warm up my empty heart (cj)

Couchée sur le dos, contemplant le plafond, Théia attend que son téléphone portable se mette à vibrer. Elle a encore les doigts posés sur le clavier tactile et vient d'appuyer sur la touche "envoyer", sans savoir si Oliver lui répondra enfin. Elle se sent vide, à bout de force. Elle voudrait qu'il soit là, qu'il l'entoure de ses bras, la réconforte. Sauf qu'elle sait que même si il se trouvait là, dans cette pièce à ses cotés, il ne le ferait pas. En mordant sa lèvre, Théia inspire profondément et garde son chagrin enfouit en elle. Elle cherche le prénom de CJ dans ses contacts, lui demande si elle peut passer, puis se redresse instantanément pour enfiler ses chaussures avant même d'avoir reçu la réponse. Une fois ses baskets à ses pieds, elle file jusqu'au salon plongé dans l'obscurité et ouvre le frigo. Ne voulant pas débarquer les mains vides, Théia sort d'un compartiment une bouteille de vin blanc qui lui a été offerte en récompense pour un concours gagné il y a déjà plusieurs mois. Elle fourre la bouteille dans son sac à dos, enfile les lanières par-dessus ses épaules, puis reçoit le message de CJ lui confirmant qu'elle peut passer. Un faible sourire étire les lèvres de la brunette alors qu'elle descend les marches deux par deux du bâtiment. Après avoir poussé la porte principale, elle fait face à un magnifique coucher de soleil qui attire son attention pendant quelques secondes. Théia cligne des paupières pour se ressaisir, sort son vélo de son emplacement, puis roule jusque chez CJ avec la capuche de son sweet relevée par-dessus ses longs cheveux. Une fois arrivée, elle dépose son vélo dans l'allée puis toque trois coups contre la porte. Elle n'attend pas longtemps, CJ ne tarde pas à lui ouvrir et à lui offrir son habituel sourire qu'elle apprécie tant. « J'ai amené de quoi t'aider à me supporter pendant que je me plaindrai de ma vie, » dit-elle en essayant d'avoir un sourire amusé, même si ce rictus qui étire ses lèvres donne plus l'impression qu'elle est trop à bout que pour réussir à avoir son enthousiasme habituel. Pour accompagner ses mots, Théia sort de son sac la fameuse bouteille hausse un sourcil en relevant les yeux vers lui.

La maison était jolie en apparence, mais à l'intérieur, il y avait encore tant à faire. Le salon et la cuisine étaient nickel, la salle de bain était presque prête et pour les chambres, il y avait encore du travail. Tu prenais un verre d'eau pour faire une pause et ton téléphone sonnait. Tu l'attrapais pour voir le message de Théia. Elle voulait passer. Pas de soucis, tu acceptais sans plus attendre. Tu rangeais ta boîte à outil et on sonnait à la porte et sans plus attendre, tu allais ouvrir. Tu savais déjà qui se trouverait derrière puisque tu avais autorisé la personne à venir te rendre visite. Tu esquissais un large sourire en voyant Théia derrière la porte. Elle était directe dans ses propos en les illustrant assez bien. « Je vais l'ouvrir de ce pas alors ! » Tu attrapais la bouteille et tu la laissais entrer. Tu l'invitais à te suivre jusque dans le salon. Tu filais vers la cuisine pour prendre deux verres et un tire-bouchon. Tu fronçais un peu les sourcils, ce n'était pas dans vos habitudes de faire ça. Tu retournais dans le salon, pour t'installer dans le canapé à côté d'elle. « Et j'ai pas besoin d'alcool pour te supporter, tu sais, tu es mon amie et je serais toujours là pour toi. » Tu esquissais un léger sourire. Pour Théia, tu étais prêt à tout, prêt à combattre le monde, à soulever des montagnes, peut-être même à aller décrocher la lune. Ce n'était pas n'importe qui après tout. Elle était une de tes amies les plus chères. « Tiens. » Tu lui tends un verre, t'installant confortablement dans le canapé. Tu plongeais ton regard dans le sien. Plus tu la regardais et plus tu t'inquiétais pour elle. Son visage n'était pas comme d'habitude, il avait l'air triste, morose. Fermé et éteint même. Comme si elle avait perdu toute sa joie de vivre, comme si elle venait de vivre quelque chose d'horrible. « Quelque chose de grave ? » demandais-tu pour entrer dans le vif du sujet.

