haley&noah ◊ bookworms' paradise - TERMINÉ

A mon anecdote du passé, je remarquai la surprise de Haley. Manifestement, elle avait eu une éducation où ce genre de moments n'arrivaient pas. Il faut avouer qu'à l'époque, pour moi, c'était normal, qu'il y ait ces écarts et ces petits accidents. Mais en vieillissant et sortant du système scolaire, je me rendais compte que ça relevait surtout de l'incompétence ou l'insouciance des professeurs. Heureusement, ils n'étaient pas tous comme ça. « Il y a eu quelques autres moments pas très amusants, mais mes parents étaient intervenus sur ceux-là. » racontais-je. « Et tu savais que l'école avait pris feu ? » Devant l'air étonné de Haley, je ne pus m'empêcher de rire doucement. « Rassure-toi, personne n'a été blessé, c'était en soirée ou quelque chose comme ça, je ne m'en souviens plus trop. » Comme quoi, ça ne m'avait pas tant choqué que ça. Devant la proposition que je lui fasse visiter l'établissement, j'opinais avant de l'orienter vers une petite entrée sur la droite. « Ça va me faire bizarre de reprendre ces couloirs. » annonçais-je en souriant. « Sur cet étage, c'est les plus petits. J'ai jamais été dans ces classes-là, alors je peux pas vraiment t'en dire plus. » En effet, pour le tout début de ma scolarité, j'avais été dans une école qui n'est plus ouverte maintenant, et qui se trouvait à côté de chez mes parents. Je montais un étage. Les murs étaient recouverts de projets artistiques des enfants, plus ou moins doués. « A droite tu as les classes des élèves de 7-8 ans et à gauche des 8-9 ans. » J'ouvrais la deuxième porte à gauche, la faisant entrer dans une des salles de classe. Je m'asseyais sur un des bureaux. « Il y avait pas d'uniforme ici, gros avantage à mes yeux à l'époque. » avouais-je sur le ton de la plaisanterie. Je remarquais un petit bout de papier rectangle sur un bureau et le saisissais, avant de le montrer à Haley. « Tu as connu ça, toi, les bons points ? »

Installé sur un des bureaux, je me remémorais certains souvenirs créés dans cette salle de classe. Étonnement, ces deux années de primaire faisaient partie de celles desquelles je me souvenais le plus. Je souris doucement lorsque Haley me raconta sa version avec les bons points, et finis par commenter : « Tu devais être sage, alors. » En effet, pour avoir autant d'images, elle n'avait pas dû être l'élève qui troublait le plus la salle de classe. « On doit être plus avare, ici. Il fallait avoir dix bons points je crois pour une récompense. Mais j'ai toujours gardé mes bons points pour moi, j'ai jamais été les échanger pour une récompense. » Un sourire en coin apparut sur mes lèvres. C'était surtout parce qu'au primaire, j'étais l'élève tellement timide et discret que je restais dans mon coin jusqu'à avoir besoin ou vraiment envie de quelque chose.

Un léger rire fila entre mes lèvres alors que Haley s'étonnait devant une carte de l'Australie, représentant ses animaux dangereux principalement. « Malheureusement, c'est bien le cas. C'est pour ça que tu vois des bouteilles de vinaigre partout sur les plages. Si tu te fais piquer par des cubozoaires, il faut enlever les tentacules et asperger l'endroit avec du vinaigre, le temps que les secours arrivent. C'est vraiment très venimeux. » Et mortel dans certains tristes cas. Mais je ne voulais pas non plus effarer Haley. « L'Australie est un pays bien dangereux. » annonçais-je sur un ton qui se voulait léger, bien que c'était vrai, avec sa faune parfois mortelle.

