Il n’y a rien à comprendre, aucune logique pour expliquer et comprendre ton geste irrationnel. Tu as simplement perdu le contrôle de toi-même, désinhibé par ta consommation exceptionnelle d’alcool lors de ton repas du midi. Tu as beau rejeter ta faute sur le vin, au fond, une petite partie de toi c’est que ce n’est qu’une excuse, mais ça te convient. Cette petite part en toi sait que tu l’as embrassé parce que sur le moment, tu en avais envie. L’alcool t’as juste permis de t’autoriser cet écart de conduite que tu ne te serais jamais permis en étant sobre.
Naveen a tenté de justifier le fait qu’il t’ait repoussé, pourtant il n’avait pas à le faire. Et puis, dans un sens, tu es surtout soulagé qu’il est réagi comme ça sur le moment. Pour lui, embrasser un homme n’a jamais été envisagé ou envisageable. Et malgré l’humiliation que tu lui as infligé, et que tu t’es infligé également, tu es soulagé oui. Parce que tu n’as jamais été capable d’assumer ton attirance pour certains hommes. Tu n’en ai simplement pas capable encore maintenant. Tu te serais sans doute trouver encore plus dépassé s’il avait accepté ton geste et s’il y avait répondu. Et tu t’en serais voulu d’avoir à lui dire exactement la même chose qu’il vient de te dire simplement parce que tu n’assumes pas ta bisexualité. Tu as toujours laissé entendre que tu étais attiré par les femmes, cachant volontairement à tous l’autre facette de toi. Tu n’es pas sur de supporter qu’on puisse avoir de toi, l’image d’un homosexuel. Alors après un soupir de soulagement, tu lui rétorques :
« - Ne vous méprenez pas ! Je ne suis pas gay ! » te sens-tu obligé de dire
« C’est juste que… J’ignorais que je ne tenais pas l’alcool, et j’ignorais que ça me ferait faire n’importe quoi. » te justifies-tu, te voilant encore une fois la face.
*-*-*-*
Dans le taxi, le silence s’installe, coupé par le bruit de la musique retranscrite par la radio. Tu n’écoutes pas vraiment les chansons qui y sont diffusées, tu termines de cuver dans ton coin en regardant le paysage, plongé dans tes pensées. Malgré toute ta volonté, tu ne cesses de te remémorer la sensation de tes lèvres sur les siennes, si court l’instant fut-il. C’est la première fois que tu embrasses un homme, et ça te perturbe aussi malgré tout. Tu n’acceptes pas ton geste, pourtant, une part de toi désir recommencer. Cette part que tu t’empresses d’enterrer au fond de ta tête, refusant de la laisser s’exprimer à nouveau.
Enfin, après une heure interminable, le taxi se gare devant la maison et Naveen annonce le prix. Tu t’attendais à un montant similaire, t’étant renseigné sur le sujet avant de le commander. Tu as tout prévu, à l’avance, même plus que nécessaire. Pourtant, tu n’aimes pas te trimballer avec de grosses sommes sur toi, mais là c’est exceptionnel. La veille tu es passé à la banque ce qui te permet de sortir une liasse imposante rapidement.
Tu comptes rapidement les billets et tu lui tends la somme de six cent cinquante dollars.
« Gardez la monnaie » ça n’effacera pas l’affront que tu lui as fais quelques heures plus tôt, mais au moins, ça remboursera le café.
« Bonne fin de journée, et merci » Aussitôt après, tu t’élances vers la maison pour t’y réfugier, te cacher. C’est l’heure pour vos routes de se séparer.