Tout ce que je pourrais faire pour toi [wooshka]

Annushka n'était pas vraiment du genre à croire les rumeurs, et encore moins à en répandre d'ailleurs. Mais elle voyait toujours les notifications de The Writers sur son téléphone et ne pouvait s'empêcher d'aller y jeter un coup d'oeil par curiosité. Quelle n'avait pas été sa surprise en découvrant que la copine de Woody avait fait une fausse couche. Elle avait été immédiatement peinée pour le couple. Elle savait qu'elle ne pourrait jamais ressentir ne serait-ce que le dixième de leur douleur. Elle se sentait le besoin de faire quelque chose pour eux, d'être utile. Woody était son ami, elle se devait d'être là pour le soutenir, à tout prix. Seulement, comment faire pour ne pas le rendre encore plus triste ? Pour ne pas remuer le couteau dans la plaie ? Elle avait peur d'aggraver les choses.

Elle préféra laisser passer quelques semaines pour le couple puisse se soutenir mutuellement avant d'aller frapper à la porte du physiothérapeute. Elle avait prit des macarons de Jake avec elle, une grosse boîte, pour les offrir à Woody. C'était vraiment ridicule face à sa douleur, il ne pourrait rien soigner avec des gâteaux, mais peut-être que pendant quelques instants, sa peine serait un peu moins forte. Et puis, elle voulait surtout lui apporter son soutien, une oreille attentive et tout ce dont il aurait besoin.

Après le travail, elle se rendit donc chez lui et toqua à sa porte. Elle espérait ne pas le déranger. Sinon, elle repartirait, et elle lui aura au moins fait savoir qu'elle serait présente pour lui et qu'au besoin, il pouvait compter sur elle.

Le noir, le noir complet, depuis que Freja avait fait une fausse couche, depuis qu’ils avaient pris la décision de poursuivre leurs vies séparément. Encore une fois. C’était une histoire sans fin. Sans fin, oui, parce que cette fois Woody avait cette douloureuse impression qu’ils ne tenteraient pas à nouveau de rattraper ce qui était perdu et voué à l’échec. Ça ne servait plus à rien de se mentir, et après avoir perdu cet espoir d’un avenir heureux à deux, sur tous les points, Woody et Freja s’étaient rendus à l’évidence que peut-être devraient-ils écouter les signes qu’on leur lançait. Ils n’étaient pas faits pour finir ensemble. Il aurait dû s’en réjouir, Woody, après n’était-ce pas la finalité qu’il espérait ? Lui redonner sa liberté, lui offrir un futur digne de ce nom, la délivrer de cette emprise qu’il avait involontairement sur elle ? Pourtant ça lui faisait tellement mal maintenant qu’il avait l’impression que la décision était irrévocable. Et ce mal, Woody ne le gérait pas comme il faut, comme toujours. Ce mal, il était incapable de le canaliser et à la place, il le répandait autour de lui. C’est dans des moments pareils que le trentenaire réalisait combien de personnes il pouvait torturer dans son entourage, combien de personnes le détestaient. Et ça ne le faisait même plus rire. Ça le rabaissait, plus bas encore, trop bas. Là où il faisait bien trop sombre pour entrevoir une quelconque lumière. L’homme tourna vivement la tête vers la porte sur laquelle on cognait de l’extérieur. Les rideaux étaient tirés, le ménage n’était pas fait, il n’attendait personne parce qu’il avait évité de répondre aux gens. Au bord du gouffre, son état s’apparentait dangereusement à une dépression. Il arriva quand même à se traîner jusqu’à l’entrée, les jambes lourdes et faibles, et ouvrit pour tomber sur Annushka. Probablement l’une des seules personnes face à qui il ne risquait pas de claquer la porte. « Hey … Ann, je … Je ne m’attendais pas à te voir, je … » Il baissa les yeux vers la boîte de macarons qu’elle tenait dans ses mains. Elle venait en renfort. Évidemment. Il esquissa un faible sourire et s’écarta. « Rentre. Ne regarde pas trop, c’est pas très en ordre … » Il se gratta la nuque, gêné. Il ne lui fermerait pas la porte au nez mais il avait quand même honte. Honte de lui.

