don't let me be misunderstood. + spency.

Une semaine et demie, presque onze jours sans la voir. J'avais cette insupportable impression qu'elle m'évitait. Me cachait-elle quelque chose ? Spencer était ma meilleure amie, et jamais elle ne passait un jour sans ne serait-ce que m'appeler le soir ou m'envoyer un simple message. Ce comportement si soudain et étrange résultait d'un malaise. Spency était la première à venir me voir lorsqu'elle avait un problème, et là, elle avait déserté. Elle me manquait, horriblement. Alors, j'avais décidé de prendre les choses en main, d'aller la voir, à son boulot. Au moins, là-bas, elle ne pourrait pas fuir, encore une fois. Il était presque minuit, et je savais que le fast-food dans lequel elle travaillait ne fermait que très tard et que ce jour-ci, Spency était en service. J'étais partagé entre peur et excitation. Peur parce-que je savais que quelque chose clochait, que cette absence si soudaine avait une raison, parce-qu'on était inséparable, qu'on ne passait pas plus d'un jour sans se voir. Et l'excitation, car j'allais revoir ma meilleure amie, après onze jours d'attente, onze longs jours. J'étais exténué par mon travail. Je n'arrêtais pas, je ne voulais pas mettre un terme à ce rythme effréné, parce-que ça me permettait de ne pas penser aux problèmes que j'avais, à l'absence lourde de Spencer. Au volant de ma voiture, je pris la direction du fast-food, endroit dans lequel nous avions passé de nombreux moments, le cœur battant plus fort que d'habitude. J'étais pressé de la revoir, de revoir ce visage qui avait pour don de m'apaiser, de me rassurer. Poussant la porte du célèbre fast-food, j'entrai dans la grande pièce, me dirigeant instantanément vers les caisses alors que quelques personnes faisaient la queue. Arrivé à mon tour, je vérifiai que personne n'était derrière moi, et je levai les yeux vers ma meilleure amie, qui ne m'avait pas encore remarqué. « Bonsoir Spencer. » dis-je, doucement, essayant de parler le moins fort possible, histoire de ne pas attirer des ennuis à la belle Moore.

« T'es en retard Moore! » A force, Billy, le responsable des lieux devrait avoir l'habitude de ma ponctualité incorrigible. Mais, il fallait toujours qu'il prenne ses airs de big boss dès que j'arrivais à mon lieu de travail. J'avais beau essayé de sortir plus tôt des cours, cela ne m'empêchait pas d'arriver à la bourre. C'est avec un sourire débile et hypocrite que je le regardais, enfilant en deux/trois mouvements ma super tenue de caissière. Celui-ci puait d'ailleurs les frites. Très glamour de travailler dans un fast food. D'un côté, si je voulais avoir mon indépendance financièrement, il fallait que je passe par ça. Puis, c'est déjà mieux que rien. Il ne me restait plus qu'à éviter de me faire virer à cause de mes retards. Mes grosses lunettes de vue sur le nez, je me mis à prendre les commandes des clients derrière ma caisse. Et un hamburger par ci, une glace par là, c'était le chaos. Le monde affluait d'heure en heure. Vers les vingt-trois heures, je finis par prendre une pause à l'arrière, dans l'espace des employés. Je ne pouvais pas non plus prendre mon temps, car c'est à heure-ci que les gens venaient chercher leur repas du soir. J'avais englouti une boîte de nuggets et hop', c'est reparti. Soudain, j'eus une petite crampe au niveau des reins. Cette douleur, si seulement je pouvais m'en débarrasser une bonne fois pour toute. Je me courbai légèrement durant quelques instants avant que ça aille mieux. Je repris mes esprits, soufflant un bon coup. J'avais besoin de repos, je le sais très bien. Mais, il ne me restait plus longtemps avant de pouvoir rentrer chez moi. M'avançant vers les comptoirs, je me remis à mon poste, prenant de nouveau les commandes des nouveaux arrivants. « Bonsoir monsieur, qu'est-ce que vous prenez? » demandai-je, tête baisée vers mon écran. Je n'avais pas vraiment regardé le visage de celui qui se tenait devant moi, tout e que je savais, c'est que c'était un homme. Mais, en entendant sa voix, mon coeur se mit à battre à grande vitesse. Oh non, ce n'était pas vrai. Non, pas maintenant. Pourquoi avait-il eu besoin de venir ici ? Cela faisait onze jours, quatre heures et vingt minutes exactement que je ne lui avais pas parlé. Cette précision montre à quel point il me manquait. A quel point je ne pouvais pas passer une minute sans penser à lui. A chaque fois que je prenais mon téléphone en main, je voulais lui envoyer ne serait-ce qu'un texto pour lui demander s'il allait bien. Mais après, il risquait de me retourner la question et là, je n'aurais pas eu d'autres choix que de lui mentir. Et je ne veux pas lui mentir. Enfin, maintenant c'est raté. Je ne comptais pas lui faire paniquer ou quoique ce soit. Donc, intérieurement, je me préparais à passer la soirée la plus longue de ma vie, à tenter de montrer à la personne que j'aime le plus au monde, que tout va bien. Je levai mon regard vers lui, arquant un soucil. « Paris, qu'est-ce que tu fais là ? Tu bosses pas ce soir? » Question stupide parce que si ça avait été le cas, il ne serait pas là.  

