Amour et conséquences - PV Donovan [TERMINE]

Amour et conséquences

Je me retrouve devant une porte le poing levé, prêt à obéir à un ordre de mon cerveau qui lui aura demandé d’y frapper quelques coups. Mon poing se baisse, et je m’adosse un instant contre le mur, fermant les yeux et inspirant un grand coup pour essayer de me donner du courage. C’est pas mon genre de poursuivre un mec qui m’a larguée... Et puis d’abord, c’est toujours moi qui largue, que les choses soient bien claires ! Mais on s’en fout de qui a largué qui n’est-ce pas ? Quand j’ai quitté Brisbane il y a deux ans pour m’envoler pour la Thaïlande, je n’imaginais pas que j’en reviendrais mère. Pourtant même si pour l’instant ça se voit à peine, je suis bel et bien enceinte de trois mois déjà, et mes jeans taille basse commencent doucement à devenir un peu inconfortables. Je crois que je me suis faite à cette idée, même si les premiers temps ça n’a pas été facile. Ce n’était pas prévu au programme, tout ça est déroutant et je me demande encore comment je vais faire pour que tout se passe bien.

Donovan, c’était un amusement, un coup d’un soir. Bon coup... Excellent coup même, et c’est ce qui m’a donné envie de renouveler l’expérience avec lui les mois qui ont suivi. Malheureusement pour moi, il n’était pas qu’un bon coup, et le côtoyer m’a permis de m’en rendre compte. Ce qui m’a rapproché de lui au départ était aussi superficiel que ce qui m’a donné envie d’être vue par lui autrement qu’un substitut pratique de sa Victoria était profond. Ca ne prévient pas ces choses là, ça ne vous envoie pas un signal d’alarme qui vous dit clairement «attention fillette ! Tu tombes amoureuse, c’est pas une bonne idée !». En même temps, est-ce que je l’aurais écouté ce signal d’alarme s’il avait retentit ? N’importe qui me connaissant vous répondrait que non, et il aurait raison.

C’est que je suis du genre pourrie gâtée, vous voyez ? Le genre de nana qui a toujours tout eu tout cuit dans la bouche, qui est née avec une cuillère en argent dedans, et qui ne supporte pas qu’on lui dise non. J’assume, c’est ainsi que je suis faite et je ne vais pas changer maintenant. Sauf que là, il ne s’agit pas d’un simple caprice. Oui, j’ai eu mal quand il est parti comme un voleur. Oui, j’ai tout fait pour ravaler ma peine, relever la tête et me dire que ça allait aller, que j’allais passer au-dessus de ça, qu’il y avait d’autres poissons dans l’océan et que j’allais finir par en ferrer un plus beau encore. Et je me serais plus que probablement tenue à ces bonnes résolutions si je n’avais pas commencé à être malade le matin, si un test de grossesse ne m’avait pas révélé l’inconcevable, si un médecin de l’hôpital principal de Bangkok ne m’avait pas confirmé que j’allais rejoindre le pourcentage extrêmement probant de fiabilité de ce genre de test. Voilà que j’étais enceinte d’un homme qui m’avait prétendu être stérile... Un remake bon marché de la Vierge Marie...

J’ai tourné, retourné, et retourné encore cette histoire dans ma tête, interrogé tous mes amis pour être sûre que je n’avais pas un soir été trop bourrée pour me rappeler le lendemain que j’avais couché avec quelqu’un. Evidemment que ce n’était pas possible, je ne me suis JAMAIS retrouvée bourrée au point d’oublier ce que je faisais, mais j’essayais de trouver une solution, vous voyez ? Sauf que j’ai dû me rendre à l’évidence : Don était le père, il n’y avait aucun doute possible. Alors soit il s’était bien foutu de moi, soit l’enfant que je portais était un vrai miracle et on parlera encore de moi dans deux mille ans. Faut que je pense à faire établir un contrat qui m’assurera des royalties ! Je sais, c’est pas drôle.