La porte s'ouvrit sur Woody, l'instant de vérité. Annushka leva les yeux vers lui, il avait l'air si... mal. De la tristesse, de la douleur, de la colère, sûrement un peu de tout ça. La brunette était bien placée pour savoir que dans certaines situations on était submergé par un tourbillon d'émotion nous empêchant d'avancer. Elle se doutait qu'il ne l'attendait pas vraiment, après tout, elle n'avait pas prévenu, et il avait sans doute bien d'autres choses à penser qu'elle et ses visites.

-Oui je... j'aurais peut-être dû prévenir.

Mais il ne la laissa pas à la porte il la fit rentrer, lui disant de ne pas faire attention au désordre. Certes, chez elle, la jeune femme était plutôt maniaque, mais elle se gardait bien de juger les habitude ménagères des autres, et encore plus dans ce genre de situations. Elle posa alors la boîte de macarons sur la table et passa ses bras autour de Woody pour le serrer contre elle. Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle faisait, c'était spontané. Elle finit par relever la regard vers lui, les yeux un peu rouge.

-Je voulais juste te dire que si tu as besoin et bien... je suis là, pour t'écouter et faire tout ce que je pourrais pour te remonter le moral. Je comprendrai si tu préfères rester seul pour le moment.

Lorsqu’Annushka déclara qu’elle aurait sans doute dû prévenir, la tête de Woody s’empressa de lui signaler que non, allant de gauche à droite, le regard bas. « Non, non. Si t’avais prévenu j’aurais sans doute sorti toutes les excuses possibles pour que tu ne viennes pas … » Dit-il alors qu’il venait pourtant de l’inviter à rentrer, et qu’il refermait la porte derrière elle. Il haussa les épaules. « Ce n’est pas contre toi, c’est juste difficile. » Et elle comprenait, après tout c’était pour ça qu’elle venait, parce qu’elle devait se douter que c’était une passe difficile. Toute la ville devait être au courant, à présent, que Freja avait perdu leur enfant suite à une fausse couche. Mais savait-elle qu’ils avaient également pris la décision de se séparer, à ce moment ? Ça, c’était la partie de l’histoire qu’ils avaient réussi à garder plus ou moins pour eux, secrète, même s’ils s’étaient donné le droit d’en parler, de se confier. Après tout, ce n’était pas que temporaire. Ça se saurait un jour ou l’autre. Annushka se dirigea vers la table où elle posa les macarons, pour lesquels Woody ne l’avait même pas encore remerciée, et elle le serra dans ses bras. La tête touchant doucement le haut de celle de la danseuse, parce qu’il était plus grand qu’elle, Woody sentit les larmes lui monter aux yeux. Quand la brunette se recula, donc, il essuya rapidement celles qui s’étaient faufilées jusqu’au coin de ses yeux. Il renifla discrètement avant de lui répondre : « Je suis seul depuis quelques jours, déjà … Je pense que ça ne me ferait pas de mal d’avoir un peu de compagnie. » Et surtout, il se sentait incapable de lui montrer la porte, à Annushka. Il aurait reviré de bord bien des gens mais pas elle. « Mais je m’excuse d’avance si je suis pas, moi, de très agréable compagnie. » Il esquissa un faible sourire, avant de se rappeler qu’il était chez lui, qu’elle le visitait, et qu’il devait être un minimum accueillant. « Oh, euh, tu veux quelque chose à boire ? »

Annushka n'en aurait pas tenu rigueur à Woody s'il l'avait découragé de venir, et même si, là maintenant, il ne l'avait pas rentrer. Un événement pareil était forcément difficile à gérer, pour n'importe qui. La russe ne pouvait qu'être compréhensive et faire de son mieux pour aider un ami à remonter la pente.

-Je sais bien Woody.

Elle avait enroulé ses bras autour de son ami, mais pendant un instant, elle n'avait pas été certaine qu'il le prenne bien. Enfin plutôt, qu'il y soit réceptif. Mais il ne la repoussa pas, ce qui la soulagea un peu. Elle le regarda, un peu hésitante, alors qu'il lui disait être déjà seul depuis plusieurs jours. Il avait l'air tellement triste que ça brisait le cœur de la jeune femme. Mais seule, dans quelle mesure ? La jeune femme n'était pas certaine de comprendre, est-ce qu'ils ne se soutenaient pas mutuellement avec Freja ? Ou peut-être était-il parti voir de la famille à elle pour se changer les idées. Timidement, Annushka osa poser la question.

