all I know are sad songs (naomi & oscar)

Le déroulement de la journée a été un enchainement de péripéties. Ce matin, en se précipitant, Naomi a versé la moitié de son café sur sa chemise. Ayant été brûlée sur la poitrine, elle a hurlé une ribambelle de jurons qui lui a valu cinq billets dans la tirelire-à-gros-mots. Luce l’a réprimandé tout le chemin de l’école ne manquant pas de bien lui faire remarquer qu’elle était en retard. Naomi et elle sont arrivées pile à la sonnerie, quand le gardien fermait les grilles de l’école. Après ça, alors que Naomi devait participer à une conférence, sa voiture est tombée en panne. De la fumée sortait de son capot et elle dû s’arrêter immédiatement sur la bande d’arrêt d’urgence. La dépanneuse n’est arrivée qu’une heure. Déterminée à tenir son rôle de conférencière, elle a pris un taxi qui lui a coûté les yeux de la tête. Quand elle est arrivée sur les lieux, il n’y avait personne : elle s’est rendu compte qu’elle avait confondu la date et que finalement elle avait un cours à donner à l’autre bout de la ville à l’université. Une course contre la montre s’en suivit et ce n’est que deux heures après qu’elle est arrivée à destination. Comme Naomi n’a pas anticipé à prendre ses cours, elle a improvisé tout le long de la journée. Naomi n’a jamais été aussi contente de retrouver Luce. Comme Noam travaillait plus tardivement cette semaine, Oscar se chargeait d’aller la chercher à l’école et de la déposer chez elle.  « Salut ! » dit-elle à l’adresse d’Oscar, à bout de souffle car elle venait de courir. « Comment ça va ma puce ? Ça a été aujourd’hui ? » lui-demanda t-elle avec douceur avant de lui adresser un bisou sur la joue.

Il n'a pratiquement pas dormi. Jusqu'à trois heures, Oscar s'est perdu dans l'écriture de sa pièce sans réaliser que le temps passait si vite. Il le faisait avec un verre à coté pour s'empêcher de somnoler, verre qu'il n'a finalement jamais terminé. Quatre heures a été l'heure où ses pensées sont retournées vers Candy, et cinq heures celle où il se remis à penser à Nevaeh. En ce moment, sa vie est un bordel sans nom. Lorsque Luce n'est pas là pour l'épuiser durant la journée, son cerveau devient trop actif et il lui est impossible de trouver le sommeil avant les petites heures du matin. Heureusement pour lui, la journée qui suivait n'a été composée que d'un cours vers quinze heures, cours qu'il a dû terminé plus tôt afin de pouvoir aller chercher Luce et la ramener chez Naomi. Dans la voiture, il écoute sa fille lui raconter sa journée et tout ce qu'elle a appris, comme par exemples ses premières règles de français. Elle grandit trop vite. Alors qu'elle en est déjà à faire ses propres jeux de mots et à avoir ses propres amis, Oscar se souvient encore de cette douce époque où Luce dormait paisiblement dans son siège auto, placé quelques années plus tôt à l'endroit exact où elle est assise là maintenant. Arrivés chez Naomi, la petite s'empresse de courir dans les bras de sa mère pendant que, derrière, Oscar la suit avec un faible sourire. La ressemblance entre Naomi et Luce l'a toujours frappé, à croire qu'elle n'a au final rien hérité de lui physiquement. « Salut, » répond-il, bien vite interrompu par sa fille qui s'empresse de raconter deux trois anecdotes à sa mère sur ses nouveaux profs, et la nouvelle matière qu'elle a apprise. « Ton salon est assez grand que pour y courir un marathon ? » lui demande-t-il lorsque Luce se tait enfin, amusé de voir Naomi tellement à bout de souffle.