Bref, j’ai appris la nouvelle à trois semaines de la fin de mes études en Thaïlande. Je devais y rester encore un peu, pour profiter, attendre la remise des diplômes... Mais bien évidemment, au vu des circonstances, j’ai réservé un vol pour rentrer le plus rapidement possible. Et pendant ces trois semaines, j’ai réfléchi à ce que j’allais faire, prenant en compte toutes les possibilités. Celle de l’adoption a été écartée très vite, je savais que je ne pourrais pas faire ça. Mais entre garder le bébé ou avorter, il n’était pas facile de se décider. Moi qui pensais pouvoir profiter de la vie, j’avais un peu l’impression que cet événement allait me priver de liberté, je me sentais trop jeune, j’aurais voulu que les choses se passent autrement. Pourtant à chaque fois que je sortais dans la rue et que je voyais des femmes avec leur nourrisson, je ressentais une émotion indéfinissable qui a fini par faire pencher la balance. J’allais garder cet enfant, je serai une mère à la hauteur, et je refusais qu’il grandisse sans père. Don devait être au courant, et il ne se débarrasserait pas de moi avec une poignée de dollars, ce n’était pas ce que j’attendais de lui.

Me voici donc à Bowen, devant la porte de la chambre d’hôtel de Donovan, en train de rassembler mon courage pour ce moment qui allait de toute évidence être assez épique. Ca ne faisait pas si longtemps qu’on s’était quittés, mais l’idée de le revoir me faisait bizarre, j’avais une boule au ventre. Sans doute des relents de cette colère que j’avais ressentie à son égard lors de son départ. Pourtant il fallait bien que j’affronte. Etre une bonne mère, ça commençait par là. Alors j’ai soufflé un grand coup et mon cerveau a fini par donner l’ordre tant attendu à mon poing. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrait, et moi je tentais tant bien que mal de faire bonne figure et de sourire.


Surprise !

Amour et conséquences

Finalement, ça n’avait pas été si difficile que ça de le retrouver. Il n’y avait pas trente six mille «Emery» à Bowen, et la troisième maison a été celle de ses parents. Une femme souriante m’a ouvert la porte, et il a suffit que je dise que j’étais une amie de Donovan, que je l’avais rencontré à Bangkok alors que j’y étudiais pour qu’elle me donne son adresse actuelle avec un vrai plaisir ! C’est logique, je présente bien, on voit que je suis une fille née dans une bonne famille. Mais j’ai été surprise d’apprendre qu’il vivait à l’hôtel. Don était pourtant un homme qui avait de l’argent, alors que faisait-il à l’hôtel ? Pourquoi n’avait-il pas une maison, un appartement, un loft ? Bon, ça avait peu d’importance finalement, le principal, c’était que je l’avais retrouvé. Maintenant, restait à savoir comment j’allais lui annoncer la grande nouvelle. Oh je vous vois déjà venir ! Je sais, j’ai eu plusieurs semaines pour y penser. Et je l’ai fait figurez-vous. Sauf qu’au final, je n’ai pas réussi à prendre de décision. Trop de méthode tue la méthode, voilà la conclusion que j’ai tiré à l’issue de ce brainstorming que je m’étais imposé. Conclusion qui, au final, ne me menait pas bien loin. Pourtant j’étais là pour ça. C’est pour ça que j’étais venue à Bowen, pour ça que je comptais m’y installer. Je me voyais mal retourner à Brisbane alors que le père de mon enfant vivait ici ! Bon, mes parents ne sont pas encore au courant. En fait, ils me croient encore en Thaïlande. Comme je suis rentrée plus tôt que prévu, je me suis dit que je ne leur révélerait rien avant d’avoir mis les choses au point avec Don.

Je me demandais soudain comment il allait réagir. C’est quoi sa position par rapport aux enfants déjà à la base ? Est-ce qu’il en voulait ? Non parce que... Pour dire à une nana qu’on est stérile pour réussir à lui faire un gosse en une seule fois sans préservatif, faut vraiment y aller ! Je ne savais pas quoi penser de tout ça, je ne comprenais pas pourquoi il m’avait inventé ce bobard. Dans le feu de l’action parce qu’il ne voulait pas passer à côté d’une partie de jambes en l’air ? C’est vrai qu’il était plutôt chaud ce soir là, et quand j’ai vu que je n’avais plus de capote, je lui ai dit. C’est à ce moment là qu’il m’a dit qu’il était clean et qu’en plus, il était stérile, qu’on ne risquait rien. Tu parles qu’on ne risquait rien ! En tout cas je ne vais pas tarder à avoir quelques réponses à mes questions. La porte de la chambre d’hôtel vient de s’ouvrir et c’est un Don avec une sale tête qui m’ouvre. Ouh là ! Faut dormir pèpère !


