What's Up ? Neven & Lullaby

Il était l'heure. M'étirant comme un chat, je sortis de mon lit, pour rejoindre ma toute petite salle de bain, enfin si on pouvait appeler ça comme ça... Un lavabo, et un peu d'eau dans une poche à perfusion version taille XXL. Me brossant les dents, je me regardais à peine dans le petit miroir, mes ablutions faites, j'ouvris un petit placard, attrapais un jean slim et une chemise de bucheron canadien que je passais sur une brassière et une culotte en coton. J'enfilais des chaussettes et une paire de Nike Air, rien de bien fancy, je les avais déniché dans un vide grenier d'une quelconque ville de villégiature. Déo, une goutte d'ylang ylang sous les oreilles et sur les poignets, et je filais au volant de mon mini van vers le jardin botanique. J'avais sans doute trouvé un travail sympa, un fauconnier du coin avait besoin qu'on l'assiste, et je trouvais l'idée carrément séduisante. Un coup de fil plus tard, et un rendez vous pour le surlendemain avait été donné. Simple et efficace, comme j'aimais.

Je me garais non loin de l'entrée, glissais les clés du van dans une des poches de mon jean, et marchant tranquillement, la crinière au vent, je me dirigeais vers le centre de ce jardin. De dos, je vis un homme, portant un gant de cuir épais, sifflant un signal, et je levais le nez vers le ciel, pour voir arriver une buse sur le gant. Un sourire sur mes lèvres, je ralentis néanmoins le pas, en voyant arriver deux nanas vers lui, lui demandant de signer, ce qui me sembla être un magazine. Fronçant les sourcils, je laissais faire la rencontre, avant de venir devant lui, pour me présenter.

- Bonjour... Lui dis-je.

Sans doute me prit il pour une groupie, ou des fans comme les deux jeunes femmes qui étaient reparties en gloussant, mais je l'arrêtais.

- Je suis Lullaby, on a rendez vous...

Grand, blond, au regard définitivement bleu. Pas moche du tout, tenant à bout de main, une buse qui avait l'air de me dévisager.

@Neven Monroe

Les draps rugueux du motel m'écorchaient la peau pour la dernière fois, je n'avais plus les moyens de rester plus longtemps dans ce logement de fortune. J'allais devoir retourner chez moi et dire que je n'en avais pas envie était un euphémisme. Depuis la violente altercation avec Jenny, je ne l'avais plus revu, elle m'avait bien envoyé quelques messages, mais j'avais décidé de les ignorer. J'étais partagé entre une colère sourde envers cette femme que je n'arrivais pas à aimer comme j'aurais du, et une haine immense envers moi même de ne pas porter mes couilles et partir. Bref, je m'étais laissé enliser dans une situation bien merdique. Heureusement que j'avais le boulot et mes animaux pour me changer les idées.
Ce matin j'étais parti avec Pepper, ma chienne, ainsi qu'une magnifique buse qui était arrivée chez moi il y a quelques semaines de ça. Elle était magnifique et répondait plutôt bien aux exercices que je lui faisais faire. J'étais concentré sur l'animal qui volait au dessus de moi, quand deux femmes m'approchèrent. Elles représentaient tout ce que je n'aimais pas, elles faisaient trop de bruits, avaient trop de maquillages, elles me tournaient autour comme si j'étais un morceau de viande... F**k ! Je signais leurs deux bouts de papiers pour qu'elles me foutent la paix. En ce cours laps de temps, j'avais réussi à perdre l'attention de mon animal, et je dus faire un rappel un peu précipité pour la rappeler à moi. Et c'est à cet instant qu'une autre jeune femme se rapprocha de moi. Moins bimbo, elle n'en venait pas moins me déranger et ça me saoulait profondément. J'avais juste envie de m'enfermer dans ma bulle et ne plus penser qu'à mes magnifiques volatiles.
Rendez vous ? Je n'avais rendez vous avec personne. J'avais déjà reçu toutes les commandes que j'avais commandé, chacun de mes animaux étaient à sa place, les officiels de la ville me foutaient la paix depuis plusieurs mois... Holy F**k ! Ce rendez vous. The rendez vous. C'était la nana que j'avais engagé ! Et maintenant que je réalisais ma connerie, je ne savais plus où me mettre. J'avais complètement oublié que j'avais demandé de l'aide avec ma semaine de merde.

Ah oui. Ok. Je ne pensais pas que vous arriveriez aussi tôt. Ou du tout à vrai dire. Enchanté. Neven Monroe. Dis-je en lui tendant ma main libre avant de réaliser que ma buse la dévisageait. Elle était arrivée avant que je ne puisse récompenser l'animal, et celui ci semblait irrité de ne pas avoir eu son morceau de viande. Je finis avec elle et je suis tout à vous.

