(-18) set fire to the rain (brookson)

T'façon, quand il est question de vous, y'a pas de traditionnel, de conventionnel. À deux, vous refaites le monde, une musique à la fois, un baiser à la fois, une caresse à la fois. Y'a rien de commun, tout est exceptionnel, tout est nouveau, jamais vu. Même si vous connaissez vos deux corps par coeur, nu ou habillé, et que vous savez exactement où appuyer pour déclencher une avalanche de désir et de sensation plaisantes. Y'a rien de commun, rien de déjà vu, tout est beau, neuf, magnifique, mais, surtout, à redécouvrir. Et maintenant que tu l'as retrouvé, ton Jackson, tu le laisseras pas filé. Plus jamais, lié jusqu'au sang, jusqu'à la chair, t'as envie de faire un pacte avec lui. Y'a longtemps, vous aviez même parlé de vous faire tatouer, tous les deux, la même chose, au même endroit, pour prouver au reste du mode que vous serez unis pour la vie, peu importe la nature du lien qui vous unirait. À ce moment-là, tu pensais pas que tu tomberais amoureuse d'un mec, qu'il irait jusqu'à te demander en mariage, qu'à vouloir te faire des enfants. Tu pensais pas que tu t'éloignerais de Jackson, que la vie déciderait de vous mettre des obstacles dans vos pattes. Peut-être qu'au fond, ce n'était que pour vous tester, vous faire vous souvenir des promesses sous les étoiles que vous vous êtes faites et qu'au fond, jamais vous ne vous seriez perdus complètement. T'façon, t'as trop eu peur pour laisser la vie faire. Et ce soir, par l'amour charnel que tu lui offres, t'oses espérer qu'il le comprend. Parce que t'es mauvaise avec les mots et que même si tu voulais faire parler ton coeur, il y comprendrait rien. T'es meilleure pour parler avec ton corps. Lui en toi, tu lui cris que t'as besoin de le sentir, encore, plus encore, plus loin, plus fort, plus profondément. Il obtempère avec plaisir, te fait sentir reine de son corps pour les minutes suivantes, respirations saccadées, jusqu'à voir le plaisir dans ses yeux. Tu le connais pas coeur, tu sais qu'il va jouir, ça te fait sourire encore plus. Tu t'agrippes à lui, accueilles son plaisir qui se déverse alors que tout son corps est en transe. Et le tien, il suit de près, tu hurles, tu gémis, tu soupires, alors que tes lèvres viennent mordre doucement la chair de son épaule. C'est sauvage, c'est intense, c'est vous. Et vos corps fatigués finissent par retomber. Baisers dans le cou, douceur qui t'avaient manquée, c'est silencieux que vous passez les prochaines minutes jusqu'à ce qu'il se retire et vienne se loger contre toi. Son regard dans le tien, tu souris. Et quand il parle finalement, là, y'a toute l'émotion qui revient. Il n'a dit que trois mots. Trois petits mots. Mais tout ton corps tremble, les larmes te montent aux lèvres. Merde, merde, qu'est-ce qui t'arrive. C'est que tu sais que tout ça, cette belle histoire, tu ne la vivras plus de cette manière. Qu'un jour, il faudra renoncer à ça, au sexe. T'es égoïste, tu le sais. Mais c'est plus fort que toi...