Moi aussi je suis contente de te voir. Je peux entrer ?


Fidèle à moi-même, je lui claquais un smack sur la bouche et me frayais un passage jusque dans la chambre sans attendre sa réponse. Je n’allais pas lui annoncer ce genre de chose sur le palier, hein ? Et puis le gars s’était barré sans un mot, la moindre des choses, c’était qu’il m’offre un café. En plus au vu de sa tenue, il sortait du lit, et y’avait des choses que le commun des mortels ne devaient pas voir. Hum...


OK... Je crois que tu devrais d’asseoir Don, il y a un petit truc que j’aimerais te dire.


Sourire aux lèvres, je tapotais la place libre à côté de moi sur le canapé où je venais de prendre place. Effectivement, il valait mieux qu’il soit assis. Comme j’avais brainstormé (vous vous souvenez ?) et que j’étais arrivée à la conclusion que trop de méthode tuait la méthode, et bien j’ai décidé d’y aller sans méthode du tout. Direct, sans la petite déco qui adoucit tout. Ca fait sans doute brut de décoffrage au réveil, mais au moins ça sera efficace, et puis le but c’est qu’il sache, non ?


Alors... Tu te souviens de la soirée d’anniversaire de Carlos ? Le gars qui était dans ma classe.


Mémorable, il fallait y être pour comprendre à quel point ! Le gars avait fait les choses en grand et avait amené son Espagne natale, sangria comprise, dans un club qu’il avait réservé pour l’occasion. Enfin bref, on s’en fout.


En fait je me souviens précisément de la date, parce que c’est la date d’anniversaire de mon père.


Là, je laisse planer le mystère. Don doit se demander ce que je raconte, pourquoi je lui parle de cette fête. Mais j’y viens les enfants, j’y viens.


Il devait être quatre heures du matin quand on a quitté la fête, et on est allés chez moi. Tu étais en pleine forme, très chaud, et pendant que tu me déshabillais sur le lit, j’ai ouvert à tâtons le tiroir de la table de nuit... Là je t’ai arrêté et je t’ai dis que je n’avais plus de capotes. Tu te souviens de ce que tu m’as répondu ?


Voilà, on commençait à en venir aux faits, ça devenait intéressant.


Tu m’as dit que tu étais clean, et qu’en plus, tu étais stérile, donc que je ne risquais pas de me retrouver enceinte. T’as même eu un rire nerveux à ce moment là. Après... Ca a été trois bonnes heures de sexe non stop...


Trèèèès bon souvenir que cette conception. Remarquez, c’était toujours un bon souvenir nos moments à deux. Je sortais alors un papier de mon sac. Celui du gynéco qui m’avait fait mes analyses. Je pointais du doigt une date écrite en gras.


Tu vois la date de conception ? C’est à deux jours de battement seulement. Et bien cette date... C’est la date d’anniversaire de mon père ! Et ça correspond à la seule et unique fois de ma vie où j’ai fait l’amour sans que le mec ait de préservatif. Conclusion ? Félicitation, tu vas être papa !

Amour et conséquences

J’avais peut être été un peu trop directe non ? Remarquez je ne connais pas de façon douce d’annoncer à un gars qu’il va être papa... Enfin du moins dans les circonstances qui nous occupent actuellement. Le test de grossesse non plus n’y a pas été doucement je vous signale, il n’a pas essayé de me préparer avant d’afficher sa grosse croix rose qui voulait dire «Bingo ! Vous avez attrapé la floche et êtes à présent en partance pour un voyage extraordinaire au pays des nausées, des seins qui font mal, des hormones qui font n’importe quoi et du bidon qui pousse ! Youhouuu !». J’ai pas fait Youhouuu si vous voulez savoir, le mot qui m’est sorti de la bouche était moins enthousiaste et pas vraiment élégant.

