inhale, exhale. (woody)

Trois ans. Trois ans depuis que je n’avais pas réellement eu de pause. Parfois, je m’éclipsais le temps d’une heure ou deux et je confiais Max aux bons soins d’une amie de New York, mais ici c’était plus délicat. Je revenais et j’aurais pu croire en la vengeance certaine de personnes ne m’appréciant pas réellement. Après quelques instants, le visage d’Isaiah s’était illuminé dans ma tête. Il se débrouillait bien avec l’enfant d’Aisling. Ça m’inspirait confiance et c’est ainsi que je lui ai confié l’homme de ma vie (ou plutôt le garçon de ma vie). Il avait accepté ma demande avec joie et c’est ainsi que j’étais partie au yoga space. Je m’installais à l’extérieur et je commençais à méditer quelques instants. Puis, mes positions changeaient en étirant chacun de mes muscles. Lorsque j’ouvrais les yeux après un long moment, je voyais Woody près de moi. « Tu m’as fait peur. » lui dis-je alors en reprenant un rythme de respiration normal.

Si Woody, en tant qu’instructeur de yoga, préférait généralement donner ses cours en plein air, c’était le contraire lorsque venait le temps pour lui d’assister aux cours de quelqu’un d’autre. De toute façon, même s’il n’avait pas le monopole du yoga en plein air à Bowen, ce genre de cours ne courait pas les rues non plus. Il s’était donc tourné vers le Yoga Space, qui se trouvait à mi-chemin entre la pratique intérieure et la pratique extérieure puisqu’ils offraient des cours sur leur site extérieur, dont une partie était sur la plage de sable blanc entourant l’édifice principal. Armé de son propre tapis de yoga glissé sous son bras, le trentenaire s’était rendu à l’extérieur où quelques personnes s’échauffaient avant que la séance ne débute officiellement. Sans porter attention aux personnes qui l’entouraient, parce qu’il n’en avait honnêtement rien à faire et qu’il venait ici pour lui-même, Woody se posa à un endroit qui lui donnerait l’espace nécessaire pour bien exécuter tous les mouvements. Son corps en avait cruellement besoin. Alors qu’il s’installait, il croisa le regard de sa voisine de tapis qu’il reconnut évidemment immédiatement. Et elle aussi d’ailleurs. « You have got to be kidding me. » Lâcha-t-il en regardant Ally, détachant bien chacun de ses mots. « C’est le festival du retour des ex, c’est ça ? » Demanda-t-il plus pour lui-même car elle ne comprendrait évidemment pas où il voulait en venir. Il soupira et s’installa quand même à côté de la jeune femme. Il avait déjà moins à lui reprocher qu’à Brooke. « J’te croyais vraiment pas du type à revenir chasser des fantômes, toi. » Déclara-t-il sans même la regarder.

Il me reconnaissait aussi rapidement que je l’avais reconnu et il me lâchait une platitude digne de... de lui! « Contente de te revoir aussi, Woody. » Dis-je en levant les yeux au ciel avec un petit rictus. Il n’allait pas abîmer ma séance de yoga. L’homme me lâchait que c’était le festival du retour des ex?! Je ne comprenais pas réellement l’essence de tout ça, mais il fallait croire que je n’étais pas la seule à être de retour en ville. « Qui d’autre? » demandais-je avide de curiosité. À sa phrase concernant les fantômes, un frisson me secouait. « J’suis pas ici par plaisir. Ma mère est décédée. » Lâchais-je platement en commençant les mouvements pour mieux m’étirer et lâcher prise. J’inspirais puis j’expirais. Mes yeux se fermaient par instinct, j’avais réellement besoin de faire la paix avec tout ça, avec moi-même. La situation était déjà suffisamment tendue, je n’avais pas besoin de l’ami de Buzz pour venir la complexifier.