Je suivais du regard la silhouette de Haley qui analysait la composition de la salle de classe. « Je ne te le souhaite pas non plus. » articulais-je, alors que Haley me disait qu'elle ferait attention et qu'elle ne souhaitait pas être piquée par une méduse. « Il paraît que ça fait super mal. Sans compter que c'est extrêmement dangereux. » Je me redressais, m'orientant vers les fenêtres de la salle de classe. « Ils ne t'ont pas donné un fascicule ou autre à ton arrivée ici pour t'informer sur les bestioles dangereuses australiennes ? » demandais-je d'un ton plutôt taquin. Je jetais un coup d’œil à la cour extérieure, entendant la jeune femme me demander si je m'étais plu ici. Je réfléchis quelques instants, avant de répliquer : « Oui et non. C'est ici que j'ai rencontré mes plus vieux amis, mais c'est aussi ici où j'ai eu pas mal de frustrations. » Je me retournais, faisant face à Haley. « Mais le pire ça a été le début du secondaire. Il y avait plein de camarades de classe que je supportais pas. Je me suis même battu avec un d'entre eux, d'ailleurs. » Ce qui n'était pas surprenant dit comme ça, beaucoup de garçons se battaient. Mais ce n'était pas du tout mon genre, si bien que lorsque mes parents avaient été mis au courant de l'altercation, ils étaient trop sur le choc pour réagir en me punissant ou autre. En fait, ils avaient même fini par presque me donner raison, s'exclamant qu'au moins je m'étais défendu. « Et toi, avec ta boîte à bons points, ça s'est bien passé ? » interrogeais-je avec humour.

J'observais Haley hocher la tête en signe de dénégation lorsque je lui demandais si l'université lui avait procurée une brochure d'informations quant à la faune dangereuse vivant à Bowen. C'était quelque chose que tous les australiens savaient plus ou moins de base, mais pour les touristes et les nouveaux arrivants, cela pouvait s'avérer bien dangereux de ne pas savoir comment réagir face aux différents êtres vivants que l'on puisse croiser sur le territoire. Enfin, par réputation, l'Australie était un pays dangereux. Quiconque venant ici en avait conscience. « Je te conseillerais de te renseigner, question d'être au taquet en cas de situations particulières. » répliquais-je gentiment, avant que la conversation ne s'oriente vers nos éducations respectives. Si j'avais eu plusieurs problèmes avec des camarades de classe, Haley semblait être passée plutôt sous le radar, pour par la suite ne pas être extrêmement appréciée pour avoir engendré un rôle de "madame je-sais-tout" en quelque sorte. Un fin sourire amusé étira mes lippes alors que je l'imaginais à cette époque, et je finis par acquiesçais lorsqu'elle me dit que je devais comprendre ce qu'elle m'expliquait. « Oui, je vois le genre. » prononçais-je. Dans tous mes relevés de notes, on pouvait y lire mes professeurs me qualifier de bon élève, mais trop discret, réservé. D'un garçon calme qui fournissait une bonne dose de travail, mais qui ne participait pas oralement en classe. Un professeur avait même une fois terminé l'année scolaire en inscrivant qu'il regrettait de ne jamais avoir entendu le son de ma voix, ce que j'avais toujours trouvé plutôt exagéré. Cependant, j'imagine que le fait d'être toujours resté dans la même ville et d'avoir des membres de ma famille de mon âge m'avait aidé à me faire des amis. Et j'avais pris longtemps à me dévoiler vraiment à eux, fonctionnant principalement par mono-syllabes à cette époque.

Je fus rejoins sur le bureau par Haley et pendant l'espace d'un instant, je ne pus m'empêcher de me demander si elle avait pensé à l'instant où j'avais osé l'embrasser, lors de notre dernière rencontre. Manifestement, cela ne l'avait pas rebutée ou choquée, puisqu'elle avait accepté de venir avec moi à la bouquinade et ne se comportait pas de manière étrange en ma compagnie. Avait-elle complètement effacé ce moment de sa mémoire ? Voudrait-elle en parler un jour ? Je grimaçais doucement, avant de l'interroger, d'un ton détaché : « Question hors-sujet. » annonçais-je, me tournant légèrement vers elle : « Est-ce que c'est un effet normal de ta pommade de chauffer ? » Pas que la sensation était abominable, mais cela faisait maintenant un petit moment que je sentais mon avant-bras brûler. Ça ne m'avait pas forcément choqué, vu que souvent lorsqu'on applique un produit, ça peut avoir ce genre de réaction quelques minutes avant que le corps ne s'habitue. Mais en l'occurrence, je n'avais pas vraiment l'impression que mon bras s'y habituait.

