlle à Bowen avait tout réouvert et cette plaie était à nouveau à vif. Alors dès qu'il sortait du boulot, il avait besoin de se défouler. Et rien de mieux que le sport. Surtout le jogging. Parce qu'ainsi il ne pensait à rien, il se vidait la tête en se concentrant seulement sur le rythme de la musique. Tellement concentré qu'il faillit ne pas s'arrêter en croisant par hasard Nelligan. Il retira ses écouteurs et salua celui-ci. « Nell ! Ca y est tu es sorti de l'hopital ? » A vrai dire il s'en voulait un peu. Parce qu'il n'avait pas repris récemment de ses nouvelles. Il était passé à l'hopital juste après le séisme et avait suivit le réveil du coma de son ami mais avec la rénovation de la maison et ces récents problèmes il n'avait pas pris le temps de l'appeler. Cependant, il était vraiment heureux de le voir. « Je t'aurais bien pris dans mes bras pour vérifier que t'es bien entier mais je suis un peu transpirant. »

Prétendre que tout allait bien, faut croire. Parce que Jayson s’était approché de lui, tout sourire, retirant ses écouteurs, prêt à l’écouter, à lui parler. De façon civilisée, sans se jeter à son cou. Nelligan sourit à son tour, alors, à la fois soulagé de voir que le retour d’Annaëlle ne le mettrait pas forcément dans une situation délicate et qui pourrait lui coûter un ami, mais il se sentait aussi coupable d’avoir à penser de la sorte. Il aurait dû être honnête avec Jayson dès le début. Ou alors demander à Annaëlle de ne rien lui dire qui pourrait le mettre dans une situation aussi délicate. Il aurait préféré ne jamais avoir été mêlé aux histoires de ses deux amis car, à une époque, ils avaient formé le trio le plus merveilleux du monde. Nelligan avait toujours été un peu comme la troisième roue du carrosse, mais Anna et Jay ne l’avait jamais fait sentir ainsi. C’était Nelligan lui-même qui voyait bien qu’il y avait cette chimie en plus entre ces deux-là, que lui ne partageait pas de la même façon. Ça ne l’avait jamais dérangé, jusqu’à ce que leur relation se complique. Nelligan n’avait pas eu envie que ce trio se sépare, lui qui chérissait ses amis plus que tout. Mais, surtout, le trentenaire n’avait jamais voulu que ça devienne aussi complexe dans les secrets, les non-dits, les mensonges. Les départs. Les déceptions. Il n’osait même pas imaginer la souffrance d’Annaëlle et Jayson, puisque lui-même avait souffert de cette séparation plus qu’il ne le fallait. Bref, son ami de longue date s’exclama qu’il était finalement sorti de l’hôpital. « Oui, on m’a donné congé il y a deux semaines. Ça fait du bien. Mais je recommence à peine à fonctionner correctement, alors je ne suis pas sorti beaucoup … » Dit-il, comme pour se justifier de ne pas avoir passé un coup de fil à Jayson ou d’être passé le voir. En même temps, c’était la même chose du côté de son ami. Il n’était pas passé à l’hôpital, ce qui au départ avait laissé croire à Nelligan qu’Annaëlle avait peut-être tout dit. Puis, Lily-Anaëlle lui avait appris que le séisme avait laissé bien des dégâts matériels au sein de la famille Callaway, alors Nelligan s’était conforté dans l’idée qu’il était juste bien occupé à tout remettre sur pieds. Le trentenaire rigola à la remarque de l’homme. « T’en fais pas, je te confirme que je suis bien entier ! J’en ai eu, de la chance. Je m’en sors plutôt bien. » Il hocha la tête, visiblement soulagé que tout soit rentré dans l’ordre et que la mort l’ait épargné. Il était en un seul morceau, et son corps et son esprit se remettaient du coma à une vitesse normale. Afin de repousser le plus longtemps le sujet épineux du retour d’Annaëlle, Nelligan continua à prendre des nouvelles, même si Lily le tenait au courant de tout ce qui se passait en ville. « Et toi, alors ? J’ai entendu dire que y’avait eu pas mal de dégâts par chez toi. Tu t’en sors ? » Nelligan lui aurait bien proposé un coup de main, mais il n’était pas vraiment en état.

