don't let the sun go down on me (aelya)

Elle avait changé de poste pour se préserver, au moins le temps qu'elle recouvre ses forces dans tous les sens du terme, parce qu'elle était à bout, physiquement et mentalement, et comme elle ne pouvait pas choisir de s'arrêter pour mener à terme leur affaire, elle travaillait maintenant derrière le bar, à servir des verres aux clients. Même si elle se confrontait toujours au même genre de types, au même genre de remarques et de regards, elle possédait maintenant plus de distance avec les gens, ce qui lui permettait d'avoir le moins de contacts possibles avec eux. Ça la rassurait, même si elle s'ennuyait, parce que ce n'était pas forcément aussi prenant que de danser. Il y avait toujours des bons et des mauvais côtés. Alors qu'elle partait en pause, elle avait croisé sa collègue dans les vestiaires, qui revenait de quelques jours de repos suite à une chute brutale. En prenant de ses nouvelles, celle-ci avait admis avoir croisé Niels aux urgences, discutant avec une brune, les cheveux longs, une interne en chirurgie. Sa mâchoire s'était automatiquement crispée et ses yeux s'étaient assombris directement. Surtout quand elle vint ajouter qu'ils avaient l'air de bien sympathiser. Que cela était vrai ou faux, il n'en avait pas fallu plus pour faire bouillir la rage dans ses veines. Elle était allée fumer une cigarette, puis deux, puis trois, tentant de se canaliser, se retenant d'exploser en l'appelant sur son portable. Elle commençait à paniquer, à se faire des films et pire que ça, elle se sentait trahie. Aelya ne comprenait pas pourquoi il avait tant de fois risqué sa vie pour elle sans qu'elle ne vienne à lui demander, et que lorsqu'elle en était venue à lui demander cette chose qui importait pour elle, et qui pourtant, était plus futile que tous les services qu'il lui avait rendu, il n'avait pas pu se retenir. Incapable de daigner écrire un texto sans voir ses doigts transcrire sa colère, elle avait fini par ne pas le faire, alors que ce n'était pas habituel.

Quittant le travail pour rentrer chez eux, elle avait balancé ses affaires d'une main enragée, l'esprit tourmenté par un flot de pensées qui ne voulaient pas s'arrêter, animant sa rancune. Elle se prit à s'occuper à ranger quelques trucs qui traînaient, consciente qu'il fallait qu'elle se vide la tête pour lui retirer l'envie de faire ses affaires afin de partir, au moins pour la nuit histoire de remettre ses idées aux claires, parce qu'elle subissait la véhémence de ses doutes déchaînés. Elle l'entendit arriver dans son dos, et ne se retourna que lorsqu'elle sentit sa main le long de son échine, serrant sa mâchoire aussi fortement que possible pour ne pas briser le silence de manière trop violente, alors qu'elle n'avait envie que de ça, de se laisser sombrer dans ses sentiments négatifs. Elle le regardait s'approcher de ses lèvres sans bouger, pour autant, celles-ci aussi étaient restées immobiles, signe qu'elle n'avait pas envie de répondre à son baiser.

- J'ai passé une super journée à espérer de te retrouver. Enfin, c'était le cas jusqu'à ce que j'apprenne que t'as parlé à Charlie.

Elle croisa les bras sur sa poitrine, l'arrêtant tout de suite, avant qu'il ne tente de s'expliquer.

- Tu sais quoi ? C'est pas la peine. Fais ce que tu veux. Si c'est trop dur pour toi de prendre tes distances avec une fille qui te veut pour ma tranquillité, reste avec elle. Je voulais attendre que tu rentres pour discuter de ça calmement mais j'en suis pas capable. Je suis pas Charlie moi, j'ai pas toutes ses qualités.

Evidemment que c'était sarcastique, et pourtant, elle savait que c'était vrai, Charlie était bien plus posée qu'elle.

