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↳ personnages attendus

Bienvenue à Bowen, petite ville côtière du Nord-Est de l'Australie, abritant moins de 7 000 habitants. Si vous recherchez le calme, la bonne humeur et la joie de vivre, vous serez au paradis. Tous les habitants vous le diront, Bowen est l'endroit idéal pour se ressourcer. Et puis ne vous inquiétez pas pour l'intégration, ici tout le monde se connaît et les habitants adorent accueillir les nouveaux. › suite.


 

 Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}

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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyMer 6 Sep 2017 - 23:42

Si le début de leur conversation avait été bien anodin, depuis qu’ils avaient quitté Bowen, la situation venait de basculer drastiquement. Naveen ne s’était certainement pas attendu à avoir un ancien soldat de l’armée américaine à l’arrière de son taxi, surtout pas après s’être tapé la discussion avec lui pendant une vingtaine de minutes. Tout d’un coup, son corps s’était raidit, même s’il avait jusqu’alors été bien à l’aise avec l’homme. Tout venait de changer, dès la seconde où il l’avait imaginé dans son uniforme d’armée, répondant à des ordres qui changeraient des vies complètes sans même s’en rendre vraiment compte. Sans comprendre que pour arriver à leurs fins, à leurs objectifs – aussi louables soient-ils -, ils devaient détruire des vies, des vies qui n’avaient jamais demandé à vivre de telles horreurs. Des vies qui n’attendaient que d’être sauvées par ces mêmes forces, pas anéanties. Un silence de mort s’installa, justement pour toutes ces morts causées par les frappes aériennes et toutes les autres interventions qui avaient mis fin aux jours d’un trop grands nombres de civils, irakiens dans son cas. Naveen cherchait à formuler sa pensée, il cherchait des mots qui ne lui venaient pas, encore moins dans une langue secondaire. Wyatt avait détourné le regard, avait retrouvé son rôle d’inconnu à l’arrière d’un taxi. Mais ce n’était pas le cas, il n’était plus qu’un étranger. Il avait un visage. Un visage qui représentait celui vers qui les syriens avaient voulu tendre la main, avant que la peur ne s’installe à nouveau. Alors Naveen parla de la situation en Syrie, de ce que les soldats américains faisaient présentement aux côtés des rebelles. Certes, ils contribuaient à faire perdre du terrain à Daech, mais ils contribuaient également au nombre de pertes humaines pendant cette guerre civile. Il n’y avait rien à applaudir à ce propos. Wyatt affirma être au courant de tout ça, et ajouta même que sa propre unité avait bien failli être de la partie, aussi. Cette gigantesque partie d’échecs dans laquelle les syriens pacifistes étaient échec et mat bien malgré eux. « Ça vous fait quoi, de savoir que vous prenez des vies innocentes ? Prenez-vous au moins le temps de penser à tous ces gens qui espéraient seulement s’en sortir ? » Demanda Naveen, sans doute injustement. Des soldats, il en fallait. Des interventions du genre dans son pays en guerre, ça en prenait. Au moins, on ne tournait pas le dos à la Syrie, au moins on ne les laissait pas dans ce merdier sans chercher une solution. Mais c’était difficile de faire la part des choses quand on avait soi-même vécu dans la crainte constante de mourir, ou de voir ses proches mourir.  
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyMer 13 Sep 2017 - 12:17

HJ: désolé pour le temps de réponse et la qualité médiocre :(


Une fois de plus, tu n’as pas choisi la facilité. T’aurais pu fermé ta gueule et faire l’autruche comme tout le monde, mais t’es même pas foutu de jouer les hypocrites avec un inconnu.  Evidemment qu’il n’allait pas sauté de joie en apprenant que tu étais dans l’armée avant d’arriver à Bowen.  Sa réaction ne t’étonne même pas.  Le silence fini donc par s’installer dans l’habitacle alors que le paysage défile sous tes yeux. Tu ne fais rien pour le briser, parce que ça ne sert à rien d’insister. Tu sais que cet homme est marqué par ce qu’il a vécu en Syrie et par la perte de sa famille, toi t’es juste le meilleur élément pour lui rappeler ce qu’il a perdu.

Alors que tu t’attends à ce que le voyage ce passe dans le silence jusqu’à l’arrivée, la voix grave et accusatrice de Naveen arrive à tes oreilles à nouveau. Tu restes silencieux un long moment, te remémorant les coups durs que tu as vécu. T’avais beau être dans une unité d’ouverture, tu n’as pas le souvenir d’avoir utilisé à tout va tes armes. Bien sur que tu as tiré, mais de ce que tu te souviens, les zones de combats que tu as vécu en Irak avaient étés relativement à l’écart des habitations des civils. En Afghanistan aussi d’ailleurs. Et tu rappelles que ton uniforme ne t’as jamais empêché de te lier avec la population locale, notamment en Afghanistan. Tu gardes mêmes de bons souvenirs de là-bas malgré les violents combats dans les montagnes.

Tu pouvais comprendre la rancœur de Naveen, mais sa question n’était pas vraiment censée, ou du moins, pas poser correctement. Est-ce que tu avais combattu, oui. Est-ce que tu avais tué, oui. Et même si ce n’était pas des civils, tu gardais en mémoire chaque instant ou tu avais eu à te servir de ton arme. L’impitoyable mémoire te rappelait sans cesse ses moments douloureux. Pour autant, tu n’avais jamais considérés tout les afghans comme des talibans et ce n’était pas parce que Naveen était syrien que tu allais automatiquement l’assimilé à un ennemi ou a un membre de l’état islamique. Tu ne te permettais pas ce genre de chose. Tu finis quand même par répondre à Naveen, en tout honnêteté. «  Je ne sais pas, ça ne m’est pas arrivé. » lui dis-je calmement, «  Mais je me souviens de chaque moment ou j’ai utilisé mon arme » admis-je les yeux voilés par les souvenirs   «  Pas parce que j'ai pris des vies innocentes, mais parce que dans ce merdier, je voyais juste des êtres humains qui sur le moment, tiraient pour sauver leur propre peau. » Tu ne rentres pourtant pas dans les détails, retournant la conversation «  Vous avez perdu votre famille dans un bombardement de l’aviation américaine ? » lui demandes-tu. C’est peut-être pour ça qu’il t’a fait ce ‘reproche’ masqué par la question.
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyLun 18 Sep 2017 - 5:11