-Freja est... absente ?

Alors qu'il s'excusait, Annushka hochait la tête de gauche à droite. Il n'avait pas à s'excuser pour des choses pareilles. Elle n'était pas venue pour avoir une agréable compagnie, ce n'était pas le but de sa visite.

-Ne t'inquiète pas pour ça, tu as toutes les raisons du monde de ne pas l'être.

Elle lui sourit. Il s'empressa soudainement de lui demander si elle voulait voire quelque chose.

-De l'eau ça suffira amplement pour accompagner les gâteaux.

Elle leva des yeux pétillant vers lui avant d'ouvrir la boîte des macarons.

-Alors, tu veux quelle saveur ?

Il esquissa un faible sourire face à la compréhension d’Annushka. Au moins, il se retrouvait face à quelqu’un qui ne le forcerait pas à faire semblant, qui ne le ferait pas sentir mal de l’être déjà – mal. Il la suivit jusqu’à la salle à manger où elle déposa les macarons, avant de le prendre dans ses bras. Il se laissa faire, sans doute parce qu’il en avait besoin, de ce contact humain, de ce réconfort qu’il n’avait pas osé aller chercher de lui-même. Lorsqu’il évoqua sa solitude, Annushka sembla prise d’une sorte de malaise, qu’elle verbalisa rapidement en lui demandant si Freja était absente. Woody soupira. « On n’est plus ensemble. » Déclara-t-il seulement, le corps immobile, le regard fixe et vide, avant de détourner ce dernier pour s’excuser d’avance de ne pas être la personne la plus agréable avec qui converser. Elle devait être venue jusqu’ici en toute connaissance de cause. Il ne répondit pas à Annushka lorsqu’elle lui dit qu’il avait toutes les raisons du monde de se comporter de la sorte, et préféra à la place lui proposer quelque chose à boire. Il hocha la tête et tourna la tête vers la cuisine, qui lui semblait maintenant si loin. Il jeta un furtif coup d’œil à sa canne posée contre la rampe d’escalier. Seul, chez lui, elle était devenue une nécessité, par moment. Surtout lorsqu’il s’agissait de monter et de descendre les marches. Mais il ne le dirait à personne. Il ne l’utiliserait devant personne. Alors il prit la direction de la cuisine, tout son focus allant sur ses jambes qu’il semblait lever de sous un poids immense. Il remplit deux verres d’eau froide dans la cuisine et revint vers Annushka, avant de s’asseoir à table. Elle avait ouvert la boîte de macarons et lui laissait le premier choix. « Y’en aurait pas un au café à quelque part là-dedans ? » Demanda-t-il avec un mince sourire au visage. Il n’avait pas énormément mangé ces derniers temps et ce n’était sans doute pas le truc le plus soutenant à manger, ces macarons, mais ils auraient certainement le dos du réconfort.

Annushka resta muette quelques instants alors qu'il lui apprenait qu'il n'était plus avec Freja. Cette perte avait alors était si dur à supporter pour eux deux ? Woody devait être tellement triste... Elle ne pouvait pas lui demander des précisions, elle ne voulait pas retourner le couteau dans la plaie. Elle attendrait, le temps qu'il faudra, qu'il finisse par lui en parler de lui-même peut-être.

-Je suis désolée Woody.

C'était des mots clichés, et pourtant, elle ne trouvait pas mieux à lui dire pour le réconforter. Elle n'était visiblement pas la plus désignée pour consoler les gens, même quand elle les aimait énormément.
A un moment, elle suivit son regard et remarqua une canne dans les escaliers. A quoi pouvait-elle bien lui servir ? Taper sur des trucs ? Fermer ses volets ? Était-ce un objet de son grand-père qu'il gardait en souvenir ? Elle détourna son regard vers lui alors qu'il allait à la cuisine. Il semblait si épuisé... Annushka aurait fait n'importe quoi pour le soulager ne serait-ce qu'un peu.

Ils s'installèrent tous les deux à table et la Russe but quelques gorgées du verre que Woody lui avait apporté avant de se concentrer sur la rechercher de macaron au café.

-Et voilà, un macaron au café ! Monsieur prendra-t-il autre chose avec ça ?