Face à son rictus, Woody s’autorisa à sourire à son tour. Ally ne le portait pas dans son cœur et c’était chose connue, et pourtant même à travers leurs querelles, l’homme n’avait jamais eu la même animosité qu’avec d’autres. Certes, il se montrait tout autant dur, sec et froid par moment, mais il n’avait jamais été cruel ou violent à son égard. C’était bien pour cette raison qu’ils arrivaient encore à avoir des conversations relativement normales, malgré leur passé, malgré leur bagage et leurs personnalités aux extrêmes pour certains points. Ally lui demanda alors de quelle autre ex il parlait. Il lâcha tout simplement : « Brooke Oxley. », parce qu’elle n’avait plus besoin de présentation. Ally avait été témoin de la relation dégradante entre Woody et Brooke, c’était après qu’eux-mêmes aient été un couple. Elle avait sans doute remercié le ciel de ne plus être en couple avec lui, d’ailleurs, à ce moment-là. Elle avait échappé aux griffes du monstre qu’il était alors devenu, avec Brooke. Redirigeant la conversation sur Ally, Woody lâcha qu’il ne l’imaginait pas comme une personne chassant les fantômes, renouant avec le passé pour y retrouver on-ne-sait-quoi. Elle lui avoua que sa mère était décédée, motif de son retour à Bowen. Woody lui lança un regard presque surpris, même s’il ne laissait paraître aucune véritable émotion. « Oh. Désolé. » Le silence s’installa à nouveau entre eux. Woody n’avait plus de remarques cinglantes ou inappropriées à faire, pas après ça. Alors il préféra lui laisser la paix qu’elle venait sans doute chercher ici. C’était ce qu’ils cherchaient tous, pas vrai ?

Avec Woody, ce n’était pas le soleil. Ce n’était pas non plus de la pluie, c’était une journée grise, sombre, sans pluie, sans orage. Pourtant les choses avaient changées avec les années... De mon côté, je m’étais assagie. J’étais moins susceptible, plus adulte. J’étais à un autre stade dans ma vie. Le son de la voix de Woody me ramenait toutefois au présent. J’échappais un petit rire. « T’as fait quoi pour que la vie t’en veuille à ce point? » lui demandais-je ouvertement, clairement amusée. Bon, c’était immature de ma part, mais sa réaction allait sans doute m’amuser un peu et me faire retomber un peu plus jeune dans mes pensées. Il s’excusait néanmoins pour le décès de ma mère. Je haussais les épaules. « Ça va. » C’était vrai. Je trouvais ça plutôt triste, limite pathétique que j’aille à m’occuper de tout ça. Après, je verrais bien la suite.« Dans tous les cas, rassure-toi, je resterai pas éternellement à Bowen. » Voilà qui devrait remonter le moral de l’homme au club des 1001 ex.

À la question d’Ally, Woody soupira en regardant le ciel. Comme si c’était de là que tomberait la réponse alors qu’il la connaissait trop bien. « Beaucoup trop de choses. » Et si cela pouvait amuser la rousse, ça amusait beaucoup moins l’homme qui payait cher pour ses actes. Mais il devait assumer les conséquences de sa bêtise. Il se laissait constamment aspirer par le tourbillon noir qui guettait les moindres décisions qu’il prenait. Il ne luttait même plus, Woody. Il se laissait complètement absorber sans même tenter d’être meilleur. Quelques jours plus tôt, avec Brooke, il avait eu la preuve que la bête en lui ne serait jamais totalement endormie. Freja avait bien fait de prendre ses distances. Néanmoins, lorsqu’Ally lui apprit la raison de sa venue à Bowen, il ne se montra pas cruel à cet égard. Il y avait bien de ces sujets sur lesquels il ne pouvait se montrer ignoble, et la famille en était un. Parce que les Rutkowski étaient soudés, parce qu’ils étaient bien les seuls qui ne baissaient jamais les bras face à lui. Il ne pouvait même pas s’imaginer ce que ce serait que de perdre sa mère. Pourtant, Ally semblait réellement bien vivre le décès de la sienne. « Tu n’étais pas proche d’elle ? » Mais qu’est-ce qu’il en avait à foutre, Woody ? C’était juste de la curiosité inutile. Et peut-être même qu'il aurait dû la connaître, cette information, sachant qu'il avait déjà été son petit ami. « Thank god. Sinon tu pouvais déjà prendre ton ticket et te mettre en file pour m’insulter, m’frapper, me cracher au visage. J’ai pas trop ressenti de vide après ton départ, tu vois, j’ai rapidement trouvé des candidats pour te remplacer dans ton rôle. » Son rôle de le détester, de le ramener sur terre, de lui dire ses quatre vérités.