Et pourtant, Théia n'a jamais aimé parler d'elle. Elle n'a que très rarement mentionné à ceux qu'elle rencontrait qu'elle était souffrante d'une déformation cardiaque, tout comme elle ne parle pratiquement jamais de ses peines de coeur, de vie. Sauf que ce soir, ce lendemain de Gala où elle a vu tous ces couples heureux pendant qu'elle en était encore à se demander quand Oliver la rappellerait, ça a été la goutte de trop. Elle ne supportait plus sa solitude et elle avait besoin de compagnie, sans pour autant que cela n'implique de devoir déballer tout ce qu'elle a sur le coeur à propos de son pseudo couple. Tout ce dont Théia a besoin, c'est d'une voix à entendre. Une présence qui l'empêcherait d'être seule, un rire qui lui permettrait de ne plus faire face à un silence trop pesant. CJ s'en va ouvrir la bouteille pendant qu'elle avance jusqu'au salon, regardant la déco avec admiration. « T'avances vachement bien, » dit-elle alors qu'il revient avec, en mains, leurs deux verres. Elle prend place sur le canapé à ses cotés, sourit à ses paroles, puis hausse les épaules en regrettant un peu d'avoir annoncé son arrivée avec une telle phrase. « Je sais. » Et elle aussi sera toujours là pour lui, mais CJ est souvent plus enclin à prononcer ce genre de phrase qui vient du coeur qu'elle ne l'est. Elle prend le verre qu'il lui tend, en boit une rapide gorgée, puis rit doucement en le voyant la toiser d'un air inquiet. « Non, rien de grave. » Son rire laisse place à un petit sourire en coin pendant que ses grands yeux noisettes plongent dans ceux de son ami. Sûrement qu'elle parlera plus tard, qu'elle finira par tout lui déballer à force d'essayer de cacher la vérité. Mais là, pour l'instant, elle a envie de profiter de ces quelques minutes où ils ne sont qu'eux-deux, et où elle n'a plus la tête remplie d'idées noires. Un verre, un ami, un canapé, c'est tout ce dont elle avait besoin. « J'ai vu au Gala que Nevaeh était de retour. Du moins, j'en ai déduit que c'était elle quand t'as pratiquement crié après. » Un nouveau sourire vient étirer ses lèvres. « Vous vous êtes revus à la fin de la soirée ? Je dois t'avouer qu'il y a certains détails qui m'ont un peu échappés, j'étais pas mal ivre. » Elle rit légèrement, brièvement, avant de boire une nouvelle gorgée de son verre.

Tu l'entendais te dire que tu avançais bien. C'était le cas oui, mais il y avait encore à faire. Après tout Rome ne s'était pas fait en un jour. Tu avais encore le temps devant toi et si ça devait durer quelques années, ça durerait quelques années. Il ne fallait pas presser les choses sinon tu risquerais de faire n'importe quoi. « Pour la décoration, c'est Nevaeh qui faudra féliciter, elle fait plus attention que moi sur les petits détails. » C'est elle qui avait eu l'idée des petits cadres, des bougies, allant même jusqu'à la couleur des coussins. Tu devais bien admettre que pour toi, un coussin c'était un coussin, mais il y avait eu de la réflexion à savoir si ça ferait joli dans le salon ou non. « D'ailleurs, si tu veux, je pourrais te faire le tour du propriétaire plus tard ! » proposais-tu en revenant vers elle. C'était la première fois qu'elle venait te voir ici. D'habitude tu étais chez Aino, mais avec l'arrivée de Karel en ville, tu passais plus de temps dans cette maison que dans ta colocation. Heureusement que le loyer n'était pas aussi élevé parce qu'on pourrait dire que tu jettes l'argent par la fenêtre à avoir deux logements. « Non, je lui ai laissé la soirée pour retrouver son ami. » Un sourire apparaissait sur ton visage. Tu n'étais pas triste du choix que tu avais fait parce que tu savais que tu avais fait le bon. On pourrait croire que tu la fuyais alors que tu lui laissais juste l'espace dont elle avait besoin. Tu ne voulais pas être le genre de copain étouffant qui ne sait pas vivre sans graviter autour de celle qu'il aime. Ce n'était pas comme si elle allait disparaître en plus, une soirée en amoureux était prévu pour le lendemain soir. « D'ailleurs pour clore le sujet Nevaeh, je n'ai pas encore eu l'occasion de te dire qu'elle avait dit oui ! » Tu annonçais ça le plus simplement possible, évitant les effusions de joie. C'était une très bonne nouvelle et tu ne savais même pas pourquoi - et encore moins comment - tu avais attendu quasiment deux mois pour le lui dire. « Mais je ne t'en dirais pas plus tant que je ne saurais pas ce qui te tracasse ! » Tu effaçais un peu ton sourire, tu n'avais pas un visage sévère mais tu savais qu'elle n'était pas là juste pour te voir et prendre de tes nouvelles, sinon vous seriez sur la plage ou ailleurs en ville. « Et n'espère pas me mentir, je connais les traits de ton visage et je sais qu'il y a quelque chose. »  