Son absence était pesante. J'avais cette impression que quelque chose me manquait, qu'il me manquait une partie de moi, que je n'étais simplement pas entier. J'étais fatigué, j'avais ces cernes sous mes yeux et ce teint assez pâle qui ornaient mon visage depuis quelques temps maintenant, et l'absence de ma meilleure amie n'arrangeait rien. Vraiment rien. J'avais pris ma voiture, roulant le plus vite possible, réduisant peu à peu la distance qui me séparait de Spencer, cette distance qui m'avait torturé pendant plus de onze jours. Je me questionnais, sur la façon dont elle allait réagir en me voyant, allait-elle continuer à fuir ? J'étais décidé à savoir le pourquoi du comment de cette absence. « Bonsoir monsieur, qu'est-ce que vous prenez? » J'étais resté silencieux, attendant qu'elle lève les yeux vers moi, qu'elle s'aperçoive que je l'avais retrouvé, et que dans un sens, j'aurais pu parcourir tous les kilomètres du monde pour la revoir. Ses yeux, ce regard, ce parfum -bien qu'il était quelque peu mélangé à l'huile-, tout ça m'avait manqué. Je m'étais doucement rapproché du comptoir, réduisant encore un peu plus la distance qui nous séparait. Je la regardai toujours avec insistance, cherchant une quelconque fatigue, ou quelque chose qui clochait, quelque chose qui justifiait cette absence. Cette longue absence. « Paris, qu'est-ce que tu fais là ? Tu bosses pas ce soir? » J'arquai un sourcil, visiblement surpris par cette question. Lui avais-je seulement manqué ? Je n'en étais pas si sûr. « Non, pas ce soir. Je voulais te voir puisque apparemment, tu as disparu de la circulation. » dis-je sur un ton presque froid. Bizarrement, j'avais cette rancœur au fond de moi, je lui en voulais d'avoir disparu comme ça, du jour au lendemain, sans prévenir personne, alors que je m'étais fait un sang d'encre. J'avais tellement envie de lui dire à quel point elle m'avait manqué, mais cette rancœur m'en empêchait. Alors, je me tus, restant là, devant elle, attendant silencieusement des explications. « T-tu vas bien ? » Je ne pouvais pas m'en empêcher, j'avais ce besoin de savoir qu'elle allait bien, qu'elle n'avait pas de problème. Et étrangement, cela me fit bizarre de lui avoir posé cette question, puisqu'il y a encore onze jours, je ne lui avais pas besoin de lui demander ; elle venait d'elle-même. Mes yeux dévièrent vers le fond du fast-food, derrière les caisses, où se trouvaient les cuisines, vérifiant que son boss ne traînait pas dans les parages.

Si seulement je pouvais me cacher. A cet instant précis, je me sentais vraiment mal. Comment allais-je faire oublier mon absence injustifiée? Une absence qui m'a presque achevé tellement je mourais d'envie de lui parler. Je ne sais pas si c'était à cause de ce manque, mais le revoir me rendait tout de même heureuse. Il m'était tellement indispensable que le voir me soulageait. J'étais d'autant plus rassurer de savoir que je lui manquais quand même un peu. Visiblement, il était par contre frustré. Qui ne le serait pas après avoir été abandonné du jour au lendemain par sa meilleure amie? C'était mon rôle d'être à ses côtés, de prendre soin de lui. Mais, les circonstances m'avaient poussé à faire un choix entre garder mes problèmes pour moi ou les partager avec lui, comme tous les instants magiques que nous avons eu auparavant. Logiquement, j'aurais dû li en parler. Seulement, je ne voulais pas l'affoler ou quoique ce soit. Bon, là, s'il était amené à découvrir la vérité, je risquais de passer le moment le plus fatidique de ma vie. Même ma maladie à côté de ça, c'était rien. Je tâchais à présent de rester la plus naturelle possible. A sa remarque, je baissais légèrement mon regard. Il était blessé. C'était certain.  Celui-ci enchaîna en me demandant finalement si je me portais bien. Intérieurement, je souriais. Je souriais d'avoir quelqu'un d'aussi protecteur envers moi. J'en avais de la chance, je le savais. Fallait-il encore que je ne gâche pas tout entre nous. « Ca va .. et toi ? T'as l'air fatigué. » lui répondis-je en relevant mes yeux vers lui. Je tournais ensuite la tête vers l'arrière, histoire de vérifier qu'il n'y est pas mon chef. Puis, je repris en faisant semblant de tapoter on ne sait quoi sur l'écran, pour éviter qu'on ne remarque notre conversation. « Je sais, tu m'en veux, mais j'avais trop de boulot ces derniers jours, entre les cours, ici et mes parents, c'est loin d'être la joie. » Mensonges, mensonges.  