ça mouline pas mal sous sa caboche, il n'a pas l'air de comprendre ce que j'ai dit, peut être que je me suis plantée de gars, ou que c'est un traquenard ? Finalement ça se connecte et il fait le rapprochement, je regarde ma montre au poignet.

- Il est 09h... c'est pas bien tôt. Je serais arrivée avant, si le moteur de mon van n'avait pas encore fait des siennes. Lui dis-je.

Il me parla de la buse qui me dévisageait, et j'hochais la tête, lui laissant l'espace de s'occuper de son rapace. Le morceau de viande donné, j'allais parler pour poser des questions, quand un chien me sauta dessus par l'arrière.

- Hey là... coucou toi... t'es à qui ? Dis-je en lui caressant sous les oreilles et flattant son dos. Elle s'appelle Comment ? Demandais-je à son propriétaire. Pepper hello you... such a good girl you are... oh yes... oh yes... you're so clever...

La chienne se colla sur le dos, les 4 pattes en l'air, attendant les gratouilles sur le ventre.

- Pardon, je suis fan des chiens... le mien est décédé y'a 3 semaines... ça me manque beaucoup. Il s'appelait Rasperry.

Je me redressais, pour ne pas me disperser.

- Je t'écoute... tu as besoin de moi pourquoi ? Les horaires, les jours ? Je bosse le reste du temps dans une ferme de Bowen... et je vis dans mon van, genre... depuis toujours.

Il fallait un peu présenter les choses quand même, et le salaire aussi, mais ce n'était pas mon truc de parler d'argent, souvent dans ces boulots là, les gens donnaient ce qu'ils pouvaient et puis si le premier salaire ne me plait pas, je pourrais toujours aller bosser à la librairie de Simon. Le travail c'est pas ce qui manque pour celui qui veut travailler.

@Neven Monroe  

Ma vie personnelle avait pris le dessus sur tout le reste. J'avais complètement oublié que je devais accueillir ma toute première employée aujourd'hui et pourtant c'était à cause d'elle que je m'étais pris la tête avec Jenny. Je ne lui en voulais pas le moins du monde, la pauvre n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle avait déclenché.

J'abandonnais la blonde avec Pepper pour pouvoir aller remettre la buse dans sa volière avant de revenir et lui indiquer mon bureau. C'était une toute petite pièce, occupé au trois quart par mon bureau, et encombré par mon sac de vêtements et du panier de ma chienne. Il n'y avait presque plus de place pour marcher, mais deux chaises passaient pile poil et je la laissa s'installer en rappelant Pepper vers moi.
Je suis désolé. Dis-je en l'entendant dire que le sien était décédé il y a peu. J'étais très proche de mes animaux et à chaque perte il y avait un temps pour faire mon deuil. Long et douloureux. Et discrètement je repoussais ma chienne pour qu'elle retourne dans les jambes de Lullaby. Si elle pouvait apporter un peu de bonheur, qu'elle le fasse, ça faisait une semaine que je me nourrissais de ses papouilles.

J'ai besoin d'aide pour les spectacles principalement, parfois peut être pour l'entretien. Je me rendais compte que j'avais posté l'annonce sans vraiment réfléchir à tous les détails. J'étais clairement dépassé tout seul, et j'avais besoin d'aide, mais comment, pour quoi faire ? Il y avait tout un tas de missions que je ne voulais pas déléguer, d'autres que je trouvais trop pénibles pour lui imposer... Le mieux serait que vous me suiviez un jour ou deux et que vous me disiez ce que vous vous sentez de faire ou non. Parce qu'au final, elle serait la seule à pouvoir décider. Et quand je saurais ça, je pourrais vous donner une idée un peu plus clair des horaires et du salaire. Signification, j'allais devoir sortir les papiers, faire de la compta, et j'étais nul pour ça.

Lullaby semblait vivre dans son van, et ça m'avait interpellé. Peut être que c'était mon avenir à moi aussi, car ce n'était clairement pas ma moto qui m'offrirait un toit. J'allais déjà devoir choisir entre dormir ici ou rentrer chez moi ce soir et ça m'angoissait énormément. Si je n'avais pas eu à dormir, je serais resté bosser toute la nuit, mais j'aimais beaucoup trop dormir pour ça. Si vous avez besoin, je peux regarder le moteur de votre van. Proposais-je. J'étais un gars gentil et attentif sous mes airs un peu bourru. Si je pouvais l'aider, je le ferais. Elle avait l'air sympa, intéressée, la collaboration avait du potentielle. La blonde me tutoyait déjà d'ailleurs, alors que je la vouvoyais, presque intimidée par ce qu'elle dégageait.

Je vous fais faire un tour de la volière ?

