➳ Bal de Miss & Mister Bowen

Il était là, il était venu. Il avait bien voulu consacré un pan de sa soirée à toi, peut-être pour parler des livres qu'il t'avait conseillé des mois de ça, peut-être pour ne pas parler, ou pour parler de tout autre chose. Cette pensée te réjouissait. Depuis que tu étais séparée de Tom, tu n'avais pas eu beaucoup d'amis. Il y avait August et il serait toujours là puisqu'il était le parrain d'Iris. Rien ne pouvait fragiliser votre relation, tu avais même eu le dessus sur Tom, alors qu'il était son ami bien avant toi. Ce soir, tu allais pouvoir profiter d'une soirée loin de ta vie de maman, d'avoir un temps avec Emrys. Un homme dont tu ne connaissais pas grand chose si ce n'est qu'il avait un enfant, un fils si ta mémoire était bonne mais tu n'en étais pas certaine. Un homme avec qui tu pourrais sûrement bien t'entendre s'il laissait un peu de côté les défenses qu'il avait bâti autour de lui. C'était ton but du soir, essayer de baisser ses défenses. A peine avais-tu fini de parler, qu'il te répondait. Une autre tirade tiré du la pièce. « Fi de votre constance, on en est revenu, ce n'est qu'une chimère habillée en vertu, si nos pères ont eu cette folle manie. » Tu citais la première qui te revenait à l'esprit. Il y avait eu beaucoup de choses qui t'avaient fait sourire dans ce livre. Vous pourriez sûrement tenir longtemps avec tout ça, mais ça te faisait toujours étrange, tu bloquais parfois sur des syllabes. « Je vais bien. Vous voulez boire quelque chose ? » proposais-tu avec un grand sourire. La première fois que tu l'as vu, il était ivre mort quand vous vous étiez quittés, la dernière fois que tu l'as vu, à priori, il ne buvait plus. Du coup tu ne savais pas trop mais tu tentais.

Parce que tu ne sais pas tout, songe-t-elle sans le dire tout haut. À la place, Théia se contente de lui sourire avant de hausser les épaules, ses coudes toujours appuyés sur le bar derrière elle. « Peut-être que c'est toi qui me rend plus intéressante, who knows. » Cette fois, Théia ne le regarde pas. Elle songe aux limites qu'elle a réussi à repousser grâce à lui, à tout ce qui autrefois lui semblait impossible qu'elle a pourtant réussi à accomplir. Ses mauvais jours ne lui apparaissent que comme un lointain souvenir, ses défauts comme de simples détails. Elle se remémore cette sensation sur le toit du bar, cette impression que le monde était minuscule alors que jusque là, il lui avait toujours semblé trop grand. Elle n'a pas le temps de répondre après qu'il n'ait mentionné les défis, Woody s'empresse de lui mettre la pression quant-à ces fameuses épreuves auxquelles elle n'a pas encore vraiment pensé. « Laisse-moi deux minutes, » dit-elle en plissant légèrement les paupières. Elle regarde le monde, quitte sa bulle hors du temps et se replonge dans le bruit du monde réel. Elle regarde les visages connus, ceux inconnus, mais ne s'attarde pas sur leurs conversations. Bien vite, son attention s'arrête sur un groupe de personnes où se trouve le Mister Bowen de l'année. « Peut-être que tu pourrais t'imposer Mister Bowen pour rien qu'une heure, » dit-elle en haussant un sourcil pendant qu'un sourire joueur vient étirer ses lèvres. Enfin, elle tourne la tête vers Woody. « Je suis certaine que cette couronne t'irait à ravir. » Le jeu peut commencer, et elle est certaine qu'il ne fera qu'être plus amusant au fil des défis qui les attend.