Il comprenait totalement que venir le voir n'avait pas été la priorité de Nelligan. Il y avait clairement Lily-Annaëlle et sa famille proche qui devait avoir requérit toute son attention. Ou l'inverse. Surtout que finalement c'est lui qui devrait lui en vouloir de ne pas être aller le voir. Mais leur relation n'était pas de ce genre là. Ils n'étaient pas du genre à se perdre dans les reproches. Ils profitaient simplement d'être ensemble dès qu'ils le pouvaient bien que depuis quelques années ils se retrouvaient malheureusement de moins en moins, leurs occupations respectives prenant trop le dessus. Ce qu'il regrettait. « Mais t'es un grand costaud, je suis certain que tu vas te remettre plus vite que tu ne le crois ! » En tout cas c'est ce qu'il espérait. Parce qu'il savait très bien que se remettre d'une pathologie comme le coma auquel avait été confronté Nelligan ne serait pas une mince affaire. Surtout dans des circonstances comme celles-ci. Parce qu'un séisme ne heurtait pas les gens que physiquement mais aussi moralement. Ce qui lui offrait encore plus de préoccupations, son réveil n'avait pas du être si facile que ça.  Mais comme il le disait lui même, il avait eu de la chance, et qu'il soit là devant lui, debout et même actif ça suffisait à le rassurer. Et même malgré tout ce qu'il lui était arrivé, Nelligan avait réussi à se tenir au courant de son état et de celui de sa famille. Incroyable ce Nell, toujours le coeur sur la main. « C'est vrai que mes parents ont pas mal morflé. C'est dûr de voir plus de trente ans de vie s'effondrer en quelques minutes. Et je t'avouerais que voir mes quelques affaires d'enfance au milieu de la poussière ça fait mal. » Il grimaça rien qu'à ce simple souvenir. Et c'était pour que ses parents n'aient plus cette même grimace et cette même tristesse dès qu'ils rentrent chez eux qu'il se démenait pour la retaper au plus vite. « Mais bon du coup j'alterne travail et travaux, je cherche un peu du temps pour dormir mais je tiens le coup ! » Mais il n'avait pas le droit de se plaindre. Parce que ni lui ni ses parents n'avaient été blessés. « Enfin bref, je fais avec on va dire ! » Il haussa les épaules, résigné. Au moins cela lui permettait de ne pas se ronger les sang en pensant à l'autre évènement qui avait rythmé ces derniers jours. « Mais il y a quelque chose avec lequel j'ai plus de mal à vivre en ce moment. Le retour d'Annaëlle. » Ca y est la bombe était lancée. Nelligan était-il au courant ?

Nelligan eut un rire peu convaincu quand Jayson lui dit qu’il était un grand costaud et qu’il se remettrait rapidement de son coma. Il se laissait le droit d’en douter. Il avait beau être sorti marcher aujourd’hui, et avoir l’intention de reprendre la course qu’il pratiquait de façon hebdomadaire avant le séisme, Nelligan était bien au courant du fait qu’il n’était pas du même calibre que Jayson. Physiquement, Nelligan était une grande asperge, une grande frite, utilisez l’aliment que vous désirez mais en gros c’était ça. « Je l’espère, je l’espère … » Conclut-il en regardant Jay avec un mince sourire. De toute façon, ce n’était pas tant le rétablissement physique de Nelligan qui inquiétait ce dernier mais surtout la guérison des blessures psychologiques. Ce séisme avait quand même chamboulé une bonne partie de son existence, et même si de la lumière était sortie de cette catastrophe, il avait encore l’impression que cette lumière cherchait à se frayer un chemin entre les failles de sa noirceur. Celle-ci était encore bien trop grande. Non seulement Nelligan avait perdu des amis dans ce séisme mais, surtout, il avait perdu sa sœur. Sa seule et unique sœur, son alliée, sa meilleure amie. Il n’y avait pas un matin où il ne se réveillait pas avec la vive douleur résultant de la perte de sa sœur. Et même le visage paisible et endormi de Lily-Anaëlle, enfin à côté de lui, n’arrivait pas totalement à réparer son cœur. Afin de ne pas y penser davantage, Nelligan se concentra sur la situation de Jayson, même s’il allait devoir se confier à son ami un jour ou l’autre. Jayson avait sans doute eu connaissance du décès tragique de Lexi, et il n’en parlait pas par politesse ou par prudence, probablement. Nelligan grimaça à son tour en entendant parler de son enfance envolée en poussière. Les deux hommes avaient partagé une partie de cette enfance ensemble, en plus. « Si tu as besoin d’aide pour quoi que ce soit, j’veux aider comme je le peux … Je suis en arrêt de travail alors du temps, j’en ai … si ça peut te permettre de retrouver le tien un peu. » Proposa Nelligan, de bon cœur. Et puis, tous les prétextes étaient bons pour s’occuper les mains et l’esprit. Jayson reprit alors la parole, parlant de ce qui le tracassait encore bien plus que les travaux sur la résidence familiale. Annaëlle. Nelligan déglutit, hochant la tête. « Ah oui, elle est de retour, hein ? » Demanda-t-il d’une voix presque tremblante, nerveuse. Voyant bien que sa surprise était peu convaincante, il reprit la parole : « Enfin, j’ai eu vent de son retour mais … je ne savais pas à quoi m’en tenir … Tu me le confirmes. Tu l’as vue ? » Au moins, si Jayson ne l’avait pas encore croisée, cela voulait dire qu’il n’était sans doute pas au courant de l’horrible mensonge qu’Annaëlle entretenait, avec l’aide de Nelligan.