Hochant la tête simplement, lorsqu'il compatit à la perte de mon chien. En vrai, c'est la vie, et puis il avait eu une vie heureuse et pleine ! Pepper revint vers moi, collant ses babines adorables sur mes genoux, le bureau été petit, mal rangé et exigu, mais ce n'était pas grave, du rangement c'était plutôt basique à faire en réalité.

- Okay, tu te produits ici ou un peu partout dans Bowen et en Australie ? Je l'écoutais continuer, hochant la tête. Sans problème, je te suivrais dans tes tâches, tu as combien de rapaces ?

Tout était clair pour moi, j'étais sans doute sa première employée, c'était chouette comme nouvelle aventure ! J'avais travaillé indirectement avec des oiseaux, et non des rapaces par le passé, c'était une première excitante pour moi. Je caressais la tête de sa chienne, sans trop m'en rendre compte et ça avait l'air de lui plaire pas mal à la choupette.

- Pas besoin, je suis forte en mécanique, j'ai vécu toute seule dans le bush pendant  9 mois, ces 9 derniers mois exactement, je sais réparer des moteurs avec pas grand chose... et je sais que quand il toussote comme ça, il va falloir que je trime pour me payer un nouvel alternateur.

Je montre son bureau de l'index tendu.

- J'peux aussi ranger ton bureau, classer, trier, jeter, et faire en sorte que tu retrouves tout facilement. C'est l'avantage de vivre dans un van, on apprend à ranger pour que ça soit efficace.

Je me levais pour le suivre vers sa volière, et je ne fus pas déçue pour un brin, de magnifiques spécimens vivaient là.

- Comment ça t'es venu de travailler comme fauconnier ?

@Neven Monroe  

Je pris un moment pour lui expliquer le fonctionnement de la fauconnerie, mais il n'y avait rien de mieux que de faire le tour de l'endroit pour comprendre. Alors je lui fis signe de me suivre pour lui montrer là où elle allait travailler. Elle semblait débrouillarde et aimer être en extérieur, ce qui était un bon point pour elle et le boulot auquel elle avait postulé. Elle me plaisait bien.

J'ai un couple d'aigle australien, une petite trentaine de faucons et quatorze buses. Dis-je en la faisant rentrer dans la volière. Ils étaient tous là, mes partenaires de boulot. Ils ne sont pas tous pour les spectacles. Certains sont uniquement réservés à la chasse sur les aéroports. Les volatiles s'agitaient, ce n'était pas tous les jours qu'une deuxième personne venait dans l'enclos. Même Pepper savait qu'elle devait rester à l'extérieur lorsque je venais là. Et dans le coin là bas, j'ai la nursery et l'infirmerie. Je lui fis voir mes bébés faucons, encore dans leurs duvets blancs d'une extrême douceur. Il y a Riri, Fifi et Loulou. Ma main passa dans mes cheveux, ne sachant plus quoi lui dire. Je n'étais pas quelqu'un de très bavard. Est ce que vous voulez essayer d'en prendre un ?

J'avais un faucon passe partout, très gentil et parfait pour une première expérience avec un rapace de ma volière. Ils n'étaient pas tous comme ça, certains étaient beaucoup plus sauvage. Mais Blueberry était une pépite. Je mis un gant et en donna un à Lullaby avant de sortir l'oiseau de son enclos. J'étais nul à l'école, alors j'ai bossé dans une animalerie, puis dans un zoo et j'ai compris que j'étais fait pour bosser avec des animaux. Et durant un été je me suis retrouvé dans le secteur des oiseaux et ça a été un coup de cœur. Je suis parti et j'ai ouvert ma première fauconnerie. A Sydney. Et après à Brisbane et j'ai fini par venir à Bowen.

Et vous ? Qu'est ce qui vous amène ici ?

Riri, fifi et loulou... je ris bien malgré moi, c'était drôle et ridicule à la fois, mais pourquoi pas !

- A quand Laurel, Hardy, ou les Dalton ? Lui demandais-je tout sourire.

Il me demanda si je voulais en prendre un.

- Carrément oui !

J'enfilais le gant de cuir qu'il me tendit, et il sortit un faucon de sa volière.

- Ce serait bien que tu m'aides, à m'apprendre les sifflements qu'il faut pour rappeler et autres signes à connaître. Les anciennes bêtes avec lesquelles j'ai travaillé, c'était des diables de Tasmanie, du coup pas le même flow.

Je tendis la main, regardant comment il faisait lui, et le faucon grimpa sur ma main.

- Il s'appelle comment ?

Puis il se mit à parler de lui, très vite, très résumé, avec beaucoup d'infos d'un coup. Dans le flow, je captais qu'il avait travaillé en zoo. Jamais fait pour ma part, c'était trop cadré, trop de règle et pas assez de liberté pour les animaux et pour les êtres humains.