C’était plutôt les filles qui se rendaient généralement intéressantes pour plaire à Woody, ou alors Woody qui leur donnait l’impression de l’être rien que pour arriver à ses fins. Dans ce cas-ci, ni l’un ni l’autre ne s’appliquait. « Oh, I know. And I know that's not true. » Si Woody trouvait Théia aussi intéressante, captivante et mystérieuse, c'était parce que tout cela émanait d'elle. Il se savait de plus en plus aveuglé par ce qu'il voyait en elle, mais il savait aussi qu'aucun filtre ne venait brouiller son regard sur elle. S'il aimait autant sa présence, c'était parce qu'elle avait ce je-ne-sais-quoi qui exerçait une emprise sur lui. Et comme pour accroitre davantage cette excitation qu’il ressentait en sa compagnie, il insista sur le fait qu’ils débutent dès maintenant ces défis dont ils avaient parlé quelques jours auparavant. La première idée de Théia commençait fort. « Je l'ai déjà été une année complète, c'est pas assez ? » Il rigola. « Mais il est vrai que la couronne m'allait plutôt bien. Ce serait dommage que tu ne puisses pas avoir cette image dans tes souvenirs. » Il ignorait où se trouvait Théia il y a de cela deux ans, quand il avait été couronné Mister Bowen, mais visiblement elle ne semblait pas au courant qu’il l’ait un jour été. Normal, elle ne le connaissait même pas quelques mois plus tôt. Sur ces mots, Woody se recula légèrement en lui lançant un regard amusé, avant de se diriger vers Alfie, le roi de la soirée, et de bondir sans prévenir, dans son dos, en lui prenant la couronne de sur sa tête. « Désolé mec, tout le monde sait que c'est moi qui est roi ici ! » Il recroisa son regard juste le temps d'y apercevoir la surprise puis il s'enfuit, du moins assez loin pour se perdre dans la foule, même s'il ne serait pas très difficile à retrouver si jamais le vrai Mister Bowen voulait retrouver son titre et, surtout, sa couronne - qui était bien ce qui rendait la chose officielle, au fond. En repérant de nouveau Théia dans la foule, Woody posa la couronne sur sa propre tête, sous quelques regards indignés ayant assisté à la scène. D'un pas légèrement dansant et fier, il se rapprocha de sa comparse, puis une fois arrivé tout près d'elle, chantonna : « C'est moi Simba, c'est moi le roi, du royaume animal ... » Il rigola et arriva enfin à sa hauteur. « Alors ? Comment me trouves-tu ? » Demanda Woody, battant des cils et prenant une pause voulant se donner un air suprême.

Le jeune homme fut étonné de voir que Sunny avait retenu plusieurs répliques de la pièce qu’il lui avait conseillé. « Vous avez l’air d’avoir aimé Don Juan. » déclara-t-il alors, heureux qu’au moins un de ses conseils de lecture ait plu. Si elle souhaite continuer sur Molière il y a de quoi faire puisqu’il a été très prolifique durant les années où il a écrit. De plus ses pièces parlent de thèmes encore actuels, comme quoi certaines choses restent universelles, peu importe l’évolution qu’il peut y avoir. La jeune femme lui proposa ensuite quelque chose à boire ce à quoi il répondit simplement « Je vais prendre un verre de jus de fruits et vous ? » Il ne boit plus depuis plusieurs mois, depuis la love experience qui ne lui a pas fait trouver l’amour comme l’espérait certains de ses amis mais qui a réussi à le faire devenir sobre et à le sortir de son addiction. A présent plus question de toucher à de l’alcool, du moins pour un temps. Il ne sait pas si un jour il pourra boire sans retomber dans ses démons. Peut-être le jour où il retrouvera l’amour, du moins si cela arrive car jusqu’à maintenant il n’y a rien eu de bien concret. Des gens ont bien essayé de le faire aller de l’avant, de lui donner des conseils mais ça n’a pas abouti car il ne sait pas draguer et n’en a pas vraiment envie de toute façon.

