#2312 - when the night was full of terrors ▽ juliette

when the night was full of terrors

Refermant tout doucement la porte d'entrée en faisant le moins de bruit possible, Charlie retira ses chaussures avec plus de délicatesse que jamais, avant de passer dans la cuisine sur la pointe des pieds. Depuis qu'elle vivait en colocation, et non plus avec sa fratrie, elle était d'autant plus discrète quand elle rentrait la nuit. Elle avait quitté l'hôpital très tard, après une longue opération avec pas mal de complications. Passant à la cuisine, la jeune femme se servit un verre de lait frais, avant de monter les escaliers jusqu'à l'étage sans faire de bruits. Elle tâtonna jusqu'à sa chambre, à la lumière de son smartphone, préférant éviter d'allumer toutes les lampes. Levant les bras vers le ciel pour s'étirer longuement après cette journée, elle attacha ses boucles brunes en un chignon, révélant le triangle inversé tatoué sur sa nuque. La jeune interne se fit ensuite un plaisir de se glisser dans son pyjama, avant de passer sous la couette et d'éteindre la lampe de chevet, prête à dormir comme un bébé. Du bruit dans la chambre voisine lui fit néanmoins relever la tête, au bout de quelques minutes. Elle n'était pas certaine d'avoir bien entendu, de si le bruit venait de dehors, ou de si elle l'avait rêvé. La jeune fille tendit l'oreille, étendue dans le noir, les yeux ouverts. Quelque chose qui ressemblait à des sanglots. Il y avait un peu de mouvement, en tout cas. Elle n'en était pas certaine. Charlie attendit encore deux minutes pour attendre d'autres sons, sans oser bouger. C'était Juliette, sa voisine de palier. Elle chercha son gsm à l'aveugle, sa main sur la table de chevet, avant de le trouver et d'envoyer un message. "Jules ? Tout va bien ?" Elle aurait l'air bien conne si ce n'était pas du tout ce qu'elle croyait. Ou si Juliette dormait à poings fermés. Néanmoins, pas de réponse, et toujours quelques sons étouffés provenant de l'autre côté du mur. Après encore un temps supplémentaire d'hésitation, Charlie finit par se relever, se glissant silencieusement en-dehors de sa chambre, et venant toquer doucement à la porte de sa colocataire. « Juliette ? » chuchota-t-elle dans la pénombre, pas trop fort pour ne pas réveiller les autres. Elle entrouvrit la porte, pas sûre que la rouquine puisse l'entendre à travers l'épaisseur de la porte, et l'appela à nouveau.

Ces derniers jours avaient été extrêmement difficile, je n'étais pas tellement sortie de ma chambre. J'entendais mes colocs derrière ma porte close, mais c'était à peu près le seul contact que j'avais avec eux. Je savais que j'avais perdue du poids à force de m'enfermer et de ne pas avoir tellement d'appétit, je m'en étais en fait rendue compte lorsque j'avais essayée d'enfiler une paire de jeans. Je suis déjà plutôt menue de base, alors j'imagine que mes traits se sont un peu creusés, à vrai dire je ne peux pas tellement le savoir puisque je ne me suis pas regardée dans un miroir depuis l'hôpital. Je dors beaucoup, ça me permet de m'évader dans un sens, j'oublie mes peines quand je suis endormie, mais souvent je me réveille après un cauchemars, et ça me chamboule encore plus. Encore une fois cette nuit, je m'étais réveillée en sursaut, je ne me souviens pas de mon rêve, mais je me met à pleurer sans pouvoir m'arrêter. C'est assez étrange que de se réveiller en pleurant en ne sachant pas vraiment pourquoi, mais je ressentait un grand vide et une tristesse incroyable. Charlie m'entends et décide de m'envoyer un texto que je ne vois pas puisque j'ai éteint mon cellulaire pour la nuit. J'entends alors toquer à ma porte et je m'arrête net dans mes sanglots, j'entends la voix douce de ma coloc de l'autre côté de la porte. J'essuie mes larmes, mais je n'arrive pas à lui répondre, j'ai une boule dans la gorge qui m'empêche de parler. Je me demande un instant s'il ferait mieux que je me lève pour lui ouvrir ou si je devrais me taire pour qu'elle retourne à sa chambre. Avant que je ne puisse prendre une décision, je vois la porte s'entrouvrir. Mes yeux s'étaient acclimatés à la pénombre de ma chambre et je vis donc Charlie passer la tête dans ma chambre en m'appelant de nouveau. Je renifle et réussis finalement à laisser sortir un faible "mmh mmh?". Rien ne sert de me cacher et de faire comme si tout allait bien, tout le monde dans la maison est au courant de ce qui m'est arrivé. J'avais demandé à Lys de mettre Jackson au courant et il avait bien évidemment parlé de la situation à toute la maisonnée par la suite. Ils avaient tous été cool avec moi et m'avaient laissé l'espace et la tranquilité dont j'avais besoin.