- Rien. C'est ça qui est beau, rien ne m'a amené ici, Bowen c'était la première ville depuis 9 mois de désert australien, et j'ai dispersé les cendres de Rasperry, et j'ai surfé sur les vagues... et me voilà.

Un mouvement de bras, pour lancer l'envol de Blueberry, que j'appellerais sans doute Blue tout court, et il se posa sur la main de Neven.

- C'est joli comme prénom Neven.
@Neven Monroe  

Ils ont tous un prénom de personnage ou de chose que j'aime bien. Avouais-je. Ce n'était pas toujours des prénoms très sérieux, mais ma technique pour les nommer ne changerait pas. Mes oiseaux, ma façon de faire.

J'avais sorti Blue de son enclos et Lullaby avait pu la récupérer. L'animal reposait sur son bras et elle semblait être plutôt à l'aise. Calme et attentive, je sentais qu'elle avait envie d'apprendre. Je lui fis donc la promesse de lui apprendre tout ce que je savais, un peu comme mon mentor l'avait fait avec moi avant que je ne me lance seul. Et même si elle avait l'air d'aimer barouder, que ça ne serait qu'une solution provisoire pour moi et cet endroit, j'allais en profiter. J'avais besoin de ce petit break.

Sa remarque sur mon prénom me mit mal à l'aise, je n'aimais vraiment pas parler de moi. Je fis comme si je n'avais rien entendu, même s'il m'avait été impossible de passer à côté. et je lui montrais comment rappeler Blueberry. Le faucon reçut une récompense avant de retrouver sa volière. Toujours aussi douce et docile. Ce qui n'était pas le cas de Candy, un oiseau qui avait déployé ses ailes pour montrer sa puissance. Elle a besoin de temps pour se laisser apprivoiser. Et même moi, à l'heure actuelle, j'avais encore du mal à la faire travailler auprès d'un public.

Lullaby avait fait le tour de la volière assez rapidement, mais elle avait vu le principal. Comme je l'avais indiqué dans l'annonce, j'ai besoin d'aide pour les spectacles, les nourrir, être avec eux. Je veux juste quelqu'un qui vienne avec l'envie de passer du temps avec tous mes oiseaux, les plus gentils comme les plus grincheux, pas juste pour le salaire. Est ce que j'aimais tous mes rapaces comme s'ils étaient mes enfants ? Oui. Définitivement !

Ma blague tombe à plat, il n'a pas l'air d'être le genre à rire tout le temps. J'hoche la tête à sa réponse, et tente de reprendre un peu de sérieux. Je suis trop expansive, et souvent trop souriante, et du coup ça matche pas tout le temps avec les gens. Je me concentre, écoutes ses conseils, réussis à faire prendre son envol à Blue, mais un autre rapace, étend ses ailes et montre son poitrail, le mouvement rapide me fait sursauter et je manque de lâcher un petit cri de surprise. Une main sur le coeur, je sais qu'il m'a vu sursauter et tente de me rassurer.

- Pardon, j'ai... j'ai été surprise. M'expliquais-je.

J'espère qu'il n'allait pas me recaler pour ça, les diables de Tasmanie, les kangourous et les Koalas, je connais, mais les rapaces pas du tout... J'aimerais vraiment avoir ce boulot.

Je lui rendis son gant de cuir, un peu nerveuse pour la finalité, frottant mes mains sur mes cuisses.

- Oui j'avais compris et ça me convient. De toute façon tu n'as pas parlé salaire... ni au téléphone, ni maintenant... donc je suis pas là pour l'argent, enfin un peu mais c'est pas ma priorité. Du coup, tu penses donner réponse quand ? Tu vois d'autres candidats ?

On sort de la volière, et j'attends une réponse.. c'est à ce moment là, qu'une jeune femme brune arrive pour se planter en face de nous, visiblement en pétard.

- Alors c'est ça... tu engages une barbie tout droit sorti d'un putain de magazine de playboy juste pour me faire chier ? Vraiment ?! Tonne t-elle alors sur Neven.

J'ouvre la bouche de surprise, et accuse le coup de l'attaque personnelle, en reculant d'un pas. Me battre ? ça m'est arrivé, avec des hommes et des femmes, mais là je comprends pas trop, je ne connais pas cette nana.

- Donc tu quittes le domicile, et tu me remplaces dans la journée... T'es vraiment qu'un toquard !!

Je baisse les yeux sur mes chaussures, je tente de retenir quoique ce soit. Et puis finalement, je la coupe dans son élan vengeur.

- Pardon, mais je vais... ouais... je vais chercher mon sac dans ton bureau. Et je vais y aller.

@Neven Monroe  

Est ce que je devais lui dire qu'elle était la seule candidate ? Je ne voulais pas lui donner trop de pouvoir sur la décision à venir, et en même temps il n'y avait pas vraiment de décision à prendre. J'allais l'engager. Elle se moquait du salaire, elle voulait apprendre et j'avais l'impression qu'elle avait un grand cœur lorsqu'il s'agissait de mes rapaces.