Vos torses montaient et redescendaient rapidement, vos souffles encore coupés parce que le plaisir avait pris toute la place pendant ces minutes d’intense affection. Puis, peu à peu, la poitrine de Brooke retrouva son calme, son mouvement à peine perceptible de vie, et ton corps aussi se tranquillisa. T’arrêtas de fixer tes pieds posés contre le mur froid de la caravane et tu tournas les yeux vers Brooke, exprimant tout ton soulagement de la retrouver, enfin. Finally, we’re here ne signifiait pas que vous étiez enfin à un endroit particulier, c’était la première fois que tu venais dans cette caravane qui lui servait de demeure, après tout. Ça signifiait qu’enfin, vous retrouviez cet endroit bien à vous, imaginaire, cet endroit dans vos têtes et dans vos cœurs, où seuls vos corps étaient maîtres. C’était une bulle de verre dans laquelle vous faisiez exploser tous les feux d’artifices du monde sans jamais en briser la paroi. C’était un safe place qui avait manqué à ta sécurité, à ton confort. Te retrouver dedans à nouveau, avec Brooke, c’était de renouer avec une douce habitude que tu pensais perdue à tout jamais. La rousse semblait tout autant émue que toi de ces retrouvailles, puisque les larmes lui montèrent aux yeux à l’instant précis où tes lèvres se refermaient pour vous envelopper à nouveau dans le silence. Tu fronças tout légèrement les sourcils. « Pleure pas, B. J’suis là, maintenant. » Mais tu ne saisissais pas qu’au fond, il était bien là le problème. Que t’étais là, maintenant, là pour rester, et que tu venais de tout chambouler dans son petit cœur qui ne savait plus trop où te placer. Vous alliez vous en sortir, c’était une certitude. Vous trouveriez le moyen d’être dans la vie de l’un et de l’autre selon cette nouvelle réalité. Mais ce ne serait pas toujours facile, non, de renoncer à l’essence-même de votre relation. Celle qui visiblement ressortait toujours vainqueur, comme ce soir. Mais vous n’auriez pas le choix. Vous ne pouviez pas vivre toute une vie ainsi, dans une ambiguïté qui ne laissait pas la place à d’autres.

Elle était là. La fin et le début, tout ça à la fois. Les retrouvailles et les au revoir. Parce qu'au fond, ouais, vous le saviez peut-être bien caché à l'intérieur de vous, à quelque part dans vos coeurs, que ces retrouvailles sonnaient aussi comme la fin de ce que vous aviez toujours connu. C'était pas la fin de Jackson et toi, dans le sens qu'il ferait toujours partie de ta vie, d'une façon ou d'une autre, mais c'était de prendre conscience qu'il ne pourrait jamais plus faire parti de ta vie comme il l'avait toujours fait. Sacha ou pas. Parce qu'un jour, ouais, vous alliez finir par tomber amoureux, avoir envie de vous investir avec quelqu'un, sans doute lui plus que toi, statistiquement c'était plus probable. Et ça, faire l'amour comme vous veniez de le faire, vous retrouver de vos corps qui dansent, ça ne serait plus possible. Plus jamais. L'héroïne te manque. Au moins, la drogue, elle, elle ne te fait jamais faux bon. Elle ne laisse jamais les sentiments prendre le dessus. Là, ton coeur est en miettes et perdu à la fois. Tout ça parce que Jacks réveille en toi quelque chose que tu pensais perdu à tout jamais. T'es en manque de lui, presqu'autant que de drogue. Et ça te prend aux tripes. Tes larmes coulent sans pouvoir les retenir. Tu te montres faible et ça t'exaspère presque. Mais devant Jackson, y'a pas de filtre. Pas de maquillage. T'as pas besoin d'embellir la vérité. « J'veux plus que tu partes », parviens-tu à articuler alors que ton coeur se serre. T'arrives plus à parler. Toi qui pleure jamais, c'est comme si tout sortait en même temps dans une explosion trop forte pour la contrôler ou pour en limiter les dégâts. « J'suis égoïste », craches-tu. « J'voudrais que tu sois à moi pour toujours... » Est-ce que c'est possible d'aimer deux personnes à la fois, aussi fort que ce que tu ressens?

C’était la fin de vous. La fin de vous tel que vous vous étiez connus. Ce soir, c’était bien plus qu’une parenthèse, qu’une précision ou qu’une rectification. Ce soir, c’était l’aparté entre crochets, celui qu’on ne sait pas vraiment si on doit le lire ou non, l’inclure dans le récit ou le laisser de côté. Mais vous, vous le saviez, que ce monologue silencieux répété par vos corps, il était la marque finale sur une relation qui n’avait plus lieu d’être. Il vous faudrait vous réinventer, vous le saviez depuis vos retrouvailles à Bowen, mais vous aviez été incapables de décrocher de l’ancienne version de vous-mêmes avant d’y avoir goûté une toute dernière fois. Si Brooke pleurait, à présent, c’était parce qu’elle avait compris avant toi que maintenant que vos corps fatigués venaient de se dénouer, sans doute que plus jamais ils ne s’uniraient. « Je suis jamais parti. » Lâchas-tu à sa réplique, fronçant tout légèrement les sourcils. T’avais pas envie de vous replonger dans une partie de trouver le fautif, tu ne voulais pas ressasser les décisions passée, mais Brooke te lâchait des paroles qui t’y replongeais sans crier gare. « Je serai à toi pour toujours, B. Mais toi, le seras-tu pour moi ? » Et c’était là que le choc créait les étincelles, mais pas de celles à ranimer la flamme non, de celles à vous détruire. Si vous continuiez sur cette pente dangereuse et cruelle, qui sait ce qu’il resterait de vous ? Un sinistre brasier, des cendres retombant comme une sombre pluie sur ce qu’il resterait de vous. Tu ne pouvais plus endurer le cœur girouette de la rousse, tu ne pouvais plus t’accrocher à sa mécanique brisée, parce que tu te rendais compte que cette femme-là avait le pouvoir de te blesser, bien plus que tu ne le pensais. Tu réalisas à cet instant que Brooke, tu l’avais aimée, véritablement aimée, qu’elle aurait pu être la seule femme à te voler pour une éternité.