Elle savait qu'elle dramatisait souvent les choses, qu'elle envenimait la réalité sous l'effet de son cerveau qui s’emmêlait les pinceaux, lui faisant voir des images détournées pour la conduire à sombrer dans le doute de leur relation qu'elle chérissait plus que tout. C'était aussi pour cette raison qu'elle avait désiré le mettre à l'écart de Charlie, bien que ça n'avait pas pu fonctionner. Si elle avait du accepter le fait qu'ils soient collègues et qu'elle ne pouvait entraver ce lien parce qu'il sortait du cadre privé, elle savait déjà qu'il avait mis les choses à plat avec elle, parce qu'elle le connaissait, et quelque part, elle n'était pas tant surprises de son acte. Simplement, il avait continué à entretenir un passé qu'ils avaient en commun en lui parlant de tout ce qu'elle lui avait dit sur Charlie. Elle n'aurait jamais voulu le voir aborder un sujet aussi sensible que les sentiments sans qu'elle n'y prenne partie. Il ne lui en avait même pas parlé, d'ailleurs, de cette idée. Surement parce qu'il avait su dès le départ que le débat serait clos avant même son commencement. En même temps, cette histoire était encore trop récente pour qu'elle ne prenne assez de recul et quand bien même elle en avait conscience, c'était plus fort qu'elle : ses émotions prenaient le dessus sur la raison. Elle secoua la tête à ses mots, ne partageant pas du tout le même avis.

- J'ai accepté que ce soit ta collègue. Je peux à la limite, accepter que ce soit ta pote. Mais je peux pas accepter qu'elle ait des sentiments pour toi et que toi, t'en aies parlé avec elle comme si c'était normal, parce que ça l'est pas. Ca sort carrément du cadre que je voulais nous fixer. Putain, mais c'est vrai qu'on est tellement doués pour respecter les limites, que j'aurais du m'en douter que tu le ferais pas, soupira-t-elle, roulant des yeux, exaspérée par cette vérité.

Elle écoutait ses mots, tentant de s'imprégner de ses mots pleins de bons sens, rassurants, mais elle n'y arrivait pas, son coeur était fermé à double tour à cause de tous ses ressentiments qui jaillissaient dans ses veines.

- C'est toi qui parlait d'arrêter de se cacher des trucs, d'être plus ouverts sur nos actions ? T'as fait cette erreur, toi aussi. Et tu sais ce qui me fait le plus peur là ? C'est de me rendre compte que ouais, t'as complètement raison, ça pourra jamais marcher si on agit toujours comme ça. Comment tu veux que je sois à cent pour cent sure de ce que tu me dis alors que tu savais à quel point je m'inquiétais ?

Elle s'avança de quelques pas, plantant son regard baigné de peine et de colère dans le sien.

- Dis moi... T'aurais pensé quoi si j'étais allée revoir Milo dans ton dos, juste pour discuter et mettre les choses à plat sur notre aventure ? Et t'aurais pensé quoi, si je l'avais fait en sachant pertinemment qu'il aurait eu des sentiments pour moi ? Me fais pas croire que tu l'aurais accepté. Me fais pas croire que tu te serais pas senti mal. Je l'ai pas fait, moi. Mais peut-être que je devrais le faire, après tout, c'est pas grand chose non ? Puisque je t'aime toi, et toi seul, lança-t-elle, blessé, cherchant à lui faire réaliser à quel point cette situation la tuait.

Elle souffla, déçue, les larmes aux yeux, tentant de les retenir en détournant son regard.

Même si ça n'avait l'air de rien, ça faisait écho à pas mal de choses dans la tête d'Aelya. Le genre de choses qui pouvaient réveiller sa peur, ce démon qui ne la lâchait jamais très longtemps, gagnant en puissance à mesure qu'elle s'attachait à lui. Et c'était de pire en pire. Si son amour était profond, sincère et immuable, la douleur qu'elle ressentait était de la même nature, créant des sillons tout le long de son coeur qui se fracturait sous le poids de leur échange houleux. Elle ne voyait plus que son spleen, s'infiltrant par tous ses pores, pourrissant ses entrailles pour venir ternir tout ce qu'ils avaient construits. Elle fronça les sourcils à ce qu'il vint ajouter, ne pouvant prendre ses paroles comme la justification qu'elle pouvait attendre, parce qu'il n'en existait aucune dans son esprit.

