Terrence + Kill first, die last.

Terrence était le roi des rumeurs dans la petite ville de Bowen, non pas qu'il les lance, non, il avait bien autre chose à faire. Il en était plutôt la victime. On disait tout un tas de choses sur lui, qu'il était un meurtrier, qu'il vendait de la drogue, que sa blessure à la jambe était la suite d'un combat au couteau qui aurait mal tourné, que sais-je d'autre... Tout cela n'était qu'un tissu de mensonges. Pourtant il n'était pas blanc comme neige malgré tout et pour que des rumeurs circulent il fallait bien une raison. En effet il avait fait de la prison mais pas pour avoir tuer un homme et il n'en était pas un criminel de haut vol pour autant. Par contre le bruit qui disait qu'il vendait des armes, celui-ci, il s'en serait bien passé. Parce qu'il y avait du vrai dans ce ragot. En fait c'était l'exacte vérité, derrière ses planches de surf en façade, il avait tout un étalage d'armes en tout genre dans son arrière boutique. Mais il ne voulait pas que ça se sache. N'allez pas croire que son commerce de plage n'était qu'un écran de fumé, il aimait profondément le surf, c'était sa passion depuis l'enfance. Mais simplement, pour un ex-taulard, ouvrir une boutique ce n'était pas vraiment chose facile. Alors il avait accepté l'argent de personnes peu fréquentables pour saisir l'opportunité de réaliser son rêve de petite échoppe en bord de mer. En contre partie il acceptait de refourguer leurs armes à ceux qui viendraient lui en demander. Et vous imaginez bien que ce n'était pas la ménagère qui voudrait se protéger de son mari violent, non, on parlait là d'une clientèle peu abordable, de tueurs et tutti-quanti. En gros il servait la fine fleur des raclures de cette ville. Est-ce qu'il dormait bien la nuit ? Pas vraiment. Mais au moins il vivait de sa passion pour l'océan, avec un petit extra.
Ce matin il avait ouvert son magasin, matinal comme toujours, mais les surfeurs étaient au rendez-vous, pressés de pouvoir entrer dans l'eau le plus rapidement possible après être passé récupérer leur matériel. Il ne louait pas de planches mais il gardait celles des surfeurs habitués à cette plage au fond de son local. Après avoir rendu leurs biens à ses amis, il remarqua le jeune homme qui attendait sagement au comptoir, celui-là il ne le connaissait pas et pour être honnête, il n'avait pas la tête d'un homme qui aimait les vagues. Il s'approcha de lui, boitant comme toujours, mais avec un sourire avenant. Bonjour ! Je peux vous aider ? Étrangement il se doutait que le garçon n'allait pas lui demander du beurre de polissage...

C'était toujours compliqué, la première rencontre avec un client. Nous ne parlons pas ici de clients de sa petite boutique, mais bien de ceux qui recherchaient des armes. Il avait eu plusieurs fois affaire à ceux qui avaient entendu les rumeurs et qui voulaient juste savoir si c'était vrai, à des gamins qui voulaient se faire un peu peur. Il avait même accueillit un jeune flic un peu trop justicier qui avait cru qu'il pourrait l'avoir sans mandat pour fouiller dans sa réserve. Ceux-là il les renvoyait promener avec fermeté et un grand sourire aux lèvres, leur disant qu'il ne fallait pas croire aux ragots, il était habitué. Souvent il avait comme un sixième sens, il savait à l'avance qui venait sérieusement s'équiper d'un flingue. Et clairement, le gars qui attendait au comptoir était de cette trempe là, mais il devait toujours se méfier, rester sur ses gardes, s'informer de comment il était arrivé jusqu'à lui. Parce qu'à tout moment il pouvait tomber à cause de ce commerce, s'il n'était pas assez vigilent, s'il baissait sa garde et il n'avait aucune envie de retourner en prison. L'asiatique restait impassible, Terrence ne perdait rien de sa superbe, l'autre ne lui faisait pas peur, loin de là, il en avait vu, des caïds dans son genre. Il fronça néanmoins les sourcils, le toisant de haut, histoire de le tester. Je ne suis pas sûr que vous trouviez ce que vous cherchez. Vous ne trouverez pas de drogue ici. Le ton était ferme et n'invitait pas à la plaisanterie. Mais le gars ne semblait pas avoir envie de rire non plus. Il releva les yeux pour saluer d'un hochement de tête les derniers surfeurs qui quittaient la boutique. Amusez-vous bien les gars ! A présent il n'y avait plus qu'eux-deux. Qui vous envoie ?