Lorsqu'il mentionne Nevaeh, Théia se contente de lui sourire brièvement sans répondre. Tout semble si facile pour eux, couple parfait à qui tout réussi et que tout le monde envie. Même elle. Elle n'a jamais été très portée sur les relations à longue durée, les promesses d'amour éternelle, les je t'aime à en crever. Et pourtant, il n'a fallu que de quelques mots de la part de CJ pour lui rappeler à quel point la vie a trop peu été clémente avec elle. S'empressant d'évacuer ces pensées négatives de son esprit, Théia se concentre sur ce qu'il lui dit et hoche vivement la tête. « Ce serait avec plaisir ! » s'exclame-t-elle avant de gagner le salon. Il a laissé sa soirée à Nevaeh dit-il, et elle imagine qu'il se verront certainement demain. Elle ne sait pas quand elle a commencé à devenir jalouse de CJ et de son couple, certainement depuis que le sien s'est violemment écrasé alors qu'il était déjà bancale à la base. Elle se sent soudainement vide, minuscule, détraquée, mais tente du mieux qu'elle le peut de faire bonne figure devant son ami. Et vient le coup finale, le oui à la question qui le tourmentait déjà la dernière fois qu'ils se sont vus. Théia sent son coeur se serrer, pourtant elle sourit jusqu'à en avoir mal aux joues. « C'est génial CJ ! Il faut absolument fêter ça, » Elle lève son verre, prête à être heureuse pour lui et à mettre de cotés ses stupides problèmes qui l'empêchent de réfléchir depuis déjà trop longtemps à son goût. Évidemment qu'il veut savoir, le contraire l'aurait étonnée venant de lui. De ses deux mains, elle s'accroche à son verre comme à une bouée de sauvetage. « Disons que mon happy ending n'est pas aussi heureux que le tien, » soupire-t-elle sans le regarder. « Je comprends pas ce qu'il s'est passé. On était ensemble, on était bien. Enfin je croyais. Et... je l'ai fait fuir. Il s'est ouvert à moi et j'ai peut-être mal réagi, j'en sais rien, mais je me sens tellement stupide CJ. » Sa gorge se noue et Théia se mord la lèvres quelques secondes pour empêcher son à chagrin de franchir le seuil de ses lèvres et de ses yeux. « Je réalise que je me marierai jamais, que j'aurai sûrement jamais d'enfant parce que, waw, qui voudrait d'une mère qui pourrait clamser le jour de son dixième anniversaire ? » Sans réfléchir, elle termine son verre d'une traite et renifle. « J'suis qu'un objet cassé qu'on jette pour en avoir un nouveau. »

Elle avait envie de visiter et toi aussi. Tu le ferais plus tard dans la soirée, pour l'instant, c'était l'heure de déguster un verre de vin et de discuter un peu. Tu voyais son sourire, presque crispé sur son visage et tu secouais légèrement la tête. « Ne te force pas à sourire ! Je sais que tu es heureuse pour moi mais que ce n'est pas ce qui tu as envie d'exprimer maintenant. » Et tu ne le prendrais pas mal, au contraire. Tu ne serais pas déçu si elle n'explosait pas de joie maintenant. Ni même plus tard. Elle avait ses propres problèmes, sa peine qui la tourmentait et tant qu'elle n'en serait pas venue à bout et tu étais là pour l'aider à expier tout ça. « Sais-tu quand même que le mien n'est pas aussi facile que tu le crois ? » Certes, tout semblait aller sur des roulettes aujourd'hui mais tu t'étais un peu battu pour l'avoir. Et tu l'avais aussi laissé de côté pendant sept longues années. Lorsque tu étais revenu, tu avais songé à fuir à de multiples reprises parce que tu avais trop peur d'affronter Nevaeh et il y avait eu Lou pour te pousser dans le droit chemin. Aujourd'hui, tu serais sa Lou. « Tu n'es pas stupide. Qu'a-t-il pu te dire pour que tu penses avoir mal réagit ? » Tu fronçais les sourcils, essayant de bien comprendre ce qu'elle te racontait. Mais au lieu de te dire ce qu'il avait pu lui raconter, elle commençait à se dénigrer. Quelque chose que tu ne voulais pas voir, ni entendre. Surtout pas venant de sa bouche à elle. Tu posais ton verre de vin sur la table basse et déposais tes deux mains sur ses épaules. « Je t'interdis de dire une chose pareille Théia ! Tu as 21 ans et tu es bien trop jeune pour te permettre de dire de telles sottises ! Certes, tu as peut-être plus de chance de mourir, mais je pourrais très bien avoir un accident pour les cinq ans du mien, ou faire une crise cardiaque, un arrêt vasculo-cérébral le jour de la naissance ou même un infarctus le jour de mon mariage. » S'il fallait la secouer, alors tu le ferais. Tu voudrais être son électrochoc, lui montrer qu'elle se trompe. Peut-être que sa relation n'était pas faite pour durer mais fallait-il vraiment se laisser abattre ? C'était difficile pour toi de répondre à ça puisque tu avais toujours pris grand soin d'éviter ce genre de situation. Et pourtant, tu l'avais fait vivre à Tahlia. « Tu ne peux pas penser ainsi, sinon à quoi bon vivre ta vie ? » demandais-tu à voix basse, gardant ton emprise sur ses épaules.