Pourquoi avait-elle disparu autant de temps ? Avait-elle un problème avec ses parents ? Ou bien avec ses études ? Toutes ces questions, même les plus farfelues trottaient dans ma tête. J'étais inquiet, réellement inquiet. Parce-que quelque chose n'allait pas. Je connaissais Spencer, peut-être mieux que n'importe qui d'autre, je savais qu'elle me mentait. Et pourtant, j'étais tenté de la croire, de croire que tout allait pour le mieux, qu'elle manquait juste de temps des dernières semaines. « Ça va .. et toi ? T'as l'air fatigué. » Je baissai les yeux, visiblement, elle avait remarqué mon visage marqué par la fatigue. J'étais pris d'insomnie la nuit, réveillé par toute sorte de cauchemars, que ce soit en rapport avec l'hôpital ou encore ce crash d'avion qui n'avait jamais cessé de me tourmenter. Il m'arrivait de ne dormir qu'une ou deux heures par nuit, et forcément, c'était loin d'être bénéfique pour ma santé. J'étais totalement réduit physiquement. « Je vais bien. C'est juste que .. j'ai beaucoup de boulot à l'hôpital en ce moment. » J'aurais voulu lui dire que cet acharnement au travail me permettait de ne pas penser à elle, de ne pas m'inquiéter. En vain. Je n'avais pas pu attendre encore une heure de plus sans ne serait-ce que l'apercevoir. « Je sais, tu m'en veux, mais j'avais trop de boulot ces derniers jours, entre les cours, ici et mes parents, c'est loin d'être la joie. » Je lâchai un rire désespéré, remettant ma mèche rebelle en place, abasourdi par les dernières paroles de ma meilleure amie. « En onze jours, tu n'as pas trouvé le moyen de m'envoyer un seul message Spencer. » Je semblais bouillonner de l'intérieur, parce-que j'étais exténué et que Spencer me manquait, elle me manquait horriblement et j'étais frustré de voir que ça ne semblait pas réciproque. « Merde, onze jours ! Je pensais que tu tenais un peu plus à moi. » finis-je par dire, par un ton plus doux, mais tout de même partagé entre la déception et la colère. J'étais à bout de force, ma meilleure amie m'oubliait, le travail me bouffait .. ma vie en ce moment se résumait à un véritable échec. Je déviai mes yeux sur ceux de Spencer, lui suppliant muettement de m'avouer ce qu'il se passait, parce-que bizarrement, je ne pouvais pas croire ce qu'elle me disait. La Spencer que je connaissais n'aurait certainement pas passé plus d'un jour sans prendre de mes nouvelles. 

L'hôpital. notre lieu de rencontre, mais surtout le lieu que je déteste par dessus tout. A chaque fois que je franchissais la porte coulissante à l'entrée de l'établissement, j'avais des frissons. C'est sans doute exagérée comme réaction, mais rien n'y faisait. J'avais beau être une habituée des lieux, ça ne changeait rien du tout à mon opinion. Il faut quand même l'avouer, sans cet endroit, je n'aurais jamais rencontré Paris. C'est grâce à lui que j'ai réussi à remonter la pente après mon opération. Je ne pourrais jamais lui être assez reconnaissante. Des liens forts se sont tissés entre nous, tellement forts que des fois, je me demande s'il n'y a pas autre chose que de l'amitié entre nous. Je ne me vois pas vivre sans lui. D'ailleurs, passer ces onze jours sans une seule nouvelle de lui, c'était de la torture. J'avais espéré qu'il s'inquiéterait, qu'il chercherait à me joindre. Ce soir, ma réponse était claire. Il était à présent en face de moi. J'essayais de gérer mes émotions, pour ne pas craquer et lui avouer la vérité. Il risquerait de s'énerver, de ne plus vouloir la voir. Ça, non. Je ne pouvais pas me permettre de perdre une personne aussi chère à mes yeux.  lui répondis-je en relevant mes yeux vers lui. Je voyais dans ses yeux fatigués qu'il me suppliait de lui dire ce qu'il se passait. Qu'il le croit ou non, il me manquait. Même un peu trop. A son rire, je gardais mon regard fixé vers lui, comme si cela ne me touchait pas tant que ça. En réalité, si. J'avais envie de lui dire que oui, j'aurais pu mais je suis tellement bornée que je ne voulais pas l'embêter une nouvelle fois avec ma maladie. « T'aurais pu m'envoyer un message toi aussi en onze jours. » Pathétique. Je ne venais de lui lancer un pique inutile juste pour dévier la conversation. Je savais que je m'enfonçais mais je n'avais pas d'autres choix. Enfin si, je pouvais lui avouer que j'étais à nouveau malade. Mais, non. J'avais décidé de jouer avec le feu, au risque de ne plus avoir de meilleur ami en fin de compte. Je vis ensuite un client débarquer et se diriger vers le comptoir. Pour éviter tout soupçon, j'allais remplir un gobelet de soda et revint vers Paris en lui tendant la boisson. « C'est tout ce qu'il vous faut? » lui dis-je d'un ton assez élevé. Je coupais court à la conversation sans réellement le vouloir, ce qui ne plairait pas à Paris. Je n'avais aucun doute là dessus.

