on se croit héroïque à peu de frais. (thad)

Tu as eu le malheur d’avoir porté la bouteille d’eau à tes lèvres quand monsieur se vexe à propos de ta remarque sur sa clientèle. Il veut ta mort ou bien ? Mais après tout, il n’a peut-être pas tord. Bien que tu n’aies jamais douté de ses talents – parce que d’une part, tu es tout sauf une spécialiste en la matière et d’autre part, parce qu’il a quand même réussi à te faire tenir debout sur une planche – tu ne serais pas étonnée qu’il ait un fan club en ville. C’est après avoir viré pivoine suite à sa suggestion pour la douche et qu’il soit parti à la recherche du petit déjeuner que tu lui réponds. « Si tu veux, je peux toujours me renseigner pour l’icône gay. » Tu as presque le sourire jusqu’aux oreilles une fois le petit déjeuné arrivé sur la table. Tu étais persuadée que c’était peine perdue de trouver quoique ce soit à manger ici. Tu te sers à l’œil, capable de manger pour deux afin d’éponger tout ce qui peut demeurer dans tes intestins. « Je te le laisse, si tu y tiens. » Selon Perry, les jeux des boîtes de céréales sont importants. D’ailleurs, il ne faut même pas le récupérer tant que le paquet n’est pas terminé. Tu lèves les yeux au ciel en y repensant. puis changes complètement de regard lorsque Thad aborde le sujet sérieux du jour. Tu réponds sans réfléchir. « Et toi oncle, même si c’est de façon temporaire. » Enfin si Pandore garde la crevette dans son ventre et si vous êtes toujours ensemble dans les neuf prochains mois. Tu reprends une cuillère de céréale. « Tu vas vraiment croire que je dramatise pour pas grand chose. Je suis pas jalouse de ce qui leur arrive, hein. » Ouais, avec du recul… Il se pourrait que tu te sois un peu emportée. Tu te retournes pour t’installer en travers sur la banquette afin de le lui faire face et met tes jambes en tailleur. Alors tu te lances dans un récit, sans trop te rappeler de ce qu’il sait déjà ou pas. « Je les adore tous les deux, mais de là à avoir un gosse, pas vraiment attendu, ensemble. Et Perry a quitté l’appartement, presque en même temps. Enfin je sais pas exactement pourquoi, mais il y a un rapport, c’est sur. Et ça a foutu une sale ambiance, en plus de me rendre inquiète. » Ainsi, tu supposes qu’il connaît tous les protagonistes de l’histoire alors que tu ne l’avais pas explicitement précisé la veille. Bref, tu aurais appris que tu finirais tante dans d’autres conditions, tu n’aurais certainement jamais réagi de cette manière. « Et quand il s’agit de responsabilités… C’est pas la personne en qui j’ai le plus confiance. » En même temps, c’est bien à cause de Perry que tu t’es retrouvée à Bowen. Certes, tu n’avais pas le couteau sous la gorge, mais ton instinct t’aurait empêché de le laisser venir seul.

Ouais bon… Tout ça, c’est jouer sur les mots – même s’il n’a pas tort, c’est pas cool si tu parais avoir quarante ans passés bien que tu t’en rapprocheras au moment où ce gamin sera capable de parler – dans le fond, il a compris où tu voulais en venir et cela ne semble pas le choquer plus que toi. Bref, pas de soutien de ce côté, il va donc falloir que tu te confortes dans ton nouveau et futur statut. Tu attrapes ton bol de céréales, le pose sur tes cuisses et continuer de remplir ton pauvre estomac tout en l’écoutant. Ou comment dire « il serait temps que tu coupes le cordon ». Tu ouvres la bouche pour rétorquer – qu’un gosse c’était pas une petite erreur – et te ravises aussitôt. Ouais… Il faudrait vraiment que tu y songes avant que tout ce qui touche à Perry empiète définitivement sur ta vie personnelle, ou du moins ton semblant de vie personnelle. Soudainement, tu es… de meilleure humeur, limite joueuse, comme si tu t’apprêtais à y remédier tout de suite. Du coup, tu te laisses aller en faisant glisser le bout de ton pied le long de la jambe de Thad. « Attends, t’as même des frères et sœurs ? J’ai l’impression de trop parler, tu dis rien à côté. » Et même s’il ne parle pas de lui volontairement, tu as cette désagréable sensation de passer pour une sacrée égoïste à toujours te plaindre ou débarquer à l’improviste. Tu boudes, contre ta petite personne. Enfin, tu prends sur toi-même pour ne pas lui faire passer un interrogatoire de bon matin et, de toute façon, il faut croire qu’il ne te laisse pas le temps pour. Nouvelle question et tu changes immédiatement : tu la redoutais quelque part celle-là. « Ah ça j’ai oublié de le dire hier… » Blanc. Tu hoches la tête. Tu déglutis, te mords l’intérieur de la joue et lâches enfin le morceau dans un énième soupire. « C’est Pandore. » Même si tu aurais répondu Dasha, pas dit que tu aurais gardé le sourire aux lèvres et tout ton enjouement. Mais cela te paraît d’autant plus étrange d’apprendre la nouvelle à Thad que tu es désormais au courant pour son passé avec la jolie française depuis peu de temps : le pourquoi du comment tu n’étais pas capable de lui cracher le nom à la figure comme tu viens juste de le faire. Enfin tu dramatises peut-être, et encore, pour rien… « Que ce soit l’une ou l’autre… J’essaye de croire qu’elle saura lui faire prendre conscience de ce qu’il pourrait se passer. » Tu reposes le bol sur la table. « C’est épuisant ce genre d’histoires, en fait. » D’un autre côté, ça calme ton horloge biologique qui a la fâcheuse tendance à s’alarmer tout d’un coup, sans raison apparente.