Habituellement, Naveen gardait le silence face à la guerre. Il ne clamait pas haut et fort ses opinions politiques, ne cherchait pas à semer le trouble ou à prendre position. Il endurait, regardait le tout se passer sous ses yeux, souffrait, aidait du mieux qu’il le pouvait, mais il ne prenait pas les armes, que ce soit littéralement ou allégoriquement. Pourtant, face à un ancien soldat qui était sans doute convaincu du bien derrière ses actions, Naveen n’arriva pas à garder ses lèvres fermées l’une sur l’autre, il n’arriva pas à retenir en lui cette réflexion quant à toutes les vies innocentes volées. Sans doute parce qu’il en avait vues, trop souvent, tomber. Devant ses yeux, ces corps inertes. Dans ses bras, ces corps écroulés, brisés. Naveen avait été trop près de la mort pour pouvoir l’ignorer plus longtemps, pour prétendre de par son silence que tout cela n’avait aucune conséquence. Ces vies n’étaient peut-être plus passées au compteur comme celles d’autres attentats, ailleurs dans le monde, mais cela ne signifiait pas pour autant qu’elles avaient moins de valeur. Pas pour le syrien, en tout cas. Par sa réplique à Wyatt, Naveen tentait sans doute de vérifier s’il avait au moins conscience du nombre de familles affectées, cassées, détruites, par ces actions militaires. L’homme derrière lui mit du temps à répondre, peut-être en raison de la question accusatrice de Naveen, de sa maladresse dans sa formulation, de toute l’idée derrière, des charges bien générales qu’il lui inculpait sans savoir le fond de l’histoire, de son histoire. Il avait pris son propre vécu et l’avait appliqué à celui du soldat. En même temps, difficile de ne pas le faire. Wyatt affirma ne pas le savoir, puisque ça ne lui était jamais arrivé d’avoir pris des vies innocentes. C’était facile de penser ainsi, de se voiler le regard, se dit-il. Ou peut-être alors était-ce différent. Peut-être disait-il vrai. Naveen ne répondit rien là-dessus, ça ne servirait à rien. Ils n’auraient sans doute jamais la même vision là-dessus, même s’il était déjà surprenant que Wyatt puisse avancer l’idée que tous ces humains dans ce merdier ne tiraient que pour sauver leur propre peau. Le réfugié n’ouvrit la bouche de nouveau que lorsque son client lui posa une question en lien avec sa famille, avec leur décès. « Non. » Répondit-il d’abord, les deux mains entourant le volant. « Pas de cette manière-là. » Ajouta-t-il, sans entrer dans les détails de son côté non plus. Qu’ils soient morts en raison d’un bombardement américain ou pas, c’était le conflit au grand complet qui les avait poussés jusqu’à leur mort. « Mais famille ou pas, ce sont certaines personnes que je connaissais, que je côtoyais, que j’aimais. Ce sont des gens de mon peuple. » Et à la télévision, dans les médias, on entendait fréquemment parler des civils qui continuaient à mourir, peu importe aux mains de qui. C’aurait très bien pu être Naveen, s’il avait décidé de ne pas fuir.
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptySam 23 Sep 2017 - 0:20

Tu n’étais qu’un soldat. Tu devais obéir et fermer ta gueule. Quand tu t’engages pour servir ton pays, tu perds le droit d’avoir ton opinion, ou du moins tu te la mets bien profonde. On te demande pas ton avis, tu vas ou on te dit d’aller et tu fais ce qu’on te dit de faire. En gros, t’es juste de la chair à canon toi aussi, sauf que tu as de quoi te défendre à fortiori. T’as d’abord pensé que Naveen a perdu sa famille comme ça. Mais t’apprends que ce n’est pas le cas. Tu t’interroges bien sur, mais tu trouves ça déplacé de le lui demander. Est-ce seulement légitime ?

Tu peux comprendre sa douleur. Il a perdu tout ce qu’il avait, pas seulement sa famille. T’oses pas imaginé ce qu’il a pu vivre et tu ne lui en veux pas de ses insinuations. Vous avez tout les deux vécus la guerre à votre façon. Toi soldat, lui civil. C’est normal que vos points de vue soient différents. Tu as toujours fait ton boulot avec beaucoup de compassion, que ce soit pour les civils et même pour tes adversaires. Enfin ça c’était avant ta dernière mission. Parce que les rebelles qui vous ont capturés été de vrais connards. T’as survécu miraculeusement alors qu’ils t’ont enterré vivant dans le désert. Tes camarades n’ont pas eu cette chance. Ceux qui ont fait ça, tu peux pas les considérés comme des hommes. C’est impossible.

Au final, la guerre reste dans vos esprits, même si vous en êtes loin maintenant. « Je suis sincérement désolé pour vous, même si ce que je vous dis ne changeras malheureusement rien. » dis-tu finalement, peiné pour lui. Toi aussi t’aimerais changer des choses, notamment lors de ta dernière mission, mais voilà, on change pas le passé, et tu le sais que trop bien. Tu ne sais pas trop quoi dire, tu regardes dehors le paysage qui défile. A un moment donné, tu lui demandes demandes-tu finalement après qu’un silence se soit installé dans le taxi. « Vous avez toujours été taxi ? » Tu ne sais pas s’il va répondre ou pas, s’il a envie de parler avec toi, mais au cas ou, tu essayes, parce qu’au final, lui et toi vous savez ce qui ce passe là-bas. Vous avez vus et vécus la guerre, et malgré tout, ça vous donne un point commun que peu ici peuvent avoir.
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyJeu 28 Sep 2017 - 15:36

C’est vrai, ce qu’il dirait ne changerait rien aux faits. Des excuses, peu importe de qui elles provenaient, ne feraient que mettre un pansement superficiel, quasi-imaginaire, sur les plaies ouvertes et saignantes de tous ces pauvres gens qui n’avaient rien demandé, si ce n’était qu’un peu plus de liberté et de changement, sans savoir à quel point ça se retournerait cruellement contre eux. Les soulèvements voulaient du progrès, ils avaient eu le déclin. Toutefois, si les paroles de Wyatt ne changeaient rien au nombre de morts et de familles brisées, elles pourraient quand même apaiser un minimum les sentiments de Naveen à son égard. Si au départ leur trajet s’était bien déroulé, il y avait eu une certaine animosité entrant en jeu dès le moment où ils avaient appris qui ils étaient l’un et l’autre. Ancien militaire, réfugié de guerre, forcément ça ne faisait pas toujours bon ménage au niveau des opinions. De savoir qu’il puisse être désolé de sa situation, de savoir qu’il n’avait pas agi sans se soucier des autres, ça pouvait au moins lui redonner son humanité. Naveen hocha tout simplement la tête à ses récentes paroles, continuant de rouler dans un silence qui fut d’abord lourd, mais qui s’allégea au fil des minutes qui passaient. Puis, de toute façon, Wyatt reprit la parole à un moment, recommençant à lui poser des questions plus anodines comme au départ. Le syrien décida de laisser le reste de côté, derrière même, parce que tellement de clients entraient et sortaient de sa vie, il ne devait pas commencer à se prendre la tête pour un d’entre eux. Et puis, Wyatt n’était pas méchant, au contraire il était gentil, et peut-être était-ce ça qui le dérangeait au plus profond de lui, Naveen. D’avoir l’impression d’être en train de sympathiser avec une figure de la guerre qu’il ne portait pas dans son cœur. « Non. Chez moi j’étais dentiste, j’avais ma clinique en ville. Pour reprendre la pratique ici, il aurait fallu que mon diplôme soit reconnu, et pour ça j’avais des années d’équivalences à refaire. » Il avait tellement travaillé fort, quand il était jeune adulte, à passer des nuits blanches à étudie, bosser dur, que maintenant Naveen n’était plus certain d’avoir la force de tout recommencer. Il l’avait mérité, son diplôme, il avait excellé, dans son domaine. L’idée d’avoir à tout refaire lui semblait bien injuste, et il avait préféré lui tourner le dos. « Et vous, vous faites quoi, maintenant ? » Demanda-t-il par la suite. Ils approchaient de Townsville, le nombre de kilomètres les en séparant n’était plus très grand.
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyJeu 28 Sep 2017 - 22:09

Dés l’instant où tu as décidé d’être honnête sur ta précédente activité, tu as su que ça aller rendre l’ambiance électrique. Néanmoins, tu ne regrettes pas d’avoir joué franc-jeu même si la tension est à présent palpable. Tu es compréhensif, sa rancœur et sa colère sont légitimes. Tu sais que ça ne l’aidera pas à surmonter sa perte, mais si ça lui fait du bien sur le moment de te reprocher la guerre et tout ce qu’il a perdu, alors soit. Tu restes silencieux et t’encaisses.