L'imaginer lui et Nell bosser sur sa maison lui offrit un sourire. Ca leur rappelerait leur enfance quand ils faisaient leurs petits travaux dans leurs jardins respectifs, avant c'était seulement des jeux d'enfants, maintenant ça prendrait tout son sens. « C'est gentil... et puis c'est vrai que ça pourrait me faire gagner du temps et nous changer les idées. » Oui, nous changer parce que Jayson savait qu'en plus de l'avoir mis dans le coma, le séisme avait détruit une partie de lui en lui enlevant Lexi. Mais il ne voulait pas être le premier à en parler, parce qu'il ne voulait pas faire de mal à son meilleur ami. Ca ne servirait à rien de rajouter une couche et de lui rappeler à nouveau ce drâme. Si Nelligan voulait vraiment lui en parler, il savait très bien qu'il pouvait se confier, et il était même sûr qu'il viendrait à le faire, mais juste pas maintenant. Il fallait qu'il l'accepte d'abord. « Bon après, je te préviens je te laisserait pas faire le gros oeuvre ! » Parce qu'il savait très bien que Nell avait le coeur sur la main et qu'il n'hésiterait pas à trop en faire malgré son état. Bon il était clair qu'il n'était plus à l'article de la mort mais il restait faible, même s'il ne voulait pas se l'avouer. Mais le retour d'Erlina avait vive prit le pas sur les problèmes de batiment. Et cela semblait avoir un peu destabilisé Nelligan aussi. « Oh oui, et je l'ai pas simplement vue. » Il ravala sa salive, encore un peu sonné par la nouvelle qu'il avait appris en début de semaine. « En fait, c'est ma nouvelle coéquipière. » C'était encore tout frais et pour le moment, et Jayson ne semblait pas encore avoir réalisé. C'était la première fois qu'il en parlait avec quelqu'un. La première fois qu'il allait mettre des mots sur cette rencontre. Et Nelligan était la personne qui pouvait le mieux comprendre son état et la perte de repère que ce retour impliquait. « Je pensais pas qu'elle reviendrait. Pas maintenant. » Il avait presque finir par faire son deuil de cette histoire. Et là, elle revenait comme une fleur chambouler sa vie.