J'étais déçu, terriblement déçu. Moi qui pensais que nous étions réellement inséparables, je tombais de haut, de très haut. J'avais l'impression qu'une autre personne se dressait en face de moi, que ce n'était pas la Spencer que je connaissais, mais une simple connaissance emprisonnée dans le corps de ma meilleure amie, qui ne se souciait que très peu de ce lien qui entretenait notre relation. Au fond de moi, je refusais d'y croire. De croire qu'elle avait joué avec moi, avec mon amitié, et que sa vraie personnalité apparaissait. J'étais certain qu'elle me mentait, qu'elle avait de gros problèmes ces derniers temps. Et bizarrement, j'espérais qu'elle en avait, sinon, ça voudrait dire qu'elle s'était lassée de notre amitié et que me voir n'était plus une priorité dans sa vie. « T'aurais pu m'envoyer un message toi aussi en onze jours. » Elle se foutait de moi là ? Je lâchai un nouveau soupire, de vrai désespoir cette fois-ci. Elle rejetait presque la faute sur moi. J'étais écœuré. Parce-qu'elle me prouvait qu'elle ne tenait pas à moi autant qu'elle le prétendait. Il fallait que je me calme, car il était évident que je pourrais exploser à tout moment. Mais je me canalisais, pour elle. Parce-que l'endroit n'était pas propice à la dispute. Je ne voulais pas lui attirer des ennuis, bien que la colère ne cessait de culminer en moi. « Mais tu croyais quoi ?! Je pensais que t'étais occupée. Et puis, c'est à toi qui a décidé de jouer à la morte, c'est pas moi ! » finis-je par dire dans un mélange de désillusion et de colère. J'entendis alors la porte du fast-food se claquer, comprenant qu'un nouveau client arrivait, ce qui était une réelle aubaine pour Spencer de se débarrasser de moi. « C'est tout ce qu'il vous faut? » Elle me tendit ce verre de soda. Je ressentais une tristesse insoutenable, une boule qui m'opprimait, qui m'empêchait de respirer. Je me saisis du gobelet en espèce de carton, effleurant par la même occasion la main de la caissière, cette caissière qui avait autrefois été ma meilleure amie. Plongeant mes prunelles dans les siennes, je la suppliai silencieusement de me retenir, de me dire qu'elle avait eu tort et que ces jours sans moi avaient été un véritable calvaire. Mais rien. « Merci. M-merci pour tout.. » arrivai-je finalement à dire, avec une certaine émotion que j'avais tentée de cacher, en vain. Je me dirigeai vers la porte de sortie, pour finalement rejoindre ma voiture. Peut-être qu'elle reviendra, même si c'était dans deux semaines, je l'attendrai. Tant pis. Je pourrais attendre une éternité s'il le fallait, pour elle. Pour ma "meilleure amie".

Je me détestais. Je n'aurais jamais dû lui répliquer cette phrase. Ça ne se faisait pas, surtout pas dans une situation pareille. Je ne me reconnaissais même plus. Ce n'était pas mon genre de mentir aussi facilement. En temps normal, j'aurais simplement dit ce que j'avais sur le coeur. Les regrets commençaient déjà à me ronger. J'avais une boule au ventre qui se faisait de plus en plus ressentir. Puis, il méritait mieux qu'une réponse aussi froide et insensible. Il avait toutes les raisons de réagir ainsi. Je ne pouvais que me blâmer. Tout aurait été plus simple si je ne m'obstinais pas à lui cacher la vérité. Lorsque le client débarqua dans la salle, je simulai une commande. Lui tendant le gobelet en carton, refroidi par les glaçons, je gardais mon regard fixé dans le sien. J'avais le coeur qui battait à la chamade. Ses yeux me faisaient toujours un effet étrange. Ils me procuraient un bien fou mais en même temps, une incompréhensible instabilité. J'étais perdue dans son regard à chaque fois. De plus, en sentant sa main touchée la mienne, j'eus un léger frisson qui parcourra tout mon corps. Je n'arrivais plus à dire quoique ce soit. Le son de sa voix m'empêchait de garder l'attitude froide que j'avais au départ. Je l'avais complètement blessée, et je m'en voulais tellement. J'aurais voulu le retenir, lui dire de rester, lui dire à quel point il me manque et que j'avais besoin de lui. Mais, c'était trop tard, il était déjà parti. Je soufflais un coup, en me passant les mains dans les cheveux, avant de reprendre mes esprits afin de servir correctement le client qui se tenait face à moi.

[...] Minuit et demi. Les rues étaient désertes. Même pas un chat se baladait. Je sortais du fast food et me dirigeai ensuite vers mon scooter. Je ne pouvais pas m'empêcher de repenser à la scène de tout à l'heure. Paris devait être tellement déçu de moi. Je ne voulais pas qu'il ait une image aussi horrible de moi. Notre relation était unique, je ne pouvais pas la gâcher maintenant. Et si je lui disais la vérité? Il fallait qu'il soit mis au courant un jour ou l'autre, avant qu'il le sache autrement. Là, ça serait pire. Il ne me le pardonnerait jamais. Alors, je montai sur ma Vespa rouge et je partis en direction de l'immeuble où habitait mon meilleur ami. Il était peut-être tard, mais pas pour un insomniaque. Une bonne dizaine de minutes plus tard, je garai mon deux roues  à quelques pas de l'entrée. Je regardais ensuite l'interphone, hésitant grandement à sonner. Et s'il ne me ouvrais pas? Et s'il ne voulait plus jamais me revoir? Je pris tout de même mon courage à deux mains, priant pour ne pas me faire refouler. Je n'eus pas à attendre longtemps avant que celui-ci décroche et s'interroge sur mon identité. « S-spencer. C'est Spencer. » dis-je d'une voix tremblante. Finalement, la porte d'entrée s'ouvrit. Je me sentis un peu plus soulagée, même si les explications qui allaient s'en suivre présageaient rien de bon. Je montais les marches pour atteindre le troisième étage, où je vis une porte entre-ouverte. Je laissais échapper un soupir avant d'entrer dans l'appartement de Pâris. La refermant derrière moi, je me dirigeai vers le salon où il m'attendait. Je restais planter là, à quelques mètres de lui. J'avais décidé de ne plus jouer, c'était terminé. On souffrait trop, tous les deux, ce n'était plus supportable. « Je .. je suis désolée. » Mes paroles sortirent doucement de ma bouche, comme un murmure, ne le lâchant pas du regard.