Tu ne partages pas son opinion sur l’intervention militaire américaine. Tu es convaincu que parfois, une intervention extérieure est nécessaire, même si les méthodes ne sont pas forcément les meilleures. Bien sur, lorsque tu servais sous le drapeau américain, jamais tu n’aurais partagé ce genre de pensées avec quelqu’un. Mais tu es réformé et même si tu restes un patriote, tu restes capable de penser par toi-même. Et si tu sais que l’intervention de ton unité en Afghanistan a apporté du bon à la population locale, tu n’es pas sur que l’intervention en Irak ait été bénéfique. Contrairement aux Afghans, les civils irakiens étaient plutôt hostiles à votre présence.

Le métier qu’exerçait Naveen avant la guerre est à milles lieux de celui qu’il fait aujourd’hui. Tu es surpris que ses diplômes ne soient pas reconnus en Australie et tu trouves ça injuste pour lui. S’il avait les conséquences requises dans son pays, en quoi être ailleurs changerait ses compétences ? Tu ne cherches pas vraiment de logique, parce que tu es presque certain que y a pas d’explication cohérente.

« - Je vois » marmonnes-tu dans un soupire «  Rien qui facilite l’intégration en fait. » constates-tu la voix lasse.

Ton regard se tourne vers le  rétroviseur avec étonnement. Tu ne t’attendais pas à ce qu’il te pose aussi une question sur ton travail. Tu restes quelques secondes interdits avant de lui répondre avec hésitation.

« - J’étudies. Je… Je viens de commencer ma première année en école d’infirmier et je travaille en mi-temps comme secouriste. » lui apprends-tu, appréhendant de nouvelles piques de la part de ton conducteur du jour.
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyLun 2 Oct 2017 - 15:18

Ça ne lui faisait pas du bien, à Naveen, de reprocher son mal, ses pertes et ses problèmes à Wyatt, pour la seule raison qu’il avait lui aussi fait partie d’une guerre, une guerre semblable, une guerre si proche de la sienne. Ça ne faisait que le replonger dans des horreurs et des sentiments de terreur qu’il essayait de taire, nuit après nuit. De pouvoir croiser aussi aisément le regard d’une personne qui avait déjà tenu un fusil d’armée entre ses mains, de n’avoir aucune barrière entre eux si ce n’était que celle de leurs mentalités, ça le mettait tout à l’envers, Naveen. Il aurait préféré ne jamais savoir, au fond. Parfois, l’ignorance était préférable. Sauf qu’il ne pourrait jamais effacer ce qu’il savait et dorénavant, il allait devoir gérer cette relation avec Wyatt, bien que sans doute éphémère, tirant à sa fin dans quelques heures, sans se montrer constamment sur ses gardes ou sur la défensive. D’ailleurs, dès la prochaine question de Wyatt, qui brisa le silence qui régnait entre eux depuis de bonnes dizaines de minutes, Naveen tenta de s’adoucir. Sans doute son ton de voix fut-il bien moins hostile lorsqu’il lui répondit qu’il avait été dentiste, en Syrie, mais que ce n’était plus le cas depuis son arrivée ici. « Non … mais je n’ai pas vraiment à me plaindre de quoi que ce soit. Pendant un an j’aurai de l’aide au logement, une sorte de pension alimentaire, j’ai eu de l’aide pour trouver cet emploi … Ils font de leur mieux. » Même si ça ne semblait pas être le cas, puisque Naveen était le seul réfugié dans la région, il y en avait des milliers en Australie et le gouvernement devait creuser dans son budget pour trouver le nécessaire pour leur venir en aide. Alors, certes, la non reconnaissance de son diplôme l’avait rebuté au départ, mais il avait vite réalisé la chance qu’il avait malgré tout. Le jeune homme demanda à son tour à Wyatt ce qu’il faisait dans la vie, s’il n’était plus militaire. Il fut surpris d’apprendre qu’il était de retour aux études, ce que lui aussi aurait pu faire s’il avait voulu reprendre sa vie d’avant. « Vous êtes retourné aux études ? Et vous … vous avez quel âge ? » Osa demander Naveen. Si Wyatt avait eu le courage de recommencer à zéro, au point de vue académique, alors peut-être que le syrien avait été trop dur avec lui-même et avec la vie en refusant de tout refaire ce qu’il avait déjà fait une fois.
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyMar 3 Oct 2017 - 0:01

Tu te demandes pourquoi ton psychologue t’affirme que ça fait du bien de parler de ce que tu as vécu alors que dés que tu mentionnes la guerre, c’est que de la douleur qui remonte. Rien d’apaisant en tout cas. D’ailleurs, l’ironie du sort veut que Naveen et toi ayez un autre point commun. Contre toute attente, vous êtes tous les deux des réfugiés, bien que pas vraiment au même niveau. Lui il n’a pas eu le choix contrairement à toi. Et tu es surpris de le voir si reconnaissant envers le pays qui l’accueille. Ce n’est pas aux Etats-Unis qu’on pourrait en dire autant.

Retourner aux études n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler le terme approprié. Tu n’as jamais fait d’études supérieures, alors pour toi, c’est tout nouveau. Mais t’avoues que l’école ne t’a pas manqué.

« - Retourner n’est pas tout à fait correct. Je n’ai pas eu l’occasion… de faire des études avant, »
Avoues-tu à mi-voix. « Mon père m’a envoyé à l’école militaire à seize ans et jusqu’à mon retour d’Irak, je n’ai connu que l'armée. » souffles-tu à mi-voix.

Tu sais que ta mère n’était pas d’accord avec ton père. Tu sais aussi qu’elle a cédé parce qu’elle avait peur pour toi, alors tu ne peux pas lui en vouloir.

« - J’ai trente et un an. » révèles-tu avant de lui retourner la question «  et vous ? »

Tu vois enfin la ville de Townsville qui se dessine à l’horizon. Ça te laisse un peu de répit et peut-être que l’atmosphère sera plus détendu au retour. M’enfin tu te fais pas non plus d’illusion. C’est pas en deux-trois heure que Naveen va oublier que tu étais un soldat.

-_-_-_-_-

Tu as vu le notaire qui a mis à jour les derniers papiers. Le vieil homme t’invite d’ailleurs à déjeuner et tu n’as pas le cœur à refuser. Durant le repas, le vin à coulé à flot. Faut dire que même à soixante-et-onze ans, Kenneth Ross c’est profité de la vie. Toi qui ne boit qu’une bière de temps en temps, t’es un peu mal, tu le reconnais. Les deux premiers verres ont été difficiles, mais après, tu t’es laissé aller.

Lorsque tu retournes au taxi, tu tiens encore sur tes pieds, t'es pas non plus complètement bourré, mais t'es bien.  A première vu t’as l’air normal, tu as juste les joues un peu rosies, rien de dramatique. Naveen est là, t’attendant debout appuyé contre sa portière. D’une voix un peu trop enthousiaste, tu lui lances.

« - J’espère que je vous ai pas fait trop attendre ! » souffles-tu gaiement.
« - Vous m’en voulez encore ? » souffles-tu en faisant une moue soudain plus triste en te postant en face de lui.