Étrangement, ça me faisait tout de même plaisir de connaître un peu du passé de Haley. J'avais conscience que l'on jugeait les gens sur ce qu'ils étaient aujourd'hui, et non les personnes qu'ils avaient pu être. Chacun évoluait à sa manière, chacun s'améliorait ou pas. Mais je ressentais un attachement chez Haley, et j'étais curieux d'en apprendre davantage sur elle, ce qui voulait ainsi dire connaître un peu de son passé. Il était vrai que nous étions encore quasiment des inconnus l'un envers l'autre, bien que je lui avais révélé des faits bien personnels sur moi concernant mon ancienne relation amoureuse désastreuse. Je pense que naturellement, je sentais en Haley quelqu'un en qui je pouvais faire confiance et qui pouvait me comprendre.

Changeant de sujet, je l'interrogeais sur le fait que la pommade semblait brûler ma peau. Intriguée, la jeune femme releva ma manche et déroula la bande qui protégeait mes blessures. Je l'écoutais me dire que son produit avait pour but d'adoucir les blessures et donc de calmer le feu, et non d'en provoquer un. « Je dois être un spécimen rare, alors. » taquinais-je, ne prenant pas vraiment au sérieux la situation. Je baissais les yeux sur mon avant-bras et écoutais Haley me dire que je pouvais toujours rincer mon bras si cela me dérangeait vraiment, et qu'elle possédait aussi d'autres remèdes chez elle. Je sentis mon bras frémir lorsqu'elle passa son doigt sur ce premier, ayant la sensation d'avoir les plaies désormais à vif, et hochais la tête en signe de dénégation lorsqu'elle me dit qu'il serait peut-être une bonne idée de rechercher une attention médicale. « Je ne vois pas ce qu'ils pourraient faire de plus. » Pour un garçon d'infirmière, je prônais un drôle de discours. Mais sincèrement, le plus loin je me trouvais d'un hôpital, le mieux je me portais. J'avais assez confiance en le corps humain pour me dire que je n'avais pas besoin que l'on m'injecte des médicaments. Je levais les yeux vers Haley, et finissais par la questionner doucement, bien que mes termes semblaient sortir de nulle part : « Tu as déjà eu peur de t'attacher à quelqu'un ? Peur de faire confiance en quelqu'un ? »

Je serrais délicatement les dents lorsque Haley entreprit d'essuyer un maximum du surplus de pommade de sur mon avant-bras. Bien que ses gestes pouvaient être délicats, j'avais réellement l'impression qu'elle utilisait du papier verré contre des milliers de terminaisons nerveuses. J'inspirais profondément lorsqu'elle eut enfin terminé et coupai à nouveau mon film lorsqu'elle décida de remettre la bande contre mon bras, de manière moins serrée cette fois-ci. Alors qu'elle descendait ma manche à nouveau, je lui posais une question qui imposa une réaction assez violente chez la jeune femme. Je la suivais des yeux alors qu'elle se reculait de ma personne, et l'espace d'un instant, je crus véritablement qu'elle allait s'en aller. Toutefois, elle se contenta d'observer pendant de longs moments par la fenêtre, comme si une réponse figurait dans la cour de récréation des écoliers.

Finalement, elle me fit à nouveau face, alors que je déposais mon avant-bras que je ressentais de plus en plus en feu contre mon genou. Je contemplais l'idée de le passer sous de l'eau glacée, mais l'étudiante brisait le silence entre nous deux, mon attention se concentrant totalement sur ses dires. La confiance se méritait. Je ne pouvais pas la contredire là-dessus. Puis, elle extrapola, m'avouant qu'elle craignait d'être blessée si elle accordait trop de confiance en quelqu'un. Que d'une certaine manière, respecter une distance permettait de se protéger, même si cela était souvent en dépit de créer de nouvelles relations qui pouvaient s'avérer surprenantes. Je fronçais les sourcils lorsqu'elle ajouta qu'il fallait lui prouver être digne de confiance. Je conservais un silence parfait, mes yeux distraitement sur mon bras, tandis qu'elle me demandait pourquoi je lui avais posée cette question. Un sourire sans joie apparut sur le coin de mes lèvres. « Je voulais comprendre pourquoi tu as si vite fermé les yeux sur le fait que je t'ai embrassée. » Je déposais ma main sur mon genou, l'empêchant de toucher mon avant-bras. « Pas que j'attende quoi que ce soit de ta part ou que je m'en plaigne. » Je plongeais mon regard dans le sien, sincère. « C'est très bien comme ça. » concluais-je, laissant un nouveau silence s'immiscer entre nous. « Tu as dû expérimenter une sacrée blessure de près pour développer un tel mécanisme » supposais-je finalement, pour me rendre compte que j'allais peut-être trop loin avec mon franc-parler.