Le truc vous voyez, c’est que nous les femmes, on n’a pas le droit d’être en colère. Quand on annonce à un mec qu’on a une petite chose de la taille d’un haricot qui pousse dans le ventre et que c’est lui qui a planté la petite graine, il se fout dans un état pas possible et nous lance des reproches à n’en plus finir. Bah oui, c’est notre faute, lui il avait simplement rippé on ne sait comment et on l’a fait exprès d’être là pour le recevoir ! Non mais sérieusement qu’est-ce qu’ils croient... Que c’est amusant ? Nous on le porte cet enfant, merde ! On est malade, on doit faire attention à ce qu’on mange, à ce qu’on boit, on grossit, on a mal au dos, on ne sait plus comment se mettre pour dormir la nuit, et je vous passe tous les effets secondaires d’une grossesses propres à chaque femme et qui ne sont que l’apéro de ce dîner copieux !

Oui parce qu’il y a l’accouchement aussi. On doit passer une tête qui a la taille d’un melon dans quelque chose qui a la taille d’un citron, on se retrouve allongée, les jambes écartées devant un tas de gens qu’on ne connaît pas à pousser tout en jurant et en criant de douleur. Et pendant ce temps là, il fait quoi papa ? Soit il fait semblant que rien ne s’est passé parce qu’il estime que ce n’est pas son problème, soit il fume le cigare avec ses abrutis de copains et il filme l’heureux événement. Mais oui, c’est tout à fait logique que ça soit toujours eux qui piquent une crise quand on leur annonce qu’on porte leur bébé ! Bande d’ingrats !

Bon... Restons calmes. J’encaisse, même si je me dis qu’il est quand même sacrément gonflé le petit gars ! Vas-y, traite moi de salope, ça ira plus vite, naméo ! La seule raison pour laquelle je me retiens de lui envoyer un uppercut dans la tronche, c’est que je suis sûre de mon fait. Je sais avec la plus totale des certitudes qu’il est le père de l’enfant que je porte, tout simplement parce que je sais avec qui j’ai couché, je sais comment, je sais pourquoi, et que la médecine, elle n’est pas toujours fiable ! Si c’était le cas, les hôpitaux ne seraient pas couverts par les plus grands cabinets d’avocats du pays, non ? Don est dans un état proche de l’Ohio, il gesticule dans tous les sens, tout en ayant l’air pas éveillé du tout, et l’odeur que je sens dans sa chambre me fait penser qu’il a dû bien s’amuser hier soir et qu’il n’a pas fumé que la moquette...


On était dans une relation libre, c’est vrai. Mais aussi incroyable que ça puisse paraître, j’ai été fidèle pendant ces quatres mois !


Question de principe, jamais deux mecs à la fois. Don n’était pas du tout prévu au programme de mon escapade Thaïlandaise, mais il était loin de s’imaginer l’effet qu’il avait eu sur moi et les sentiments que j’avais fini par développer pour lui. S’il pensait que j’allais lâcher l’affaire parce qu’il haussait le ton, il allait tomber de très haut !


Et si tu veux savoir, je n’ai même eu personne après que tu sois parti comme un voleur alors ne viens pas me faire de reproches, c’est un peu gonflé !


Contrairement à lui, je ne m’emportais pas. D’accord, mon ton était devenu plus sec et tranché, mais je gardais mon calme et le fixais avec assurance et détermination. Je ne suis pas du genre à me laisser impressionner facilement, je peux vraiment être butée bornée quand il le faut, surtout quand je suis dans mon bon droit, et c’est le cas aujourd’hui.


Je ne suis pas venue te réclamer d’argent, ça j’en ai rien à foutre, tu vois ? J’ai largement les moyens de l’élever. Mais je ne veux pas que cet enfant grandisse sans père, ta présence sera nécessaire à son équilibre.


Traditionaliste la demoiselle ? Même pas. C’est juste à mon avis une simple question de bon sens, et tous les psychologues vous diront qu’un enfant ayant deux parents est plus épanoui. Si c’est une fille, elle aura besoin d’un papa à admirer, si c’est un garçon, il aura besoin d’un papa pour jouer au foot ou je ne sais quoi.


Je veux bien comprendre que ça soit un choc, surtout si effectivement tu as des analyses qui te disent que tu es stérile. Alors voilà ce que je te propose : Choisis toi-même une clinique privée où on pourra faire une analyse ADN et on y va sur le champ. Je sais qu’ils peuvent prélever un peu de liquide amniotique qui contient l’ADN du papa et de la maman. Toi on va te passer un coton tige dans la bouche, et en payant la somme qu’il faut, dans une semaine on a les résultats. Je paierai, ça ne me dérange pas. Si c’est négatif et que tu n’es pas le père, je quitte Bowen et tu n’entendras plus jamais parler de moi. D’accord ?