Elle avait l’air tellement heureuse, à sourire comme ça. Comme quoi le couple, le mariage et tout ça, ça réussit à certaines personnes. Il lui avait demandé si elle regrettait de ne plus être miss Bowen cette année et elle lui répondit qu’elle n’était pas sûre d’avoir été un réel modèle l’année dernière. Perry ne savait même pas qu’il fallait faire des trucs spéciaux quand on était élu, les fois où il l’avait été, il n’avait rien fait de particulier. Pour lui c’était juste un truc comme ça, pour s’amuser, rien de sérieux avec des responsabilités. « T’sais j’pense pas que les gens s’intéressent vraiment à ça. L’but c’est pas d’résoudre la faim dans l’monde. » Ce serait bien mais utopiste. Pour lui le but de ce genre de choses c’est de s’amuser et de se venter un peu après aussi. Elle lui demanda ensuite comment il va. « Oh bah tu sais, la routine quoi même si maintenant j’dois m’occuper de deux gosses. Et toi ? Ça a l’air d’aller en tout cas ! » dit-il avec un sourire. Si elle est malheureuse de toute façon ce n’est pas un bon signe, à moins que quelque chose de grave ne soit arrivé, il n’en sait rien après tout. Enfin elle n’a pas l’air d’aller mal quand même.
Peu après, Alfie vint les rejoindre en annonçant qu’ils sont les deux personnes pour qui il a voté, Lily l’année dernière et Perry cette année. Ce dernier se retourne vers lui, étonné. « Sérieux ? » dit-il en riant. Enfin après tout lui aussi a voté pour Alfie, il ne se voyait pas trop voter pour lui, même si avec son ego ça aurait pu.

Elle ne lui répond pas, du moins pas avec des mots. Le regard de Théia croise celui de Woody et, pendant plusieurs secondes, elle ne dit rien. Seulement deux ou trois en réalité, mais le moment semble durer une éternité. Elle aimerait le remercier, un simple mot qui ne serait pas difficile à prononcer et qui pourrait n'être qu'une parole comme tant d'autres devenues si anodines. On remercie pour un cadeau, pour être venu à un mariage. Mais on ne dit pas merci à une personne capable de nous faire sentir important à nouveau. Premier défi, la couronne. L'attention de Théia se porte une nouvelle fois sur le groupe de personnes alors qu'elle l'écoute lui raconter qu'il a déjà été élu. Elle n'était pas là Théia, ou du moins pas à l'événement. « Ce n'était pas un véritable couronnement sans moi à tes cotés, » répond-elle en souriant fièrement avant de remuer les épaules, peut-être un peu trop emballée par ce futur défi. Avant qu'elle n'ait le temps de dire quoi que ce soit, Woody s'éloigne dans la foule. Seule au bar, Théia attend. Elle croise les bras contre sa poitrine, tente de le voir par-dessus les têtes, mais en est incapable. Bien vite, il revient avec son trophée qui trône fièrement sur le haut de sa tête. Un grand sourire vient étirer ses lèvres, suivi ensuite par un rire cristallin lorsqu'elle l'entend chanter la chanson du Roi Lion. « On va finir par revisiter tous les Disney, » dit-elle, se rappelant leur première rencontre où ils ont fini par se lancer dans un duo de "I'll Make A Man Out Of You". Avant de donner son verdict, elle se frotte le menton et plisse légèrement les paupières, mais n'arrive pas plus longtemps à s'empêcher de sourire. « Je t'apprécie beaucoup en roi, ça te met plutôt bien en valeur. » Elle hoche une fois la tête pour appuyer ses dires. Reprenant petit à petit son sérieux, elle plonge une nouvelle son regard dans celui de Woody. « Alors, qui sera ta reine ? »

Avec sa couronne - ou plutôt la couronne d’Alfie – sur la tête, Woody revint fièrement vers Théia, dansant et chantant pour souligner la réussite de ce premier défi. Elle n’avait pas été douce dans le choix, la gradation dans le niveau de difficulté risquait de se faire rapidement à ce rythme-là, mais Woody était prêt à tout. Un grand sourire étira les lèvres de la brunette, ce qui enflamma le cœur du jeune homme, ravi de causer une telle réaction, et d’entendre son rire cristallin couvrir toutes les autres voix autour d’eux. Il s’approcha d’elle et s’arrêta à ses côtés, souriant à sa remarque. « C’est pas moi qui s’en plaindrai. » Quand on provient d’une fratrie comme celle des Rutkowski, les Disney font partie intégrante de la jeunesse, des souvenirs, et inévitablement de la nostalgie qui y est reliée une fois adulte. Il avait beau bientôt passer le cap de la trentaine, cette partie-là plus enfantine de lui ne disparaîtrait pas. La partie qui aimait les défis non plus, d’ailleurs, et c’est pourquoi il avait montré autant d’enthousiasme et d’empressement face à cette soirée. Et aussi parce qu’il y reverrait Théia. « Merci, merci, on m’a toujours dit que j’avais une tête à couronne. » Il rit, avant de reprendre son sérieux tout comme la jeune femme le faisait. Quand elle demanda qui serait sa reine, il hésita à faire mine de regarder autour de lui afin de trouver la grande gagnante parmi la foule. Il n’en fit rien. À quoi bon tenter de berner qui que ce soit quand tous les deux savaient fort bien de qui il s’agissait ? Son regard resta rivé sur Théia, alors qu’un sourire se dessinait lentement sur ses lèvres plus il la regardait. « Je ne vois qu’une seule personne ici qui serait à la hauteur du titre. » Normal qu’il ne voit qu’une seule personne, il ne semblait voir qu’elle. Ses yeux quittèrent enfin son visage pour se poser sur les verres en plastique derrière le comptoir du bar. Il en prit un, vide et propre, et le tourna à l’envers afin de venir le poser sur la tête de Théia avec un rire amusé. « Voilà votre couronne, ma chère. » Dommage que ça ne tenait pas plus de trois secondes en équilibre. Le verre tomba à leurs pieds, bien vite. Woody baissa le regard vers ce dernier un moment, en souriant, avant de relever la tête vers elle. « J’ai le droit de te lancer des défis, moi aussi, ou c’est juste toi ? » Demanda-t-il.