- Déjà... Je t'ai jamais demandé d'arranger quoique ce soit. C'était pas à toi de le faire, dans tous les cas. Et donc, ça va c'est juste une petite attirance donc ça doit me rassurer ? Elle est quand même là, ajouta-t-elle, déterminée. Pour moi, c'est comme si tu te rangeais de son côté, que tu t'opposais à moi alors que moi, tout ce que je voulais c'est que tu m'écoutes pour une fois.

Ce n'était pas de sa faute pour ce qui était de l'attirance de Charlie, elle le savait. Elle arrivait à faire la part des choses. Mais elle lui en voulait d'être allé au-delà de ce qu'elle lui avait demandé de manière sérieuse, préférant user de son propre libre arbitre sans daigner une seule seconde penser à ce que ça pouvait lui faire, à elle. Ecorchée et affaiblie par ce couteau qu'on ne faisait que de lui planter dans le dos, c'était comme si elle se défendait dans un dernier souffle avant de se voir s'écraser sur le sol.

- Franchement, Niels, me dis pas ce que je dois faire, c'est pas le moment, s'énerva-t-elle.

Parce qu'il était aussi doué qu'elle quand il s'agissait de ne pas s'écouter mutuellement, et elle avait l'impression que ça n'allait pas en s'arrangeant. C'était la colère qui parlait, qui détruisait tout sur son passage comme un orage qui avalait chaque rayon de ce Soleil qui avait brillé entre eux. Elle regretterait surement, mais pour le moment, c'était son coeur blessé qui cherchait à se sauver de la noyade en se donnant du courage sous le coup de la rage. Aelya roula des yeux à sa réponse quand elle vint parler de Milo, consciente que ce n'était pas agréable mais qu'elle s'en servait dans un but bien précis, juste celui de lui retirer de l'esprit que ce n'était pas juste une simple bêtise qui n'aurait aucune conséquence sur son âme. Elle n'aimait pas le voir souffrir alors qu'elle pouvait le lire à travers ses yeux, et elle savait que sa conscience viendrait lui rappeler à quel point elle était allée trop loin dans ses mots.

- T'as pas répondu à ma question, donc j'imagine que t'es d'accord avec moi, répondit-elle, lasse, faisant référence à sa position si les rôles étaient inversés.

La distance qu'il vint prendre avec son corps l'achevait, même si elle ne le montrait pas parce qu'elle pouvait le comprendre.

- Y'a rien à faire, répondit-elle, le regard valsant sur les alentours sans s'arrêter sur Niels, ne pouvant affronter son regard qui appelait son recul.

Son regard se planta dans le sien à sa question alors qu'elle choisit de prendre son courage à deux mains.

- Non. C'est moi qui vais partir. Faut que je réfléchisse. Je sais pas comment gérer ça.

Elle se rendit dans leur chambre, choisissant quelques vêtements rapidement qu'elle inséra dans un sac, sentant son regard dans son dos.

- Ca a rien avoir avec nos sentiments. C'est juste... Nous. Peut-être qu'on est trop ensemble, je sais pas, j'ai juste besoin de réfléchir à tout ça.

Elle ne savait pas où elle allait, mais ce n'était pas tant le problème, parce qu'elle pourrait très bien dormir dans son ancien appartement, si son coloc était prêt à l'accueillir.

