to be strong enough to let go (victoria)

Isaiah, il était un électron libre, il était rare qu’il s’associe à un seul et même groupe pour rester là, attaché, sans jamais étendre ses horizons. Il préférait voguer d’une troupe à une autre, pour mieux revenir ensuite. On ne lui en tenait jamais rigueur, parce qu’Isaiah ne faisait jamais de promesse. On le savait propice aux plus grandes aventures, aux plus belles surprises, et on savait aussi qu’il était là quand ça importait. Ce soir, il avait été là pour Victoria, sans même l’avoir prévu, sans même l’avoir su. Et elle avait de son côté aussi été une bouffée d’air frais pour cet homme qui n’en avait jamais fini de rencontrer des gens. La découverte de l’autre était le plus grand projet de sa vie et chaque âme mise sur son chemin contribuait à cet infini tableau. À ce portrait de l’humanité. Il était pourtant tristement l’heure de se dire au revoir, mais pour cette fois seulement, car Victoria et lui se couvrirent de compliments en s’assurant qu’ils se reverraient. Ils ne se laisseraient pas emporter par des courants contraires. Ils ne laisseraient pas le rythme effréné de la vie les écarter. Dehors, sous les faibles lumières du stationnement du bar, Isaiah proposa à la jeune femme d’attendre son taxi avec elle. « Oh, c’est gentil, merci, mais ça me fera du bien de revenir à vélo. C’est mon p’tit moment. » Il sourit. De toute façon, il ignorait si son vélo rentrerait dans le coffre, et il ne voulait pas créer toute une problématique alors que ça ne lui prendrait qu’une quinzaine de minutes retrouver son chez lui. Victoria sortit alors son téléphone pour le tendre à Isaiah, afin qu’il rentre son numéro. « Avec plaisir ! » Il prit le téléphone entre ses mains et, face à un outil technologique aussi poussé comparativement à son propre téléphone-dinosaure, il eut l’air de prendre cinquante ans d’un seul coup en ayant de la difficulté à rentrer les informations. Il y arriva de peine et de misère, sans doute sous les moqueries de Victoria, avant de le lui remettre. « Je vais essayer d’être discipliné à répondre. Mais je n’ai pas toujours mon téléphone avec moi. » S’excusa-t-il, sans justifier davantage. Il n’avait sans doute plus à expliquer sa différence.

to be strong enough to let go

- Je vois... J'aime beaucoup ça, aussi ! Même si je ne suis pas très sportive... Ca fait une éternité que je n'ai pas fait de vélo ! je lance, tentant de me rappeler de la dernière fois où je suis montée sur un deux roues.

Ca fait, effectivement, une éternité. Je ne parviens même pas à m'en souvenir ! Je devais être jeune... Isaiah entre son numéro dans mon smartphone, et je peine à résister à l'envie de lui demander s'il a besoin d'aide. J'y parviens, contre toute attente, et récupère mon téléphone pour lui envoyer un texto afin qu'il ait, à son tour, mon numéro.

- Tiens, tu ne seras pas obligé de répondre à celui-là, c'est juste pour que tu aies mon contact à ton tour ! je fais en riant. "Je ne suis pas non plus énormément sur le mien, c'est vraiment par obligation, pour le boulot... Les réseaux sociaux, tout ça..." j'explique en haussant les épaules.

J'ai pris l'habitude, à force. Mais étrangement, depuis quelques temps, on m'importune moins. Les gens doivent sentir que je me retire peu à peu de la vie New-Yorkaise. Peut-être se disent-ils que je ne vais pas revenir... Je n'en sais rien moi-même. On verra par la suite. Ca me manquera peut-être, mais Papa et Maman sont les plus importants...

- Ah, je crois que mon taxi est là... je fais au bout de quelques minutes d'une conversation légère. "Ouais, c'est lui. On se dit à bientôt, du coup ? Ne prends pas peur quand je te textoterai !" je lance à Isaiah, en lui adressant un signe de main tout en ouvrant la porte du taxi. "Rentre bien, et fais attention..." j'avertis ensuite, par la fenêtre.

Quand le taxi s'éloigne, j'ai le coeur un peu plus léger que lorsque je suis arrivée tout à l'heure, au début de la soirée. J'ai fait une rencontre on ne pouvait plus surprenante, et surtout plaisante. Je ne m'y attendais pas du tout. J'ai bien fait de venir, finalement...

(c) charney

HRP:

Dès que Victoria annonça ne pas avoir fait de vélo depuis très longtemps malgré son appréciation de ce sport, Isaiah arqua un sourcil avec un sourire satisfait. « Alors on a trouvé notre prochaine activité ! » Dit-il en pointant un doigt vers elle, comme si ce geste allait davantage marquer la proposition. « Si t’as pas de vélo, aucun problème, j’en ai un deuxième qui a juste besoin d’un peu d’amour avant d’être utilisé, ça me donnera une raison de m’y mettre ! » Pour le moment, ledit vélo traînait sur le balcon arrière de son appartement – ce même appartement dont il songeait à bientôt résilier le bail puisqu’il y vivait dorénavant seul et qu’il avait déjà bien assez d’espace pour lui seul dans sa maison-caravane. Ils échangèrent alors leurs numéros afin de pouvoir se contacter à nouveau, par exemple pour organiser cette journée de randonnée à vélo, si l’idée plaisait réellement à Victoria. Elle n’aurait qu’à le relancer, lui serait partant n’importe quand. Comme pour à peu près tout. « Ouais, je comprends. C’est pour le boulot aussi que j’en ai un, autrement … » Il fit semblant de lancer son téléphone à bout de bras, en gardant bien sûr l’appareil dans sa main. Après avoir imité le son du téléphone crashant au sol, Isaiah se retourna vers Victoria dans un léger rire. La conversation continua à couler entre eux, si facilement, si aisément, jusqu’à ce que le taxi de la jeune femme arrive. Isaiah la salua de la main et d’un sourire. « Rentre bien aussi, bonne nuit ! » Il laissa sa main retomber au même moment où la porte du taxi se referma. Il esquissa un sourire en répétant à lui-même, dans un murmure : « Textoterai. » Il secoua doucement la tête en riant, avant de se rendre à son vélo et de rentrer chez lui à son tour.  

FIN