Amour et conséquences

J’étais arrivée ici en balançant une vraie bombe, et j’avoue que je ne l’avais pas fait de la façon la plus douce qui soit. La nervosité m’avait agir un peu trop sèchement, mais je ne sais pas s’il y a un bon moyen d’annoncer ce genre de chose. En tout cas j’étais soulagée sur un point : il ne m’avait pas menti, il se croyait réellement stérile. C’était important pour moi de savoir ça, et ça avait fait descendre considérablement ma colère. Finalement, c’était un concours de circonstances tout ça, personne n’était fautif. Mais je devais voir les choses avec un certain recul. Moi qui ai tendance à toujours penser à moi, moi la petite fille capricieuse à qui on ne refuse jamais rien, j’allais être maman. Ca voulait dire que je devais prendre mes responsabilités et faire ce qu’il y avait de mieux pour ce bébé, en pensant à lui en priorité. Ma fierté me hurlait que je ne voulais pas d’un homme qui ne voulait pas de moi. D’ailleurs avant d’apprendre mon état, je n’avais aucunement l’intention de chercher Don et d’essayer de le récupérer.

Mais je n’étais pas la seule à devoir prendre mes responsabilités. Don allait être père, ce n’était pas rien, et lui aussi de son côté devrait faire des concessions. Je n’étais pas le genre de fille froide qui allait en profiter pour récupérer du pognon et lui faire la misère pour qu’il voie son enfant, ce n’était pas mon genre d’être aussi mesquine, alors dans un sens, il aurait pu tomber sur pire. Ce bébé avait le droit d’avoir une famille, Don avait le droit de profiter de son enfant, et je n’avais pas à faire tout le boulot toute seule. C’était aussi simple que ça. Alors non, c’est vrai, la situation n’était pas idéale. Il aurait préféré qu’une autre porte son bébé, j’aurais préféré que le père de mon enfant soit amoureux de moi... Mais la vie n’est pas idéale, on ne peut pas tout avoir. Par contre, on peut faire en sorte de tirer le meilleur de ce qu’on a. C’était ça, ma vision des choses.

Ca avait été extrêmement blessant de l’entendre presque m’accuser d’être une Marie-couche-toi-là. J’en ai des défauts, c’est sûr, mais pas celui là. Je trouvais cette accusation totalement injuste, mais heureusement, je savais qu’il avait balancé ça sur le coup de la stupeur et de l’incompréhension. Avant de venir ici, je savais qu’il allait me dire que rien ne pouvait certifier qu’il était le père. Alors j’ai fait des recherches pour savoir ce que je pouvais faire pour qu’il en ait le coeur net, et j’avais vu qu’on pouvait faire un test ADN, que le liquide amniotique possédait la signature ADN du père et de la mère de l’enfant. Ca serait facile pour lui de savoir avec certitude qu’il était bel et bien le père de ce bébé. A la limite, je trouve même ça normal, ce n’est pas rien ce que je lui demande, il ne peut pas s’embarquer dans ce genre de chose sans avoir des garanties.


Je veux qu’on le fasse ce test. Pas pour moi parce que je suis certaine à deux cents pour cent de ce que j’avance. Mais je préférerais sincèrement qu’il en soit de même pour toi. Ca sera mieux pour toi, et mieux pour l’enfant si tu n’as pas l’ombre d’un doute.


Rien ne serait pire que ça. Au moins, il sera fixé, pour de bon, et il ne pourra plus jamais en douter. Ca sera plus simple pour lui de s’impliquer. En plus, je pourrai en profiter pour avoir ma première échographie. Je ne voulais pas faire ça en Thaïlande, et aussi con que ça puisse paraître, je voulais que le père soit présent, ne pas vivre ça toute seule. Je crois que j’ai un peu la trouille qu’on m’annonce que quelque chose ne va pas. J’y tiens déjà à ce bébé, je ne veux pas vivre tout ça toute seule.