Théia se sent ridicule. Elle qui a toujours été capable de cacher ses émotions, d'enfuir sa tristesse au plus profond d'elle, pourquoi en est-elle totalement incapable ce soir ? Elle repense au gala, à Lily et Nelligan, CJ et Nevaeh, à tous ces couples qu'elle n'aurait jamais cru un jour envier. « Tu me connais trop bien et ça commence à en devenir flippant, » répond-elle avec, cette fois, un sourire sincère qui perdure sur ses lèvres pour quelques précieuses secondes. À sa question, elle lève les yeux vers lui avant de les rabaisser immédiatement. Non, évidemment que ça n'a pas été facile pour lui, aucune histoire n'est aussi simple que dans les livres. Elle n'est pas du genre à s'apitoyer sur son sort, Théia a toujours même détesté lorsqu'on la prenait en pitié à cause de sa santé. Et pourtant, aujourd'hui, c'est elle qui s'apitoie. Elle qui se plaint, elle qui en est désagréable jusqu'à ne plus être capable de s'auto-supporter. Elle déteste la personne qu'elle est devenue depuis cette foutue soirée avec Oliver. « Je sais, » soupire-t-elle simplement. Et elle s'en veut d'avoir supposé le contraire, il ne mérite pas de subir son dégoût envers le gens heureux. « Il n'a eu besoin de rien dire. Il est juste... parti. Disparu. » Volatilisé sans un mot, sans un message pour lui dire que tout allait bien. Car non, tout ne va pas bien, rien n'a jamais été dans cette relation si destructrice. Pendant le monologue de CJ, Théia relève vers lui un regard rempli de larmes. Elle inspire pour ne pas qu'elles se mettent à couler, refusant de pleurer devant lui. Il a raison et elle en a conscience, raison pour laquelle elle se déteste encore plus pour les mots qui sont sortis de sa bouche. Sans savoir quoi lui répondre tout de suite, Théia se contente de hocher la tête alors qu'une larme échappe à son contrôle et vient rouler le long de sa joue. Elle s'empresse de l'effacer du revers de sa main puis plante une nouvelle fois ses pupilles dans celle de l'homme assis face à elle. À quoi bon vivre ta vie ? Ces mots résonnent dans sa tête et lui font l'effet d'un électrochoc. Elle a survécu à la mort de sa mère, à l'annonce de ses problèmes cardiaques, à la perte de son meilleur ami et à l'éloignement avec son père, alors pourquoi diable est-elle incapable de passer par-dessus toutes ces énièmes complications qui lui auraient autrefois paru sans importance ? « Je fais fuir tout le monde, CJ. Oliver n'est pas le premier à me planter, j'ai une sorte de malédiction qui fait que j'éloigne tous ceux pour qui j'ai fini par m'attacher. Ca m'a jamais atteinte avant mais depuis que le médecin m'a donné maximum vingt ans à vivre, j'ai l'impression que chaque jour qui passe est un pas de plus vers la fin. Ma fin. J'ai pas envie d'affronter ça toute seule. » Elle prononce sa dernière phrase dans un sanglot avant de venir se glisser contre CJ, le coeur lourd.

