Tout ce que je pourrais faire pour toi [wooshka]

Contrairement à Annushka, Woody avait eu cette chance de toucher à l’ultime gloire, même si ça n’avait été que pour un instant, il pouvait affirmer qu’il avait un jour été champion mondial. On ne faisait pas mieux que ça, comme titre, dans son domaine. C’était l’équivalent pour Annushka d’être danseuse étoile, rêve qui en resterait un pour elle. « C’est différent mais pareil à la fois. Je suis certain que tu l’as voulu autant que moi j’ai voulu gagner. Et je suis désolé que ton accident t’empêche de pouvoir y croire encore … » Mais elle avait raison de cesser d’y croire. Woody était son physiothérapeute, il ne l’avait jamais bercée d’illusions quant à la possibilité de danser comme avant. Elle pourrait danser à nouveau, mais jamais dans le but d’être une professionnelle comme elle avait été. Woody ne mentait pas à ses patients, tout comme il ne se mentait pas à lui-même en ce qui concernait sa condition. Il savait ce qui l’attendait. Bref, une fois revenu avec les serviettes, Woody s’étendit pour se faire sécher. « Manquerait plus que je bronze à la moitié des jambes et des bras, justement. » Répliqua-t-il avec un sourire. Il ferma les yeux et, après un court silence, il lâcha : « Merci d’être venue, Ann’. It was … nice. »  

Elle ne savait si Woody ressentait vraiment de la compassion pour elle. Mais elle avait envie de le penser sincère et non pas juste fataliste.

-J'aurais pu mourir, alors j'imagine que je ne peux pas me plaindre tant que ça.

Annushka s’apitoyait souvent sur son propre sort, mais elle se rendait compte qu'elle ne se sentait pas dans une position confortable quand c'était les autres qui le faisaient pour elle. Après tout, ce quel droit de plaignait-elle ? Elle était vivante, sur ses deux jambes... Les choses auraient pu bien moins bien se passer. Mais elles auraient également pu ne pas arriver du tout, et la laisser accomplir son rêve. Là était la tragédie.

La jeune femme esquissa un sourire en imaginant son ami à moitié bronzé. Certes, cela pourrait être un peu ridicule, mais finalement, qui oserait se moquer ?

-Je suis sûre que t'auras plein d'autres jours pour compenser ce demi bronzage.

Ses derniers mots lui firent rater un battement. Elle rougit légèrement, baissant le regard. Pourquoi était-elle aussi gênée alors que c'était ce qu'elle était pourtant, et qu'elle s'efforçait d'être toujours plus "gentille" ? Elle sa mordit légèrement la lèvre, n'arrivant plus à croiser son regard.

-Tu n'as pas à me remercier pour ça. C'est normal. Je serais toujours là pour toi.

Certes, c’était une manière de relativiser. Entre la mort et l’impossibilité de poursuivre son rêve, Annushka préférait vivre. Woody se surprit alors à songer qu’il aurait peut-être préféré mourir plutôt que de voir son état se détériorer. Cette pensée le troubla, elle était signe qu’il n’allait pas bien, qu’il se plongeait dans une déprime qu’il n’avait jamais connue auparavant. « Vu comme ça … » Dit-il tout simplement, ne voulant pas s’avancer sur cette idée. Heureusement, la conversation fut bientôt moins propice aux idées noires, alors que Woody parlait plutôt de sa crainte d’être rouge sur la moitié de ses jambes et de ses bras. Punition pour ne pas être allé se crémer. Le trentenaire rit à la remarque d’Annushka. « T’es en train de me proposer que je me fasse bronzer flambant nu avec juste une couverture pour couvrir le bas de mes jambes et de mes bras ? » Parce que pour compenser le demi-bronzage, c’était la manière de rétablir l’équilibre. Il referma ses yeux, toujours un mince sourire aux lèvres après l’avoir remerciée. « J’espère que je pourrai toujours en faire autant pour toi. » Conclut-il. Il ne pouvait pas le lui promettre. Woody n’avait aucune idée de ce dont il serait capable plus tard, autant physiquement que mentalement.  

Annushka se mit à rire aux paroles de son ami. Et à l'image qu'elle était entrain d'avoir en tête, aussi. C'est vrai que ce serait une façon de bronzer un peu ridicule, mais sur sa terrasse, est-ce que c'était vraiment grave ? Personne ne viendrait pour le juger.

-C'est une idée. Je ne comprends pas que tu n'y adhères pas !

Elle rit de nouveau. Elle était bien, si bien avec Woody. Pourquoi les choses devaient-elles toujours être si compliquées ? Est-ce que c'était elle qui les compliquait ? Il faut croire qu'elle n'était pas très douée dans tout ce qui était relation avec les hommes.
Elle sourit et posa tendrement, amicalement, sa main sur la sienne. Peut-être qu'elle devrait, mais elle ne doutait pas de Woody. Elle ne doutait pas qu'il serait là pour la réconforter du mieux qu'il le pouvait.

-Je suis sûre que oui.

Après une bonne sieste à bronzer auprès de Woody, il fut l'heure pour la jeune femme de rentrer chez elle. Sans angoisse aucune. Elle savait qu'elle pourrait revoir Woody bientôt, qu'ils pourraient discuter, encore. Et s'il en avait besoin, elle ferait tout ce dont elle était capable pour l'aider et le rassurer. Quant à ces baisers échangés... Elle ne savait quoi en penser, mais la meilleure chose à faire était sans doute d'oublier.