Je lui aurais donné une réponse si en sortant de la volière nous ne nous étions pas fait attaqués par Jenny. Une semaine que je ne l'avais pas vu et elle revenait avec la même colère que lorsque je l'avais quitté. Je ne la comprenais pas, en tout cas pas sur tous les points. Je n'avais jamais brisé sa confiance, alors pourquoi s'imaginait-elle que j'allais aller voir ailleurs ? Certes je n'étais pas le plus à l'écoute et je faisais trainer le mariage, je refusais de céder à son envie de gamin, mais j'étais là. C'était bien plus que bien des mecs.

Jenny... Grognais-je. Je bosse, c'est tout. Il n'y a rien de plus. Je n'aurais pas du avoir à m'expliquer. Lullaby était là, car j'avais besoin d'aide. Je n'avais pas choisi la jolie blonde en fonction de son physique, elle était magnifique, mais ce n'était qu'un détail. Je n'étais pas guidé par ma queue ! J'aurais pu aboyer comme le faisais ma fiancé, mais je restais calme. Ça du la rendre folle, car elle s'approcha de moi pour me gifler et je sentis toutes ses bagues percuter ma pommette avant d'avoir la peau entaillée par ses ongles manucurés. F**k, je ne l'avais pas vu venir celui là. Toujours pleine de rage, elle se prépara à me frapper une seconde fois, mais cette fois je fus plus rapide qu'elle et je réussis à attraper sa main. Va t'en. Rentre à la maison. Dis-je en la repoussant, le regard vide.
La première fois qu'elle avait levé la main sur moi, je m'étais dit que c'était une erreur de sa part. Mais c'était la deuxième fois et elle ne s'excusait pas. Je ne comprenais pas comment nous en étions arrivés là. Ni pourquoi j'acceptais qu'elle lève la main sur moi sans broncher...

Le regard vers le sol, je permettais à mon esprit de faire un break, car j'étais épuisé après cette altercation. Je ne savais plus où me mettre et quand j'entendis Lullaby sortir de mon bureau, je me força à me sortir du vide abyssal dans lequel je m'étais planqué. Ma main se posa sur son bras alors qu'elle passait à côté de moi. Restez. Me redressant et osant à peine croiser son regard, j'allais lui dire que je l'engageais quand Jenny revint à la charge. Cette fois elle avait changé de cible, mais je m'interposa en plaçant mon corps devant celui plus frêle de Lullaby. Laisse la tranquille, elle n'a rien fait ! Je me permis de repousser Jenny un peu plus fort et elle tomba en arrière. Elle fut tellement surprise que sa bouche s’entrouvrit légèrement. Pour la dernière fois, rentre à la maison et laisse moi travailler.

J'aurais tout donné pour me retrouver seule et pouvoir tout lâcher pour partir loin sur ma moto. Cette vie n'était pas la mienne. Je n'étais pas heureux.

Je vis la claque, j'étais dans son bureau, mais je vis la claque, et je trouvais ça tellement médiocre comme comportement. ça ne te regarde pas Lully, pars juste. Il arrête sa main avant de se prendre une seconde claque, et son regard semble tellement douloureux sur cette femme... Il souffre, elle aussi c'est clair. Je me mordille la lèvre, fronce les sourcils et vais pour partir, mais il me retient, je secoue la tête, je voudrais lui dire qu'on se rappellera plus tard, que je lui en veux pas. Mais rien ne vient.

La fameuse Jenny revient à la charge et me projette du venin au visage. J'avance d'un pas, elle va s'en manger une la furie, et elle aussi avance vers moi.

- Ben non pars pas Barbie, il va peut être t'épouser, c'est pas ce que tu es venue chercher ? répète t-elle avec véhémence en s'avançant vers moi. Il est à moi !!
- Putain, mais rentre chez toi sale folle, tu te prends pour qui de me parler comme ça ??

Finalement c'est Neven qui vient se mettre entre elle et moi, je suis surprise de le voir si protecteur, pense t-il vraiment que cette femme pourrait me battre ? Je ne suis pas dotée d'un gros égo, mais des claques j'en ai déjà collé, et des poings aussi.

- Et pour ta gouverne, c'est un être humain, ce n'est pas un putain de meuble !

Il la repousse alors qu'elle s'élance pour tenter de m'atteindre et Neven l'arrête avec un peu de force, elle titube et tombe en arrière. La fureur fait place à la surprise dans son regard furibond, elle se relève, le regarde et me regarde, avant de tourner les talons.