Perry avait toujours réponse à tout, tu avais souvent eu envie de lui poser des questions idiotes pour voir ce qu'il dirait mais tu t'étais retenue de le faire à chaque fois, tu étais longtemps passée pour une sangsue avec lui, que tu ne voulais pas en faire trop, et ça, c'était trop. « Encore heureux, c'est pas avec moi que ça aurait été fait ! » Tu n'étais pas une très bonne figure d'encouragements de de soutiens pour le monde entier, tu t'en sortais bien auprès de tes amis mais ce n'était pas toujours une grande réussite, mais tu ne t'en plaindrais pas. Tu affichais juste un grand sourire en entendant la suite de ses mots. « Bientôt maman, alors je comprendrais bientôt ce que tu vis. » Tu avais hâte des pleurs dans la nuit, des moments complices avec le petit être, des moments d'extrêmes tendresse et d'amour infini. Tu étais prête à lui donner tout l'amour que tu portais en toi et même plus encore. Juste après quoi, Alfie s'approchait de vous, vous faisant remarquer que vous étiez les personnes pour qui il avait voté les dernières fois, toi tu le savais déjà, il te l'avait dit peu après ta fête d'anniversaire si ton souvenir était bon. Tu te décalais de façon à pouvoir voir les deux hommes. « Félicitations à toi, tu le mérites. » Tu te souviens que le choix n'avait pas été facile pour toi, tu connaissais une bonne partie de personnes qui s'étaient présenté, si tu n'avais pas eu de doute pour les femmes en votant Nevaeh, tu savais que ton choix avait été plus long pour les hommes, hésitant entre Alfie et Perry puisque tu t'entendais bien avec les deux et que tu les aimais bien, aujourd'hui tu avais voté pour celui avec lequel tu avais le plus de relation aujourd'hui.

Elle non plus ne s'en plaindra pas. Elle a toujours aimé les Disney, les vieux comme les anciens. Ils ont pendant longtemps été son péché mignon après s'être contentés d'être des souvenirs d'enfance. Théia aimait en lancer un tout en s'enfilant un plat commandé chez un traiteur, et elle répétait le phénomène toutes les semaines. Raiponce, Rebelle, récemment Vaïana, tous y sont passés. Elle ne le fait cependant plus, faute de temps. En réalisant qu'elle connait encore par coeur la chanson du Roi Lion, elle sent grandir en elle son éternelle âme d'enfant qui ne l'a jamais vraiment quittée. Ce qu'il répond à son compliment la fait sourire, amusée par l'adjectif qu'il se donne à lui-même. Tête de couronne, à croire que Woody était une sorte de prince habitué à porter de telles parures. Sa reine, il semble la chercher du regard. Intriguée mais toujours autant souriante, elle suit ses gestes du regard sans bouger. « C'est un honneur pour moi, je n'ai pas les mots. » Elle tente tant bien que mal de rester immobile afin de ne pas faire tomber la fausse couronne qu'il vient de poser sur sa tête, mais la gravité en décide autrement. Le gobelet atterrit à ses pieds et Théia lève vers Woody un regard inquiet, comme si elle venait de faire s'éclater par terre un verre incrusté de diamants. « Oups, » lâche-t-elle simplement. La question qu'il lui pose la pousse à se demander si il compte lui lancer un défi en rapport avec le gobelet, attisant ainsi la curiosité de Théia. « Mais bien sûr, fais-toi plaisir. » Elle a toujours aimé relever des défis. Qu'ils soient censés ou absurdes, simples ou dangereux Théia est impulsive. Le genre de fille à ne réfléchir qu'après avoir agi. Elle aime jouer, repousser ses limites, et elle bien curieuse de savoir où se situeront celles de Woody.