J'avais besoin de me défouler. Je venais de perdre la personne la plus importante à mes yeux, pour une connerie. Pour un sms ? Ou du moins, c'était ce que je pensais. Ou alors, Spencer n'avait visiblement plus aucune confiance en moi. Elle voulait garder le silence sur ce qu'elle cachait, et ça me perturbait. Énormément. Dans ma voiture, je roulais à toute vitesse, loin d'être un conducteur civilisé et raisonnable. Je n'avais plus aucune notion de sécurité derrière mon volant, je risquai ma vie et celle des autres conducteurs par la même occasion. J'étais incontrôlable. Par grande chance, j'étais arrivé chez moi, sain et sauf. Et pourtant, ma colère ne semblait pas retomber. Je me sentais totalement démuni, dégoûté, dépassé par tout ce qu'il se passait. Sans elle, je ne pourrais pas tenir, c'était certain. Je n'étais rien. Un être errant, sans âme. Elle était ma force au quotidien, mon second souffle. Déverrouillant la serrure à l'aide ma clé, j'entrai dans mon appartement, claquant violemment la porte derrière moi. Je me dirigeai rapidement vers ma cuisine, cherchant toute trace d'alcool fort, je voulais juste oublier à cet instant. L'alcool, ce moyen lâche d'oublier ses problèmes. Lâche, mais facile. Je saisis la bouteille déjà entamée de vodka pure trouvée dans le fond de mon frigo. J'en bus une gorgée, directement à la bouteille, grimaçant face à la force et l'amertume de l'alcool. J'allumai une cigarette, avant d'aller me poser contre la porte de ma chambre, la bouteille d'alcool dans la main droite. Alors que je m'apprêtais à reprendre une gorgée de la boisson russe, la sonnette mon interphone retentit. Et si c'était elle ?! J'abandonnai la bouteille en verre sur le sol-même et écrasai le mégot de ma clope dans un cendrier, avant de me précipiter vers ma porte. « S-spencer. C'est Spencer. » Mon cœur loupa un battement, accélérant considérablement son rythme, qui devenait presque irrégulier mais toujours aussi rapide. Une boule se forma au niveau de ma gorge lorsque j'ouvris la porte et l'aperçus. Je ne savais pas comment réagir. « Je .. je suis désolée. » Son regard croisa le mien, encore meurtri par ses dernières paroles qui résonnaient dans ma tête comme la cloche d'une église. Je baissai les yeux, c'était trop dur pour moi. Je me posais des questions, devais-lui pardonner son comportement si soudain ? Moi qui habituellement était si rancunier. Après quelques minutes de silence, je décidai finalement de m'écarter de la porte, pour l'inciter à entrer dans l'appartement. Appartement dans lequel on passait pratiquement tout notre temps ensemble. A vrai dire, on vivait presque ensemble. L'un était toujours fourré chez l'autre. C'était ça notre relation. « E-Entre. » Après avoir fermé la porte après qu'elle soit rentrée, je m'avançai doucement vers elle, réduisant les quelques mètres qui nous séparait encore. J'étais toujours autant frustrée, autant déçu et blessé, mais je ne pouvais pas me permettre de la perdre, elle. Ça serait du suicide. Une ligne droite vers un trou sans fond. « Je sais pas ce qui se passe en ce moment dans ta vie Spencer, mais tu ne peux pas te permettre de disparaître comme ça, du jour au lendemain, sans prévenir qui que ce soit. » lui dis-je sur un ton plus doux, plus calme, plus posé. Je voulais l'inciter à me donner des explications, à me dire ce qu'il se passait réellement, à m'avouer enfin la vérité.

Cet appartement. Je le connaissais par coeur, à force même les voisins se rappelaient de moi. J'y passais tellement de temps là-bas que les chats devaient eux aussi savoir qui j'étais. Mais ce soir, je ne me reconnaissais plus. J'avais réagi d'une façon insensée envers lui et il fallait à présent que je change, que je me montre sous mon vrai jour. Que je redevienne Spencer, sa Spencer. Parce que moi, j'avais besoin de mon Pâris. Onze jours sans le voir, lui parler, c'était bien trop dur à supporter. Je m'étais affligée cela, enfin je nous avais affligés cela juste pour lui cacher ma maladie. En temps normal, on se confierait automatiquement à son meilleur ami dans des moments comme celui-ci. Evidemment, j'étais obligée d'en faire qu'à ma tête et voilà le résultat. Je me retrouve devant lui, dans une ambiance qui me donnait presque envie de pleurer. JE me rendais compte à quel point je tenais à lui. Il n'était pas simplement mon meilleur ami à mes yeux, mais je ne pouvais essayer de voir plus que cela dans notre relation. Je me mets peut-être encore des barrières pour rien, mais je ne veux tellement pas gâcher cette amitié que je préfère plutôt oublier le fait qu'un peu plus pourrait se passer entre nous. Vu notre situation actuelle, la signification de mes sentiments est le cadet de mes soucis. Je le regardais, honteuse de lui avoir menti jusqu'à maintenant. Je l'écoutais parler calmement, et bizarrement, ma gorge se serra à ses paroles. Sa réaction me touchait. Devais-je finalement lui annoncer que j'ai besoin d'une nouvelle opération? Peut-être. Mais, pas tout de suite. Je soufflais à nouveau, en baissant mon regard, ne sachant pas trop comment aborder le sujet. « Il le fallait. Même si ces onze jours ont été plus qu'insupportables sans toi, je ne voulais pas que mes problèmes deviennent un fardeau pour toi. » La vérité commençait doucement à faire surface. J'en avais assez de le faire souffrir, mais j'avais tellement peur de sa réaction au moment où je lui dirais tout. Enfin, si je le fais. « Mais, tu m'as terriblement manqué. » finis-je par dire en évitant de le regarder pour ne pas verser des larmes. Je n'aimais pas pleurer devant tout le monde, encore moins devant lui.