Rien de plus réconfortant que les bras de son enfant. Naomi savourait le câlin chaleureux de sa fille. Heureuse de la retrouver, Luce s’empressa de lui raconter quelques détails de sa journée à l’école. Elle avait mangé des petits pois à la cantine et sa nouvelle maîtresse leur a donné un devoir de mathématiques. Bien que Luce avait hérité de l’intelligence de sa mère, cette dernière était ravie de pouvoir l’aider. Quoi qu’il en soit elle vérifiait toujours ses devoirs et tenait qu’elle apprenne ses leçons. Une fois que l’attention de Luce fut reportée à son goûter, Oscar en profita pour lancer la discussion.  « Tu parles ! J’ai couru toute la journée. Au fait je viens d’arriver, j’avais peur de vous rater. Ma voiture est en panne. » rajouta t-elle en guise d’explication.  « Ah je te jure, quelle journée de m… » s’emporta Naomi, mais en se rattrapant juste à temps.  « … miséricorde ! » Non, la tirelire-à-gros mots n'aura pas sa peau.

Au fond, Oscar est ravi de pouvoir à nouveau discuter avec Naomi après cette longue période de vie où elle et lui arrivaient à peine à supporter la présence de l'autre. Maintenant qu'ils peuvent discuter sans ce froid qui pèse entre eux, il remarque à quel point Luce a plus de facilité à parler de sa maman auprès de lui. Autrefois, elle évitait de mentionner Noam et Naomi, se contentait de hausser les épaules lorsqu'Oscar lui demandait si elle avait passé une bonne semaine auprès de sa mère. C'est un soulagement pour la petite, mais pour lui aussi. Car au fond, même si Naomi est dotée d'un foutu caractère qui lui en aura fait voir de toutes les couleurs, il ne peut qu'apprécier cette fille avec qui il a refait le monde six ans plus tôt. « Si t'as besoin d'un chauffeur un de ces quatres, hésite pas à demander, » propose Oscar avant de porter son attention sur l'intérieur de la maison. Là où se trouve les affaires de Noam, son odeur, sa vie entière, peut-être même lui. « Enfin, sauf si ça ennuie ton mec. Je suppose qu'il te l'a déjà proposé et que t'as répliqué que tu savais te débrouiller. » Une réponse qui ne l'étonnerait pas, mais qui arrive tout de même à lui tirer un sourire en coin. Lorsqu'il l'entend se rattraper sur son gros mot, Oscar ne peut s'empêcher de rire. « Tu sais, je pense qu'elle entend bien pire à l'école ! Certains gamins ont plus de vocabulaire que moi, je m'en suis toujours pas remis, » ajoute-t-il pour plaisanter en portant une main contre l'emplacement de son coeur.

Pour le bien de leur fille, Naomi et Oscar se devaient d'entretenir une bonne relation. En aucun cas les enfants ne doivent être mêlés dans les histoires d'adulte. Ils n'étaient pas les meilleurs amis du monde, néanmoins ils éprouvaient de l'estime l'un pour l'autre. Ayant des problèmes avec sa voiture, c'est tout naturellement  qu'Oscar lui offrit ses services en tant que chauffeur. "Merci" . Son visage en disait long, elle restait perplexe car elle imaginait alors la réaction de Noam si elle demanderait de se faire conduire par Oscar plutôt que par lui.  "Tu me connais trop bien. Mais non, je n'en ai pas encore parlé à Noam"  avoua-t-elle. Car ainsi l'avait-il bien fait remarquer, Naomi avait une fierté monstrueuse et préférait se débrouiller seule. D'autre part, sa journée bien rythmée ne lui avait pas laissé le temps de discuter encore avec Noam. Une journée de m... Naomi se rattrapa juste à temps. "Peut-être, mais je n'ai pas envie d'en entendre de la bouche de notre fille"  lui dit-elle avant de rentrer dans la cuisine pour mettre en marche la cafetière. "Bon, et toi, quoi de neuf? Tu veux un café?" lui proposa t-elle. Noam n'allait pas rentrer tout de suite, ce dont elle avait bien conscience. Les avoir tous les deux dans la même pièce provoquerait des étincelles.