Je me mordille la lèvre, un peu anxieuse après tout ça. Et alors qu'il reste de marbre dos à moi, je pose mon front contre son dos, respirant doucement pour faire tomber la pression. Je me redresse après quelques secondes, je ne voudrais pas qu'on croit quoique ce soit en fait.

- euh... bière ? Je vais... soigner ta joue... si tu me laisses faire.

Je lui laisse le choix, je lui indique que je vais jusqu'à mon van pour prendre deux canettes au frais, et je reviens vers son bureau. Il est assis derrière son bureau, je vais poser mon postérieur sur son bureau, pour me mettre en face de lui. Retirant ma chemise que je noue autour de mes hanches, j'attrape ensuite la trousse de premiers secours, j'en fais l'inventaire quelques secondes, avant de prendre du désinfectant et un coton. La bouche entrouverte me concentrant sur la tâche, je me penche vers lui, pour m'appliquer à le soigner. Je ne parle pas, j'ai pas de questions particulières à dire vrai. Qui ? Pourquoi ? ça ne me regarde pas.

- Pas besoin de points... soufflais-je à son intention, me mordant encore la lèvre.

J'ai la bougeotte, mais je tente d'endiguer cela en moi, pour paraître calme. Ouvrant un emballage, j'en sors un pansement, que j'applique sur la plaie majeure de sa joue. J'observe mon travail, avant que mes yeux remontent sur son visage, pour accrocher son regard, il y a tellement de tristesse dedans, que je tente un nouveau geste de compassion... Posant une main sur sa joue blessée, une main douce et amie, qui j'espère peut effacer l'affront qu'on lui a fait un peu plus tôt.

@Neven Monroe  

La honte n'étais que minime comparée à la peine immense que je ressentais. J'avais envie d'être heureux avec Jenny, j'avais envie que ça fonctionne... Fin, c'était ce que mes parents souhaitaient et je voulais leur faire plaisir. Moi, je ne savais plus ce que je voulais. Je ne l'aimais pas suffisamment pour l'épouser ou répondre à ses attentes de famille. Ça n'aurait pas été honnête de rendre les choses plus officielles si c'était pour être misérables le reste de nos vies. Mais continuer et laisser notre quotidien s'envenimer ? La laisser me frapper ? Ce n'était pas viable non plus.

Le front de Lullaby était pressé contre mon dos et je ne dis rien. Silencieux, je regardais ma fiancé s'éloigner. Deux femmes aux deux profils très différents et pour qui je n'avais pas les mêmes intentions. Pourtant j'étais infiniment plus proche physiquement de Lullaby que de ma fiancée à cet instant, et ce même depuis plusieurs semaines. Ce n'était pas normal. Qu'est ce qui ne tournait pas rond chez moi ? Pourquoi je n'arrivais pas à passer ce cap avec Jenny ? Deux choix se présentaient à moi, soit j'étais honnête avec moi même et je mettais un terme à cette relation, soit j'acceptais d'avancer avec Jenny. Je ne pouvais pas continuer à la faire souffrir ainsi.

La belle blonde m'avait fait aller dans mon bureau pour me soigner. Je m'étais assis sur ma chaise et après avoir retiré sa chemise, elle s'était mise devant moi pour s'occuper de ma blessure. Elle était proche, surement trop, j'avais sa poitrine juste devant mes yeux, mais même ça ne me procurait rien. Pourtant je n'avais plus touché au corps d'une femme depuis des mois. J'étais comme une coquille vide.
Je suis désolé pour ce qui s'est passé, elle n'est pas comme ça d'habitude. Je tentais quand même de minimiser le comportement de Jenny. Je dédramatisais, lui donnais des excuses, je ne voulais pas que Lullaby pense que ma fiancée était une mauvaise personne. Elle ne l'était pas. Nous traversions juste une mauvaise passe.

Sa main vint se poser sur ma joue blessée et je leva les yeux vers elle. Elle ne me connaissait pas, était seulement venue pour un petit boulot, et elle se retrouvait à me réconforter après une des scènes les plus humiliantes de ma vie. Je n'avais pas la moindre idée de comment me positionner avec elle, car même si je devais être son patron, cette main douce était plutôt amicale... Elle n'a pas frappé fort, je suis juste un peu trop chochotte. Tentais-je de plaisanter sans succès. Je n'étais pas assez en forme pour ça et le sujet ne s'y prêtait pas non plus. Un peu trop sensible... Mes yeux brillants pouvaient témoigner de ce dernier point.

Je devrais vous libérer, vous devez avoir d'autre chose à faire. Je ne suis pas tout seul, j'ai Pepper, ça devrait aller.

- ça ne me regarde pas à dire vrai. Répondis-je simplement à son excuse. Mais si elle m'attaque de nouveau... je serais nettement moins sympathique. Ta copine ou pas ta copine.