C'est toi qui es partie. C'est pas lui. Mais c'est plus fort que toi, c'est comme ça que tu l'exprimes. Tu veux pas qu'il parte. Tu veux pas qu'il t'abandonne. Tu veux pas qu'il disparaisse. Tu veux, égoïstement, le garde près de ton coeur, que personne d'autre ne puisse prendre cette place dans sa vie, ta place, celle qui te revient de droit. Parce que ce que tu as vécu avec lui, c'est fort. C'est unique. Ça ne peut être remplacer. Ton partenaire, ton meilleur ami, ton confident, ton premier amour. T'aurais pu avoir un enfant avec lui, t'aurais accepté ce rôle même si t'en as jamais désiré avant, si la vie ne vous l'avait pas repris. Au fond, tant mieux, elle t'as sans doute envoyé un message, un signe que c'était mieux comme ça. « Je t'aime », lâches-tu comme réponse, plutôt que ce à quoi il s'attend. « Je t'aime. Pas comme on apprécie quelqu'un de cher. Non. Je t'aime. » Et pour Brooke Oxley, putain que c'est parlant. Parce que, toi, dire tes sentiments, c'est pas dans ta nature. T'as besoin qu'il l'entende. « J'crois que les choses changent entre nous. Et ça me donne le tournis », confies-tu avec tristesse dans la voix. « J'sais que je ne te rendrai jamais heureux à cent pour cent. Mais j'veux être égoïste. Je veux garder ma place dans ton coeur. J'veux être la numéro un. J'veux que tu sois toujours là pour moi. Parce que même si ça change entre nous, Jackson, je serai là. » Ça, tu le promets. T'auras peut-être plus jamais la liberté que tu as aujourd'hui, tu sais pas ce que la vie te réserve, mais tu seras toujours là pour lui. Et y'aura toujours cette place à lui, dans ton coeur. Au fond, Jackson, c'est ton numéro un.

Ce que vous aviez vécu c’était fort, oui, c’était une histoire mythique que personne d’autre que vous deux ne serait en mesure de raconter. Vous étiez les seuls à connaître tous les détails de votre fougue, de votre désir, de votre fabuleuse insouciance. Mais t’avais l’amère impression que cette légende se terminait lentement, un tout dernier souffle, parce que toute bonne chose a une fin. T’avais évidemment du mal à te dire que Brooke et toi, ce n’était qu’une bonne chose puisqu’à tes yeux c’était tellement plus que ça, mais force était d’admettre que Cirkaös était loin derrière vous. Brooke avait continué d’avancer, seule et puis avec un autre. Tu n’avais plus forcément l’impression d’avoir été remplacé, la rousse t’avait prouvé le contraire, mais tu savais quand même que tu devrais dorénavant partager ta place dans son cœur. Avec Sacha ou avec un autre. « Je t’aime aussi, B. » Dis-tu avec la même emphase qu’elle. Il avait fallu une distance de temps et d’espace pour que tu le réalises. « Tu seras toujours ma numéro un. » Lui confirmas-tu d’un regard tendre. Parce que même si un jour tu en venais à être relayé au second plan de son cœur à elle, même si elle s’unissait à un autre comme vous n’aviez jamais pu vous unir, tu savais qu’elle demeurerait la femme la plus importante à ta vie. T’en aurais rien à foutre de ne plus être son numéro un. Elle serait le tien.

- fin ?