Tu esquissais un sourire en entendant sa remarque. Elle avait raison, tu pouvais arriver à deviner ce qu'elle avait derrière la tête ce soir, du moins, tu arrivais à lire ses expressions. Peut-être qu'elle les cachait mieux d'habitude mais ce soir, c'était comme si elle était ailleurs, comme si elle était perdue et qu'elle était incapable de retrouver son chemin. Et toi, tu voulais juste l'aider. « Ce qui serait flippant c'est que je sois dans ta tête. » Tu pensais directement à Fight Club, un film qui joue beaucoup avec le mental des téléspectateurs et jusqu'à la fin on pouvait ne rien soupçonner. Mais tu aussi réel qu'elle, aussi réel que les coups de soleil en plein été ou que la neige en plein hiver. « Peut-être qu'il a besoin de temps pour lui, pour réfléchir. » Tu ne prenais pas sa défense mais tu savais que la situation pouvait paraître plus compliquée qu'elle ne le paraissait. Après tout, tu avais bien mis neuf années avant de revenir dans cette ville. Aujourd'hui, les choses étaient différentes et tu avais pris le temps de grandir, de mûrir et de penser à certaines choses. Peut-être que son Oliver avait besoin de faire pareil, peut-être que l'engagement pour lui était trop tôt. Au fond, le seul à avoir toutes les réponses était Oliver et il n'était pas là. Tu te contentais de regarder ton amie, de la laisser réfléchir sur la question que tu lui avais posé. Et sa réponse était poignante, tu avais le coeur qui se serrait à chaque mot qu'elle alignait. Tu avais les larmes qui montaient au coin des yeux. La seule chose que tu fis à la fin de sa réponse, c'était de la serrer fort dans tes bras. Toi non plus, tu ne voulais pas la perdre mais la vie était ainsi. On naît, on vit, on meurt. Parfois seul. Mais ce ne serait pas son cas. « Tu n'es pas toute seule Théia et aussi longtemps que je serais là, tu pourras compter sur moi. Mon épaule est ton épaule, et je m'engage à tout faire pour t'aider du mieux que je peux lorsque tu en auras besoin. » Tu reposais ton regard sur ton amie, gardant tes mains sur ses épaules. Tu avais envie de la serrer à nouveau contre toi. « Je suis ton ami Théia et tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement que ça ! » Tu aurais pu faire une jolie métaphore sur une moule bien accrochée à son rocher, sur de la vermine qu'on ne peut exterminer mais ce n'était pas vraiment gratifiant pour toi et dans certains cas, ça ne l'était pas pour elle. Alors tu t'abstenais d'avoir ce genre de propos.

Commence-t-elle à devenir prévisible ? Est-elle devenue une sorte de livre ouvert où n'importe qui est capable de voir la moindre de ses émotions, le moindre de ses points faibles ? La réponse de CJ arrive à lui faire oublier cette interrogation et dessine sur ses lèvres un fin sourire. « Tu ne veux pas être dans ma tête, » dit-elle avec une touche d'humour qui ne la caractérise que trop bien, même si il est évident que son habituelle bonne humeur n'y est pas. La suggestion qu'il fait par rapport à Oliver lui fait secouer négativement la tête. « Je pense pas, » soupire-t-elle. « Je ne peux pas te parler de tout, mais il a fait certaines choses... enfin, il a un vécu assez sombre qui fait qu'il aurait très bien pu partir avant, mais il a décidé de le faire après que je me sois attachée à lui. » Ou parce qu'il ne voulait pas la faire souffrir encore plus, le genre de connerie que lâche une personne en train de rompre sans raison valable. C'est là qu'elle se laisse aller. Qu'elle fait tomber les barrières, qu'elle ouvre son coeur à CJ et qu'elle lui confie pour la première fois tous ces tourments qu'elle a si longtemps gardés pour elle. Les larmes coulent le long de ses joues et viennent s'écraser contre son gilet avant que Théia n'ait le temps de les effacer du revers de sa main. L'étreinte de CJ lui réchauffe le coeur et diminue son chagrin, la faisant renifler d'une manière tout-à-fait peu charmante. Elle n'en a actuellement plus rien à faire d'être jolie ou pas. « Merci, » soupire-t-elle en l'entourant de ses bras, profitant encore un peu de sa chaleur corporelle avant de lentement se dégager de ce cocon réconfortant. Ses mains posées sur les épaules de la brunette, CJ la force à la regarder et lui offre les mots dont elle avait tant besoin, ceux qui arrivent à la faire à nouveau sourire et devant lesquels elle hoche docilement la tête. « Le jour où j'essayerai de me débarrasser de toi, tu feras mieux de courir car ça voudra dire qu'un Alien a pris possession de mon corps. » Un rire vient s'immiscer entre les dernières larmes qui humidifient encore les coins de ses yeux. Grâce aux manches de son gilet, Théia s'essuie le visage. « Je m'excuse, je sais pas ce qui me prend, j'ai jamais été dans un état pareil. Sérieusement, on dirait une folle. » Elle soupire et s'accoude sur le dos du canapé avant de poser sa tête contre le plat de sa main. « Ça doit être une accumulation, puis je me sens tellement seule en ce moment. » Elle lève à nouveau les yeux vers lui. « Tu crois que, hum, je pourrais passer la nuit ici ? Je peux prendre le canapé évidemment. »