Pas que j'étais particulièrement revancharde ou autre, mais il fallait qu'il comprenne aussi que me faire insulter pour rien comme ça, n'était pas dans mes habitudes. Une main posée sur sa joue blessée, et son regard plein de larmes en devenir, me brisa le coeur. Je secouais la tête quand il parla de faire sa chochotte, d'être trop sensible, il ne devait pas s'en excuser. Je retirais ma main de sa joue, pour aller déposer un baiser, on avait tous besoin de se sentir compris, soutenu, ce n'était pas des avances, c'était de la pure compassion.

- Je devrais oui, mais je ne veux pas que tu dormes dans ton bureau... et je ne suis pas certaine que tu retourneras voir ta femme ce soir après ça... Viens avec moi.

Je me levais, attrapais les clés du van dans ma poche, et sortis en appelant sa chienne à me suivre. Passant devant la moto non loin de mon van, je la montrais du doigt.

- Elle est à toi ? C'est un modèle de 73 non ?

Une fois devant mon van, je montais derrière le volant, et l'invitais à monter côté passager.

- Je vais te montrer l'endroit, comme ça tu vois la route, et tu pourras y retourner avec ta moto... C'est une case, d'un ami surfeur, qui a ce pied à terre quand il rentre en Australie. Il n'y ait qu'une fois par an, à Noël quand il a su que je rentrais au pays, il m'a donné l'adresse. Mais j'ai mon van, et ça me va bien comme ça.

On roula quelques minutes, avant de prendre un chemin de sable, qui rejoint le bord de mer, se dresse alors une maison de bois sur pilotis, toute seule au milieu de la végétation, et avec une vue mer imprenable. Je me gare, on descend et Pepper me suit, collant sa truffe humide dans le creux de ma main.

- Y'a de l'électricité, la douche est dehors... et des meubles rudimentaires, mais viens y dormir, tu as besoin de reprendre des forces. C'est plus une cabane qu'une maison en fait, mais y'a de quoi être confortable et je préviendrais Dario, que tu as besoin de dormir quelque part.

(img : https://www.auvergnevolcansancy.com/app/uploads/2022/10/cabanes-des-volcans-credit-cabanes-des-volcans-1600px.jpg)

C'était petit, il l'avait construit tout seul, mais c'était chouette, et assez confortable pour quelques nuits paisibles. Pepper grimpa sur le lit et s'y allongea en regardant Neven.

@Neven Monroe  

Je devais m'excuser du comportement de Jenny et c'est ce que je fis à demi voix en remontant les yeux vers Lullaby. La jeune femme ne savait pas ce qu'elle avait déclenché en postulant, et ce n'était en rien sa faute si mon couple battait de l'aile, mais sa beauté n'aidait pas. Son grand regard clair, sa crinière blonde et son corps aux courbes quasi parfaite et même la voie lactée de tâches de rousseur qui couvraient son visage... Elle était belle et je ne pouvais pas lui enlever ça. Bien plus belle que Jenny si je devais les comparer, seulement ça ne faisait pas tout et ma fiancée aurait du mieux me connaitre que ça. J'étais un homme fidèle et je lui avais promis de l'épouser, alors même si je trainais des pieds pour le faire et que je ne l'aimais plus, sans une discussion face à face, je ne la tromperais pas. Pas que j'ai envie d'aller voir ailleurs non plus.

Lullaby ne me laissa pas le choix que de la suivre, elle refusait catégoriquement que je dorme dans mon bureau. Je pris mon sac avant de sortir avec elle et lorsque l'on passa près de ma moto, elle me posa une question. Une simple question qui réussit à m'arracher un sourire parce que ma moto m'apportait de la joie. J'aimais en parler, j'aimais la faire rouler, même sans destination. J'étais en accord avec moi même lorsque j'étais dessus, libre de tout. Oui, c'est ça. Vous vous y connaissez un peu ? Demandais-je en prenant place dans le van.
En roulant, elle m'expliqua où elle allait m'emmener et même si cela paraissait être un bon plan, je ne voulais pas abuser de sa gentillesse. Juste pour ce soir alors. J'avais toujours été indépendant et débrouillard, je n'acceptais quasi jamais l'aide extérieure. C'était compliqué de dire oui à son coup de pouce, mais je lui devais bien ça après que Jenny l'ai agressé. Merci.