Une mimique de gamine en guise de réponse. « Tu finiras par trouver. Tant que tu me bâillonnes pas. » Votre conversation se poursuit, tu ouvres la bouche et te ravises. Non, tu ne vas pas lui avouer que tu avais des difficultés à dire le nom de la future mère pour la simple et bonne raison que Thad et elle s’étaient tous les deux fréquentés auparavant et que tu trouvais cela bizarre. Après, tu ne savais pas quoi penser des capacités de Pandore à endosser le rôle. Et les gosses, c’est bien l’un des seuls domaines dans lequel tu es encore… conservatrice. Le soit disant petit tour à l’hôpital pour régler l’histoire te rend blême et muette par la même occasion. De toute façon, la dernière fois que tu avais vu Pandore, elle n’avait toujours pas pris de décision et selon ses dires, Perry n’avait pas été capable de la conseiller ou de la rassurer. Et finalement, tu réagis enfin de façon positive en acceptant son invitation et en se calant contre lui. Tu vas finir par croire qu’il n’y avait rien de bien dramatique dans ton histoire et que tu te payes une belle gueule de bois ce matin parce que tu t’es emballée. « Tsss… » Tu t’esclaffes aussitôt en voyant sa mimique. Sale copieur. C’est presque mignon, si bien que ça fonctionne… T’es prête à te ridiculiser davantage pour le faire rire. Bien que dans le fond, monsieur manque encore d’entraînement. Tu lui embrasses la joue. « Oh non, voyons… Voir te foutre de ma gueule est mon occupation préférée. Ceci dit, je préfère ça que de passer ma journée à chercher quelqu’un qui refuse de me parler ou même de rentrer. » Bref, il n’avait même pas besoin de t’imiter, c’était déjà quasiment dans la poche. Par contre, tu lui ressortirais bien le coup des yeux trop mignons pour lui demander si tu pourrais rester le temps que les choses s’apaisent, genre… quelques jours, pas plus. « Et pour la relaxation, j’ai… ou plutôt on a, une douche à prendre. » En plus, ça te permettra de remettre tes idées à leur place et d’éventuellement tenir sur cette maudite planche par la suite. Tu vas également avoir besoin d’aide pour trouver de quoi te mettre sur le dos pour la journée et pour retrouver ton vélo… Tu n’as pas pu venir jusqu’ici à pieds, si ? Dorénavant assise à califourchon sur ses genoux, tu poses tes bras sur ses épaules. « Ça te va comme plan ? »

Bon à vouloir faire comme dans les films, tu vas te retrouver avec quelques magnifiques et énormes hématomes sur les genoux. Magnifique. Tu peux descendre du toit d’une caravane sans rien te casser, mais par contre te balader dans les bras de Thad, c’est une autre histoire. Au moins, vous pouvez être sur que tu es bien éveillée cette fois. Enfin ça aurait pu être pire : tu aurais pu te cogner le coin de la tête sur un placard, enfin un de ces trucs en l’air, par exemple. Et même en pleine crise d’hilarité, tu grimaces de douleur avant de reprendre. Ce sera finalement l’eau et l’espace encore plus réduit qui te la bouclera, jusqu’à ce vous sortiez de là dedans. « Attends, t’as un souci contre le fait de porter un de tes shorts et rien en haut ? » Tu hausses un sourcil et essayes de bluffer avec sérieux. En tout cas, toi, tu aurais un souci à ne rien avoir sur toi en public. Tout le monde n’a pas cette capacité à être nudiste. Surtout pas toi. Ainsi, tu acquiesces quand il suggère que vous passiez par chez toi. Et puis, tu fronces les sourcils. Est-ce que Perry sera de retour ? Est-ce que le reste de la colocation va continuer à s’éviter ? Tu lèves les yeux au ciel. Stop les drames. Cette petite phrase tourne dans ta tête. De toute façon, il faut bien que tu récupères ledit maillot pour faire de la distraction à monsieur. Et tu es extirpée de tes pensées grâce à tout un tas de questions. « Bonne remarque. » Une fois ton short sur toi, ouais le tiens vu que vous comptez faire un détour par le bien connu appartement 17, tu te poses sur cette maudite table. Jambes croisées, tu réfléchis. « Soit j’ai égaré mon vélo à quelques mètres de ta caravane… Soit, oui j’ai une voiture, garée dans le coin. » Sauf que vous ne pouvez même pas demander au voisinage vu qu’il s’agit d’une de ces hybrides qui ne font pas de bruit en dessous d’une certaine vitesse – un de ces trucs qui est passé sur la carte familiale. Mais bon, une voiture blanche qui semble abandonnée et certainement mal garée… Il ne doit pas y en avoir plusieurs dans le coin. « Franchement, me connaissant, même après quelques verres, je ne serai jamais venue jusque chez toi à pieds. » Ni même en te trainant comme un rouleau de printemps. Tu te laisses glisser en attrapant un tee shirt au hasard. Mauvaise pioche, ce n’est pas celui avec le logo de superman. Tu le renifles en exagérant comme si tu cherchais à savoir s’il était propre. « Promis je te le rends la prochaine fois. » Après tout, ce n’est pas toi qui te trimballais la rumeur comme quoi tu collectionnais les fringues ou les sous-vêtements de tes conquêtes. « Prête pour mon humiliation du jour. » Ouais, deux fois en deux jours, une grand première.