Tu l'écoutais en hochant lentement la tête en signe d'approbation à ce qu'elle disait. Elle semblait rester assez vague sur l'histoire d'Oliver et sur ce qui s'était réellement passé mais ça ne t'empêcher pas d'être dans l'empathie avec elle. « Je ne crois pas que son but était de réduire ton cœur en miettes. Peut-être qu'il essaye de te ménager avant que ça ne devienne plus sérieux. Mais on en est quand même là aujourd'hui. » Peut-être en serait-elle plus anéantie s'ils avaient commencer à vivre une vraie histoire sérieuse et qu'au bout de quelques mois, il se décide à partir. Tu ne savais pas à quel point elle pouvait être triste et à quel point elle pouvait mal le vivre mais tu avais vraiment envie de chasser tout ça. Tu n'aimais vraiment pas lire cette expression sur son visage pourtant si joyeux. Elle qui avait toujours quelque chose à dire pour le faire apparaître, toi, tu voulais être capable de le faire réapparaître. « Et ton toi Alien voudrait me tuer ? » demandais-tu en souriant alors qu'elle posait sa tête contre ta main. La chaleur de sa peau était agréable. C'était doux aussi. Un instant de pure sincérité, d'émotions fortes. « Tu sais que je suis là si tu as besoin, un coup de fil et je suis chez toi en un clin d’œil ! » Peut-être pas aussi vite qu'un clin d’œil pour être franchement honnête puisque c'était impossible à part en campant devant chez elle. Mais c'était l'idée que tu voulais qu'elle comprenne, tu ferais ton possible pour lui venir en aide, pour être là quand elle en avait besoin. Toi aussi tu avais été seul et tu comprenais ce qu'elle pouvait ressentir. « Bien sûr que tu peux. » Tu lui offrit un sourire franc. Tu n'allais pas la jeter à la porte, loin de ça, tu allais même faire le contraire et la cocooner au point qu'elle voudrait s'enfuir tellement tu risquais d'en faire trop. « Est-ce que tu as faim ? » demandais-tu doucement, vous aviez bu et toi tu avais déjà mangé, mais peut-être qu'elle non. Et ton plan commençait par là.

Même si il n'est à présent plus là, elle ne peut pas dévoiler ce seul et unique secret qu'il lui a confié parce qu'il a senti qu'il pouvait avoir confiance en elle. Bien qu'elle le déteste actuellement, qu'elle aimerait ruer son torse de coups à l'aide de ses poings si elle le revoyait, Théia s'en voudrait de gâcher l'image d'un homme à présent plus là pour se défendre. Elle écoute les paroles de CJ, hoche la tête et essaie d'être aussi raisonnable que lui ne l'est. Sauf qu'elle n'y arrive pas. Une part d'elle reste entêtée, à se dire qu'il n'a simplement pas assumé de faire face à une réalité trop difficile pour lui. Qu'il planait dans son nuage de mensonges, et que Théia a été celle qui l'a violemment ramené sur Terre. « Effectivement, on en est là. » Nouveau soupir. Ses joues sont rougies par les émotions, ses yeux sont bouffis, et sa gorge est nouée. Elle aimerait oublier, l'effacer totalement de sa mémoire, redevenir la fille si heureuse qu'elle a toujours été. Ou du moins, celle qu'elle donnait l'impression d'être. Le visage de Théia était souvent composé de quelques sourires factices mais convaincants, si bien qu'elle arrivait même des fois à se mentir à elle-même. À sa question, elle se met à rire et efface du revers de la main les dernières larmes venues humidifier ses joues. « Même si je n'étais plus humaine, jamais ne voudrais te tuer Valentine. » Elle sourit avant de hausser les épaules. « Par contre, je te kidnapperais certainement et te ferais vivre sur ma planète jusqu'à ce que tu développes un syndrome de Stockholm. » Elle arrive à plaisanter à nouveau, en grande partie grâce à lui. Parce qu'il la fait rire, doucement, qu'il fait s'envoler sa peine pour la mettre dans une petite boîte qu'elle ré-ouvra peut-être plus tard. Elle hoche ensuite la tête. « Je ne voudrais pas que tu finisses par te lasser de moi. » Son rire laisse cette fois place à un sourire en coin. Et pourtant, elle lui demande pour loger et il accepte. Elle sent qu'elle a besoin de ce moment loin de sa solitude, de la compagnie de CJ et son adorable accent qui suffit à lui seul à lui remonter le moral lors de ses jours sans. « J'ai suuuuper faim ! » s'exclame-t-elle, se redressant dans un bond. « Mais pas besoin de te la jouer cuisto, t'as pas un paquet de biscuits dans ta maison du bonheur ? »