Lullaby n'avait pas été entièrement honnête avec moi, ce n'était pas une petite case, c'était bien mieux que ça. Il y avait tout à l'intérieur, cuisine, salon, un grand lit et sur la terrasse une immense douche. Pour une nuit, j'allais y être bien. L'endroit était apaisant et après avoir pris une douche sans fin, j'avais enfilé des habits propres, comme pour mettre un terme à cette journée désastreuse. Dans la foulée, je m'étais allongé sur le lit et j'avais fermé les yeux, essayant de respirer calmement. Je faisais souvent des exercices de relaxation, c'était pour moi une façon de me canaliser et de m'analyser. Il y avait pas mal de foutoir dans ma tête, alors j'en avais grand besoin. Mais c'était sans compter Pepper qui vint me tourner autour, quémandant mon attention. Elle avait faim, c'était son heure et je n'avais rien. J'allais devoir retourner en ville pour faire quelques courses, mais pour cela j'étais à nouveau obligé d'embêter la jeune blondie... J'y réfléchis à deux fois avant de me lever et d'aller vers le van qui était garé à quelques mètres de mon habitation provisoire.
Désolé de vous déranger à nouveau, mais je n'ai rien pour le repas de Pepper et si je peux sauter un repas, elle non. J'étais clairement mal à l'aise de la déranger pour retourner en ville. Je n'avais pas prévu qu'elle me sorte de la nourriture pour chien d'un de ses placards. Ca devait appartenir à Raspberry, son chien décédé il y a peu. Attrapant ce qu'elle me tendait, j'étais prêt à repartir tout aussi vite que j'étais arrivé quand Pepper se décida à grimper dans le lit de Lullaby. Pepper, descend ! T'es pas chez toi. J'avais beau lui ordonner de descendre, elle ne bougeait pas. Je n'étais pas du genre à m'énerver sur mes animaux, mais peut être qu'avec le trop plein des derniers jours, la fatigue et l'angoisse de ce qui allait m'arriver... Je prononça le nom de ma chienne un peu plus fort que je n'aurais du. Pepper était un chien que j'avais sauvé sur le bord d'une autoroute, je ne savais pas ce qui lui était arrivée avant, alors je ne fus pas surpris de la voir apeurée. Le regret prit le dessus sur tout. Ma pauvre chienne n'y était pour rien dans tout ça. Pepper, je suis désolé. Vient. Lullaby t'a donné du poulet. Allez girly girl, vient... Elle ne bougeait pas d'un iota et je finis par regarder la jeune femme chez qui ma chienne avait décidé de s'installer. Elle peut rester un peu ? Elle reviendra vite vers moi, elle a faim. Mon ventre grogna à son tour, car j'avais également faim. Du moins, mon corps avait besoin d'un peu d'énergie, moi je me serais passé volontier de manger.

Etrange, Etrange. Très étrange.
Il avait accepté une nuit, et après ça, je pensais le ramener à son bureau pour qu'il prenne sa moto et qu'il revienne, mais à la place, il retira son haut, dans l'idée d'aller prendre sa douche. Et moi ? Et bien, j'ai reluqué son torse sans savoir quoi faire ni dire, avant de m'éclipser, forcée de retourner à mon van. Enfermée là, en attendant ... quoi ? En attendant rien. Je pris mon portable pour surfer sur bowtie, mais irrémédiablement, mon regard était attiré par l'extérieur... et j'aperçus même mon nouveau patron, en tenue d'Adam, en train de se doucher dehors.

- Holly Fuck... soufflais-je en le reluquant sans vergogne, et son torse musclé n'avait rien à envier à son postérieur. Chut, non... Lully, non... regardes ailleurs, voilà, on regarde ailleurs. Repense à cette journée Ô combien bizarre, à sa fiancée tarée qui m'a agressé, à ce boulot que je vais faire... ouais penses aux oiseaux, enfin rapaces...

J'évites la fenêtre et tire sur le rideau même me jette sur une bière comme la misère sur le monde et échange quelques textos avec une pote.

*il est comment?*
*étrange*
*étrange sympa ou étrange bizarre*
*Sympa. Mais sa meuf est tarée*
*Ah... ben regardes toi dans un miroir, tu comprendras alors que toutes les copines des mecs qui vont migrer autour de toi, seront tarées*
*nia nia nia*

Sa voix me coupa dans ma discussion, je me levais de la banquette, et Pepper vint me renifler avant de renifler le van.

- Ah euh... ouais j'ai de quoi si besoin.

Je me baissais pour chercher des croquettes et lui tendre le paquet. Pepper s'était installée sur mon lit et je ris, allant la rejoindre sur le bout de mon lit. Neven était tendu, et tenta avec autorité de l'appeler.

- Attends attends... Neven... Euh... c'est étrange tout ça. Heum... Je peux te ramener vers ta moto, comme ça tu auras ton autonomie, et je pourrais rentrer à la ferme. Ou... Ou... Viens te poser, euh... là... lui dis-je en lui montrant la banquette. Je t'offre une bière si tu veux et je t'invite à manger, tu pourras parler ou pas si tu n'es pas un grand bavard, et puis après... et bien après si tu veux venir avec moi, j'ai une soirée sur la plage, avec tes potes surfeurs.

Bizarre, c'était bizarre ça, tout était bizarre dans cette journée.

@Neven Monroe