Dès que les doutes s'immisçaient dans sa tête et dans son coeur, prenant la place que Niels avait choisit, elle se sentait soudainement plus vite, plus creuse, comme si les battements de son myocarde faisait un trop grand écho maintenant qu'il s'était échappé de l'emplacement qui lui serait toujours réservé. Parce que même ses ressentiments portaient son nom, comme si la moindre de ses sensations lui étaient toujours destinées. Son regard avait accroché le sien à son pardon qu'elle sentait sincère, mais qui semblait malheureusement trop superficiel au vue de l'intensité de la douleur qui siégeait dans son être.

- Pour la première fois, j'en ai pas eu l'impression... Souffla-t-elle dans un murmure, comme si dire ses mots à voix haute allaient la briser.

A bout de souffle, à court de paroles, elle se laissait dominer par la peur, préférant tout faire pour garder le contrôle qui lui échappait complètement, la faisant paniquer. Comme dans un instinct de préservation, elle se dressait contre lui, désirant privilégier l'attaque à la défense, parce qu'elle savait qu'elle manquait de s'écrouler, blessée dans son intégrité, dans la confiance qu'elle lui portait et qui avait déjà été mis à rude épreuve avec Charlie. Elle comprenait maintenant, comment des non-dits même désuets, pouvaient affecter une relation solide en la poussant au bord du gouffre. Et là, c'était comme si elle se voyait tanguer au-dessus des ténèbres, désirant se laisser aspirer à l'intérieur pour ne plus avoir à subir ce qui brûlait dans son être. Aelya voulait éteindre ses émotions, avoir un bouton pour les arrêter et juste ne plus rien ressentir. Comme avant sa rencontre avec Niels, avant qu'il ne vienne agiter son coeur qui s'était très rapidement mit à pulser des sentiments qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant. Même avec toute la rancoeur qui l'habitait, elle ne pouvait pas s'empêcher de l'aimer, éperdument, désespérément, comme si les pans de son âme s'accrochait toujours à la sienne, et qu'elle tirait dessus pour s'en dépêtrer, sans succès. Baissant les yeux, les lèvres plissées à ses excuses, elle s'était réfugiée dans la pièce qui recevait la véhémence de leur amour, éventrant ses placards pour dépecer des parties d'elle pour les récupérer, dans une vaine volonté de reprendre le contrôle sur son existence, alors qu'elle se sentait partir dans des limbes imbibées par l'obscurité. Sans Niels, il n'y avait plus rien, elle le savait. Mais si elle restait, elle ne pourrait pas se réparer correctement à ses côtés. Son amour la persécutait autant qu'il la portait vers les sommets, et c'était de moins en moins possible d'obtenir l'un sans l'autre.

- Fais ce que tu veux, Niels, je te l'ai dit, répondit-elle, tentant de prendre un air détaché alors que c'était tout l'inverse, qu'elle n'en pensait pas un mot.

Elle se détestait déjà pour dire ce genre de conneries qui représentaient tout ce qu'elle ne ressentait pas pour lui, de l'indifférence, lui qui arrivait toujours depuis le début à lui provoquer tant de choses. Enfouissant ses affaires dans son sac d'une main nerveuse, elle se retourna, lui faisant face alors qu'il lui barrait le passage, frissonnant en sentant sa main contre la sienne. La colère pouvait tout annihiler, mais jamais l'affection qui excitait ses cellules en manque de lui, déchirées par cette distance qui s'effectuait déjà entre eux. Elle se mordit la lèvre inférieure, tiraillée entre pleins d'envie, les yeux ancrés dans les siens, comme dans le but d'y chercher une solution viable. Elle laissa une main se poser sur son torse, comme dans une volonté de l'apaiser.

- On est trop compliqués tous les deux. Tu le sais. J'ai pas envie qu'on se détruise pour de bon. Mais quoiqu'on fasse, on y arrivera. On se fait du mal à chaque fois, et j'ai toujours eu envie de te rendre heureux dès le départ. Je veux pas voir qu'à un moment tu le seras plus.

Elle avança doucement son visage vers le sien, comme happer par ses lèvres avant de s'arrêter sur sa lancée, dérivant vers sa joue.