A vrai dire, j'avais beau vivre officiellement seul, Spencer était toujours fourrée chez moi. Et pourtant, je savais qu'elle avait un appartement, et même un colocataire.. mais c'était comme ça, on se sentait toujours bien tous les deux, ici. Dans cet appartement dans lequel nous avions littéralement fait les quatre-cent coups. « Il le fallait. Même si ces onze jours ont été plus qu'insupportables sans toi, je ne voulais pas que mes problèmes deviennent un fardeau pour toi. » "Insupportables sans toi". Ces trois mots résonnaient dans ma tête, se répétant en boucle, encore et encore, comme si le simple fait de savoir que ces jours avaient été terriblement durs pour elle sans moi, me soulageait. Si elle savait à quel point c'était réciproque. Je n'avais cessé de commencer à lui écrire des messages, pour finalement ne rien envoyer du tout, j'étais passé de nombreuses fois devant son travail pour l'apercevoir ne serait-ce qu'une minute dans ma journée. Mais maintenant, elle était finalement revenue, et ses dernières paroles eurent l'effet d'une bombe dans ma cage thoracique. Je sentis mon cœur se presser, et l'incompréhension et l'inquiétude semblaient toujours de la partie. Elle l'avoua. Elle avait des problèmes et ce qui expliquait sa soudaine disparition. Cet aveu aussi tôt révélé, je me mis à me poser des questions et instantanément, je stressais, parce-qu'elle était ma meilleure amie et que je détestais de savoir que quelque chose n'allait pas dans sa vie. « Tu sais très bien que je suis là pour ça, pour qu'on essaye de résoudre nos problèmes ensemble, c'est comme ça que ça doit marcher. Il faut que tu m'expliques ce qu'il se passe. » On se l'était promis. Que quoiqu'il arrivait, on se dirait toujours tout. Tout. Mêmes nos problèmes les plus personnels et intimes qu'ils soient. « Mais, tu m'as terriblement manqué. » Mon cœur manqua de s'extraire de mon torse tant il était mis à l'épreuve par ces derniers rebondissements. Je restai silencieux, le regard toujours posé sur elle. Puis, je m'avançai vers elle, réduisant alors la courte distance qui nous séparait. Délicatement, je vins envelopper Spencer dans mes bras, passant une main dans ses cheveux pour poser sa tête contre mon torse. « J'espérais tellement que tu me le dises. » J'avais ce besoin qu'elle me rappelle combien je lui étais indispensable parce-que avec elle, j'avais l'impression de me sentir important, de réellement compter dans la vie de quelqu'un. « Tu m'as manqué, Spency. » Finis-je par murmurer, dans un souffle chaud et sincère, avant de déposer mes lèvres sur son front, en signe de protection. Mais maintenant, j'appréhendais la suite. J'appréhendais ce moment où elle allait me révéler quel était son véritable problème. J'étais persuadé que ça n'avait rien d'anodin, parce-que sa longue absence avait résulté de la gravité de son problème. Mes prunelles plongées dans les siennes, j'attendais, priant silencieusement pour que ce moment se termine vite. Très vite.