Il ne s’agit pas de ce que je veux, ni de ce que toi tu veux. Tu sais Don, c’était pas un jeu pour moi, mais j’ai trop de fierté pour courir après un homme qui ne veut pas de moi. Je n’aurais jamais essayé de te retrouver sans cette histoire, on avait tous les deux prévu autre chose pour la suite. Mais ce bébé est là, et je n’ai pas du tout envie de le voir comme un gamin que j’aurai sur les bras. Je l’aime déjà, tu vois ? Mais je n’ai pas envie d’assumer ça toute seule.


Merde... Pourquoi elle ne peut pas être idéale la vie ? Je commençais à avoir les larmes aux yeux, parce que je pensais au bonheur que cette nouvelle apportait à un couple, et j’aurais voulu connaître ça. Un seul rapport non protégé et voilà...


Je sais que tu ne m’aimes pas. Mais tu l’as dit, c’était agréable toi et moi. En fait, tu ne nous a jamais donné aucune chance, parce que tu es amoureux d’une autre. OK, je peux comprendre ça. Mais si on y met un peu du notre tous les deux, ça peut bien se passer. Ma façon à moi d’y mettre du mien, c’est de continuer à t’accorder cette relation libre à laquelle tu tenais. Je suis sûre que tu l’aimeras ce gosse, et que tu voudras passer un max de temps avec lui, je ne veux pas te priver de ça, ni le priver d’un papa la semaine parce qu’il ne le verra que les week-ends et la moitié des vacances. Je veux lui offrir une famille, et j’aimerais que tu nous donne cette chance.

Amour et conséquences

Je sais, ce n’est pas une chose facile à avaler. Moi j’ai un peu plus de trois semaines d’avance, j’ai eu le temps de cogiter, de retourner la situation dans tous les sens et imaginer toutes les solutions. Maintenant que je l’ai ma solution, que ma décision est prise, je dois dire que j’en arrive à me demander comment j’ai pu me poser la question. Je me connais après tout, et je sais très bien que je n’aurais jamais pu avorter. Si je peux militer pour donner ce droit aux femmes, je pense vraiment qu’on doit avoir une raison plus que bonne pour en arriver là. Je veux dire... C’est un bébé quoi ! Enfin là, on n’était pas dans des considérations idéologiques. Le fait était qu’il n’y avait aucune bonne raison pour que je m’en débarrasse. Je viens de finir mes études, j’ai les moyens financiers, je vais pouvoir bosser à domicile, je suis en santé et - je l’espère de tout coeur - le bébé aussi... Il faudrait vraiment que je sois égoïste pour privilégier ma petite vie au prix d’une autre ! Ca c’est ma façon de voir, et Don ne m’en fera pas changer.

Au moins, il consent à faire le test ADN, ce qui est déjà un grand pas. Quand il aura devant les yeux le résultat, je suppose que les choses seront plus concrètes, que ça l’aidera quand il n’aura plus le moindre doute sur sa paternité. Là il est dans tous ses états, et pendant qu’il va prendre un bol d’air frais, je pianote sur mon iPhone pour trouver toutes les cliniques privées de la région. Enfin toutes... J’avais oublié qu’on était dans un bled et que Brisbane était loin ! Une seule clinique privée... Ou alors il fallait aller jusqu’à Proserpine. Enfin... Je notais quand même les adresses de ces cliniques là, au cas où Donovan préfèrerait. Une fois fait, je me replaçais correctement dans le fauteuil et reportais les yeux sur le futur papa qui n’avait pas encore quitté son balcon. Alors que je l’observais, il se décida enfin à bouger, mais ce n’est pas avec un air aimable qu’il revenait ! Et voilà... Ca va être ma faute maintenant ! Quand je vous dis que les hommes sont gonflés ! Je levais les yeux au ciel.


Don, arrête ça...


Ce genre de reproches, on en avait franchement pas besoin. On s’était mis tous les deux dans une galère, on était assez grands pour assumer les conséquences de nos actes il me semble, non ? Donovan ne semblait pas de cet avis. Pire, il me traitait carrément de gamine ! Vaut mieux entendre ça et ce qui suit que d’être sourde. Non mais je rêve, Mister hypocrisie 2013, c’est bon, on l’a trouvé, ne cherchez plus !


Tu ne me trouvais pas si gamine quand tu finissais tes soirées chez moi à Bangkok ! J'ai pas quinze ans quand même n'exagère pas !