Enfin, une réaction lui parvint du lit de Juliette, un petit reniflement timide et un son étouffé. Charlie sentit sa gorge se serrer. Sa colocataire était bien réveillée et elle était à présent assez certaine de ne pas avoir rêvé les sanglots. La petite voix de la jeune fille arracha un pincement au cœur à la chirurgienne, et elle se glissa dans la chambre, s’asseyant sur le rebord du lit, espérant ne pas être trop envahissante – oui, ça lui arrivait de faire attention à ce genre de choses, pas souvent, mais ça arrivait. « Ça va, chat ? » Question sans doute débile, évidemment que ça ne devait pas aller, mais Charlie ne savait pas quoi dire d’autre. Et puis, l’intention y était. « Je veux pas t’embêter, hein. Mais tu veux que je reste un peu avec toi ? » reprit la jeune fille d’une voix douce, parvenant lentement à discerner la silhouette de Juliette dans la pénombre. Elle ne voulait pas l’oppresser, la faire se sentir encore moins bien, mais elle n’avait aucune envie d’ignorer la chose et de retourner se coucher dans son lit comme si de rien n’était. En réalité, la jeune interne n’avait aucune idée de ce qu’elle pouvait bien faire pour adoucir un peu la peine de sa colocataire. Elle compatissait, de tout son être, et elle se sentait impuissante. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était être là. Mais elle voulait que la jeune fille sente toute sa compassion et toute sa capacité à faire ce dont elle aurait besoin, peu importe ce que ce serait. Elle voulait bien lui chanter des berceuses tout la nuit s’il le fallait, lui faire un câlin, lui apporter à manger tous les jours, n’importe quoi. C’était tout ce qu’elle essayait de transmettre, tout en veillant à garder sa propre émotion pour elle, aussi difficile que cela soit.

Je laisse Charlie entrer et elle se pose sur mon lit tout en me demandant comment je vais. Je n'ai pas trop reçue d'attention ces jours-ci et c'est bien de ma faute, j'ai décidé de m'isoler, j'en avais besoin. Cependant, je dois dire que la présence de ma coloc est apaisante, peut-être que c'est ça la prochaine étape, laisser les autres s'occuper un peu de moi. Je n'en ai pas l'habitude, la seule personne qui n'est jamais pris soins de moi est mon frère, c'est le seul sur qui j'ai toujours pus compter étant plus jeune et j'ai de la difficulté à laisser entrer d'autres personnes dans ma vie et leur faire confiance. D'une certaine façon, je crois que Lys ouvert cette porte, depuis quelque temps je la considère un peu comme une grande soeur. Elle m'a rapidement montrée qu'elle pouvait être digne de confiance et je lui ai fait une place dans mon coeur. Peut-être que je devrais laisser cette chance à Charlie aussi. Elle me propose ensuite de rester avec moi, elle ne veut pas m'embêter. Je remonte mes genoux sous mon menton et quelques larmes coulent sur mes joues, je fais "oui" de la tête. J'ai peur de me retrouver de nouveau seule dans ma chambre sombre. Je lève les yeux vers Charlie et arrive tout de même à lui offrir un mince sourire tout en mimant un "merci" avec mes lèvres. Elle n'était pas obligée de se soucier de moi, mais elle avait tout de même choisit de le faire et je lui était reconnaissante pour ça.

Un très mince sourire étira les lèvres de la jeune femme quand sa colocataire acquiesça à sa proposition, tout en se recroquevillant sur elle-même. Nouveau sourire quand elle la remercia à travers ses larmes. C’était normal, qu’elle soit là pour elle, même si elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle pouvait bien faire pour apaiser l’état de Juliette. Il n’y avait aucun remède à ce genre de choses et la brunette était dépassée. Elle se demandait ce dont elle aurait eu besoin, dans sa situation. Mais sa propre personne n’était pas le sujet, ce soir, et elle tâchait de s’en rappeler. « Tu veux en parler ? » demanda-t-elle doucement à la jeune rousse, s’asseyant en tailleur sur le lit face à son interlocutrice. Peut-être qu’elle en avait besoin et qu’elle n’osait pas, ou peut-être était-ce beaucoup trop difficile de mettre des mots sur ce qui s’était passé, sur ce qu’elle ressentait maintenant. « Ou je peux nous faire du thé, et on se mate un petit film sur mon ordi ? » proposa la brune à la place avec une pointe d’enthousiasme, toujours enrobée de douceur, espérant qu’elle ne brusquait pas Juliette. Si elle ne dormait pas de la nuit pour ne pas laisser sa colocataire seule, ce n’était pas un problème, même si elle devait travailler le lendemain. Elle pouvait bien faire ça. Charlie pouvait être un peu égoïste parfois, plutôt par maladresse qu’autre chose, mais ça ne l’empêchait pas d’être prête à sacrifier beaucoup pour son entourage.