- Tu sais très bien que je t'aimerai toute ma vie, murmura-t-elle à son oreille.

Elle ne savait pourquoi elle lui avait dit ça, surement parce que quoiqu'elle pouvait faire, elle était définitivement vouée à l'attendre.

- Mais à quoi ça sert de s'aimer si c'est pour se faire souffrir ? Lança-t-elle, n'attendant pas vraiment de réponse à cette réflexion qui s'était échappée de ses lèvres.

Elle se dirigea vers la porte d'entrée, son sac à l'épaule, prenant les clefs de sa voiture avant de lui adresser un dernier regard emplit d'amour et de tristesse.

Elle non plus, elle n'avait jamais pu imaginer un avenir, ou juste les prémices d'un quotidien sans lui. Ca n'avait jamais fait partie de ses plans, que de s'arracher de son être dans une violence inouïe, parce qu'il n'y avait rien de plus agressif que de se décrocher de Niels alors qu'il représentait à lui seul la promesse de toute une vie, la sienne, qu'elle ne voulait pas voir s'écouler sans sa présence. Elle savait pertinemment qu'elle allait errer le temps de quelques jours, simplement pour se retrouver face à elle-même pour espérer se calmer, s'attendrir après cette épisode catastrophique. Deux jours avaient du défiler, et elle ressentait le manque, atroce, de sa personne, revoyant tous leurs souvenirs en vrac défiler dans son esprit, de la douceur de leurs échanges à la passion de leurs gestes, de leurs sourires qui se répondaient continuellement et de son regard qui passait son temps à s'allumer dans le creux du sien, cherchant constamment à raviver cette flamme qui semblait ne jamais s'éteindre. Elle valsait, tremblant sous l'effet du vend froid de leur dispute, perdant en puissance, mais toujours debout, se battant pour rester droite malgré la tempête. Pourtant, son esprit n'était toujours pas au clair, les doutes lui sommant de ne pas revenir, de penser à se protéger avant tout, elle qui avait vu sa douleur lui faire courber l'échine, en proie à des spasmes cardiaques insupportables depuis qu'elle était loin de lui, depuis qu'elle était vide. Elle avait tenté de balader sa carcasse décharnée pendant une bonne semaine, s'empêchant d'entretenir un contact avec Niels bien qu'elle en crevait d'envie, sachant pertinemment que si elle le faisait, sa réflexion en serait influencée. Au bout de quelques jours, elle en était venue à une conclusion, celle d'avoir vu son coeur se briser sous l'effet de sa confiance bafouée, mais elle savait que rien ne pouvait être pire que de vivre sans lui. Alors, calmée, ouverte à la discussion de manière plus sereine, elle avait attendu la fin de son service pour rejoindre leur appartement, espérant y voir Niels. Ouvrant la porte avec sa clef, elle s'était engouffrée dans le hall, s'avançant vers le salon où elle le retrouva. Son coeur loupa un battement, comme si elle avait l'impression de retrouver son visage après des siècles, sentant la ferveur de son amour perdu de vue revenir dans son esprit meurtri.

- Niels... Souffla-t-elle, venant à sa rencontre, captant son regard attristé. Je suis revenue parce que je sais que t'as pas voulu me faire du mal intentionnellement... T'en es pas capable, je l'ai toujours su.

Elle s'approcha de quelques pas, essayant d'y aller doucement pour ne pas se laisser encore une fois consumer par ses émotions.

- C'est vrai... Tu m'as fait du mal, et j'ai vraiment du mal à m'en remettre mais ça me ferait encore plus de mal d'être loin de toi, de complètement couper les ponts. Parce que c'est toi et que je peux pas m'en empêcher. J'ai pas pensé tout ce que j'ai dit... Avoua-t-elle, baissant les yeux, gênée.

