then i knew that our love was just a car crash away (niels&charlie)

De toutes les douleurs qu’il avait déjà expérimentées, celle-ci était sans doute la plus intense, la plus vive, l’impression de vivre un cauchemar éveillé venant lui glacer le sang. Il se sentait vide, à bout de souffle, comme si les mots de Charlie étaient venus lui arracher une partie de lui-même, un bout de son âme qu’il n’espérait même plus retrouver à présent. Parce-que rien ne pourrait combler le vide amené par la perte de leur bébé, même pas les mots doux d’Aelya qui tentaient de colmater les brèches au maximum. Il n’était même plus en mesure de contenir sa peine, ses larmes venant couler sur ses joues sans qu’il ne puisse plus rien y faire. Il n’avait de toute façon pas la force pour se battre contre ça, contre lui-même, la douleur semblant avoir gagné la bataille, et même la guerre entière. Ses yeux percevaient la colère dans les iris d’Aelya, celle qu’il comprenait bien qu’il ne la partageait pas, parce-qu’il était déjà reconnaissant que les équipes médiales aient réussi à sauver la vie d’Aelya, l’élue de son coeur, celle sans qui il n’aurait absolument plus rien. Elle avait raison, tout était injuste, et le destin avait décidé de le prouver une nouvelle fois en leur enlevant leurs rêves de projet, ceux qui n’avaient même pas encore eu le temps d’éclore qu’ils étaient déjà réduits en poussières. Peut-être qu’ils auraient dû se douter qu’on ne leur laisserait pas cette chance, eux qui savaient pourtant que la vie s’évertuait à mettre des obstacles sur leur chemin déjà parsemé de ronces. Il s’était approché d’Aelya, se sentant incapable de la laisser seule dans cette épreuve, lui qui était prêt à prendre la responsabilité sur ses épaules pour ne pas voir Charlie s’écrouler devant eux. Il ferma les yeux pour sentir sa présence emplir le vide qui s’était creusé dans ses entrailles, souhaitant se réchauffer au contact de son souffle qui l’aidait à respirer. Il répondit au baiser qu’elle déposa sur ses lèvres, ayant l’impression que son coeur tentait vainement de repartir, luttant contre le mal qui le rongeait et qui cherchait à éteindre la moindre parcelle de vie qui l’animait encore. Avant que Charlie ne vienne à sortir définitivement de la chambre, il s’adressa une dernière fois à elle, lui faisant part de cette demande qui n’arrangerait rien à leur douleur mais qui lui paraissait essentielle. Il voulait voir sa fille, parce-qu’il n’avait certainement pas envie de vivre dans des illusions ou des regrets, comme si voir le corps inanimé de ce petit-être marquerait la fin de cette vie qu’il avait rêvée depuis qu’il avait appris pour sa paternité. Il avait besoin de ce coup sur la tête, de ce choc pour se donner une chance de pouvoir s’en sortir. Il serra la mâchoire pour retenir les dernières larmes qui menaçaient de s’échapper, soutenant le regard de son amie quelques instants, ce regard qui semblait résigné, animé par une douleur infinie. Il revint à lui en entendant Aelya prononcer son prénom, tournant la tête vers elle en comprenant qu’il lui demandait l’impossible. « Bébé… t’es pas obligée si tu veux pas. On peut attendre si tu veux…. » Souffla-t-il, percevant facilement dans ses yeux toute la peine qu’elle ressentait, conscient qu’elle tentait de prendre sur elle afin de le soutenir lui. Il cilla à la demande de sa petite-amie, secouant la tête en regardant Charlie. « Oublie. J’sais pas pourquoi j’ai dit ça. On est pas prêts. » Ajouta-t-il, d’un ton plus ferme, refusant catégoriquement qu’Aelya s’oblige à revivre un choc parce-que lui le voulait. Sa main vint rejoindre sa sienne, ses doigts s’entrelaçant instinctivement entre les siens. « J’veux pas qu’on se fasse du mal. On a déjà trop subi. »