En parlant de se changer les idées, Nelligan savait que Jayson ne parlait pas seulement du séisme mais aussi de ce qu’ils avaient tous les deux perdu. Dans le cas de Nelligan, c’était sa sœur, Lexi. Il était vrai qu’il était prêt à accepter n’importe quoi qui puisse lui soulager l’esprit de la douleur de son absence. Il hocha donc la tête, un sourire triste au visage. Ils ne s’étaient pas vu depuis longtemps, tous les deux, et les circonstances de leurs petites retrouvailles n’étaient pas des plus roses. Avec tout ce qui s’était passé, difficile de garder le moral, même entre meilleurs potes. Il rit finalement quand Jayson le prévint qu’il n’aurait pas à faire le plus gros du travail. « De toute façon j’ai jamais été le plus doué des deux pour faire les jobs de bras. » Il rigola. Nelligan allait davantage être du genre à peinturer, pas à monter sur les toits pour réparer la toiture. Premièrement il n’était pas très manuel, deuxièmement il n’était pas le plus fort, alors il se fatiguerait vite contrairement à son ami dont le physique était une qualité première pour son métier. Ils parlèrent bien rapidement d’Erlina et surtout du retour inattendu de celle-ci. Même à Nelligan, elle n’en avait pas vraiment parlé, pas même pour le prévenir. Pourtant, par téléphone, ils se disaient à peu près tout, même pendant son absence. Sans doute avait-elle eu peur que Nelligan flippe. Il le faisait maintenant. Il fronça les sourcils face au ton de Jayson et son hésitation, jusqu’à ce qu’il lui dise qu’elle était sa nouvelle coéquipière. Nelligan le regarda, n’en croyant pas ses oreilles. « C’est pas vrai … C’est elle qui en a fait la demande ? » Parce que si c’était le hasard, la vie était vraiment une salope. En même temps, passer autant de temps dans une voiture ensemble allait peut-être les forcer à se parler, à tout s’avouer – tant que ça ne concernait pas Nell – et à aller de l’avant. Ou alors à s’entretuer. « Je ne pensais pas non plus … » Et c’était vrai. Qu’il ait su ou non où Erlina se trouvait, il ne s’attendait pas à ce qu’elle revienne de sitôt. « Qu’est-ce … qu’est-ce qu’elle t’a dit ? » Demanda-t-il, assez nerveux.

La remarque de Nelligan lui décrocha un sourire. Il était vrai que Jayson avait toujours pris plus de plaisir que Nelligan à faire des travaux plus physiques. Et ça se ressentait aussi dans leurs métiers respectifs. Mais c'était encore quelque chose qui prouvaient qu'ils se complétaient bien tous les deux. Raison de plus pour que Jayson prenne plus le temps de venir le voir. Mais bien sûr le sujet Jessica prit rapidement le dessus. Parce que Nelligan était la dernière personne qui lui rappelait Jessica. Il avait aussi souffert comme lui de son départ, pas de la même manière, mais ça l'avait marqué lui aussi. Et son retour allait aussi impacter sur la vie de Nell, sans doute. Il avait l'air presque sonné en apprenant qu'ils étaient coéquipiers désormais. C'était sans doute le comble dans l'histoire. Mais un simple hasard aparemment. Arrivée au mauvais endroit au mauvais moment. « Non, non je crois pas. Elle a simplement voulu revenir et ça a coïncidé avec le départ de mon précèdent coéquipier... » Une sacrée coïncidence oui. Mais ça avait dû être écrit. Et on ne peut rien contre le destin. La vie avait fini par le lui apprendre. Au fond de lui, il avait espéré qu'elle était revenue pour lui, mais apparemment c'était plus compliqué que cela. Et ses explications sur son retour lui avait plutôt semblées floues. « Justement, le jour où elle a débarqué au commissariat, rien. Qu'elle était désolée, qu'elle avait besoin de partir parce que les choses allaient changer enfin rien de concret. » Et ça lui avait faire encore plus mal. Parce que même si elle était revenue, c'était surtout la vérité dont il avait eu besoin. Sauf que ni le lieu, ni le moment en s'y étaient prêté et la suite de la journée de boulot s'était déroulée banalement. Elle s'était simplement terminée sur un échange de sms étranges qui avaient améné à un rendez vous dans un bar. Et c'était là que tout avait dégénéré. Il releva ses yeux vers Nell, s'arrêtant de jouer avec ses écouteurs. « Elle a une fille, Nell... » lança-t-il d'une voie grave et presque tremblante.