Dans sa boutique Terrence avait généralement le sourire, il se montrait avenant et sympathique envers les clients, c'était le propre d'un commerçant selon lui. Un vendeur qui n'aurait pas l'air aimable ne donnerait pas l'envie au client d'acheter chez lui, c'était logique. Et puis il aimait ce qu'il faisait, il était de bon conseil sans être jamais poussif, il était bon dans son métier, pour ce qui était de vendre des articles de surf. Pour le reste, il montrait un tout autre visage, dû à sa méfiance et puis aussi parce qu'il n'était pas particulièrement passionné par les armes en tout genre. Il en possédait deux, une dans son magasin, bien cachée et une chez lui, planquée derrière ses épices, dans sa cuisine. Non pas qu'il se sente menacé mais avec le métier parallèle qu'il faisait et avec son passé de soldat il se sentait un peu rassuré d'avoir de quoi se protéger, au cas où. Mais il n'avait jamais ouvert le feu sur personne ni même menacé quiconque avec un flingue, pas depuis ses années dans la marine et ça commençait à dater donc. En règle générale il se tenait loin des conflits et tout allait très bien. Il soupira doucement en haussant un sourcil alors que l'inconnu lui parlait de son fournisseur de drogue. Terrence ne se trompait pas souvent sur les gens et visiblement il avait vu juste concernant ce garçon. Le tout étant de savoir s'il pouvait avoir confiance, il ne pourrait pas lui fournir quoi que ce soit tant qu'il ne serait pas convaincu que ce gars n'allait pas le dénoncer derrière ou la lui faire à l'envers. Il le jaugeait donc, sans prétendre pouvoir deviner pour quelle raison obscure il pourrait avoir besoin d'une arme, ça, Kelly préférait ne pas le savoir. La provenance de mon chiffre d'affaire ne vous regarde pas et j'imagine que vous avez autre chose à faire que discuter compta. Il leva le menton pour le regarder de haut à nouveau. Le regard de ce gars avait quelque chose de dérangeait, il n'aimerait sûrement pas le croiser en pleine nuit. Vous savez, les rumeurs... c'est souvent beaucoup de bruit pour peu de choses. Qu'est ce qui vous fait dire que je serais votre vendeur ? Et en quoi un gamin comme vous aurait besoin d'une arme ? Il le traitait de gamin, ça n'avait rien de vraiment mauvais, c'était juste assez pour voir comment l'autre réagissait. Ce genre de conversation pouvait durer des heures mais Terrence avait tout son temps, il ne comptait pas se presser pour lui fournir quoi que ce soit.

Visiblement il y avait beaucoup de choses dans la tête de ce garçon, un instant il avait le regard rivé sur Terrence, perçant, insolent, celui de quelqu'un qui connait un secret inavouable, celui du vendeur de planches de surf qui fournissait aussi des armes illégalement, ce regard qui lui disait clairement qu'il savait et qu'il ne servirait à rien de mentir. Terrence se moquait, qu'il sache, beaucoup savaient en vérité, le tout était d'avoir les preuves pour pouvoir faire quoi que ce soit. Comme ce flic qui avait tenté de le faire tomber sur un coup de bluff. Sans preuves il ne lui arriverait bien, il était intouchable et ça, Kelly le savait très bien. Il était très bien renseigné, on lui avait garanti une protection si quelque chose lui arrivait, il n'avait rien à craindre, en théorie. Mais les choses pouvaient toujours tourner mal, il en avait déjà fait l'expérience, depuis il se montrait prudent, peut-être trop, peut-être qu'il avait déjà fait fuir des clients à force de se méfier, mais ça il s'en foutait bien, ce n'était pas ce commerce là qui le faisait vivre, alors laisser un client lui filer entre les doigts ce n'était pas un problème.
A présent le garçon avait le regard vide, il fixait le néant, comme s'il s'était perdu dans ses propres pensées, Terrence n'avait aucune envie de savoir ce qu'il se passait dans sa tête, en vérité il lui collait le frisson avec son attitude glaçante. Alors pour le faire réagir il le questionna, sans savoir si l'autre l'écoutait vraiment et comme ce comportement l'agaçait il finit par le traiter de gamin. Celui-ci réagit au quart de tour, reposant sur lui un regard peu avenant il serra les poings et la mâchoire. Terrence se dit qu'il était peut-être allé trop loin, il n'avait pas envie d'une bagarre avec ce type dans sa boutique. Mais l'autre tenta de se contenir, il contourna le comptoir pour pouvoir lui montrer sa jambe et le bracelet électronique qui l'entourait. Terrence releva un sourcil, est-ce que cette preuve devait l'impressionner ? Il avait été à deux doigts d'en porter un à une époque et pourtant il n'était pas un si mauvais garçon, lui. Joli bracelet. Je vois pourquoi vous avez besoin de mes services... Même s'il le voulait, le détenu ne pourrait pas acheter d'arme légalement, puisqu'il était repris de justice. Il soupira. Qu'est-ce qui me dit que vous ne retournerez pas l'arme contre moi, je n'ai aucun moyen de vous faire confiance et encore moins avec ce que je viens de voir.