Tu hochais la tête, n'ayant rien de plus à ajouter. Tu préférais te focaliser sur son histoire d'elle qui ne serait plus elle et ce qu'elle te ferait en tant qu'Alien. Tu rigolais, c'était amusant de l'entendre parler ainsi, de la voir sourire ainsi. « Un syndrome de Stockholm hein ? Je savais que tu en pinçais toujours pour moi. Mais au risque de te décevoir, je ne suis vraiment pas prêt d'être libre maintenant !  Mais dans une autre vie, je crois que ça aurait pu marcher ! » Tu lui fis un clin d'oeil en l'attrapant pour la serrer dans tes bras une nouvelle fois. Dans une autre vie, tu l'avais imaginé lors du Gala. Mais ce n'était pas vraiment le moment d'en parler. Ni même une bonne idée puisque tu essayais encore de la chasser. « Tu es pleine de surprise, impossible que je me lasses de toi. » Tu lui offrais un grand sourire. Tu ne voyais pas pourquoi elle disait ça mais tu voulais la rassurer si tel était son idée. Tu l'aimais ta Théia, elle te donnait l'impression d'être un bon grand frère et c'était un sentiment qui te faisait vivre beaucoup de chose. Mais c'était aussi ton petit rayon de soleil et tu ne voulais pas qu'il s'éteigne. Elle avait vraiment une grande place dans ta vie et tu voulais qu'elle le sache. « Parfait ! » Elle avait faim et ça tombait bien, tu venais d'avoir une idée de quoi cuisiner. Tu te levais et à peine debout, tu l'entendais parler à nouveau. Tu la regardais de façon intense, pas sûr d'avoir bien compris. « Sérieusement ? Tu viens chez moi avec du bon vin pis tu veux le gaspiller avec un paquet de biscuit ? J'ai des restes, je peux te les faire réchauffer si tu ne veux pas que je te cuisine quelque chose mais no way pour le paquet de gâteau, crisse, quel sacrilège ! » En tant que bon cuisto, tu râlais. Tu le supportais quand c'était Nevaeh parce que tu savais que tu avais peu de chance de faire changer ses habitudes mais pour Théia, tu pouvais lutter un minimum pour la faire changer.

Ce qu'il lui dit lui fait ouvrir de grands yeux. Immédiatement, Théia sent ses joues s'empourprer et s'empresse de plaquer ses mains contre celle-ci même si elle sait très bien que ça ne risque pas de passer inaperçu auprès de CJ. « N'importe quoi ! » se dépêche-t-elle de répondre avant qu'il ne termine, mentionnant ensuite sa relation actuelle qui leur empêche de vivre leur amour. Dans une autre vie, dit-il en la faisant sourire une nouvelle fois. Lentement, ses mains retombent entre eux-deux sur le canapé et elle hausse les épaules. « Très bien, j'attendrai la prochaine. Et même si tu te retrouves à l'autre bout du monde, je te retrouverai, » ajoute-t-elle en plissant les paupières d'un air faussement menaçant avant de retrouver son petit sourire amusé. Il est vrai que Théia a pendant un moment été complètement sous le charme de CJ, et peut-être qu'elle ne dirait pas non à un petit quelque chose encore aujourd'hui. Rien de bien grand, pas de promesses d'amour éternel et de mariages, bébés et autre. Juste un baiser, un échange innocent qu'il lui aurait laissé comme un cadeau d'adieu à cette deuxième vie qu'il n'auront jamais. À présent qu'ils sont amis, Théia ne peut plus se permettre de penser de la sorte, alors elle se contente d'être heureuse quand il lui parle de Nevaeh et quand elle lui parle de, et bien, sa vie. Elle se laisse aller dans son étreinte sans répondre, mémorisant ses mots pour se les rappeler pendant les jours où elle n'aura à nouveau plus le moral. Quand elle s'écarte pour proposer un paquet de biscuits, elle hausse les sourcils face à la réaction totalement inattendue de CJ qui semble presque vexé qu'elle refuse ses petits plats de grand chef étoilé. Elle ne peut s'empêcher de sourire en l'entendant jurer en québécois. « Ça va, ça va, j'accepte ! Nourris-moi comme le chat errant que je suis. » Elle retrousse sa lèvre inférieure pour lui offrir le visage du chaton abandonné réclamant un minimum d'affection, puis bondit hors du canapé. « Qu'est-ce qu'il y a au menu monsieur ? De la poutine ? » Elle tourne la tête dans sa direction, à présent dos à lui, un sourire taquin étirant ses lèvres. L'orage est passé, les larmes ont coulé, et Théia est redevenue Théia.