Elle le regarda en souriant alors qu'elle lui tendait le macaron, avant d'elle-même en attraper un au chocolat qu'elle entra entièrement dans sa bouche avec un sourire coupable. La gourmandise était un péché, mais un petit gâteau n'avait jamais fait de mal à personne, n'est-ce pas ?

Alors qu’Annushka se montrait désolée pour Woody, pour Freja, pour cette rupture qui les attendait de toute façon depuis tout le début sans doute, le trentenaire hocha la tête d’abord en silence. Contrôler sa tristesse, contrôler sa colère, ce n’était pas encore facilement atteignable. Il inspira, puis expira, dans le silence. « Merci. » Souffla-t-il tout simplement, parce qu’il n’y avait rien d’autre à dire, rien d’autre à faire. C’est alors qu’il lui proposa à boire, son regard se tournant vers cette cuisine si proche et si loin à la fois. Il ne remarqua qu’à la dernière seconde que le regard de la russe avait suivi le sien jusqu’à la canne. Il fit comme si de rien était et alla leur chercher leurs verres d’eau, avant de revenir s’installer à la table à ses côtés. Elle lui dégota son précieux macaron au café et Woody l’attrapa, un mince sourire aux lèvres. « Je vais commencer par ça, merci. » Il lança un coup d’œil reconnaissant à Annushka avant de porter le macaron à ses lèvres. Contrairement à la jeune femme, lui ne prit qu’une bouchée pour commencer. Il apprenait de plus en plus à profiter de ces petits plaisirs, parce que même porter un aliment jusqu’à ses lèvres, ce ne serait pas toujours aussi facile. En voyant Annushka la bouche pleine, Woody ne put s’empêcher de rire. « Travailler à la pâtisserie ça doit être un peu le paradis pour toi non ? » Elle semblait avoir la dent sucrée, et il trouvait ça plutôt charmant.

Annushka avait rarement été confrontée à ce genre de situation : devoir réconforter un ami dans un moment aussi grave. La jeune femme avait pu consoler certaines de ses connaissances en cas de problème, évidemment, mais jamais dans le cas d’une fausse couche suivie d’une rupture. Elle était totalement démunie face à la tristesse de Woody. Mais elle ferait de son mieux, parce que son ami méritait au moins ça.

Rien que le sourire qu’il eut quand elle lui tendit son macaron était une petite victoire pour l’ex-danseuse. Il fallait y aller petit pas par petit pas, non ? Et puis, il finirait, un jour, par se sentir mieux. Tout comme elle et son accident. Elle et sa rupture avec Xavier. Bref, même si elle n’était pas forcément des plus heureuses, elle savait que tout finirait par s’arranger, la douleur s’amenuiserait jusqu’à ne plus exister.

-De rien, je suis là pour ça.

Elle lui sourit, tendrement, avant de piquer un deuxième macaron. Il était presque étonnant qu’avec sa rupture, elle n’ait pas pris quinze kilos de réconfort en pâtisserie. Elle entendit Woody rire, et son petit coeur se mit à palpiter de joie. Elle leva son regard vers lui avec un sourire tout à fait innocent.

-Je crois que Jake commence à se poser des questions sur les gâteaux qui disparaissent… Mais ça reste entre nous, hein !

Elle se mit à rire à son tour. Evidemment, elle plaisantait. Elle ne prenait jamais rien sans que Jake ne le sache. C’était lui le chef. Doucement, elle étira sa main pour venir caresser tendrement le bout des doigts de son ami. Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle faisait, ça n’avait rien de calculer, c’était seulement affectueux.

-Et le travail, ça va ? Tu n’as pas de patients trop récalcitrants ?