Quelle coïncidence, quand même, qu’au moment où Jayson perdait son coéquipier, Jessica revenait en demandant un job au poste de police de Bowen. C’était à croire que le karma avait tout orchestré. Enfin, le karma ou le destin, Nelligan hésitait encore à savoir si tout cela était une bonne ou une mauvaise chose. Apparemment, aux yeux de Jayson, c’était tout aussi confus puisqu’il n’arrivait pas à déceler d’émotions précises sur son visage ou dans le ton de sa voix. C’était une surprise pour tout le monde, sans doute. « Wow … c’est fou comment la vie est faite, parfois … » Peut-être était-ce également un moyen de punir Nelligan de s’être mis les pieds dans les plats, d’avoir choisi un côté en voulant quand même garder les deux. Était-ce un crime d’avoir voulu garder contact avec son amie d’enfance tout en restant celui de Jayson, qu’il connaissait depuis aussi longtemps, qu’il appréciait tout autant ? Ce qui le rendait le plus coupable, c’est d’avoir su pour la fille de Jessica. Et de n’avoir rien dit à Jayson, lui qui avait pourtant bien le droit de savoir qu’il était papa. Mais ce n’était pas la décision de Nelligan. Ce n’était pas son secret à dévoiler. Il espérait juste que, quand tout cela lui exploserait en pleine face, Jayson comprendrait. Le trentenaire demanda alors à son ami un peu plus d’informations sur cette première rencontre. C’était autant par curiosité que par intérêt personnel. Et parce qu’il s’en faisait pour son ami, qui devait avoir vu sa vie bouleversée dans ces derniers jours, tout comme elle l’avait été bien des années plus tôt quand Jessica était partie. De ce que Jayson en disait, Jessica était restée bien vague dans ses explications ce qui, dans un sens, faisait l’affaire de Nelligan. Il se sentait déjà un peu moins nerveux car il réalisait que son ami ne savait rien quant au fait qu’il avait gardé contact avec leur amie commune pendant tout ce temps, sans jamais le lui dire. Le stress revint toutefois tout d’un coup quand Jayson ajouta, après un court moment de silence, qu’elle avait une fille. Son sang se glaça dans ses veines alors qu’il tentait de chasser le trouble dans son regard. « Une … une fille ? Elle … elle a quel âge … ? » Demanda-t-il, alors qu’il savait parfaitement quel âge Lena avait. Il lui avait envoyé un cadeau à chaque année pour son anniversaire. « Je veux dire … est-ce que … est-ce qu’elle est … ta fille ? » Ajouta-t-il. Connaissant déjà la réponse, mais se demandant si Jessica lui avait donné la bonne, elle.

Ahh si la vie était juste, personne ne serait là où il en est aujourd'hui. Et lui le premier ne serait pas là et n'aurait pas de boulot. Enfin pas celui là. Et sa vie ne ressemblerait clairement pas à celle ci. Mais ça ne servait à rien de faire des plans sur une vie différente de celle à laquel il était confronté aujourd'hui. Elle était faite ainsi, point barre. Alors il haussa simplement les épaules, résigné. Nelligan avait l'air bien perdu au milieu de cette situation aussi. Jayson trouvait d'ailleurs cela étrange que Jessica n'ait pas été le voir et en même temps elle devait avoir tellement de choses à régler que c'était compréhensible. En fait, il ne pouvait s'empêcher d'être indulgent avec elle, et cela sur bien des domaines. Il allait falloir qu'il fasse gaffe pour que leur travail n'en pâtisse pas malgré eux. Parce que malgré toutes les années, il perdait encore toute objectivité avec elle et c'était presque triste à dire après la révélation qu'elle lui avait faite. Et Nelligan avait vu juste. Il paraissait presque aussi sonné que Jayson l'avait été quand elle le lui avait annoncé quelques jours plus tôt. Et celui-ci n'avait pas encore totalement digéré la nouvelle. Ce qui était compréhensible. Apprendre à trente ans qu'on est père du fille de onze ans, qui plus est avec la seule fille qu'il avait réellement aimé et qui ne l'avait jamais su, c'était pas banal comme situation. On aurait pas pu imaginer pire. En fait si, avoir une fille avec une fille d'un soir dont il ne se rappelait même pas du prénom aurait été pire. Ou alors être déjà marié et apprendre à sa femme qu'il avait déjà un enfant. En fait, il n'était pas à plaindre. Et pourtant, ça ne restait pas du tout simple à appréhender. « Elle a onze ans... » Mais Nelligan avait compris. Plus vite que lui quand Jessica le lui avait appris. Comme si son esprit avait fait un blocage. « Oui, c'est.. c'est ma fille... » Ca lui faisait tellement bizarre de prononcer ces mots. C'était la première fois parce qu'il n'en avait encore parlé à personne. Il ne savait même pas comment ses parents allaient réagir en apprenant la nouvelle. « Je l'ai vue de mes propres yeux Nell. Je sais pas si j'étais censée l'apprendre mais elle est arrivée par hasard... et elle avait l'air si gentille. Et polie. Mais je ne l'ai vu que quelques secondes. Elle ne sait pas qui je suis. Oh Nell je sais pas quoi faire ! C'est irréel comme situation. » C'était un appel de détresse en quelque sorte. Sa figure sûre d'il y a quelques secondes avait cédé à la panique et il cherchait du réconfort chez Nell à tout prix.

