C'est quoi la vraie vie ? ♦ Lennox

Un sourire se dessina sur mes lèvres quand Léo affirma ne pas avoir envie de devenir comme moi. Heureusement. Si je rencontrais un jour quelqu’un qui aspirait à vivre ma vie, alors cette personne était encore plus suicidaire que moi. Ma vie, ce n’était pas une vie. C’était un cauchemar dans lequel j’étais constamment éveillé, pour y être confronté encore plus intensément. Pour souffrir mieux, pour brûler plus. Si je fascinais les gens, tant mieux pour eux, j’étais un divertissement, une attraction, un sujet de science. Peu importe. Je fuyais tellement le regard des autres de peur de la réflexion que j’y verrais, que maintenant je ne les voyais plus du tout. Je tournais constamment le dos afin de mieux vivre dans le déni. Léo me confia avoir envie de croire autant pour lui que pour moi qu’on s’en sortirait. J’étais jeune, oui, il avait raison. La mi- vingtaine, c’était bien trop jeune pour perdre ainsi espoir en son futur. Perdre espoir en tout, surtout en moi. Mais je n’y pouvais rien. C’était ainsi que je le ressentais. « Autant le faire, oui. T’as peut-être raison, peut-être que c’est trop jeune et peut-être qu’à quelque part c’est ce que je me dis aussi, ce qui expliquerait que je me foute pas en l’air de nouveau tout de suite, comme tu dis. » Je réfléchissais à voix haute. Cette relation n’était pas unilatérale ; Léo m’apportait aussi beaucoup. Des réflexions, surtout. Des remises en question, aussi. Il était le premier à me laisser m’ouvrir et à s’ouvrir aussi, ce qui apportait une nouvelle perspective à ma façon de voir le monde, et de voir ma souffrance. Et avec sa franchise des plus directes, il ébranlait tout ce que j’avais construit pour me protéger.

C’est alors que Léo se releva de l’endroit où nous nous étions posés pour discuter. Il déclara qu’il allait rentrer, ses parents allant sans doute s’inquiéter bientôt s’il ne revenait pas à la maison. J’hochai la tête. « Oui, et les miens vont t’en vouloir si tu leur voles le précieux temps qu’ils ont à passer avec leur merveilleux fils. » Lâchais-je d’un ton sarcastique, parce que mes parents parlaient vraiment ainsi de moi, comme si j’étais leur plus grande fierté. Alors que j’étais plutôt une erreur et un fardeau. Tout pour me faire sentir bien, me faire sentir que j’appartenais à quelque chose. Tout pour que je ne retombe pas ; alors qu’en vérité, je n’étais jamais remonté. Je me relevai alors à mon tour et je commençai à marcher aux côtés de Léo. Après tout, nous étions encore des voisins après cette profonde discussion. Notre route de retour demeurait la même. Une fois devant ma maison, je m’arrêtai et regardai Léo, qui n’avait que quelques pas de plus à faire avant d’arriver à sa propre entrée. « Merci, Léo. Tu es la première personne à oser me parler franchement des vraies choses. Et à m’écouter. Ça fait du bien de ne pas être pris avec des pincettes, pour une fois. » Je lui souris, attendit pendant un court instant, et puis je lui tournai le dos et je rentrai chez moi, vers des parents qui, eux, n’avaient jamais cherché à comprendre. Juste à réparer.