En analysant les traits de Haley se tirer, plus j'avançais dans la discussion, plus j'avais le sentiment de marcher sur des œufs. De toute évidence, ce n'était pas un sujet de conversation dans lequel elle s'épanouissait. Et il y avait de quoi, j'effectuais un peu une fouille avec mes mots. Je devrais sans doute me calmer, avant de me mettre ma voisine à dos. Néanmoins, je répondais à sa question avec honnêteté, tout en supposant quelque chose qui n'avait sans doute pas lieu d'être. Je baissais les yeux, une once de culpabilité me piquant face à mon franc-parler. Je ne pouvais pas agir comme je le voulais avec qui que ce soit. Je devais m'adapter à la personnalité de chacun. Et surtout, je ne pouvais pas me venger de ceux qui me faisaient du mal en n'agissant pas correctement avec d'autres.

Je l'entendais finalement revenir sur mon geste, le commentant tout en concluant qu'étant donné son peu d'expérience en relations, elle avait semblé préférer mettre tout ça de côté et de naviguer dans un environnement connu plutôt que de s'enfoncer dans une houle assurée. Je ne pus m'empêcher de hausser les sourcils lorsqu'elle prononça qu'il y avait des gens honnêtes et malhonnêtes, et que chacun jouait son jeu. Pensait-elle que je jouais un jeu avec elle ? Que j'étais malhonnête ? Je reconnaissais avoir des tas de défauts, beaucoup plus que de qualités sans aucun doute, mais le manque de sincérité, je ne le pensais pas. Je laissais un soupir filer discrètement entre mes lèvres lorsqu'elle finit par me dire qu'on ne pouvait pas réellement faire confiance à quelqu'un avant que cette personne ne s'ouvre tel un livre ouvert. Si elle ne me faisait pas confiance et me jugeait malhonnête, il y avait de quoi être vexé. J'avais exposé des faits sur ma dernière relation amoureuse à la jeune femme, chose que je n'avais fait vraiment qu'à elle. Ça m'avait fait du bien de lui en parler, je devais l'avouer, ça m'avait délivré. Mais c'était aussi mettre une partie de moi à nu, à la merci d'une femme que je connaissais à peine mais à qui j'avais fait confiance, ce qui n'était pas ma spécialité. En fait, ça relevait presque du miracle. Je l'écoutais distraitement expliquer sa situation par son appartenance à sa tribu et le passé de cette dernière, mais mon esprit se heurtait à une blessure que Haley avait réussi à former avec ses mots, volontairement ou pas. Si j'avais plus de caractère, si j'étais plus sanguin, sans doute que j'aurais quitté les lieux ou je lui aurais dit ma façon de penser de manière plutôt violente. Mais je préférais rester là, sagement, à me maudire d'être trop passif, alors qu'au fond de moi, ça bouillait.

Ce ne fut que sa dernière réaction qui me fit enfin lever les yeux vers elle. Incrédule, je comprenais le sens de chaque terme qu'elle prononçait, tout en m'étonnant du tout qu'ils formaient. Je ne voyais pas pour quelle autre raison j'aurais pu l'embrasser, mais de la manière dont elle le présentait, j'avais l'impression d'être plus un sauvage qu'un être civilisé. « Oui » répondis-je ainsi simplement, prodigieusement dérouté. J'aurais aimé lui offrir une réponse plus élaborée, trouver les justes paroles pour ne pas paraître tel un prédateur ou une mauvaise personne, ce que j'avais l'impression de devenir de plus en plus aux yeux de mon interlocutrice. « Tu penses que je joue un jeu ? » finis-je par prononcer d'une voix blanche. « Tu crois que je suis malhonnête ? » J'avais beau poser des questions, je les prononçais plus comme des affirmations. C'était facile pour moi de penser que j'étais une mauvaise personne, bien que ça me heurtait tout autant. Ça donnait une bonne raison pour expliquer toutes les mauvaises choses qui m'était arrivé. Mais je ne trouvais même pas de mots pour décrire le sentiment imposé par le fait que Haley me place dans cette catégorie de personne alors que je lui avais révélé des faits intimes sur ma personne.