T’en vouloir pourquoi au juste ? Pour ton choix de carrière ? Ce serait quand même injuste, mais l’injustice, tu sais qu’elle est partout. Pourtant, quand tu le vois là, son regard voilé par la souffrance et le deuil, tu n’as qu’une envie, le serrer dans tes bras. Tu sais que ce n’est pas que l’alcool qui te fait penser ça, parce que malgré son âge et ses traits durcit par les épreuves, tu le trouves beau, courageux et fort.

Et c’est dans un élan de courage – ou de folie selon les points de vues – tu te penches vers lui et tu plaques tes lèvres contre les siennes. Pour ta défense, ce sont ses lèvres qui t’ont appelés à elle, tu n’as fais que répondre à l’appel…

« - Pour me faire pardonner d’être tout ce que vous détestez » souffles-tu en t’écartant de lui, t’appuyant contre la portière arrière pour ne pas t’affaler.
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyMar 3 Oct 2017 - 21:04

Naveen hocha la tête en apprenant que Wyatt n’avait jamais été aux études auparavant, que son père l’avait envoyé à l’école militaire à ses seize ans. Il paraissait beaucoup plus vieux que ça, et s’il n’avait connu que l’armée depuis tout ce temps-là, il y avait de quoi être franchement traumatisé. Naveen avait vécu la guerre intense, concrète, pendant cinq années, mais il vivait aussi une instabilité politique depuis qu’il était pratiquement gamin. La situation au Proche-Orient n’était pas facile et ça ne datait pas d’hier. Et ça avait laissé des marques, tout ça. Il pouvait comprendre qu’être dans le feu de l’action, jour après jour, ça changeait un homme, ça aussi. Il lui apprit qu’il avait trente-et-un an, Wyatt. « Ça n’était donc pas votre choix ? » Demanda-t-il. Et une fois qu’on était pris dans l’engrenage, peut-être était-ce difficile de s’imaginer autre chose. Wyatt lui renvoya à son tour la question sur son âge. « Trente-six. » Que quelques années les séparaient, et pourtant, leur vécu donnait l’impression qu’un gouffre s’étendait entre eux. Ils poursuivirent la route en silence, de toute façon ils arrivaient dans quelques minutes, dix tout au plus. Townsville se dessinait devant eux, et sur l’adresse rentrée dans son GPS, Naveen voyait que le point d’arrivée s’approchait de plus en plus.

***

Ça n’avait pas été trop long, deux ou trois heures au maximum, avant que Naveen ne reçoive un coup de fil de Wyatt pour lui confirmer qu’il serait au lieu de rencontre dans quinze minutes. Il avait surtout fait du repérage, passant devant l’aquarium Reef HQ qui permettait de voir la Grande barrière de corail dont ils avaient discuté un peu plus tôt, mais comme le prix était assez élevé, le syrien préférait revenir pour profiter pleinement d’une éventuelle visite. Il avait marché au bord de l’eau mais, au fond, c’était la même que celle de Bowen. Il se trouvait dans les Queens Gardens, un magnifique espace vert avec de belles fleurs et de beaux sentiers bien aménagés, quand il avait reçu l’appel de son client. Il avait donc entrepris sa marche de retour, à un rythme assez rapide, pour s’assurer d’arriver le premier. Il attendit cinq minutes, adossé contre la portière du taxi, à profiter de l’air avant de s’enfermer encore dans le véhicule pour les prochaines heures. Wyatt apparut au bout du stationnement et, alors qu’il était encore à quelques mètres de lui, lui cria avec un enthousiasme étonnant qu’il espérait ne pas l’avoir fait trop attendre. « Non, j’ai profité de la ville, c’était agréable. » Lui assura-t-il. Naveen fronça alors les sourcils quand Wyatt lui demanda s’il lui en voulait encore. « Je ne sais pas de quoi vous parlez. » Répondit-il tout simplement, ne voulant pas retourner dans cette discussion qui le rendait trop sensible. Une fois arrivé à sa hauteur, Wyatt, sans prévenir, se pencha vers Naveen et plaqua ses lèves contre les siennes. Ça ne dura que quelques secondes, mais assez pour que le syrien tente de se défaire de cette emprise en repoussant violemment l’ancien militaire. « النزول لي  ! (get off me !) » Lança-t-il en passant sa manche de chandail sur ses lèvres et regardant partout autour de lui, presque paniqué. « Vous avez perdu la tête ? » Wyatt s’était écarté, s’appuyant contre la portière comme pour se retenir. Il était complètement ivre, ça se sentait d’ici, et comme il avait pu avoir sa bouche à une bien plus petite distance, il l’avait bien deviné. « Montez à l’arrière. » Ordonna-t-il d’un ton sec, sérieux.
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyMar 3 Oct 2017 - 23:43

Naveen a écrit:
« Ça n’était donc pas votre choix ? »

L’école militaire, non. L’armée, oui.
Le souvenir de ton arrestation refait surface dans ta mémoire. Tu te souviens du regard de tes parents lorsque tu t’es retrouvé avec eux, dans le bureau du policier qui leur a expliquer les raisons de ton interpellation. Tu te souviens du regard déçu dur et sévère de ton père, déterminé a mettre fin à ta rébellion. Tu te rappelles que trop bien du regard déçu, las et résigné de ta mère qui ne sait plus comment s’y prendre avec toi pour que tu redeviennes l’enfant qu’elle a tant chéri. Leur regard, c’est ce qui fut le plus dur pour toi. Sur le chemin du retour, tu as eu beau leur promettre que ça n’arriverait plus, et que tu n’avais pas touché à la drogue, tout ce que tu avais pu dire s’était heurté au mur de déception que tu avais construit toi-même entre eux et toi. Le lendemain, ton père t’emmenait à l’école militaire dirigé par l’un de ses vieux amis.

« - C’est compliqué. » souffles-tu à mi-voix. « Avez-vous  un jour déçus vos parents à un tel point que… Lorsqu’on vous donne le choix de retrouver une vie normale ou de rester dans un cadre strict et contrôler, vous optez pour la seconde solution pour ne pas risquer de les décevoir une nouvelle fois ? » lui demandes-tu dans un presque murmure.

Au final, tu penses que tu ne les as plus déçus, mais toi, tu t’es simplement perdu en chemin, brisé par le poids de la guerre que tu as fais sur plusieurs fronts. Mais tu ne les as plus déçu, c’est ta seule consolation.

*-*-*-*-*-*-*-*


Tu sais que tu aurais du te contrôler et refuser les verres de vins lorsque Kenneth te resservait, mais tu ne l’as pas fait. Tu pensais tenir l’alcool, après tout, adolescent tu bravais les interdictions avec tes amis et il t’en fallait pour te retrouver bourré à n’en plus retrouver le chemin de la maison. Mais c’est derrière toi depuis trop longtemps que quelques verres te font tourner la tête à présent. Le résultat est pathétique, et tu n’es plus en état de penser  correctement, et encore moins agir de façon rationnelle. Alors pourquoi avoir bu autant et ne pas t’être arrêté avant ?  La conversation avec Naveen t’a bien plus retourné que tu ne voulais l’admettre. Ses reproches sur les agissements de l’armée américaine et de façon indirecte sur toi, ils t’ont atteint de plein fouet, et ta mémoire – maîtresse implacable - c’est chargé du reste. Alors t’as fait la chose que tu supportes le moins chez les autres : boire, pour oublier. Sauf que ça n’a pas marché, loin de là. Tu te souviens de tout.