Nelligan se demandait effectivement quand est-ce que Jessica viendrait lui rendre visite. Peut-être avait-elle-même essayé, en vain, lui qui avait changé d’adresse deux ou trois fois, depuis. Sans parler du fait qu’il était présentement en convalescence chez Lily-Anaëlle, qui avait préféré être celle à garder un œil sur lui puisque de toute façon, elle n’avait pas à passer des heures au travail puisque sa librairie était en rénovation depuis le séisme. Nelligan n’avait même pas partagé ces informations-là à Jessica, du moins pas ses nouvelles adresses exactes, parce qu’il ne s’imaginait pas qu’elle reviendrait un jour à Bowen, et surtout pas sans prévenir. Pourtant, la voilà qui débarquait de nouveau dans la vie de Nelligan et Jayson, les laissant tous les deux assez surpris, mais pas forcément pour les mêmes raisons. Après tout, Nelligan était au courant de la situation de Jessica, il ignorait seulement qu’elle prévoyait faire son grand retour. Comme quoi, ils ne partageaient pas totalement tout ce qui leur arrivait de chaque côté de leur monde. Une information avait toutefois été partagée, celle qui concernait Lena, et cette information avait été celle qui mettait présentement Nelligan dans un sale état de nervosité. Parce que ce détail-là, qu’il n’avait pas partagé à Jayson, allait peut-être créer un gouffre entre eux deux si jamais il en venait à apprendre à vérité. Ne voulant pas risquer de perdre son meilleur ami, pas maintenant, pas comme ça, et même jamais, Nelligan sortit son meilleur jeu d’acteur et tenta de feindre l’étonnement. Avec sa gueule de surprise et son angoisse envahissante, c’était sans doute facile de se laisser convaincre. Jayson ne sembla pas relever ses sueurs froides. « Irréel, tu l’as dit … » Souffla Nelligan, ne quittant pas son meilleur ami du regard. Il posa une main sur son épaule alors qu’il sentait toute la détresse et la panique submerger Jayson. Il la laissa là quelques secondes, pour lui montrer qu’il était là, parce que même s’il avait failli à sa tâche de meilleur pote pendant toutes ces années sans que Jayson ne soupçonne quoi que ce soit, Nelligan était maintenant bien décidé à bien remplir son rôle. Malgré le secret qu’il portait. « Est-ce que tu voudrais … enfin … tu voudrais faire partie de sa vie ? À ta fille ? » Demanda-t-il. « Et Jessica ? Comptait-elle te le dire, si tu ne l’avais pas rencontrée par hasard ? » Nelligan pesait tous ses mots avant d’ouvrir la bouche, pour être bien certain de ne pas se trahir. S’il avait le malheur de parler d’une information qu’il n’était pas supposé connaître, il serait dans le plus grand des merdiers. Autant par rapport à Jayson qu'à Jessica, d'ailleurs.