Tu t'attendats à une autre réplique mais ça s'arrêtait là. Ce n'était pas plus mal, vous auriez pu y passer la soirée et ça aurait été vraiment long. Il en aurait vite eu marre de toi sinon. C'était ton truc à toi ça, dès que tu aimais une nouvelle chose, tu en parlais tout le temps, au point de soûler les autres pour qu'ils t'interdisent d'en parler à nouveau. « Oui, c'était pas mal et j'imagine que dans la langue d'origine, ça doit être plus hilarant ! » Il y avait des explications pour raconter certains dialogues afin de comprendre ce qui était écrit puisque vous n'aviez pas le même passé historique, vous n'aviez pas eu la même vie du coup il y avait des expressions que tu ne connaissais pas et que tu n'avais pas retenu mais dans l'ensemble, tu t'étais bien amusée tout en appréciant le livre. Ce qui était pas mal au final. « Vous êtes sobre ? » demandais-tu le plus légèrement possible. Si ton souvenir était bon, tu ne l'avais pas vu avec un seul verre à la main, après tu n'avais pas passé tant de temps avec lui et lors des soirées organisées dans la maison, tu n'avais pas eu que l'oeil sur lui. Le but était de trouver l'amour, tu avais pris le temps de discuter avec plusieurs des hommes présents dans la maison mais sans trouver chaussure à ton pied, pas assez intime pour te lancer dans quoique ce soit, surtout à cause des caméras. Tu commandais deux jus de fruit au bar, après quoi, tu lui fis à nouveau face, sans savoir quoi dire d'autres après.

Plutôt que de se créer de nouveaux souvenirs, Woody se réfugiait dans les anciens. La nostalgie l’habitait à chaque fois qu’il écoutait un Disney, ceux parmi les premiers. Il se souvenait de cette douce époque où rien d’autre n’importait que de se chamailler afin de décider qui des trois, entre Nevaeh, Felix et lui, aurait la télécommande pour contrôler les chaînes ou l’avancement du film. Il s’agissait des seuls combats qu’il avait à gagner. La maladie, elle, grugeant peu à peu son système nerveux, dévorant sa fierté, était loin encore. Il était encore dans sa petite bulle dorée, à l’abri de tout et de rien, auprès de sa famille. Le jeune homme ne connaissait donc que les vieux Disney, parce que c’était eux qui le réconfortaient. Les nouveaux, il n’en avait que faire. Et pourtant, si c’était pour en chanter encore et encore avec Théia, il aurait été prêt à élargir son répertoire. Pour le moment, fort heureusement, ils avaient encore bien des paroles et des films à épuiser. Ce n’était que le début de leur histoire, aussi confuse ou incertaine soit-elle. « Pas besoin de parler quand on est roi et reine. » Dit-il d’un ton léger, avec un sourire, alors qu’il posait la couronne de verre – et c’est le cas de le dire, vu le joli verre de plastique – sur la tête de Théia. La fausse couronne ne tint pas en place bien longtemps. « C’est pas grave, j’t’en ferai une autre. Digne de ce nom. » Il sourit, avant de revenir au défi, comme un enfant en totale obsession. Oui, il faisait une fixation là-dessus. Mais seulement parce qu’il avait lui aussi plus d’un tour dans son sac, et des idées à n’en plus finir. « Prends le micro et raconte des blagues aux gens pendant trois minutes. » Proposa Woody avec un sourire amusé, fendant son visage au complet tellement il était fier de son idée. Regarder Théia jouer les humoristes, ce serait franchement splendide. Et encore, il savait qu’elle l’impressionnerait.