Lorsque tu retrouves le chauffeur de taxi pour ton trajet de retour jusqu’à Bowen, tu sens l’alcool de loin. On pourrait croire que tu as confondu une bouteille de vin avec de l’eau de Cologne et que tu t’es aspergé avec pour te pomponner. Ton enthousiasme est réel, tu es ravi de le revoir malgré tout, parce que tu as quand même passé dix ans sur onze à oscillé entre l’Afghanistan et L’Irak, et tu t’es habitué à vivre avec les communautés locales et à les apprécier pour la plupart. Naveen te ramène un peu à eux par sa présence, alors oui, malgré tout, ça te fait du bien. Mais il nie t’en vouloir, pourtant, c’est bien ce qu’il a insinué sur le trajet aller.

Et puis, tu as le geste le plus insensé que tu aurais pu avoir à son encontre. Tu l’as embrassé  sans aucune gêne, ni pudeur. Un geste que tu n’aurais jamais eu étant sobre et en connaissant  pas mal des  mœurs des pays musulmans, surtout concernant l’homosexualité.  Là-bas, un simple baiser entre deux hommes peut les envoyer en prison – et c’est loin d’être une promenade de santé-, et encore, selon les pays c’est directement chez monsieur le bourreau.

« - ça va, c’est juste pour me faire pardonner! Vous allez m'en vouloir pour ça aussi?! » marmonnes-tu en te massant l’épaule meurtrie par le geste violent qu’à eu Naveen pour te repousser.

Très certainement, tu regretteras ton geste plus tard, pour le moment, tu soupires, déçu par sa réaction démesurée.

« - Non, non, m’a tête est bien accrochée » ricanes-tu, ravi de ta blague à deux balles.  

Mais Naveen n’a pas envie de rire et toi, t’es un peu dans le coltard. Alors lorsqu’il te demande de monter dans la voiture de façon très autoritaire, tu te tends aussitôt et ton regard se voile, te ramenant au souvenir de ta capture que tu chasses de tes pensées le plus rapidement possible. Tu obéis par automatisme, et tu parviens à ouvrir la portière. Une fois à l’intérieur, tu peines à boucler ta ceinture de sécurité et tu batailles un peu avec. Quand c’est fait tu pousses une petite exclamation de joie et laisse éclaté un ‘enfin’ de soulagement.

Vous êtes enfin prêt à reprendre la route jusqu’à Bowen.
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyJeu 5 Oct 2017 - 3:23

Son regard allait du rétroviseur à la route, croisant de temps à autre le regard de Wyatt, surtout quand ce dernier s’adressait directement à lui, lui posant les questions qui lui traversaient l’esprit. « Je n’ai pas le souvenir d’avoir vécu quoi que ce soit de semblable. » Il en avait pourtant vécu, des choses, Naveen. Il pouvait fréquemment s’identifier à tel ou tel sentiment. Décevoir ses parents, toutefois, ça ne lui était jamais arrivé. Sa vie normale, ça avait toujours été un cadre strict et contrôlé, il n’avait pas connu grand-chose d’autre, et il était en paix avec cette situation. Ça ne l’avait toutefois pas empêché d’être brisé, lui aussi, tout comme l’était Wyatt.

***

Il sentait encore ses lèvres sur les siennes, même si elles n’y étaient plus, l’odeur d’alcool caressait encore ses narines et ses mains se souvenaient encore de la violente pression exercée sur Wyatt pour le repousser. « Vous ne pensez pas correctement ! » Alors même s’il avait toujours sa tête bien accrochée, comme il le disait, celle-ci ne tournait pas rond pour autant. Naveen lui ordonna de reprendre place dans le taxi, il n’allait pas le laisser en bordure de la route non, ce n’était pas son genre même après un tel événement. Le conducteur reprit à son tour place derrière le volant, n’osa même pas regarder dans le rétroviseur comment s’en sortait son client. Il entendit la ceinture se boucler, et c’est tout ce qu’il avait besoin avant de pouvoir démarrer. Durant le chemin de retour, les sentiments reliés à ce qui venait de se produire envahissaient Naveen, jusqu’à l’en étouffer, jusqu’à le faire paniquer. Un trop plein d’émotions, une vague d’incompréhension déferlant sur lui. Depuis des mois, tout ce qu’il ressentait n’était que de la tristesse, cette constante impression de solitude pesant sur lui au point de faire du chagrin son quotidien. Wyatt avait réveillé en lui des émotions dormantes, qu’il ne pensait pas pouvoir toucher de nouveau maintenant qu’il avait tout perdu. La colère, la peur, la panique, la confusion, l’affection. L’affection, oui. Parce que près de trois années maintenant s’étaient écoulées depuis le décès de sa femme et de ses enfants, ce qui équivalait donc également à trois années sans amour, sans contact humain plus rapproché qu’une simple poignée de main ou qu’une accolade, et même celles-ci se faisaient rare. Naveen avait trouvé le réconfort humain dans les sourires, la plupart du temps. Dans un échange de regard, dans un plissement des yeux lors d’un rire. C’était la première fois que ses lèvres entraient en contact avec celles d’une autre personne, et ce depuis trois longues années. Et c’était avec un homme. Ça avait beau ne pas être voulu, de la part de Naveen, ça avait beau avoir été une intrusion dans sa vie, dans son espace. Ça avait beau avoir été un manque de respect à son égard … ça avait également été la seule source de douceur à laquelle il avait eu droit depuis bien trop longtemps. Voilà pourquoi il était aussi déboussolé, voilà pourquoi il n’avait plus les mots pour parler. Il se sentait sale, il se sentait honteux. En Syrie, l’homosexualité était loin d’être acceptée, acceptable. Une relation entre deux hommes était vue d’un regard bien mauvais. Depuis le début de la guerre, ce sentiment d’insécurité au sein de cette communauté s’était décuplé, parce qu’autant le régime que les rebelles s’en prenaient à eux, les faibles, les minoritaires. Ça en était devenu normal. Naveen avait grandi dans cette mentalité-là, comme quoi l’homosexualité était proscrite, taboue, contre-nature. Alors d’avoir été victime de l’homosexualité, ou de ce qui s’en rapprochait dangereusement, avait soulevé en lui une panique, un déshonneur. Alors même une fois la distance regagnée entre Wyatt et lui, Naveen ne savait pas comment gérer ce qu’il vivait. Il s’arrêta finalement à une halte routière, quittant la route sans prévenir pour aller se garer à côté d’une pompe à essence. « Je dois faire le plein. » Et pourtant, en sortant, ce ne fut pas vers la petite portière sur le côté de sa voiture qu’il se dirigea, mais vers l’intérieur de la petite supérette. Devant les cartons de lait, il éclata en sanglots.
 
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyJeu 5 Oct 2017 - 22:53

Evidemment que Naveen n’avait rien vécu de semblable, il paraissait l’exact opposé de celui que tu étais autrefois. Sans connaître l’enfance que le syrien avait eu, tu étais prêt à parier qu’il avait été un adolescent modèle, se transformant doucement en homme respectable en grandissant. Lui, il avait certainement fait la fierté de ses parents et du reste de sa famille. Lui, il était très probablement celui sur qui son entourage pouvait compter à tout moment. Lui, c’était à coup sur un bon parti que les pères auraient rêvé d’avoir pour leurs filles. Alors bien sur qu’il ne pouvait pas comprendre ton ‘choix’, celui de te contraindre à rentrer dans l’armée pour rester dans le droit chemin et peut-être devenir un jour, la moitié de l’homme que pouvait représenter Naveen. Alors le sujet était clos.