Sentir la main de Nelligan sur son épaule le rassurait. Il aurait dû aller le voir plus tôt, il avait oublié à quel point sa présence et son avis pouvait lui faire du bien. « Je.. je ne sais pas. » A vrai dire cela l'avait empêché de dormir correctement toutes ces nuits. Parce que ce n'était vraiment pas quelque chose à la légère. Et il l'avait lui même vécu. Il n'avait jamais trouvé que ses parents s'étaient assez occupés de lui et encore, lui avait la chance d'avoir ses deux parents. Et même s'ils n'étaient pas les meilleurs parents de l'univers, il mesurait quand même la chance de les avoir eu tous les deux. Alors d'un côté, il ne voudrait pas faire souffrir sa fille plus longtemps du manque d'un père. Peut être que Jessica avait réussit pendant plus de onze ans à la satisfaire ainsi, mais ce manque devait quand même ce faire ressentir. Et maintenant qu'elle était à Bowen, cela rendait la chose encore plus difficile. Parce qu'étant le partenaire de Jessica, il serait forcément amené à la cotoyer plus que d'ordinaire. Et il savait que voir sa fille sans pouvoir lui avouer son identité serait beaucoup trop difficile à vivre pour lui. Mais de l'autre, il avait peur. Peur de ne pas être à la hauteur, peur de la décevoir et ne pas être le père qu'elle avait dû s'imaginer pendant toutes ces années. Et aussi peur pour elle car peut être qu'elle n'était pas prête à cette révélation maintenant. « J'ai toujours voulu avoir des enfants... Mais pas comme ça. Pas en m'ayant enlevé onze ans de sa fille. » C'était peut être ça au fond le plus dûr à accepter. Le fait d'avoir manqué ses premiers mots, ses premiers pas. Il ne la connaissait pas encore mais il lui semblait avoir perdu tous les meilleurs moments, ces moments qui rapprochent un père et une fille. « Et puis tu crois qu'elle voudra bien d'un père comme moi ? » Il ne se voyait pas comme un père idéal. Pour son boulot il avait bien trop d'erreurs et de choses pas très belles. Pas des choses dignes d'un bon père dans tous les cas. « Je pense oui. Parce qu'on avait rendez vous pour parler, et je pense que c'était de ça qu'elle voulait discuter. Mais peut être qu'elle aurait préparé le terrain. Ou en tout cas je l'aurais appris autrement. » Moins brusquement.

Évidemment qu’il ne le savait pas. Qui saurait quoi faire, quoi penser, après une telle révélation, un tel choc ? D’autant plus que tout cela était survenu il y avait à peine quelques jours, alors avant de pouvoir y voir clair et de prendre une décision, Jayson aurait à digérer l’information avant. Il était père, ce n’était pas rien. Et c’était vrai que Jessica lui avait volé, en quelques sortes, onze années auprès de sa fille. Onze années qu’il ne retrouverait jamais, même s’il reprenait son rôle maintenant qu’il le pouvait, même s’il se rapprochait de Lena et devenait quelqu’un pour elle. Ce ne serait jamais pareil que de l’avoir vue grandir. « C’est vrai que c’est pas juste … mais … elle est là, maintenant. T’es père, que tu le veuilles ou non. » Nelligan haussa les épaules en secouant doucement la tête. Il ne voulait pas paraître trop raide, trop direct ou trop froid, mais en même temps, c’était tout simplement la vérité. « Alors tout ce que tu peux faire c’est de ne pas laisser une seule seconde de plus t’échapper, non ? Je suis certain qu’elle serait ravie d’avoir un père. » Et il était aussi persuadé que Jayson ferait un bon père, aussi, peu importe ce que lui-même pouvait penser de ça. Il avait un grand cœur, son meilleur ami, et rien que ça était une qualité essentielle pour ce rôle qu’il s’apprêtait peut-être à jouer dans la vie de la jeune fille. « Oui, je pense qu’elle adorerait avoir un père comme toi. » Conclut donc Nelligan face à sa question. Il sourit à son ami, avant de questionner maintenant les intentions de Jessica. Après tout, elle aussi avait son mot à dire, même si elle avait enlevé ce droit à Jayson injustement. À être confronté à la situation, maintenant que Jayson était au courant, Nelligan se maudissait de ne pas avoir confronté son amie, de ne pas lui avoir fait réaliser que Jayson avait le droit de savoir. Il avait été imbécile de ne pas se battre un peu plus pour son meilleur ami qui, dans le noir, n’avait pas pu se défendre. « Oui, je vois. » Il hocha la tête. « Elle attend quoi, de toi, de vous ? » Demanda-t-il. Quand Jayson eut terminé de parler, Nelligan posa alors la question qui était logique à poser, même si dans son cas c’était inutile. « Et elle s’appelle comment, ta fille ? » Lena. Nelligan le savait, qu’elle s’appelait Lena. Mais ce n’aurait pas été son genre de ne pas le demander.