Une nouvelle fois, la vague de douleur qu'elle ressentait par pure compassion pour Aelya la frappa de plein fouet en voyant son expression se transformer après la demande de Niels. Elle avait encore blêmit d'un cran, si c'était possible, et chacun de ses traits criait la douleur amère qui devait sillonner son corps et son esprit. Charlie attendit, en retrait, osant à peine croiser le regard de ses amis. Entendre cette conversation la mettait encore plus mal à l'aise qu'elle ne l'était déjà, elle qui ne désirait qu'une chose, sortir de cet endroit. C'était injuste et égoïste, sans doute, mais elle commençait à suffoquer après toutes ces heures à rester ici. Si on oubliait le décès de sa mère et le départ de son père, aujourd'hui était le moment le plus difficile de sa vie et elle n'était pas certaine de pouvoir continuer à supporter cette torture mentale encore longtemps. Elle avait perdu la notion du temps, ne pouvait même pas dire depuis combien d'heures la tension, la peur, la colère, la tristesse, la douleur et une multitude d'autres émotions qu'elle n'arrivait absolument plus à gérer s'entremêlaient dans son esprit et la poussaient à bout de forces. Elle avait envie de les aider, réellement. Mais elle ne pouvait rien pour eux. Elle n'avait pas réussi à leur apporter ce dont ils avaient besoin. Elle n'avait pas réussi à sauver Aelya, pas totalement. La culpabilité la rongeait en même temps que le besoin impérieux de s'éloigner de toute cette souffrance. La compassion profonde dont elle faisait preuve était en train de la tuer, sa tête n'était plus capable d'absorber toutes les émotions négatives autour d'elle et en elle. Elle voulait que ça sorte. Que ça se termine. De se retrouver seule et de pouvoir s'effondrer sur elle-même, de tout laisser jaillir hors d'elle et de se laisser tomber dans un sommeil de plusieurs semaines. Charlie tourna à nouveau la tête vers Niels quand ce dernier revint sur sa décision, et à nouveau, elle hocha la tête. Elle n'arrivait même plus à parler, ayant l'impression d'être juste une énorme éponge absorbant les conséquences de cette catastrophe d'une cruauté sans nom et à laquelle on ne pouvait rien. Absolument rien. L'interne s'éclaircit difficilement la voix, puis posa le regard sur le couple devant elle, dans un dernier effort surhumain. « Si vous changez d'avis, l'infirmière pourra vous aider. Elle vous indiquera où vous rendre, dès que vous serez prêts. » Sa voix était rauque, un peu cassée, sans doute à cause de sa gorge qui était serrée depuis bien trop longtemps, comme une barrière à l'expression de sa tristesse. Ses mains tremblaient toujours et elle baissa les yeux. Enfin, elle coula un dernier regard à Aelya, touché d'autant de compassion qu'elle le pouvait, mais on pouvait surtout y voir son épuisement, sa culpabilité et la douleur qu'elle partageait. Puis tourna la tête vers Niels, tentant de transmettre tout ce qu'elle ne parvenait pas à dire dans ce regard bleu clair. Finalement, elle fit volte-face et disparut de la pièce sans un bruit. Tel un fantôme elle jeta sa blouse aux vestiaires, récupérant ses affaires personnelles, le teint livide. Elle ne prêta pas attention aux gens qu'elle croisa sur son chemin vers la sortie, le regard rivé au sol, et franchit finalement les portes de l'hôpital. À l'heure actuelle, elle se sentait incapable d'y revenir. Elle ne savait pas si elle le ferait un jour. Tout ce qu'elle savait, c'était que si elle hésitait auparavant à avoir des enfants, avec tout ce qu'elle voyait chaque jour dans cet endroit de malheur, elle était désormais convaincue qu'elle n'en aurait jamais. Pas après avoir vu l'expression de ses plus proches amis. Pas après avoir perçu toute la souffrance qu'ils ressentaient, comme si c'était la sienne. Et ce n'était rien comparé à ce qu'ils ressentaient vraiment.

Out pour Charlie.