Le sourire innocent et amusé d’Annushka fit sourire Woody à son tour. Elle n’avait même pas à se forcer qu’elle l’apaisait. Rien qu’en étant elle-même. Sans doute parce qu’elle ne forçait pas trop la chose, elle n’essayait pas de le faire parler ou de le faire changer. Elle était là, tout simplement. Et c’est exactement de ça dont avait besoin Woody. D’une présence. Pas de quelqu’un qui essaierait de le décourager de certains de ses comportements ou qui tenterait de régler tous ses problèmes en un claquement de doigts. Lorsqu’Annushka parla de Jake et des gâteaux disparus, Woody fit semblant de se sceller les lèvres et d’en jeter la clé. « J’emmènerai le secret dans ma tombe. » Peut-être plus tôt qu’elle ne le pensait. Il chassa rapidement cette pensée mais le nuage restait là, à quelque part dans un coin de sa tête. Il était de plus en plus présent, oppressant. Probablement parce que sa maladie l’était aussi. À ce moment, Annushka tendit la main et vint tout naturellement caresser le bout des doigts du physiothérapeute. Ce dernier leva les yeux vers elle, sans rien dire, accueillant ce contact réconfortant. C’est la question de la russe qui le sortit de cette bulle dans laquelle ils étaient tout d’un coup. « Ouais, ça va. J’ai pas de cas très lourd en ce moment. » Pas de cas comme lui, pas de cas sans espoir. Son regard se posa à nouveau sur la canne, celle qui était bien trop à la vue pour qu’Annushka ne l’ait pas remarquée. Il soupira. « La dernière fois je t’ai vaguement parlé de ce qui m’avait empêché de continuer à faire du vélo de montagne comme j’en faisais avant. De ma … condition physique. » Il reporta son regard vers la russe. « Je pense que je suis prêt à t’en parler maintenant. » Déclara-t-il sans réfléchir davantage. Parce que s’il réfléchissait, il s’arrêterait.

Un rire s'échappa des lèvres d'Annushka alors qu'il lui disait qu'il emporterait le secret dans sa tombe. Le mime était très significatif.

-Je savais que je pouvais compter sur toi.

La Russe était naturellement venue caresser la main de son ami. Il ne l'avait pas rejetée et ça la rassurait plutôt. Après tout, même si Woody n'avait jamais mal réagit à ses contacts plutôt tactile, c'était d'ailleurs plutôt elle qui avait mal réagit quand il l'avait embrassée, l'état dans lequel il était aurait pu changer les choses.
A sa réponse, Annushka hocha doucement la tête, signe qu'elle l'écoutait. Elle imaginait que c'était un peu moins de pression quand ce n'était pas des choses trop lourdes à traiter pour un physiothérapeute. Puis son expression changea, quand il lui annonça être prêt à lui parler de ses problèmes de santé. La brune le regarda, plutôt surprise. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il aborde ce sujet dans un moment pareil. Elle serra un peu plus sa main dans la sienne, plantant son regard dans le sien.

-Tu sais, ne te force pas, je ne t'en voudrais pas.

Elle lui fit un sourire tendre.

-Mais si tu es sûr, je t'écouterai.

L’atmosphère changea du tout au tout quand Woody décida de reparler de ces confidences à peine débutées, la dernière fois. Il ressentait le besoin d’en compléter les explications. Il avait envie de s’ouvrir un peu plus et, surtout, il voulait qu’Annushka puisse comprendre pourquoi Woody était comme il était, par moment. Leurs rires s’estompèrent et laissèrent place à la surprise sur le visage de la russe, qui serra ensuite un peu plus la main de l’homme dans la sienne. Le cœur de Woody battait plus fort dans sa poitrine, cognant comme pour se faire entendre et le convaincre de ne pas aller plus loin. « Je ne serai jamais sûr. » Déclara Woody en haussant les épaules, ses lèvres légèrement retroussées sur la gauche. « Mais c’est ça ou tu l’apprendras un jour ou l’autre, forcément, sans prévenir. Et je me rends compte que ce n’est peut-être pas juste pour ceux qui m’entourent. » De les laisser dans le noir, d’attendre qu’un matin, il n’arrive plus à se mouvoir par lui-même ou du moins, plus aussi aisément qu’avant. Que ça les frappe d’un coup, sans préparation. Lui avait déjà eu plus de dix années pour assimiler ce qui se passait et il avait encore bien du chemin à faire. Il ne pouvait pas s’attendre à ce que ses proches encaissent facilement la nouvelle. Et Annushka, elle était devenue une amie, pour Woody. « J’ai arrêté le vélo de montagnes quand j’ai reçu mon diagnostic de sclérose en plaques. » Lâcha-t-il. « J’aurais pu continuer, à ce moment. Mais je savais que ma situation allait se détériorer et je préférais arrêter quand j’étais au meilleur de mes performances. » Et il avait eu raison de le faire. Aujourd’hui, ses symptômes ne lui auraient pas permis les médailles d’autrefois. Il se serait mis en danger, comme il l’avait fait lorsqu’il avait convaincu Nevaeh de l’accompagner en montagnes pour réessayer ce sport qui n’était plus pour lui.