Neligan avait totalement raison. Qu'il assume ou non son rôle de père serait un choix mais refuser cette paternité était totalement absurde. Il avait une fille et plus rien ne serait comme avant. Et peut être que Nell avait raison. Il allait falloir rattraper le temps perdu et ainsi profiter d'elle un maximum, ne plus la laisser s'echapper et devenir le père qui a sans doute dû lui manquer pendant toutes ces années. « T'as vraiment pas tord, elle mérite de savoir qui je suis, d'autant plus qu'elle est à Bowen. » Il ne s'imaginait plus la revoir sans lui dire qui il était. Ca serait beaucoup trop dûr à supporter pour lui et ça serait du mensonge. Et il ne voulait pas lui imposer ça. Parce qu'au fond cette histoire le touchait encore plus que ce qu'il n'osait l'avouer à Nell. Il se sentait presque responsable de la situation, ce qui était en partie vrai, mais il avait surtout peut de commettre des erreurs. Ce qui serait sans doute normal dans un premier temps mais difficile à accepter pour lui qui avait envie de bien faire. Heureusement que son ami savait lui dire des paroles réconfortantes, parce qu'il en avait bien besoin finalement. « J'aimerais tellement en être persuadé autant que toi... » Il allait devoir faire un gros travail sur lui et c'était aussi pour ça qu'il avait prit quelques jours de congés pour se vider la tête et essayer de prendre les bonnes décisions. Mais il avait eu tord de vouloir le faire seul. Parce que pour le moment, il se trouvait encore dans le brouillard complet. « Elle ne m'a rien demandé clairement. Je pense que c'est à moi de choisir. » «  Mais elle n'a pas arrêté de m'envoyer des sms pour s'excuser, pour savoir si j'arriverais à la pardonner. Et je t'avoue que pour le moment c'est pas évident. » Parce qu'au fond il avait encore des sentiments pour elle, il l'avait su dès qu'elle était revenue, mais maintenant qu'elle lui avait annoncé sa paternité, tout était bousculé. Il releva doucement les yeux vers Nell, prononçant pour la première fois le prénom de sa fille. « Léna,.. elle s'appelle Léna. »

Nelligan hocha la tête. Il ne savait pas vraiment comment se mettre dans les souliers de Jayson, après tout c’était un scénario digne d’un film hollywoodien qu’il était en train de vivre. Toutefois, il se disait que si c’était lui, il n’arriverait pas à vivre correctement en sachant que sa propre fille vivait dans la même ville que lui, sans pour autant être en contact avec elle. Sans pour autant être son père, à ses yeux. Jayson pourrait croiser Jessica et Lena n’importe quand, n’importe où. Ce serait sans doute bien trop difficile pour lui, jour après jour. Il valait probablement mieux d’affronter dès maintenant cette situation plus que compliquée, mais pour pouvoir mieux respirer par après. « Je pense que ce serait la meilleure décision pour elle à prendre, c’est vrai … Mais il faut que tu te sentes bien là-dedans aussi. » Nelligan n’avait pas envie de donner des conseils trop orientés vers une seule solution, même s’il savait qu’à ses yeux c’était ce qu’il y avait à faire, il ne voulait pas sembler prendre un côté sans pour autant considérer les sentiments de son meilleur ami de l’autre. Ce n’était pas à lui de prendre cette décision, il était simplement là pour aider Jayson à y voir plus clair. Quand le trentenaire lui assura que Lena serait sans doute ravie d’avoir un père comme lui, son ami ne sembla pas en être autant persuadé. « On est toujours plus critiques envers soi-même. Y’a pas de recette miracle pour être père, chacun l’est à sa façon. Et il te manque peut-être quelques années de pratique, tu vas peut-être être plongé dans ton rôle pas mal plus drastiquement que d’autres, mais t’as toujours su mettre les efforts qu’il fallait pour atteindre tes buts, Jay’. » Il lui sourit. Il espérait sincèrement que ses paroles sauraient lui donner un peu de ce courage qu’il semblait lui manquer. Ils parlèrent finalement de Jessica, et surtout de ses intentions, parce que dans toute cette histoire elle aurait quand même son mot à dire. Elle était la mère, elle était celle qui avait éduqué Lena, malgré son mensonge ce rôle demeurait important. « Prends le temps de gérer, c’est toute une bombe qu’elle te largue, là … C’est normal de pas pouvoir digérer ça en quelques jours. » Ça lui prendrait sans doute des mois, voire des années. Une telle trahison, un tel mensonge. Et Nelligan avait des frissons dans le dos quand il pensait au fait que lui aussi avait menti à Jayson, qu’il l’avait trahi pendant tout ce temps-là. C’était horrible, les remords qu’il avait. « C’est un beau prénom. » Lança-t-il avec un sourire qui se voulait moins crispé qu’il ne l’était. C’était difficile de faire semblant de ne rien connaître de cette petite.