Aelya n'avait pu pensé qu'à lui durant ces derniers jours, en portant le masque de l'indifférence, alors que ses entrailles s'étaient continuellement agitées pour la ramener vers Niels, là où était sa vraie place. Elle avait froid sans lui, parcourant un lit qu'elle avait pu connaître mais qui lui semblait si étranger sans la ferveur de leur amour pour l'animer. Il avait raison. Elle pouvait, même a distance, sentir son désespoir, comme si le voile noir qui l'entourait arrivait jusqu'à elle, l'enveloppant à son tour. Aelya ne savait pas si cet éloignement lui serait bénéfique, mais elle savait que c'était le seul moyen de laisser la colère et la rancoeur contre Niels s'éteindre, parce que malgré toute la douceur de ses mots qui avaient cherchés à la récupérer, ça n'avait pas marché. Peut-être parce qu'elle s'était sentie brisée dans son estime, elle qui avait voulu se persuader que son petit ami ne dépasserait certaines limites que lorsque sa vie était en danger. Accablée, elle sentait sa peau s'assécher, en manque de la sienne, comme si tout son être tombait en morceaux sans sa présence pour la régénérer. Les larmes acides coulaient, brûlant ses yeux à leur passage, roulant jusqu'à son coeur déjà marqué la tristesse et le désespoir. Et pourtant, c'était ça tous les soirs, tous les jours, et elle espérait qu'un jour, cette eau salée puisse devenir réparatrice.

Le temps avait balayé la colère, la rendant prête à s'expliquer de manière calme pour rattraper ses propres dégâts. Elle avait poussé la porte d'entrée, retrouvant son petit ami, dans le même état qu'elle, désespérés et lassés. Elle avait remarqué qu'il ne s'était pas attendu à la revoir vu la surprise qui se lisait sur ses traits, et au même moment, elle ne pût que ressentir son coeur se serrer. S'il était aussi surpris, c'est qu'il avait déjà quelque part abandonné son retour.

- Parce que je suis plus en colère, et que ça m'a bien pris une semaine pour redescendre et revenir à ce que je sais vraiment, soupira-t-elle.

Elle croisa ses mains entre elles, restant debout, tentant de garder une contenance qu'elle n'avait plus, alors qu'elle avait passé son temps à s'écrouler dans son lit.

- J'ai pensé le fait que je me suis sentie trahie, oui. Mais j'ai jamais pensé le fait que je m'en fiche de ce que tu peux faire de ta vie. Et... Je l'ai pensé, quand j'ai dit que je t'aimerai toute ma vie, admit-elle, cherchant son regard.

Aelya osa le rejoindre doucement sur le canapé, presque timidement, ne sachant comment faire pour ne pas tout gâcher cette fois. Elle se sentit défaillir à ses mots qui faisaient échos à ses pensées qui l'avaient bien rongée durant ces quelques jours.

- Moi aussi... Avoua-t-elle, ne pouvant s'empêcher d'être honnête. Je pourrai jamais cesser de t'aimer, t'es l'amour de ma vie, je veux pas que tu en doutes... murmura-t-elle, approchant doucement sa main de la sienne. Mais... J'ai toujours peur de jamais te suffire, et j'crois que ce sera toujours le cas. J'ai abusé, je suis désolée, et je sais que je t'ai fait du mal.

Elle baissa les yeux sur sa main qui cherchait la sienne en la caressant délicatement.

- C'est pour ça que j'ai dit tout ça. Parce que j'ai l'impression que plus je t'aimerai, plus je pourrai te faire du mal. Et j'ai peur qu'un jour tu fasses un rejet de tout ça, je pourrai jamais l'accepter... S'expliqua-t-elle, émue. Et j'ai très bien compris que tu croyais bien faire pour Charlie et moi. Mais bébé... Je veux pas te mettre d'ultimatum, mais c'est au-dessus de mes forces pour le moment, d'accepter que tu puisses être proche d'elle après tout ça, c'était trop d'un coup, continua-t-elle d'avancer à coeur ouvert.