Meilleures amis. Ce lien représentait tellement de choses à mes yeux. Ce n'était pas tous les jours qu'on rencontrait la personne qui nous connaîtrait mieux que soi-même. Pâris était le seul à savoir comment me faire sourire, me surprendre et surtout, me sentir aimer. Je n'ai jamais eu autant d'affection par quelqu'un, ni mes parents en sont capable. C'était peut-être dur à le croire, mais bien qu'on ne se connaisse que depuis un an, trop de souvenirs, de rires, de disputes se sont écoulés et à présent, on ne pouvait rien ne se cacher. Du moins, c'est ce que je pensais avant les résultats de mon médecin. Je voulais tellement être sincère avec lui, mais j'avais peur que son regard change envers moi. Qu'il me regarde avec de la pitié, ça non. Je devais sans doute paranoïaque, mais je ne voulais pas courir ce risque jusqu'à aujourd'hui. J'avais onze jours à essayer de me résoudre à ma décision, en vain. Les conséquences allaient être dures pour lui comme pour moi, mais au moins, notre relation redeviendrait honnête, sans cachotteries. Lui même me m'incitait à lui dire ce qui se passait. Je n'en avais pas encore la force. Depuis que les médecins m'ont annoncé la nouvelle, je n'étais pas pessimiste, ni triste. A vrai dire, je préférais me voiler la face plutôt que m'apitoyer sur mon sort. Mais là, je m'apprêtais à l'avouer à mon meilleur ami et je me rendais compte de l'ampleur de la situation. J'allais à nouveau subir une opération. Sans aucun soutien familial, comme toujours. Ce n'était pas rien, et cela m'angoissait. Encore plus, maintenant que j'allais le dire à haute voix à celui qui est le plus cher à mes yeux. Lorsqu'il me serra dans ses bras, mes yeux s'humidifièrent lentement. Je me retenais de craquer, passant mes mains sur son dos. Cela faisait trop longtemps que je n'avais pas pu le sentir aussi près de moi. Cela me faisait un bien fou. Et ses paroles d'autant plus. Il se mit à me regarder, attendant mon explication. Ma bouche s'entre-ouvrit lentement, mais rien ne sortait. J'avais tellement peur de ce qui arriverait par la suite. « J'y arrive pas Pâris .. » lui dis-je en secouant légèrement ma tête. Je m'écartais de ses bras, pour m'éloigner de quelques pas, ayant une boule au ventre. Mes yeux commençait à rougir de larmes, c'était bien trop dur d'affronter la réalité. « Je ne peux pas. Tu vas me détester en plus si je te le disais. » Je n'osais même pas le regarder. Je restais dos à lui, m'appuyer contre un bout du mur, tentant de contrôler mes émotions. Mission impossible.

Il m'était impossible de ne plus parler à Spencer. A vrai dire, même lorsque nous nous engueulions, on finissait toujours par revenir l'un vers l'autre, regrettant nos paroles qui pouvaient parfois être blessantes. En fait, c'était simple, je n'imaginais même pas ma vie sans elle. Une vie sans Moore se résumerait à un fardeau de plus à supporter, à des jours terriblement fades et ressemblants, à une tristesse infinie et insupportable qui me tirerait vers un gouffre au fond sombre, très sombre. Je ne pouvais pas vivre sans ma meilleure amie. C'était une évidence. Pâris sans Spencer ne signifiait rien. Cette fille était ma moitié, ma seconde force, mon bras droit, mon second souffle, et dans un certain sens, mon bonheur au quotidien. Elle me connaissait par cœur, et je n'avais aucun secret pour elle. C'était rare d'éprouver ce genre de sentiments pour une personne, des sentiments tellement forts qu'on pourrait littéralement crever pour la personne en question. Et pour elle, j'y laisserai ma vie. Sans aucun doute. Mais bizarrement, je ne m'étais jamais posé de question quant à ces sentiments qui pouvaient dépasser la simple amitié. Et si .. ? Non. Ça ne pouvait aller au-delà d'une relation amicale, parce-que ce serait prendre des risques colossaux, des risques qui pourraient mettre en péril notre amitié. L'enlaçant dans mes bras, j'avais ressenti ce long et agréable frisson, me faisant frémir de tout mon être, comme si la rupture de ce simple contact m'avait été insupportable pendant ces onze jours. Et c'était réellement le cas. Tout ce qu'elle était m'avait manqué. « J'y arrive pas Pâris .. » Pourquoi avait-elle autant de mal à me dire ce qu'elle avait ? Je commençais réellement à penser que son problème était grave, très grave. Elle s'était braquée une nouvelle fois, alors que je faisais tout pour la rassurer, pour lui prouver que je ne fuirai pas face à sa révélation. Je soupirai longuement, avant de m'éloigner à mon tour d'elle, frustré par ce manque de confiance. Je me laissai tomber dans mon canapé, évitant son regard du mieux que je le pouvais, pour éviter d'être submergé par cette vague d'émotions qui ne cessait de m'envahir. « Je ne peux pas. Tu vas me détester en plus si je te le disais. » Je fronçai les sourcils face à cette dernière parole. Elle pensait vraiment que je pouvais la "détester" ? C'était incohérent. « Comment tu peux oser dire ça ? T'es ma meilleure amie, t'es la personne la plus importante dans ma vie, j'pourrais risquer ma vie pour toi, j'ferai tout pour que t'ailles bien.. mais je ne pourrais certainement jamais te détester. » avais-je dis, haussant le ton, me foutant complètement ce que les voisins penseraient de cette altercation à une heure si tardive. Je cherchais mon paquet de clopes, plongeant ma main droite dans ma poche. En coinçant une entre mes lèvres, je l'allumai, prenant une première bouffée de nicotine. J'étais stressé et terriblement blessé. « Je supporte pas de savoir que tu vas mal, et que je ne peux même agir. » avouai-je doucement, reprenant cet air calme et doux, alors que mes yeux étaient toujours posés sur ce point invisible que je fixais. Nous étions loin de l'autre maintenant, elle était adossée contre un mur, alors que j'étais resté sur mon canapé. Était-ce significatif de quelque chose ? D'une certaine "rupture" de cette amitié que j'avais longtemps considérée comme éternelle et sans faille ? Intérieurement, j'espérais que ce ne soit pas le cas, même si je ne pouvais pas me voiler la face quant au changement que ce nouveau différend allait provoquer entre nous.