Lorsque tu descends de l'estrade, tu es accueillie par Eden qui en profite pour te tendre une rose. Ton sourire s'étire en un large sourire, touchée par ce genre de petites attentions. Ce n'est pas dans les habitudes d'Eden, ni dans les tiennes, du coup tu trouves ça plutôt étonnant mais assez charmant après tout. Tu soupires d'amusement lorsque le jeune homme se plaint de n'avoir qu'un léger baiser au coin des lèvres pour ce soir. « Miss Bowen n'embrasse pas n'importe qui. » Rétorques-tu, taquine. Tu es loin de te prendre au sérieux et ce n'est sûrement pas ce "titre" qui va te faire prendre la grosse tête. Le jeune Parker-Lane propose par la suite d'aller déposer tes affaires dans sa voiture et vu le nombre de cadeaux que vous avez reçu, Alfie et toi, ce ne serait pas de refus. Néanmoins, tu ne peux t'empêcher de relever un petit détail. « Tout ça pour me ramener à la maison, hein ? » Demandes-tu, un sourire amusé au coin des lèvres. Même si l'idée est loin d'être déplaisante, tu as envie de taquiner Eden ce soir.

Après lui avoir fait remarqué que tu t'attendais à bien plus que ça, elle ne pouvait s'empêcher de t'ennuyer, te disant que Miss Bowen n'embrasse pas n’importe quoi, tu souriais, au fond, tu sais que le n'importe qui qu'elle vient d'embrasser ne l'est plus à ses yeux. Je croyais qu'après deux-trois fois, je n'aurais plus été n'importe qui. Disais-tu d'un air vexé, bien sûr, tu ne l'étais pas et tu voulais juste rentrer dans son jeu, par simple gentillesse, tu lui proposais d'aller embarquer sa tonne de cadeaux en voiture, sa réplique ne se faisait pas attendre, te disant que c'étais une de tes centaines de manières de la ramener chez toi ce soir sûrement, tu lui souriais tout simplement. Voyons, Miss Bowen est-elle du genre pressée ? Après, c'est claire que ce soir, tu comptes passer la nuit avec elle, afin de fêter son couronnement comme il se doit, mais avant, tu veux voir, voir ce qu'elle a encore. Sinon, ai-je du soucis à me faire à propos du maire désormais? Tu la fixais, droit dans les yeux, un sourire malicieux sur les lèvres en attendant sa réponse. Vos coupes vides, tu lui débarrassais en l'envoyant sur le plateau du garçon qui était de corvée nettoyage

Théia a souvent eu l'habitude d'avoir plus d'amis masculins que de féminins. Elle ne saurait expliquer pourquoi, ni même ce qui fait qu'il y a toujours eu une barrière si distincte entre la façon dont elle se comporte avec ses amis qu'avec ceux qui la draguent, ceux avec qui elle sort ou ceux qu'elle s'amuse à faire tourner en rond. Et pourtant, en ce moment, Woody est à cheval entre les deux catégories. Il est en plein sur cette barrière censée être infranchissable, brise toutes ses règles et ce à quoi elle a toujours été habituée. Ce doit être pour ça qu'il la déstabilise autant, la raison qui fait qu'au lieu de s'en aller comme n'importe qui le lui proposerait certainement, elle reste. Parce qu'avec lui, tout est différent. Elle n'a pas la contrôle et même si ça peut être effrayant, ça ne lui déplaît pas pour autant. Une autre couronne ? L'idée attise sa curiosité et lui fait hausser un sourcil interrogateur. « Je porterais avec fierté cette couronne que tu m'auras fait, un peu comme les parents qui font semblant d'adorer le collier de pâtes fait par leur enfant. » Elle ne peut s'empêcher de sourire, à chaque fois trop impatiente de découvrir sa réaction à chaque pique peu méchante qu'elle lui lance. C'est après tout comme ça qu'ils ont commencé, les bases de leur relation encore floue et incertaine. Malgré les remarques sans innocences qu'ils ont pu se lancer, malgré les regards en coin et les sourires parfois révélateurs, Théia se sent comme une enfant à ses cotés. C'est ce contraste qui lui plaît, l'impression que n'importe quel autre humain sur terre serait incapable de la faire passer d'adulte à gamine en à peine une heure. Le défi qu'il lui lance lui fait pousser un léger soupir. « Je suis hyper nulle pour raconter des blagues, mais je relève le défi. » Elle abandonne Woody, marche d'un pas décidé jusqu'à la scène, et grimpe sans réfléchir. Sans son regard posé sur elle, elle ne l'aurait probablement pas fait. Mais de le savoir qui la regarde, ça suffit à lui donner assez de courage que pour attraper ce foutu micro et se présenter devant une foule de personnes qui n'en a rien à caler. « Ok ok, c'est bien tout ça. vous êtes beaux et tout le monde le sait, mais ça manque clairement d'animation ici. » Elle se racle la gorge et s'accroche à son micro comme si elle s'apprêtait à se lancer dans l'hymne nationale. « J'ai une blague, désolée pour les chrétiens. Quelle est la différence entre Jésus et sa photo ? » Elle attend, même si tout le monde s'en fiche. « La photo est accrochée à un seul clou, » ajoute-t-elle. Super blague, trop drôle, une des seules dont elle se souvienne.