Ce petit jeu agaçait fortement Terrence et quand il était agacé il avait envie de se griller une clope sur les marches de son magasin, dehors, en regardant les vagues et sans personne si possible. Mais il ne pouvait décemment pas sortir de là alors que le jeune asiatique se trouvait dans le magasin. Il y avait quelque chose de pas net dans ses yeux qui ne lui donnait aucune confiance. La vue de son bracelet électronique n'effraya pas le commerçant, si c'était l'effet escompté il n'avait pas réussi son petit tour. Mais il avait au moins réussi à le convaincre que l'autre savait ce qu'il voulait et qu'il n'était pas qu'un simple gamin qui perdait l'équilibre et qui voulait faire une boucherie géante. Ca le mettrait mal à l'aise, Terrence, d'apprendre que par sa faute des innocents étaient morts, des gosses, comme on pouvait l'entendre parfois à la radio, des gamins dans un lycée ou ce genre de chose, ce genre de fait-divers lui donnait des sueurs froides. Alors peut-être que ce gars n'avait pas toute sa tête, il était un déséquilibré, probablement, d'une certaine façon, mais il devait savoir ce qu'il faisait, c'était déjà ça. Voilà pourquoi Terrence arrêta de nier et lui laissa comprendre qu'il pourraient faire affaire ensemble. Il fronça les sourcils. Je ne récupère pas les armes, vous en faites c'que vous voulez après mais j'veux pas d'une arme qui a servit à tuer, ici c'est ni repris ni échangé. Une fois que vous aurez quitté cette boutique je ne veux plus jamais vous revoir ni entendre parler de vous. Au moins les choses étaient claires, ce gars là n'avait pas l'intention de se tirer une balle dans la tête, il voulait s'en servir contre quelqu'un d'autre. Ouais, j'veux bien de l'argent par contre. Cash, évidemment. Il se détendait un peu, juste un peu. Qui vous envoie ? Il commençait déjà à contourner son comptoir pour inviter son nouveau client à le suivre dans l'arrière boutique. Il se dirigea avant ça à l'entrée, ferma la porte à clé et retourna le panneau qui disait "Entrez, nous sommes ouverts." Il fermait boutique, momentanément.

Le sourire du gamin colla le frisson à Terrence, une sueur froide qui lui électrisa l'échine. Lui, le grand gaillard, face à cet asiatique qui faisait bien au moins une tête de moins que lui, sous ses airs impassibles, il n'en menait pas large. Il avait pourtant l'habitude, il traitait avec de sacrés affreux, mais l'attitude froide et totalement détachée du jeune homme le déroutait plus qu'il ne le voudrait. Il se contenta alors de hocher la tête, inutile de lui redire qu'il ne voulait rien savoir, l'autre jouait avec lui et il ne voulait pas entrer dans ce jeu-là. Vous auriez pu mentir. Il ne croyait pas un mot de ce que le blond lui disait. Les gens parlent de moi alors... j'me passerais bien de cette pub là. Il avait parlé surtout pour lui-même, bougonnant dans sa barbe, préférant largement que l'on parle de son matériel de surf de qualité que des armes qu'il vendait en toute illégalité. Bien. je ne fais pas de bénéfice sur ces ventes, que les choses soient claires, mon commerce c'est le surf. Je remets l'argent à ceux qui me fournissent les armes, je ne suis qu'un intermédiaire. En d'autre terme, si vous avez le moindre problème matériel, ça ne me regarde pas. Il insista sur ces derniers mots, posant sur le gars un regard tout aussi insistant, histoire qu'il comprenne bien. Puis il continua sa marche jusque dans l'arrière boutique. Qu'est ce qu'il vous faut ? A première vue c'était une réserve classique, des planches de surf et des cartons un peu partout, à première vue seulement.

Il n'avait pas tort, le gamin, enfin dans sa logique tordue, ça avait un certain sens. Terrence haussa alors les épaules. Ca se tient. Une fois dans la réserve le surfeur n'aima pas la façon dont l'autre avait de toucher à tout, il lui lança alors un regard dur et plein de reproches, en espérant qu'il n'ait pas à le gronder comme un gosse qui fouillait dans les rayons des magasins. Ce qui foutait la frousse à Terrence ce n'était pas le récit de ses exploits de tueur, ni même l'idée de l'imaginer assassinant ses victimes en prenant son pieds, ça il s'en foutait totalement. En vérité il en avait vu passé des tordus. Mais ce qui le dérangeait c'était cette attitude froide, détachée de tout. De celles qui donnait l'impression qu'il pourrait avoir n'importe quel comportement, des plus imprévisibles, des plus destructeurs. Il le fixa avec un regard aussi froid que celui du blond, s'il voulait jouer à lui faire peur il allait vite comprendre qu'on ne l'impressionnait pas longtemps et qu'il savait se ressaisir. Je n'ai aucun doute sur vos aptitudes. Il chercha un instant derrière ses rayonnages avant de trouver un bouton qui ouvrait une étagère. C'était un truc digne des films d'espionnage, un client lui avait dit ça un jour. Terrence avait surtout trouvé l'idée pratique pour combiner ses deux activités. Sur ces toutes nouvelles étagères il repéra l'arme à laquelle il pensait, il la tendit à son client pour qu'il la voit. C'est un 9mm, petit, discret, mais très réactif. Je le vends aux femmes généralement, mais vu la taille de vos mains je pense qu'elle vous irait bien. Ce gars n'était pas petit, loin de là, bien que Terrence le dépassait, mais il semblait avoir des mains délicates. Et puis il avait dit rechercher quelque chose de facile à planquer Ne vous méprenez pas, il est petit mais efficace. Il en avait un semblable chez lui, mais ça il n'était pas obligé de le dire.