C'est ce qu'il disait, mais j'avais du mal à y croire. Je lui avais quand même caché la vérité pendant onze jours, sachant parfaitement qu'il est lui-même infirmier. Mais non, j'ai préféré me débrouiller et le mettre à l'écart, le temps que je puisse moi-même me rendre compte de ce qui se passe dans ma vie. Le problème, c'est qu'il était indispensable dans ma vie. C'était un peu une bouffée d'air frais quotidienne. Avec lui, je pouvais penser à autre chose et retrouver le sourire. Aujourd'hui par contre, c'était loin d'être le bon jour. Il était presque une heure du matin, les voisins devaient être couchés depuis bien longtemps. Mais, nous, on se prenait la tête, plutôt moi, lui, il subissait les conséquences. Je me laissais glisser contre le bout de mur, finissant par terre. Ramenant mes genoux contre ma poitrine, je posais ma tête dessus, laissant s'installer un silence lourd. Mes yeux observaient le vide, cherchant une solution à mon problème. A ses mots, je tournais mon regard vers lui. L'odeur de sa cigarette s'éparpillait dans toute la pièce. J'y étais habituée à force, bien que je ne sois pas fumeuse. Je continuais de le fixer, restant au sol, me forçant à lui dévoiler la vérité, à contre coeur. « Même si je te le disais, tu ne pourrais pas faire grand chose .. » lui répondis-je sans hausser le ton. Cette ambiance commençait à peser. Mais, j'étais la seule à pouvoir arranger cela. Enfin, disons que j'allais aggraver la situation pour le bien de notre amitié. Un peu paradoxale comme idée, comme si j'avais le choix .. Je soupirais légèrement en reculant ma tête contre le mur, avant de fermer les yeux pour enfin lui sortir ses quelques mots doucement. « Je suis de nouveau malade, Graham. » Voilà. Je venais de l'appeler par son deuxième prénom. Encore une habitude que je ne pouvais pas oublier. J'étais sans doute la seule à l'appeler ainsi, preuve que je le connaissais parfaitement. C'était enfin dit. Je gardais mes yeux fermés, n'osant pas les ouvrir maintenant que je m'étais confiée.

C'était frustrant. De savoir qu'elle allait mal et que je ne pouvais absolument rien faire pour l'aider. C'était comme .. recevoir des milliers de poignards dans le dos, comme se sentir totalement inutile ; oui c'était ça le mot .. inutile. J'étais désarmé face à Spencer, je ne pouvais pas l'obliger à me révéler son problème, et puis, peut-être que même si je le savais, je ne pourrais rien y faire. C'était sûrement ce qui me faisait le plus peur. Amenant une seconde fois ma cigarette entre mes lèvres, je tirai une longue latte, avant de rejeter la fumée toxique au-dessus de moi. L'ambiance s'était visiblement refroidie, même dégradée au fil des minutes. J'étais en manque de sa confiance qui avait pourtant été, autrefois, aveugle en moi. « Même si je te le disais, tu ne pourrais pas faire grand chose .. » Et voilà, mes plus grandes craintes étaient confirmées. Je n'étais pas Dieu, je ne pouvais pas changer le monde et rendre mes amis heureux par un simple claquement de doigt. Ça serait facile, trop facile si ça marchait comme ça. « Essaie quand même. » Oui, je voulais qu'elle m'avoue ce qu'elle avait, je voulais être au courant, et avant toute chose, je voulais retrouver ma meilleure amie, ma Spencer en lui enlevant ce poids sur le dos. « Je suis de nouveau malade, Graham. » Je restai bouche-bée. Mon monde s'était écroulé. Ça pouvait être fort dit comme ça, mais c'était littéralement le cas. Parce-que Spencer était mon monde. J'avais enfoui ma tête dans mes mains, alors que mes coudes étaient posés sur mes genoux. Ce putain de rein lui gâchait la vie, et par la même occasion, gâchait la mienne. Bizarrement, tous ces souvenirs passés avec elle à l'hôpital remontaient à la surface, des souvenirs sombres où j'avais du lui remonter le moral et la forcer de ne rien lâcher, et même des moments agréables. Parce-que nous en avions traversé des moments dans cet endroit, celui où je l'avais rencontré. J'avais été son infirmier, j'étais devenu son meilleur ami, et là, j'allais reprendre mon premier rôle, parce-que j'avais besoin de prendre soin d'elle. « T'aurais du m'en parler avant Spencer, c'est pas rien, t'es malade ! » dis-je alors que je me levai, faisant les quatre-cent pas dans l'appart'. J'étais stressé, terriblement inquiet pour la santé de Moore. « J'ai une idée. » dis-je, en m'arrêtant, en plein milieu de la pièce, relevant la tête, me retournant vers la brune assise contre la porte. « Je vais faire des tests .. pour voir si je suis compatible. » J'étais prêt. A lui donner un rein, un bras jusque ma vie même, s'il le fallait. J'étais certain qu'elle allait me remonter les bretelles, de proposer une telle chose, et qu'elle serait contre cette idée. Mais là, c'était différent, je savais qu'elle en avait besoin d'un très vite, car elle souffrirait, et qu'elle subirait des soins à peine supportables à l'hôpital. « Il faut qu'on aille à l'hôpital, pour t'inscrire le plus vite sur la liste des attentes de greffe en attendant que je fasse les tests. » J'étais incontrôlable, ayant déjà pris mes clés de voiture dans une main, j'étais déjà prêt à partir, à aller à mon lieu de travail, dans l'espoir de sauver ma meilleure amie.