Il avait fait beaucoup trop de choses pour que la vie lui en veuille à ce point. J’aurais voulu rire, mais non. J’émettais un petit sourire triste. N’était-ce pas ça le karma? J’aurais pu m’ouvrir à Woody et lui dire que le karma allait tout arranger (ou bien au contraire), mais j’étais bien mal placée, moi la nouvelle mère pour le juger. Après tout, on parlait de moi, la fille aux erreurs incessantes. J’essayais de me convaincre que j’avais changé, que j’étais mieux, meilleure. Que même si je n’étais pas la meilleure mère sur Terre, que j’allais offrir une qualité de vie à mon fils et être là dans les bons coups comme les moins bons. J’allais être là et ne pas partir avec un homme, peu importe qui il allait être. Néanmoins, il me posait la question et je secouais la tête négativement. « J’suis là uniquement pour les papiers et pour l’argent. J’espère qu’elle a laissé quelque chose pour son petit fils. » Admis-je alors en haussant les épaules. Après tout, ma mère n’était peut-être même pas au courant que Maxwell existait. D’un côté, avec le recul, ça m’attristait, mais de l’autre je préférais ne pas l’avoir dans nos vies et Max ne souffrait pas de sa perte. « Woody, t’es conscient que je suis avec toi dans un cours de yoga pour méditer, relaxer et profiter d’un temps d’arrêt? » C’était un peu ma façon de dire que j’enterrais la hache de guerre pour quelques heures. Woody poursuivait en me disant que je pouvais prendre un numéro pour tout le reste. Je haussais les épaules. « T’en es encore là, toi? » lui demandais-je avec une pointe de déception et d’empathie. « Considère que j’ai donné ma démission de ce poste là et que je suis passée à autres choses. » Je suivais les poses que le professeur présent montrait pour ceux et celles que ça intéressait.

Elle aurait eu toutes les répliques possibles du monde, normalement, Ally. Pour lui dire qu’il ne récoltait que ce qu’il avait semé. C’est-à-dire la haine. Partout autour de lui. Pourtant, ce ne fut qu’un sourire attristé qu’elle lui accorda. Était-il rendu aussi bas, Woody, que même la personne qui avait toujours semblé le détester au plus haut point en venait à avoir pitié de lui ? Ça ne le confortait aucunement de réaliser ça, Woody. Au contraire, ça le déprimait encore plus. Il esquissa quand même un faible sourire à l’adresse de la rouquine puisque de toute façon, ces temps-ci, lui-même avait pitié de sa personne. Et aucunement dans un sens positif. Puis, Ally lui parla du décès de sa mère, avec une étrange distance dans la voix. « Son petit-fils ? » Demanda Woody, surpris. « T’es maman, maintenant ? » Bizarrement, ça lui fit un pincement au cœur, de savoir que les gens de son âge, que les gens avec qui il avait gradué, commençaient à se marier, à avoir des enfants. Il en était tellement loin de cette vie-là, Woody, et après avoir avoué à Freja qu’il en rêvait parfois, il ne s’était jamais senti aussi loin de cette possibilité. Puis, le trentenaire affirma à la rousse que si elle avait été là pour rester, à Bowen, elle aurait pu se mettre en ligne pour le couvrir de haine. D’autres avaient pris sa place, en trois ans. « Ça, ça veut dire, ferme ta gueule Woody et laisse-moi en paix, c’est ça ? » Demanda-t-il avec un rictus. Il ne l’avait pas perçu de la même manière qu’Ally. Pour lui, la hache de guerre ne pourrait jamais être enterrée. Parce qu’il s’était toujours vu seul contre le reste du monde. Lorsqu’elle lui demanda s’il en était encore là, une pointe de déception et d’empathie dans la voix, Woody soupira. Il garda le silence un moment après qu’elle ajoute avoir passé à autre chose. Il poursuivait lui aussi dans les poses, avant de finalement répondre : « Tant mieux pour toi. But me … Well, yeah, I’m stuck. » Il haussa les épaules, sans pour autant perdre son équilibre. « Ou plus enfoncé encore, si c’est même possible … »