Elle se battait pour continuer de percevoir cet amour qui la rendait mieux, mais souvent, c'était comme s'il apaisait ses doutes pour mieux les attiser, s'amusant avec ses nefs déjà bien à vifs, électrifiés, dont la gaine protectrice s'était usée avec la distance qu'ils s'imposaient par dépit, la rendant beaucoup plus sensible, irritable, paniquant à la seule idée de le voir s'éloigner au-delà des limites qu'ils avaient déjà dépassés dans cette histoire. Et puis, le court-circuit était arrivé, faisant tout exploser autour d'elle, dès qu'elle s'était mis en tête que Niels n'avait pas tant essayé de garder ses distances, au moins en tentant de pas aborder ce sujet qui la rendait hors d'elle-même, ayant encore du mal à digérer ce que Charlie lui avait dit, ce fait inéluctable qui était grave pour Aelya. Elle savait que le problème dans toute cette situation, était qu'ils n'avaient pas interprétés les choses avec le même niveau de gravité, et que s'il s'était rendu compte à quel point ça la touchait, peut-être qu'il aurait compris, qu'il aurait réagit avec plus de réflexion ou qu'elle l'aurait su avec plus de précaution que de simplement l'apprendre de sa collègue avec qui elle partageait juste le même travail. Elle n'avait donc pas trouvé ça normal de le savoir de cette manière, en sachant tout ce qu'ils avaient déjà surmontés ensemble. Elle cilla, fermant les yeux pendant une demi-seconde à sa question, réfléchissant aux mots qu'elle tenait à lui signifier.

- Oui, je l'ai pensé. Mais je me suis pas assez expliquée comme d'habitude. Niels... On a pas à se cacher des trucs, que ça importe ou non. C'est pas comme ça qu'on pourra se faire confiance sur le long terme, et il en faut pour qu'on tienne sur le long terme, justement. Peut-être qu'on le fait pour se préserver mais au bout du compte, ça cause toujours des dégâts, expliqua-t-elle, tristement.

Elle croyait en eux, en leur capacité à se réparer mutuellement, mais elle avait peur qu'à force de trop tirer sur la corde, celle-ci ne vienne à céder sous le poids de leurs erreurs et qu'il n'y aurait plus rien d'autre à faire que de se laisser à l'amertume. Aelya hocha doucement la tête à ses mots qui faisaient écho à tout ce qu'elle ressentait en elle, ne sachant plus quoi faire de sa volonté de le garder près d'elle alors que ses épaules tremblaient sous la véhémence du fardeau de ses échecs.

- C'est surtout que comme tu l'as dit, on peut pas avoir l'un sans l'autre. J'explose sans toi. Je peux pas m'en empêcher. Et j'arrive pas à me contrôler même si j'essaye. J'aurais bien voulu te donner la solution parfaite mais je l'ai pas, je sais juste que je suis faite pour rester avec toi, avoua-t-elle.

Elle était vide sans lui, comme une pièce essentielle qui manquait à son organisme, la privant d'oxygène, chose que même la colère ne pouvait pas lui rendre parce qu'il n'y avait que Niels qui en avait la possibilité. Son coeur se délitait, parce qu'elle ne l'avait jamais vu aussi résigné, et la peur de le perdre s'insinuait dans ses cellules.

- Je sais... Mais je crois que tout s'est trop enchaîné et ça m'a fait vriller... J'ai franchement plus envie de te demander quoique ce soit parce que je veux plus prendre de risques, Niels. Puis, c'est pas à toi de te forcer, c'est à moi de prendre sur moi, j'imagine.

Elle posa sa tête sur son épaule, tendant la nuque pour déposer un léger baiser dans son cou.

- Je t'aime. J'ai besoin de toi, et j'ai peur de vivre sans toi.

Elle se sentait vulnérable devant la froideur qu'il arborait, mais qu'elle pouvait comprendre.