if you're going through hell, keep going. (poppy)

Encore au bureau pour quelques heures, Lyne venait de terminer ses dossiers de la journée, et prenait un peu d'avance pour le lendemain. Non pas parce qu'elle devait partir plus tôt rejoindre quelqu'un, ou sortir on ne savait où, juste parce qu'elle n'avait absolument rien d'autre à faire. « Fais chier ! » Depuis plusieurs minutes déjà, des bruits insupportables pouvaient se faire entendre de l'autre bout du couloir. Alors qu'il n'y avait plus personne, elle travaillait la porte ouverte, histoire d'avoir une vue sur le couloir. Elle se demandait bien ce que pouvait faire cette personne. Elle sortit alors de son bureau afin de mettre la main sur celui qui venait briser sa tranquillité. Plus elle avançait, et plus elle se dirigeait vers un bureau qu'elle connaissait bien. Bien sûr, il fallait s'y attendre. Elle roula des yeux avant de pousser un long soupir et d'ouvrir violemment la porte. Comme ça. Sans même toquer. Elle se permettait tout la petite, en même temps, elle n'avait pas grand chose à craindre. « Un peu moins de bruit Milo-Peter Brad... » Elle se coupa net. Quand Lyne énonçait le nom complet de son patron, c'est qu'elle était dans une sacrée mauvaise humeur. On avait l'impression qu'elle avait ses règles tous les jours, et c'était dix fois pire quand c'était réellement le cas. La surprise prit rapidement le dessus sur son agacement. Mais que faisait-il donc ici ? Le voir à une heure tardive était déjà assez étonnant en soi, alors la scène qui se déroulait sous ses yeux l'était encore plus. « Tu as décidé de camper ici ? Nouveau caprice je suppose, ça te mène à quoi sérieusement ? » Elle vit des valises dans le coin de la pièce, et même une casserole dans laquelle il réchauffait une pizza, ou du moins essayait-il. « Essaye juste d'être moins bruyant. Je travaille. » Ses yeux se dirigèrent ensuite vers la bouteille d'alcool qu'il avait déjà bien entamée. Pas étonnant qu'il ne réussisse pas à réchauffer son repas, il devait déjà être assez en difficulté sobre alors saoul... Elle fit ensuite quelques pas en avant, ramassant sa bouteille de scotch pour la tenir à distance. « T'y arriveras mieux sans ça ! » Il était tellement irresponsable, c'était désolant de travailler pour quelqu'un comme lui. A regarder la scène, on avait plutôt l'impression que Lyne était la patronne, et lui l'employé. Les choses auraient été beaucoup plus simple dans ce sens-là en tout cas. Un tas de réflexions lui passèrent dans l'esprit, qu'elle décida finalement de garder pour elle. Elle ne l'avait jamais vu dans cet état, et il ne semblait vraiment pas au top de sa forme.  Alors le laisser tranquille pour cette fois pourrait être considéré comme la bonne action de sa journée. Elle posa la bouteille un peu plus loin, avant de relâcher ses épaules. Elle sentait la fatigue peser, mais Lyne savait qu'elle était loin d'en avoir terminé avec Milo.

Elle était presque prête à faire un effort, presque. Mais si on la provoquait, elle ne resterait pas de marbre. A croire que la bouteille de scotch n'arrangeait en rien Milo, il était encore pire. Surpris ? Le plus surpris des deux devait être Lyne, qui était bien habituée à rester jusqu'une heure si tardive, contrairement à Milo, qui rentrait dès qu'il en avait l'occasion. Enfin, il allait sûrement rester ici un certain temps à en juger la masse d'affaires personnelles qu'il avait apporté. Elle laissa échapper un rire à la remarque de ce dernier. Il se croyait drôle, qui plus est. « Et bien non, désolée de te décevoir. » D'une voix sèche, elle tentait néanmoins de garder son calme. C'était sa spécialité pourtant, mais ce Milo jouait sérieusement avec ses nerfs. « C'est un scoop, oui. Tu ferais mieux de le noter dans un coin de ta petite tête. » Elle alla ensuite ramasser sa bouteille de scotch. Il ne devait pas en abuser sinon il se retrouverait dans un sale état. Lyne avait déjà appris assez de choses à son sujet coincés dans cet ascenseur, alors s'il pouvait lui faire grâce d'autres facettes de sa personnalité, ça serait sympa. Parce qu'elle n'a sûrement pas envie d'en savoir plus à son sujet. Ce qui s'ensuivit était bien moins tendre. « Pardon ? » Encore une fois, elle tentait de maintenir son calme, mettant son comportement sur le compte de l'alcool. Même s'il n'était pas assez alcoolisé encore pour dire n'importe quoi. « Te plains pas ! » Sa tenue était très bien. Ce n'était pas un supplice à ses yeux, alors qu'avait-il à dire ? Quelques secondes de pause, avant de finalement reprendre. Il n'avait décidément rien compris à la vie. En même temps, c'était facile pour lui. Il n'avait pas eu à gravir les échelons, directement propulsé au rang de PDG. « Ça s'appelle … de l'ambition ! » Un nouveau sourire s'affichait sur son visage. Poussant alors un soupir, elle perdait vraiment son temps ici. « Tu en manques cruellement, visiblement. » ajouta-t-elle, haussant légèrement le ton. Elle fit alors demi-tour, se dirigeant vers la sortie, avant de se retourner d'un coup. « Et tu sais ce que la poufiasse te dit ? » Alors là, elle était carrément énervée. Elle s'avança vers lui, les bras croisés, il était pathétique. Puis elle frappa du pied. Ouais, elle avait envie. « Tu es vraiment ... » Elle cherchait ses mots. Non pas qu'elle ne savait pas quel adjectif employer, mais parce qu'elle en avait beaucoup trop lui passant à l'esprit. « … désolant. Tu es désolant, Milo ! » Et encore, elle restait polie, contrairement à lui. Elle poussa un long et interminable soupir, traduisant tout son désespoir, puis s'accroupit, restant assez proche du réchaud. De quelques gestes rapides animés par un agacement certain, elle fit en sorte que son appareil fonctionne. Sans elle, il mourrait de faim définitivement. « Voilà ! » Il n'avait plus qu'à régler la température. Et encore elle doutait qu'il en soit capable.