where the heart is ✩ marcus

Les mots de Penelope, bien que nécessaires, étaient difficile à entendre pour Marcus. Ils ne lui apportaient aucun réconfort et aucune réponse non plus. Ils le perdaient davantage. Sa présence ici, elle, totalement tangible, puisqu’il pouvait la toucher, puisqu’il la voyait des ses yeux, le rassurait néanmoins. C’était tout le paradoxe de ces retrouvailles, il était entre apaisé de son retour et totalement paumé. Il afficha un sourire ironique, ses yeux ne riaient pas et le son de sa voix perdit un peu de sa douceur. Les rumeurs sont la seule chose que j’ai eu durant des années. Il n’affirmait pas qu’il les avait cru, même s’il ne disait pas le contraire non plus, il s’était fait sa propre idée, inventé sa propre vérité, pour essayer d’avancer au mieux sans elle. Il n’était pas dupe, Marcus, bien que des années se soient écoulées, il pouvait dire qu’il connaissait Penny, il la savait libre, il la savait têtue. Il était conscient qu’elle aussi, arrangeait l’histoire à sa sauce, qu’elle ne disait pas toute la vérité, elle ne mentait pas, il le sentait, seulement elle ne lui donnait que ce qu’elle avait envie qu’il sache, bien qu’il ignore pourquoi. Il n’avait pas la force de se battre, si elle ne souhaitait pas parler, alors il respectait son silence, de toute façon il serait bien incapable de la forcer, ce n’était pas dans sa nature à lui et quand bien même, elle ne se laisserait pas faire. Le mot survie le fit tiquer, c’était un mot fort et dur, lourd de sens, lourd à encaisser. Comme si elle s’était sentie mourir à ses côtés, comme s’il avait été toxique pour elle. Il n’avait jamais vu les choses de cette façon, elle ne les lui avait jamais fait ressentir à l’époque, pourtant, par ce mot, elle confirmait qu’elle n’était pas heureuse avec lui, alors ça le touchait profondément. Parce que la seule chose qu’il avait toujours voulu c’était son bonheur. Ta survie… je n’avais jamais réalisé à quel point notre vie te rendait malheureuse. Il n’y avait pas de colère dans sa voix, seulement une infinie tristesse, pour le coup, il aurait presque préféré qu’elle soit partie sur un coup de folie avec un autre, plutôt que ça. Il se détourna offrant son grand corps, qui semblait pourtant si frêle à ce moment-là, à la mer, aux vagues lentes qui venaient presque grignoter ses pieds. Je pense que je l’avais compris ça. Que l’amour ne te suffisait pas. Il baissa la tête en plissant les yeux dans l’obscurité. On fait quoi, maintenant, avec tout ça ? Après tout elle était revenue, elle avait fait le premier pas vers lui, elle ne voulait plus de lui pourtant elle l’aimait encore, tellement… lui il ne savait pas quoi faire de toute cette déferlante.