*-*-*-*-*-*-*

L’alcool ne te réussi pas. Tu as perdu le contrôle de toi-même, et tu vas devoir en assumer les conséquences. Pas maintenant, c’est certain. Tu es trop ivre pour réaliser ce que ton comportement à engendrer. Tu ne sais pas vraiment ce qui t’a pris, tu en as eu envie sur le moment, tu l’as fait sans réfléchir. Ton cerveau était comme déconnecté et toute possibilité d’acte réfléchi s’était envolée.
Bien sur que Naveen t’a repoussé, comment cela pouvait-il en être autrement ? De toute façon tu ne t’attendais pas à ce qu’il saute de joie. Pour être honnête, tu ne t’attendais à rien du tout. Ta capacité de réflexion étant parti cuver le vin que tu t’étais enfilé au restaurant.

Tu ne sais pas combien de temps vous avez roulé depuis votre départ de Townsville. A vrai dire, tu t’es endormi avant même d’avoir quitté l’emplacement sur lequel le taxi était garé. Lorsque tu émerges enfin, Naveen à quitter la route pour une station essence sur le côté. Il manque d’essence de ce qu’il te dit. Tu es encore bien dans le coltard et les effets de l’alcool, bien qu’atténué par ta sieste sont toujours présent, même si plus faible.
Tu le vois quitter le véhicule presque comme s’il avait le diable aux trousses et s’éloigner vers la petite supérette, sans faire le plein. Etonnant. Alors tu essayes de comprendre sa réaction.

Doucement, les souvenirs te reviennent et tu blêmis. Tu réalises enfin ce que tu as fait, même si tu as encore du mal à faire le point sur les conséquences que cela pourrait engendrer par la suite. Il y a deux choses qui te préoccupent vraiment. D’avoir laisser entrevoir que tu étais bisexuel et que tu avais une attirance pour les hommes, ce que tu n’assumes pas, et que Naveen a subi ta connerie et en paie les pots cassés.

Maintenant, il te semble savoir pourquoi il est parti directement dans la superette. C’était probablement qu’un prétexte pour fuir le taxi. Tu as fais des séjours en Afghanistan et en Irak pendant une dizaine d’année alors tu connais un peu la mentalité, les mœurs et les lois qui régentent les pays du moyens orient, ou à prédominance musulmans. L’homosexualité et tous les gestes qui s’y rapprochent sont perçus comme une abomination, une honte, un déshonneur. Tu as eu l’occasion de rencontrer des prisonniers enfermés, dont le seul crime reproché était d’aimer une personne du même sexe.
Naveen devait probablement avoir la même mentalité sur le sujet, et il devait probablement se sentir mal à cause de mon action envers lui. Même si ça te fait mal de t’exposer ainsi, notamment parce que toi-même, tu as du mal a assumer cette part de toi, tu prends le courage à deux mains et tu sors du taxi pour te diriger vers la superette d’un pas gauche.

En entrant, tu cherches Naveen du regard sans le voir. Tu avances donc dans le rayon principal doucement, toujours un peu grisé par l’alcool, tentant par moment de regarder par-dessus les étalages pour l’apercevoir.  Finalement, c’est une fois au bout du rayon, au fond du magasin que tu le trouves devant le rayon des bouteilles de lait. Tu te figes de stupeur. Il pleure.

La culpabilité t’assaille aussitôt, du moins, autant que te permet l’alcool. Tu hésites, à faire demi-tour, mais tu n’en fais rien. Au lieu de ça, tu t’avances doucement vers lui et tu tends ta main une fois à ses côtés, la posant sur son épaule avec douceur pour signaler ta présence. Tu crains qu’il te repousse, mais tu es certain que ce sera le cas, alors tu lui dis dans un murmure.

« - Je suis désolé. »

Tu as soufflé ses mots du bout des lèvres alors que tu enlèves ta main de son épaule. Tu supposes que tu le dégoûtes suffisamment comme ça, et qu’il ne doit pas supporter le moindre contact avec toi. Tu ne comprends pas vraiment sa réaction démesurer selon toi, loin de te douter de ce qui le tiraille réellement. Lui n’a commis aucun crime, tu es le seul fautif, alors pourquoi pleures-t-il ? Tu ne voulais pas ça. Tu ne voulais pas le blessé. Pourtant c’est ce que tu as fait.

« - Je ne voulais pas vous humiliez, ce n’était pas mon intention » souffles-tu à voix basse tellement mal pour lui que tu crains qu’on vous entende, même si le rayon est désert.

« -je vous demande pardon »  Implores-tu presque, dans un murmure malgré l'alcool qui te grise encore mais qui n'a plus autant d'influence sur tes actes.
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyDim 8 Oct 2017 - 2:59

Les larmes s’échappaient lentement de ses yeux, roulant sur ses joues, s’écrasant au sol. Il les chassait du revers de sa main quand il le pouvait, mais Naveen ne voulait pas attirer l’attention sur lui, sur sa souffrance, alors il tentait de pleurer en silence, en toute discrétion. Et puis, il ne savait même pas à quel point sa tristesse était justifiée, il ne savait pas pourquoi il tremblait à ce point de chagrin. Mais rien de ce qu’il avait vécu n’était vraiment normal, du début jusqu’à la fin, alors essayer de raisonner les réactions de son corps, de son esprit, ce n’était jamais facile. Ses muscles se raidirent un peu plus quand il sentit une main se poser sur son épaule. Il essuya rapidement ses larmes en se tournant vers Wyatt, qui était venu le rejoindre. Il s’écarta tout légèrement, bien moins brusquement qu’un peu plus tôt, quand ils se trouvaient encore à Townsville. L’ancien militaire s’excusa, s’expliqua. Incapable de répondre quoi que ce soit à ce sujet, en ce moment, et ici, Naveen se referma. « J’vous achète un café, vous en avez visiblement besoin. Et moi aussi. » Il quitta ce coin dans lequel ils se tenaient debout, devant des réfrigérateurs qu’ils n’ouvriraient finalement jamais, et se dirigea vers les machines de café. Il prit deux contenants et les remplit d’un café corsé, avant de se tourner vers Wyatt. « Qu’est-ce que vous mettez dedans ? » Une fois les deux cafés faits à leurs goûts, il les referma avec les couvercles correspondants et se rendit jusqu’au caissier, posant le tout sur le comptoir qui les séparait. « Les deux cafés, et 40$ pour la pompe numéro … trois. » Affirma-t-il après avoir confirmé en regardant par la fenêtre, où se trouvait son véhicule. Dans son empressement à quitter la voiture, dans sa hâte de chasser toutes les tensions, il n’avait pas vraiment pris le temps de regarder. Les deux hommes ressortirent finalement, après que Naveen ait tendu son café à Wyatt. Une fois de retour à côté de sa voiture, le syrien posa le sien sur le toit, avant d’ouvrir la petite porte pour l’essence, et de remplir jusqu’au montant préautorisé. Pendant qu’il attendait, la main sur la gâchette, il posa son regard sur Wyatt. Ses excuses avaient fait leur chemin, entre temps, jusqu’à son esprit. « Je vous dois aussi des excuses … Pour ma réaction qui a pu vous paraître … exagérée. » Pour lui, elle ne l’était pas, pour lui il avait été totalement justifié de le repousser, même aussi violemment. Toutefois, il habitait ici depuis quelques mois maintenant, et il avait été confronté à cette nouvelle ouverture, à ces nouveaux modes de pensée. Il savait qu’ici, ça ne devait pas être considéré comme un problème, ou une attaque à sa personne. Il savait aussi qu’il ne courrait aucun risque, du moins rien qui puisse s’apparenter à ce qu’on aurait pu lui faire en Syrie pour un tel geste, même involontaire. Naveen continua ses explications, ne voulant pas que Wyatt pense de lui des choses qu’il n’était pas, ou qu’il ne voulait pas être. « Ce n’est pas … ce n’est pas tant le geste posé, enfin … ce que je veux dire par là c’est que je n’ai rien contre ça.. » Il avait beau ne pas être contre l’homosexualité, le dire à vive voix ne lui était pas encore facile, familier. Un pas à la fois, et aujourd’hui, c’était un assez grand pas que d’avoir à seulement s’exprimer sur la question, et encore plus de l’avoir vécu, en quelque sorte. « Mais entre ici et chez moi, il y a une différence dans la manière de l’aborder, de le vivre. Je ne m’attendais pas à ça. Je n’ai pas su comment réagir. Je suis désolé. » Il hésita un moment, regardant les chiffres monter sur l’écran de la pompe devant lui. Il avait presque atteint son montant. « Et puis … je n’avais jamais embrassé qui que ce soit d’autre que ma femme, alors … » Il avait été marié jeune, elle était tout ce qu’il avait toujours connu. Ses lèvres étaient les seules que les siennes connaissaient, reconnaissaient. Il y avait trois ans de cela maintenant qu’elles avaient perdu leur trace.
 