Je croisais les bras et lui lançais un regard de reproche. Et puis la gamine était celle qui réagissait avec le plus de maturité dans cette histoire, il était quand même culotté de me faire son petit sermon, vous ne trouvez pas ? Mais j’avais du répondant, et j’avais l’avantage de garder mon calme, ce qui était loin d’être son cas !


N’essaie pas de me faire croire que tu t’inquiètes pour moi, c’est de toi dont il s’agit Don ! Tu ne vas plus pouvoir te complaire dans ton histoire de coeur brisé en buvant comme un trou ou en fumant des joins, et ça te fait tellement peur que tu es incapable de voir à quel point ça peut être agréable d’être père. Désolée, mais je refuse d’avorter, pas parce que j’ai envie de te faire chier, mais parce que c’est un être humain, mon enfant, le tien aussi, c’est pas un colis qu’on renvoie à l’expéditeur parce qu’il n’arrive pas au bon moment, c’est trop facile ça ! Ce bébé on l’a fait à deux Don... Je ne vais pas m’en débarrasser parce que tu as mieux à faire.


Victoria... J’étais sûre et certaine qu’il était toujours dans son trip avec cette nana. Pour l’instant de toute évidence la demoiselle résiste puisque je le retrouve dans une chambre d’hôtel un lendemain de veille ! Est-ce qu’il préférait vraiment cet état d’esprit à celui qu’il pourrait avoir s’il s’intéressait à son futur gosse ? Il est tellement bien là, à se lamenter... Pourquoi changer quoique ce soit, hein ? Franchement j’avais envie de lui mettre une claque pour qu’il se réveille. Une réputation... Une vie qu’il compte bien récupérer. Qu’est-ce que je vous disais ? Sa vie il était tout simplement en train de la bousiller. Il ne connaissait donc pas l’expression «un tiens vaut mieux que deux tu l’auras» ? A force de rêver, on passe à côté de belles choses parfois. Contrairement à sa précieuse Victoria, j’étais là, mais il était incapable de voir ce que je pouvais lui apporter. Putain... La vie est mal faite.


Ta réputation ? Tu sais ce que tu dois faire si tu veux la conserver, non ? Personne ne t’oblige à te comporter en égoïste, je suis justement là pour faciliter les choses. Rien ne m’obligeait à quitter Brisbane pour une ville où, comme tu l’as dit, je ne connais personne. Je pouvais élever cet enfant loin de toi sans m’inquiéter de ce que tu veux. Mais ses enfants, on les aime indépendamment de la personne avec qui on les fait, et je sais que quand il sera né, tu seras content d’être père.


Je poussais un soupire.


C’est ce qu’il y a de mieux. Pour toi, pour moi, et pour l’enfant. Après si tu veux continuer de compter fleurette avec Victoria, ça te regarde, à toi de voir. Mais je t’offre l’opportunité de tenter quelque chose qui pourrait être bien.


Qu’est-ce que je pouvais dire d’autre, hein ? C’était à lui de voir s’il voulait rendre les choses agréables ou pas, moi je n’étais pas là pour lui pourrir la vie après tout, quoiqu’il en pense.


Bon, on y va ? J’ai pris les noms et adresses des cliniques privées les plus proches, choisis en une, au moins ça sera fait.

Amour et conséquences

On a beau dire, mais parfois on voudrait que les mecs soient fournis avec le mode d’emploi. Jusqu’ici je n’ai jamais eu de relation assez longue avec un homme pour que ça ait de l’importance. Je ne suis pas si facile que ça à séduire, bien souvent ils perdent de leur attrait très vite, quand je commence à les connaitre et gratte sous le vernis pour découvrir ce qu’ils sont réellement. Peu valent le détour, ou alors je n’ai vraiment pas de chance. Pour une fois que j’en trouve un, il faut qu’il me la joue tragédie grecque. Enfin là, la priorité reste le bébé. A croire qu’il ne se rend pas compte de tout ce que ça signifie cette histoire. Après tout, c’est certainement sa seule chance d’avoir un enfant, non ? Si ce qu’il m’a dit est vrai, un rapport médical indique clairement qu’il n’a que très peu de chances d’enfanter un jour, le fait que je sois enceinte tiens donc du miracle.