Le temps m’avait fait changé. Maxwell m’avait changée aussi. Tout était différent maintenant. Je trouvais plus d’amour et de positif à mon entourage que de lui donner de l’amertume et de la haine. Le yoga aussi m’aidait à accepter ce qui était plus difficile, la méditation me donnait encore plus de temps et tout allait mieux maintenant. À la question de Woody, je souriais et je hochais positivement la tête. « Ça change une femme. » dis-je alors pour me justifier. Il poursuivait en m’interprétant d’une drôle de manière, je pouffais de rire. « Pas tout à fait. Tu fais du yoga pourquoi, toi ? » Il aurait simplement pu répondre que c’était pour la flexibilité que ça lui donnait... mais après, c’était la réalité de prendre ce temps d’arrêt nécessaire. L’homme poursuivait en me disant que lui était coincé. « With me? » Que je lui demandais en arquant un sourcil, clairement en train de me demander s’il avait compris. Je changeais encore de position et je grimaçais un peu avec la position qui requérait un peu plus de flexibilité qu’il ne m’en restait. « Tu vas t’en sortir, Rutkowski. T’as jamais eu cette attitude défaitiste et je comprends pas pourquoi c’est aujourd’hui que tu me la montres. » Après, il parlait à une mère qui n’avait pas dit à l’homme qui était le père de son enfant qu’il l’était. Je me sentais mal placée moi-même et je me disais que le karma se chargerait bien de moi tôt ou tard.

Woody hocha la tête, silencieusement, un faible sourire au visage alors qu’il acquiesçait aux paroles d’Ally. Il n’avait pas de mal à croire qu’être parent changeait une personne. Femme, ou homme. Il se surprit même à se demander s’il changerait, lui, s’il fondait un jour une famille. Ça avait toujours été un rêve impossible pour lui, il avait même fait part de cette fatalité à Freja qui avait une perception bien différente de lui. Si elle était prête à croire qu’ils arriveraient un jour à être une famille, lui ne se permettait même pas de croire en ce genre de scénario. « C’est drôle. Je n’ai pas l’impression que t’aurais envisagé être mère dans quatre ans, si j’t’avais posé la question à l’époque. » Et peut-être était-ce un signe qu’il y avait de l’espoir même pour lui. Le trentenaire se referma toutefois quand Ally lui rappela qu’elle était ici pour méditer et relaxer, ce qu’elle interpréta comme une demande de la laisser tranquille. Pourtant, elle le contredit et relança même la conversation. Par chance, ils étaient au fond dans leur coin, et ils ne dérangeaient personne avec leurs murmures. Woody haussa les épaules. « Méditer moi aussi. Et garder mon corps en santé, le garder … réveillé. » Parce que tôt ou tard, ce corps-là, il s’endormirait. Peu à peu. Puis complètement. La rouquine réalisa alors que Woody semblait encore dans le même état d’esprit et dans la même situation que lorsqu’elle était partie, ce qui était franchement triste quand on voyait tout le chemin qu’elle, elle semblait avoir fait. « Pour le moment, ouais, stuck with you.. » Dit-il avec un léger rire moqueur. « Mais j’parlais en général. Tout le monde avance, moi j’fais du surplace, ou pire j’recule. » Il haussa les épaules, effectivement défaitiste. « Peut-être parce que tu m’tapes un peu moins sur les nerfs qu’avant. J’suis moins obligé d’être sur la défensive. » Dit-il avec un sourire, en regardant droit devant lui.  