Annushka était inquiète des confidences qu’allait lui faire Woody. Elle savait que c’était quelque chose de très sérieux. Elle acquiesça d’un petit signe de tête, signe qu’elle comprenait, quand il lui dit qu’il ne serait jamais sûr, jamais prêt. Elle esquissa un petit sourire quand il lui dit que ce ne serait pas juste qu’elle l’apprenne subitement. Elle était heureuse qu’il tienne à elle de la sorte, assez pour se préoccuper de ce qu’elle pouvait ressentir.

Son sourire disparut quand il finit par lui avouer pourquoi il avait arrêté le vélo de montagne, son sport de prédilection. Si Annushka n’était pas vraiment familière de la maladie, elle avait tout de même une idée de ce dont il s’agissait. Ses doigts se resserrèrent inconsciemment sur ceux de Woody. Elle se mordit la lèvre, cherchant ses mots, alors que son aveu lui déchirait littéralement le coeur.

-Qu’est-ce qui va t’arriver ?

Les mots d’Annushka étaient maladroits, et l’inquiétude transparaissait dans sa voix. Elle savait que ce n’était pas vraiment le genre de maladie qui se soignait. Sans qu’elle s’en aperçoive, ses mains s’étaient mises à légèrement trembler. Elle ne pouvait rien faire, elle ne savait déjà, elle ne pourrait jamais rien faire pour lui venir en aide. Elle pouvait seulement espérer que sa présence lui soit assez agréable pour le réconforter dans ses mauvais jours.

Le sourire d’Annushka disparut bien vite lorsque Woody lâcha enfin cette dure vérité qu’il gardait pour lui depuis le début de leur relation et ce, malgré que la jeune femme traverse le même genre de deuil que lui. Le deuil de son corps, le deuil d’une passion. Le deuil de soi-même. Ce deuil que Woody n’arrivait pas encore à faire malgré les années qui passaient. Ce deuil qu’il n’arriverait sans doute jamais à faire, le conservant à jamais prisonnier de ce mal qui le rongeait de l’intérieur. Les doigts de la russe se resserrèrent sur ceux de l’homme, qui ferma momentanément les siens, inspirant profondément. Elle le serrait fort et pourtant c’était son coeur qui était le plus serré. Il rouvrit les yeux quand la brunette lui demanda ce qui allait lui arriver. « Si seulement je le savais … » Dit-il dans un faux rire, ressemblant davantage à un soupir tellement il manquait de force. Il haussa finalement les épaules. « C’est différent pour chacun. Mais je risque de finir mes jours en fauteuil, de perdre toute mon autonomie, de devenir dépendant des autres … Je ne sais juste pas quand ce sera. » Et de toute façon, il foutait déjà toute sa vie en l’air. Que ce soit aujourd’hui ou demain, Woody était seul dans sa misère et dans sa colère. Il l’avait bien cherché.  

Le regard d’Annushka était pour le moins inquiet. Il faut dire que l’attitude de Woody n’était absolument pas rassurante. Il semblait abattu. Et Annushka ne voyait pas quoi dire pour lui remonter le moral. Elle avait déjà du mal à garder le sien… Elle était envahie d’une profonde tristesse. Personne n’avait envie de finir ses jours en fauteuil roulant, encore moins un sportif. L’ex-ballerine n’avait aucune idée de ce que serait sa réaction si jamais il lui arrivait une telle chose. Comment pourrait-elle gérer ? Elle prit une profonde inspiration, caressant doucement la main de Woody. Il avait l’air si déprimé.

-Je suis vraiment désolée pour toi.

Ses petits doigts s’entortillaient autour de ceux de Woody, elle ne savait pas vraiment ce qu’elle espérait.

-J’aimerais pouvoir faire quelque chose et je… Je te promets que je serais-là quand tu en auras besoin.

Elle se pencha au-dessus de la table, déposant un baiser sur son front.

-Au moins, tu n’es pas privé de macarons.

Elle lui sourit. Elle aurait tellement aimé qu’il sourie aussi.