Quand Donovan a quitté Bangkok, ça m’a fait un sacré coup. C’était la première fois que je commençais à tomber amoureuse, me sentir abandonnée comme ça n’a pas été simple à gérer. Pourtant j’avais tourné la page, je m’étais faite une idée. La vie continuait, il y avait des milliers de poissons dans l’océan après tout et je me savais assez séduisante pour en pêcher un, un de ces jours, pour qui je ne serais pas le second choix. Je ne suis pas conne, je sais que c’est ce que je suis pour lui. S’il n’y avait que moi, je serais encore en Thaïlande, à faire la fête avec mes amis en attendant la remise de diplôme et le retour au pays, dans ma famille à Brisbane. Je ne serais pas là, dans cette chambre d’hôtel qui pue le shit froid, devant un mec qui a mal aux cheveux, n’a d’yeux que pour une autre, et se plaît à me traiter de fille facile et de gamine, qui me fait clairement comprendre que je suis une épine dans son pied.

Seulement voilà, depuis que j’ai appris cette grossesse, je me surprends moi-même. Je voulais offrir à ce bébé une enfance qui m’avait manquée : des parents présents qui s’en occupe. Moi j’ai eu droit à des nounous. Je n’ai pas été malheureuse, je n’ai manqué de rien, mais j’aurais préféré que les choses se passent autrement. Alors oui, je voulais m’occuper de ce bébé à plein temps, et je voulais qu’il ou elle ait son papa dans sa vie à temps plein également. Les contacts sont extrêmement importants, ce n’est pas pour rien qu’on propose aux pères de tenir leur bébé peau contre peau à la maternité !


Minute papillon... Je ne juge pas tes actes, et Victoria est le cadet de mes soucis. Je te l’ai dit, si tu veux continuer ton histoire avec elle, quelle qu’elle soit, ça m’est égal.


Remarquez, la demoiselle va devoir faire avec un nouvel élément. Moi. Enfin... L’enfant plutôt. J’imagine que ça ne va pas forcément lui plaire de savoir que Don a mis une fille enceinte lors de son séjour à Bangkok. Mais tout ça, ça les regardait. En tout cas je n’allais pas jouer les femmes invisibles uniquement parce que ça les arrangeait. Don semble oublier qu’il n’y a pas que sa petite vie qui est bouleversée par tout ça, la mienne l’est aussi. Quand un mec tombe sur une femme qui est déjà maman, la plupart du temps il se barre en courant !


Je ne veux pas qu’un étranger s’occupe du bébé. Mais je ne veux pas non plus être la seule à me lever la nuit pour lui donner son lait, à veiller sur lui s’il chope un rhume ou s’il a mal au ventre. Tout comme je ne veux pas être la seule à lui donner des câlins ou à jouer avec lui. Mes parents m’ont manqué quand j’étais gosse, Don. Je ne veux pas que mon enfant vive ça. Je ne suis peut être pas assez bien pour être la petite amie idéale, mais je veux être la meilleure mère possible.


C’était si difficile à comprendre ? Bon sang bientôt on va me taxer d’intégrisme parce que je veux ce qu’il y a de mieux pour mon enfant. Don et moi, on était liés à vie par ce bébé, qu’il le veuille ou non, et je voulais juste que les choses se passent le plus agréablement possible pour nous trois. Reste à espérer qu’il va se réveiller et voir les choses avec plus d’ouverture. En attendant, je ne pouvais rien faire d’autre que de m’occuper de ce fameux test, de ma première échographie, et de mon installation à Bowen.


Elle conviendrait oui. Je les appelle en t’attendant.


La minute suivante, j’étais en relation avec la clinique et les informait de notre arrivée prochaine. La dame de l’accueil prit tous les renseignements nécessaires, histoire qu’on gagne du temps, surtout pour l’échographie. De ce que je comprenais, ils allaient goupiller les deux vu que de toute façon, l’échographie était nécessaire pour la prise d’échantillon du liquide amniotique. Les résultats arriveraient entre cinq à sept jours ouvrables suivant l’examen, pour peu qu’on déboursait la somme nécessaire afin d’être prioritaire, c’est à dire six mille dollars australiens. Woaw, à ce prix là, y’a intérêt que je le sois, prioritaire ! Enfin, il faut ce qu’il faut comme on dit, et je veux vraiment que Donovan soit débarrassé de ce doute.


Je viens d’avoir la clinique, on peut y aller, ils nous attendent. On prend ta voiture ou celle que j’ai louée ?