Jamais je ne m’étais imaginée maman dans les dernières années avant Maxwell. Maintenant, il était le centre de mon univers. Cet enfant rendait ma vie plus magnifique au fil des jours qui passaient. L’homme poursuivait en me disant que je n’aurais pas eu la même réponse il y a quatre ans. Je ris doucement. « Moi non plus. C’était un bébé surprise, pour être honnête. » Je faisais dans les confessions avec Woody, aujourd’hui. L’homme poursuivait en disant qu’il avait besoin de méditer et de garder son corps... réveillé? Je fronçais les sourcils et je tournais la tête vers lui. Je voulais bien croire les analogies et tout, mais elle était forte celle là. « Réveillé? » que j’répète comme pour essayer de faire du sens. « Tu peux partir, si tu veux. » Dis-je en lui adressant un clin d’œil. Ce n’était pas comme si je le retenais au sol avec une clé de bras et une clé de jambes. Je délaissais les arts martiaux lentement, mais surement. « Et tu fais quoi pour rester surplace ou reculer? » Que j’lui demande très ouvertement. « Ha. Ha. » Dis-je en levant les yeux au ciel. « T’as eu 3 ans de paix et de calme. Il est temps de ramener la terreur rousse. » Je riais doucement, presque silencieusement. « Surtout que maintenant, j’ai un double... Un mini-moi. » Oui, j’étais une maman fière de sa progéniture. Il était adorable le mini homme.

Ally approuva les propos de Woody, avouant qu’elle non plus ne se serait pas imaginée envisager d’avoir un enfant à l’heure actuelle. Elle lui avoua également qu’il s’agissait d’un bébé-surprise. « Une belle surprise, de ce que je peux voir en te voyant en parler. » Il esquissa un sourire. Si seulement il avait pu s’imaginer, Woody, avec un enfant. Parce que c’était bien le rêve qu’il caressait du bout des doigts, sachant fort bien que ce ne serait pas possible, pas selon sa propre perception. Et de toute façon, il ne semblait jamais y avoir de bon moment, avec Freja. Leur amour était trop fragile, trop instable. La preuve, même après s’être déclaré leur amour, ils trouvaient le moyen de se blesser et d’avoir besoin de prendre du temps séparément. Ally questionna ensuite Woody sur ses raisons de faire du yoga, s’interrogeant sur les mots employés par l’homme. Ce dernier haussa les épaules. « Laisse. C’est pas important. » Et surtout, il ne se voyait pas avouer sa plus grande vulnérabilité à celle qui l’avait toujours eu en dédain. « Non, j’te ferai pas ce plaisir. » Dit-il dans un sourire quand elle lui offrit de partir, s’il se sentait aussi coincé avec elle. « Je répète les mêmes erreurs, encore et encore. Toutes les raisons pour lesquelles tu m’as détesté, elles sont encore là, mais pour d’autres. » Pour Freja. Puis, ils se taquinèrent un moment, Woody levant les yeux au ciel alors que la rouquine affirma avoir désormais un acolyte, son mini-moi. « God save us all … » Murmura-t-il au ciel avant de rire doucement, jetant un regard amusé à Ally. « Comment il s’appelle ? » Osa demander le trentenaire.

« Une belle surprise, de ce que je peux voir en te voyant en parler. » Je hochais la tête positivement avec un sourire. « La plus belle. » confirmais-je. Mon cœur se réchauffait et battait la chamade. Les mouvements changeaient au gré des envies du professeur sur place. Je modifiais certains mouvements pour amplifier ou diminuer l’impact. L’homme me disait de laisser tomber, je haussais les épaules vaguement. « Si ça peut te rassurer, j’ai pas personne à qui en parler. » Je n’avais plus personne à Bowen point à la ligne. Je me sentais plus seule que jamais. La seule personne présente était Max et c’était pour des raisons bien évidentes... Au moins, la seule présence de mon fils parvenait à me garder en vie. Je devrais repenser à ma propre vie éventuellement. L’homme poursuivait en m’expliquant que les raisons étaient là, ses erreurs aussi. « Alors raye une ennemie de ta liste, ça te fera ça de moins. » lui admis-je simplement. « Plus sérieusement, j’ai un garçon à m’occuper, une mère à ruiner et un ex... à qui j’dois admettre la vérité. J’ai d’autres chats à fouetter. » On riait entre temps et je répondais à sa question. « Maxwell. » Je m’empêchais de lui dire que j’avais imposé la même souffrance à mon fils que ma mère m’avait fait. Je retenais de faire la blague Woody Jr ou bien celle de Buzz, bien qu’elles m’avaient toutes deux effleurés l’esprit. Le trentenaire n’avait probablement pas le même humour que moi à ce jour.