Elle avait mis ses mains sur ses joues, comme pour se cacher par rapport à ce que tu venais de dire. En la voyant faire, tu ne pouvais t'empêcher de rigoler, elle était vraiment adorable. Tu pourrais laisser passer les choses et ne rien dire, mais tu n'allais pas le faire, tu avais là une si belle occasion de la taquiner un peu plus. « Tu sais que t'as viré pivoine ? » ajoutais-tu avec un léger sourire en coin. Après une lutte acharnée, tu avais gain de cause. Tu n'allais pas la laisser dans ton canapé à manger des crackers. Debout devant le canapé, tu la regardais faire une petite moue avec ses lèvres, elle devait essayer d'être un Chat comme pour dessiner ce qu'elle venait de dire mais tu ne le voyais pas trop. Cependant, ça ne t'empêches pas de lui offrir un sourire. « T'es pas un petit chat errant. Ou si tu l'es, t'es vachement mignon et j'vais vouloir te garder à vie ! » Tu ne disais pas ça en l'air, meme si Nev n'apprecirait pas tant contrairement à Karel, mais là c'est toi qui n'apprécierait pas. Tu aimais beaucoup ton cousin mais il avait un peu trop l'air d'un coureur de jupon et avec ce qu'elle venait de te raconter, tu allais peut-être te la jouer protecteur. « Tu connais-tu ça toi ? » Ta voix était montée dans les aiguës et tu étais vraiment surpris par sa demande. Un bonne poutine, des années que tu n'en avais pas mangé. « J'ai des restes de poulet basquaise, ça te tente où tu préfères autre chose ? » Tu sortais la tête du frigo pour retourner vers elle afin de mieux l'entendre quand elle te répondra.

Immédiatement, Théia retire ses mains de ses joues et les croise contre sa poitrine. Elle a les traits partagés entre la frustration et l'amusement, les sourcils froncés mais aussi un sourire aux lèvres. Elle s'empresse de secouer négativement la tête même si, concrètement, c'est fort possible qu'elle ait rougi rien qu'un peu. Elle a bu trop rapidement le verre de ce vin qu'elle a apporté et, bien qu'elle ne soit pas ivre avec si peu, elle se sent déjà un peu plus légère grâce à lui. Et puis, CJ reste CJ. Cet homme qui lui plaisait autrefois, celui pour qui elle a dû délaisser ce sentiment naissant en elle et le remplacer par une simple amitié. « Je ne rougis jamais, » ment-elle alors que ses traits se détendent petit à petit. Ce qu'il lui répond lui donne envie de sourire jusqu'à en avoir mal aux joues et pourtant, Théia se mord la lèvre inférieure afin qu'il ne remarque pas à quel point ses paroles la réconfortent, lui font du bien même. « Si tu testes mes joues pour voir si elles vont réellement virer pivoine, saches que ça n'arrivera pas. » Elle le regarde avec un air de défi mais, rapidement, son sourire vient retrouver sa place pour illuminer son visage. Elle se sent déjà tellement mieux, Théia ne regrette pas d'être venue chez lui. Elle savait avant même de franchir le seuil de cette maison qu'il trouverait les mots, qu'il saurait comment lui faire oublier. Face à son étonnement devant sa connaissance pour le fameux plat canadien, elle pose fièrement ses mains sur ses hanches. « Tu me prends pour qui ? Évidemment que je connais ! » s'exclame-t-elle avant de marcher jusqu'à la cuisine. Arrivée dans la seconde pièce, Théia saute sur le plan de travaille et le regarde faire tout en balançant ses jambes dans les vides. « Non c'est parfait ! Enfin je suppose, j'ai aucune idée de ce que c'est. » Elle rit doucement et glisse une mèche de cheveux derrière son oreille, toujours perchée en hauteur.