Un rire s’échappa d’entre les lèvres de Woody alors qu’il baissa la tête vers le sol et porta sa main à son cœur, comme un soldat touché en plein cœur sur le champ de bataille. Il secoua doucement la tête avant de relever le regard vers Théia. « Outch. T’es en train de dire que tu feras semblant d’aimer ma couronne, celle que je t’aurai faite avec effort et amour ? » Dit-il d’une voix qui semblait détachée et qui, pourtant, rassemblait toute sa force pour ne pas perdre le contrôle de son timbre. Ses cordes vocales auraient bien pu trembler sous le séisme que provoquait dans son cœur ce mot lorsqu’il franchit la barrière que devaient être les lèvres de Woody. Mais, face à Théia, ces barrières tombaient peu à peu, ne filtrant plus aussi bien les sentiments que Woody tentait tant bien que mal de garder pour lui, en lui, afin d’éviter de retomber à nouveau dans une histoire qui ne pourrait jamais avoir une belle fin. Sa main, toujours posée sur sa poitrine, retomba finalement le long de son cœur, nonchalamment. Il soupira doucement, comme pour souligner encore plus sa fausse déception. Vint finalement l’heureux moment pour Woody, celui de décider du prochain défi, que devra relever Théia. Chacun son tour. « J’avais deviné, à force de te côtoyer, que c’était pas ton fort, l’humour. C’est exactement pourquoi c’est le premier défi qui m’est venu en tête. » Il avait beau prétendre ça, Woody, au fond ce n’était pas plausible comme réflexion puisqu’en compagnie de Théia, il riait comme avec personne d’autre. Elle avait tout de suite su le mettre à l’aise, le rejoindre dans ses blagues, mais celles-ci étaient propres à eux, comme si personne d’autre ne pourrait comprendre cette étincelle de rire qui jaillissait à chaque fois qu’ils se parlaient. Ce serait donc plutôt amusant de voir Théia tenter de faire rire quelqu’un d’autre que lui, pour une fois. Il la découvrirait d’une autre manière, à travers le regard des autres. La jeune femme abandonna donc Woody, qui ne la quitta pas des yeux jusqu’à ce qu’elle arrive sur scène et s’empare du micro. Quand il entendit la blague à caractère religieux qu’elle lâcha devant tout ce beau monde, un éclat de rire court mais fort se fit entendre, celui de Woody, qui avait été pris par surprise par une telle audace. Suite à ce rire d’étonnement, il commença à rire tout seul, un peu moins fort, tout en regardant Théia descendre le rejoindre de nouveau. Quelques regards s’échangeaient autour, d’autres riaient de la blague à leur tour, certains l’assumant moins bien que d’autres. Une fois Théia de retour à ses côtés, Woody l’applaudit. « Je m’attendais à bien des types de blagues mais ça, ça dépasse carrément toutes mes attentes. T’as du culot, Hamilton. Ça me plaît. » Il sourit. « À ton tour de t’faire plaisir. Après le coup que je viens de te faire, tu peux te permettre d’aller loin. » Et si lui-même lui en donnait la permission, alors il pouvait être certain qu’elle s’en donnerait à cœur joie.