C'était terrible de réaliser que cette femme qu'il avait tant aimé, qu'il avait fini par idéaliser avec le temps, lorsque la douleur s'était apaisée, par mettre sur un piédestal, ne l'aimait pas autant que ça. Ou du moins pas de cette même façon. Marcus c'était le genre d'homme facile à aimer, qui ne prenait pas trop de place, qui portant ses failles sans trop les montrer, qui portait sa croix et qui n'avait, finalement, que besoin de tendresse dans sa vie, c'était tout ce qui lui avait toujours manqué. La tendresse d'une mère, celle d'une famille unie. Il avait besoin de repères, de se sentir ancré quelque part, avec quelqu'un. Il n'avait pas besoin de mariage, d'alliance et de grands serments, mais juste de quelqu'un qui ne partirait pas, qui ne l'abandonnerait pas comme l'avaient fait ses deux parents, chacun à sa façon, aussi tragique l'une que l'autre. Il avait cru trouver cette personne là avec Penelope, à l'époque elle lui offrait son amour et sa fougue sur un plateau d'argent. Seulement ça avait fini par se faner. Et il était resté, dès lors, terriblement seul. Quelque part il aurait préféré ne jamais croiser sa route, rester seul plutôt que de tomber amoureux d'elle, il n'avait rien demandé finalement, c'était elle qui l'avait courtisé, ou peut-être lui... ou peut-être simplement cette attirance irrépressible. Celle-là même qui, ce soir, les empêchait de se haïr alors qu'ils allaient se quitter de la plus définitive des façons. Ils allaient enfin donner une fin à leur histoire. Il ne répondit rien, une boule s'était formée dans sa gorge, il se sentait coupable alors qu'il n'avait pas à l'être, il n'avait jamais forcé Penny à quoi que ce soit. Il haussa les épaules alors qu'elle lu proposait d'attendre un peu pour les démarches. Au point où on en est, on n'est plus à quelques jours près j'imagine. Une pointe d'ironie s'était invitée dans sa voix, il était injuste, il avait sûrement fallu beaucoup de courage à la blonde pour lui formuler sa demande. Il se retourna à demi, l'observa à la dérobée jouer avec cette alliance invisible. Il se souvenait qu'elle le faisait beaucoup, à l'époque, il se souvenait combien elle était fière de la porter et qu'elle la montrait à tout le monde. Comment tout ça avait pu basculer aussi vite ? Dans un geste irréfléchi il attrapa sa main, caressa ses doigts, il la fixa dans cette obscurité à laquelle il s'était habitué, leurs yeux brillaient du même éclat, de ce manque qui les rongeait. Elle lui avait manqué toutes ses années et ce soir elle était là. Il lui en voulait tellement, pour ces années de silence, pour ce divorce injuste. Mais il l'aimait follement et c'était peut-être la dernière fois qu'il pourrait le lui montrer. Il l'attira alors contre lui et l'embrassa avec la témérité d'un premier baiser et la fièvre d'un baiser d'adieu. Il ne savait pas ce qu'il faisait mais c'était, à ce moment-là, tout ce qu'il avait trouvé à ajouter.

A ce stade Marcus n'était plus sûr de rien, toutes ses certitudes et même ses doutes les plus profonds se voyaient bousculer. Il était incapable de dire si Penny allait le repousser ou bien lui rendre son baiser, c'est pourquoi il n'avait pas trop réfléchi, il en avait envie, de retrouver ses lèvres, un irrépressible besoin, quitte à se faire repousser. Au moins il aurait tenté, joué sa dernière carte pour qu'elle comprenne que pour lui rien n'était fini, que malgré l'absence et les reproches, malgré les mensonges également et tout leur lot de non-dit, il l'aimait envers et contre tout. C'était con mais le mariage avait était au moins porteur de cette triste vérité, jusqu'à ce que la mort les sépare. Il l'aimait ainsi, ils n'étaient pas mariés devant un quelconque dieu, seulement devant la loi, tous ces beaux serments n'avaient aucun sens. Pourtant au fond de lui il le savait, il l'aimerait jusqu'à la fin, c'était son fardeau, il n'avait pas le choix. Contre toute attente elle lui rendit son baiser et ils firent alors un bon dans le temps, comme si elle n'était jamais parti, comme s'ils avaient encore vingt ans et la vie devant eux pour s'aimer. Elle avait encore des sentiments pour lui, c'était évident, c'était bouleversant. Cependant la blonde mit fin à leur étreinte, il valait mieux, peut-être. Leurs doigts jouaient encore les uns avec les autres, comme s'ils ne voulaient pas se quitter, mais elle partait. Gênée, elle cherchait son échappatoire, elle n'en avait pas besoin, il ne comptait pas la retenir, il en avait déjà assez fait. Il soupira en passant la main dans ses cheveux qui commençaient à tomber sur son visage. Tu sais où me trouver. Il n'avait rien de plus à ajouter, elle avait bien vu, il était toujours à la même place, il ne bougeait pas. Qu'elle prenne son temps, pour trouver un avocat, pour retrouver sa place dans cette ville, pour comprendre laquelle elle voulait dans la vie de celui qui allait bientôt devenir son ex-mari. Lui serait toujours là. Elle était troublée, il le savait, elle doutait, quelque part il en était sûr, mais il ne pouvait pas faire le chemin à sa place. Bonne nuit Penny. Il lui offrit un sourire mélancolique, alors qu'elle se retournait déjà pour s'enfuir dans la nuit.