Il aurait aimé avoir cette douceur dans sa vie, parce que dans le regard d’Ally alors qu’elle affirmait que c’était la plus belle surprise, d’être tombée enceinte de son fils, Woody voyait une lueur qu’il aurait aimé avoir dans ses propres yeux. Malheureusement, des surprises, la vie lui en réservait surtout des mauvaises. Le karma, peut-être. Ou alors il le cherchait, Woody, par ses actions les plus stupides. Lorsqu’ils effleurèrent la vulnérabilité du corps de l’homme sans toutefois mettre de mot dessus, d’étiquette, Woody soupira quand la rouquine lui dit qu’elle n’avait personne à qui en parler. « Tu dis ça maintenant mais j’ai confiance en tes capacités de renouer avec bien des gens, même si tu ne restes pas longtemps. » Il haussa les épaules. « Et puis, c’est pas comme si t’en avais vraiment quelque chose à faire de ce qui peut m’arriver. » Il changea de position, étirant le plus possible ce corps qui le lâchait toujours un peu plus. Tout le lâchait, en fait, Woody. Même sa propre personne, ses propres décisions. C’était donc assez surprenant de réaliser qu’Ally, elle, décidait de ne plus être à la tête des rangs ennemis. « Quelle gentillesse. C’est ta bonne action du mois ? » Il esquissa un faible sourire amusé, avant de froncer les sourcils lorsqu’elle parla de son ex. « Qu’est-ce que tu veux dire, admettre la vérité ? » Il avait sa petite idée, Woody, mais il ne voulait pas tirer trop rapidement des conclusions. « Maxwell. » Répéta le physiothérapeute en changeant à nouveau de position, lentement, tout en douceur. « C’est joli. » Admit-il. « J’suis content pour toi. » Déclara-t-il sans même la regarder. C’était déjà suffisant qu’il se montre autant gentil, ce qui n’était certainement pas dans ses habitudes, surtout pas ces derniers temps.

L’homme me disait que je disais ça maintenant et que je ne tarderais pas à tout lui remettre sur le nez en allant en parler à d’autres. Je haussais les épaules vaguement. « Prends le pas mal, mais j’ai bien mieux à faire que de te torturer. » Ça se voulait être gentil. L’homme poursuivait en me disant que je m’en foutais bien de ce qui lui arrive. J’avais la sensation d’avancer peu à peu avec lui. J’imitais Woody d’instinct. « Si j’peux t’aider d’une quelconque façon, ça me ferait plaisir. Sincèrement. » lui admis-je. Peut-être que je ne lui avais pas donné la vie la plus belle lorsque nous étions ados, mais l’eau avait coulé sous les ponts depuis. La vie suivait son cours, j’avais Maxwell à m’occuper temps plein. L’homme me demandait si c’était ma bonne action du mois et je ne pouvais pas retenir un rictus. « La deuxième. » Dis-je surtout pour le taquiner. J’osais espérer que le tout serait positif sur un long terme, que mes actions soient majoritairement bonnes et qu’au fil du temps, je devienne une bonne personne. Ceci étant dit, c’était loin d’être gagné et je le savais très bien. À la question de Woody, je me mordillais la lèvre inférieure en changeant de position. « Tu réagirais comment si tu apprenais que t’as un gosse de 3 ans, demain matin? » que j’lui demandais, fuyant son regard. Je fuyais déjà celui de Woody... Je ne pouvais pas imaginer celui de Concho qui l’apprendrait bien assez vite. « Merci. » dis-je avec douceur. L’homme était content pour moi, il l’admettait. Je bougeais doucement, les pensées un peu vacillantes, jamais trop claires. « Tu sais que t’es pas obligé de faire du surplace, Woody. Tu peux avancer. » Lui dis-je comme pour lui donner une quelconque confiance en faisant référence à ce qu’il disait précédemment pour briser le silence entre nous.