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyDim 8 Oct 2017 - 23:50

Naveen a écrit:
« J’vous achète un café, vous en avez visiblement besoin. Et moi aussi. »

Est-ce à cause de l’alcool que tu as envie de t’enfuir à toutes jambes ? Tu n’es pas quelqu’un qu’on peut qualifier de courageux, mais tu sais assumer les conséquences de tes conneries maintenant, du moins, tu essayes.  Là, tu ne sais pas quoi faire pour arranger les choses, tes excuses n’ont pas l’air d’avoir étaient entendues, comme si le syrien ne voulait surtout pas aborder le sujet. Ça ne t’étonnes pas, mais tu te sens tellement mal ;  gêné, dépassé et un peu peiné aussi sans trop savoir pourquoi.

Tu ne vois pas en quoi un café peut aider, mais tu n’oses plus rien dire, craignant de dérailler à nouveau. Alors d’un pas gauche, sans pour autant faire preuve de maladresse, tu le suis à travers les rayons jusqu’à la machine à café, silencieux, le regard baissé. Tu te remémores rapidement le repas du midi et tu te demandes comment tu peux être grisé par l’alcool avec cinq verres de vin. D’accord, tu n’es pas habitué à boire autre chose que de la bière, et même ça, c’est une fois bière de temps en temps, sans plus. Ton corps n’est pas habitué et ton esprit ?

Tu lui as toujours interdit de songer même à l’éventualité de te lier avec un autre homme, parce qu’à tes yeux, ça a toujours été anormal. Tu te souviens des réflexions que tenait  ton grand-père aux sujets des homosexuels durant les repas de famille, loin d’être agréable aux oreilles. Ta mère se contentait de quitter la table les rares fois ou ils en parlaient, et ton père restait silencieux. Cela voulait tout dire pour toi, et comme t’était gamin, tu buvais les paroles des adultes, tout naturellement. Alors c’est pour ça que concevoir seulement le fait que tu puisses parfois être attiré par un homme est tout sauf naturel à tes yeux.

« -Corsé sans rien, merci » t’entends-tu répondre à mi-voix avant qu’il ne te tende le café souhaité que tu t’empresses de prendre.

Le silence s’abat à nouveau et tu le suis, comme un enfant perdu qui attend qu’on lui dise quoi faire. Pour être perdu, tu l’es, sauf que toi, tu es adulte. Après qu’il est payé l’essence et les cafés, vous sortez. Tu comptes bien lui donner suffisamment de pourboire pour lui rembourser en plus le café qu’il t’a pris. Arrivé à la voiture, tu imagines que la conversation n’ira pas plus loin, définitivement foutue par ton geste irréfléchi, mais contre toute attente, il parle, ou plutôt, il s’excuse. Tu le dévisages sans comprendre sur le moment, puis, lorsque ses paroles font leur chemin dans ton cerveau, tu lui dis aussitôt.

« - Non. Non ce n’était pas du tout exagéré je… Je comprends parfaitement votre réaction. » balbuties-tu en baissant les yeux, portant ta main droite à tes cheveux alors que la gauche tenait encore le gobelet à café.

Nerveusement, tu passes ta main dans tes cheveux. Ce toc que tu as lorsque tu es mal à l’aise, gêné, nerveux ou dépassé par les évènements par exemple, comme c’est le cas en ce moment même.

« - Je… Je ne suis pas… » t’exclames-tu en t’arrêtant soudainement. Tu n’es pas quoi ? Gay ? Peut-être, mais à bien y réfléchir, tu n’es pas non plus hétéro dans ce cas. « Ce n’était pas mon intention, je vous assure. » marmonnes-tu platement. « Je sais que… Enfin, j’ai passé dix ans entre l’Afghanistan et l’Irak, je sais parfaitement  comment est perçu ce… cet acte là-bas je suppose que ce n’est pas très différent en Syrie. J’aurai réagi pareil si j’avais été à votre place. » Souffles-tu piteusement, conscient que tu n’étais pas à sa place.

Tu as l’impression que tes excuses sont inutiles, parce que ça n’enlèvera rien de l’affront que tu lui as fait, surtout que, comme tu le dis, tu connais les lois, la mentalité et les mœurs des pays du moyen-orient, tu savais donc que c’était mal vu, mal vécu et pas accepté là-bas, même si le vin t’avais empêché de raisonner ainsi sur le moment, tu étais entièrement fautif.

Mais tu te figes de stupeur, redevenant silencieux alors que Naveen, contre toute attente t’avoue qu’il n’a pas d’apriori sur l’homosexualité en question. Tu ne sais pas comment tu dois le prendre. La première chose que tu as envie de faire, c’est de lui crier que tu n’es pas homosexuel, que tu ne l’es pas,  que tu ne l’est… Non, il y a eu Neala ? D’accord tu étais jeune mais elle compte. Et tu as déjà été attiré par des femmes alors non, tu ne pouvais pas être homo. Sauf que si tu as envie de lui crier ça, rien ne sort de ta bouche. Tu l’écoutes alors que ta langue reste comme collé à ton palais. Finalement, lorsqu’il s’excuse une nouvelle fois de sa réaction, tu le coupes, refusant qu’il se sente responsable de ce que toi tu as fait.

« -  Naveen ! Vous n’avez pas à vous excuser. Vous n’avez rien fait. Je suis le seul fautif. Je ne sais pas ce qui m’a pris, et je suis sincèrement désolé de vous avoir outragé de la sorte » souffles-tu d’une voix étonnement ferme vu ton état. Tu ne réalises même pas que c’est la première fois que tu prononces son prénom. Tu t’en es toujours tenu à la forme de politesse jusqu’ici.

Mais la dernière phrase que Naveen te sort te scotche. Il n’avait pas connu d’autres femmes avant la sienne, même pour un simple flirt. Ça ne surprends pas tant que ça en un sens puisque tu connais un peu le mode de vie qu’il a pu avoir, mais tu es surpris qu’il te fasse cette confidence. Pour le coup, ça te culpabilise vraiment, et tu te rends comptes de l’étendu de ta stupidité. Tu as juste envie de disparaître de la surface de la terre tellement tu t’en veux. Tu as l’amère impression de l’avoir souillé, même si pour le bref contact de vos lèvres tantôt, tu as apprécié cet instant sans pouvoir l’expliquer. Probablement l’alcool qui parle pour toi ? Sauf que l’alcool… C’est plus une excuse puisque tu arrives à être lucide.

«  Pardon » souffles-tu en baissant les yeux de honte avant de rentrer  à l’arrière du taxi  le plus rapidement possible.

T’es pas seulement un connard, tu es aussi un lâche pour le coup. Tu as la gorge nouée, comme si un nœud t’empêcher d’avaler correctement ta salive.  Tu te refuses à te laisser aller, fermant les yeux et rassemblant le peu de fierté que tu pouvais encore avoir à présent afin de ne pas te laisser aller aux larmes. T’en as pas le droit, tout ça, c’est à cause de toi.

A l’arrière, tu t’es attaché sans difficulté cette fois. Tu es derrière côté passager, alors tu regardes par la vitre pour ne pas risquer de croiser le regard du syrien. Tu n’oses plus, alors tu te contentes de garder les yeux rivés vers la vitre. Seul la rougeur de gêne qui habitent tes joues trahissent ce qui ce passe en toi, mais ça, t'en sais rien et de toute façon, c'est pas comme si tu t'en préoccupé. T'en a rien à faire, tout ce que tu veux, c'est rentrer chez toi et t'enfermer à double-tour pour ne plus jamais en sortir.
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MessageSujet: Re: Aller-Retour entre deux mondes {Naveen}   Aller-Retour entre deux mondes {Naveen} - Page 2 EmptyLun 9 Oct 2017 - 5:03

Ils étaient à nouveau dehors, chacun de leur côté du taxi, Naveen étant près des pompes puisqu’il avait commencé à remplir la voiture. Leurs regards se fuyaient, dès que leurs yeux se croisaient ils se dégonflaient totalement et baissaient la tête ou détournaient le regard. Ce qui s’était passé avait totalement brisé … brisé quoi exactement ? Il n’y avait absolument rien eu à briser, après toute la relation qu’ils avaient entretenue jusque-là n’avait été que basée sur le principe du chauffeur et du client. Certes, ils avaient échangé quelques paroles, quelques tranches de vie aussi, mais justement celles-ci les avaient éloignées avant même que le baiser ne vienne créer ce gouffre entre eux. Alors pourquoi réagissaient-ils aussi fortement ? Ils auraient pu continuer la route jusqu’à Bowen dans le silence, monter le son de la radio pour couvrir leurs respirations encore chamboulées. Pourtant, ils n’y arrivaient pas. Comme si tourner la page sur un geste qui s’était révélé aussi dérangeant était impossible. Alors ils se confondirent en excuses, chacun leur tour. Le premier fut Wyatt, lorsqu’ils se trouvaient encore dans le magasin, et maintenant c’était au tour de Naveen qui prenait peu à peu conscience du geste déplacé et violent qu’il avait posé à l’égard de l’ancien militaire. Le fait que ce dernier ait été lui aussi déplacé ne donnait aucunement le droit au syrien de répondre d’une même intensité. Ses parents ne l’avaient pas éduqué selon le proverbe œil pour œil, dent pour dent. Wyatt le dévisagea, sans doute surpris que ce soit des excuses qui sortent de ses lèvres plutôt que des insultes ou des jurons. Après tout, après s’être montré violent et sec avec lui, Naveen n’avait plus repris la parole jusqu’à ici. Jusqu’à ce qu’il fonde en larmes sans pouvoir lui-même s’expliquer pourquoi il réagissait aussi fortement. Sa femme lui manquait, et les blessures du cœur pouvaient rendre un homme malade. Malade d’amour. Il avait jusqu’à maintenant vécu cette tristesse seul, et il la vivait maintenant en compagnie d’un autre, et ça ne se traduisait aucunement de la même manière. Il écouta silencieusement Wyatt alors que celui-ci affirmait comprendre sa réaction, qu’il avait vu les horreurs réservées aux homosexuels quand il était en Irak et en Afghanistan. Naveen baissa les yeux. « J’ai bien du mal à comprendre, moi aussi, ce qui vous a pris. Je n’ai pas … je n’ai jamais laissé croire que … » Il avait conduit pendant tout ce temps, bordel ! Comment aurait-il pu envoyer des signaux contraires à ce qu’il était ? Ils avaient discuté, s’était même un peu pris la tête même si c’était resté civilisé, et en aucun cas n’avaient-ils abordé le sujet, ou fait allusion à … à autre chose. « Je ne suis pas … intéressé, Wyatt. » Finit-il par dire. À son tour il avait prononcé son prénom pour la première fois, peut-être pour mettre du poids à ses paroles, lui faire comprendre qu’il n’était pas de ce côté-là, qu’il ne pouvait pas être de ce côté-là. Il avait beau n’avoir connu l’amour qu’à travers le regard et le corps de sa femme, il savait que c’était ce qu’il aimait. Ou alors c’était ce qu’on lui avait montré à aimer, mais peu importe. C’était ce qu’il était maintenant. Il fit d’ailleurs la remarque à Wyatt, qu’il n’avait jamais été qu’avec une seule femme, la sienne. Cela pouvait davantage justifier son trouble face au baiser qu’ils avaient échangé un peu plus tôt. Il avait gardé le souvenir de ses lèvres à elle sur les siennes, mais désormais celles de Wyatt viendraient constamment brouiller le sentiment invisible contre sa peau, viendraient constamment altérer ses souvenirs. Et à ça, oui, il devait demander pardon. C’est ce que le trentenaire fit, bien vite, avant de rentrer dans le taxi, honteux. Il reprit sa place et laissa Naveen terminer de remplir la voiture d’essence. Quand il eut terminé, il rentra à son tour dans la voiture et redémarra. La tension était palpable, il sentait bien que Wyatt à l’arrière était dans tous ses états. Autant l’un que l’autre était présentement tiraillé par ses démons intérieurs, alors plutôt que d’aggraver la situation, Naveen monta le son de la radio sur des musiques populaires qui passaient. Le reste du trajet se fit en silence, juqu’à ce que le syrien se gare à la même place que ce matin lorsqu’il était venu le chercher. « Nous y sommes. Ça fera 576,85$. » Avec les 400 km parcourus et le temps d’attente à Townsville, que le réfugié avait même coupé de moitié puisqu'il avait quand même pu profiter de la ville en attendant, le compteur avait rapidement monté. Naveen ne se sentait pas bien d’exiger un tel montant, encore moins vues les circonstances, mais ça avait été le choix de Wyatt de prendre un taxi plutôt qu’un bus. Les horaires étaient peut-être plus flexibles et adaptables à sa situation, à ses besoins, mais le prix venait avec. Naveen ferma les yeux et déglutit, se sentant malgré tout sale, honteux.    
 
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