there's a flaw in my heart's design -r.

Probablement était-ce justement cet amour qui rend aveugle, comme on dit, qui m’avait voilé les yeux devant tout ce que Lola avait fait pour moi durant les derniers mois. Tara avait été ma source de bonheur, je la voyais même dans ma soupe, il y a de cela un an. Je savais que je ne parlais que d’elle à mes amis, même que certains m’avaient fait la remarque. J’avais tenté de calmer mes ardeurs, mais cette femme avait eu un tel effet sur moi. Le coup de foudre ou l’amour avec un grand A, je ne sais pas lequel ou peut-être était-ce les deux, mais dans tous les cas elle avait changé ma vie et surtout, ma vision de l’amour. Maintenant qu’elle était partie, j’avais eu bien de la difficulté à me remettre sur pieds, et c’était en grande partie grâce à Lola et Cassandre que cela s’était fait. Elles m’avaient ouvert leur porte, elles avaient été d’une patience exceptionnelle. Lola avait été une oreille, une épaule, une amante, une amie. Je lui devais tellement. Et pourtant, je continuais de la faire souffrir, jour après jour. Et je ne m’en rendais réellement compte qu’aujourd’hui seulement. Les sentiments qu’elle avait éprouvés tout ce temps, je ne les avais jamais saisis, parce que j’avais été trop aveugle.

Maintenant, il fallait que je fasse attention à mes comportements. Je ne pouvais me permettre de lui parler de Tara et de ma peine d’amour qui, malgré qu’elle s’était estompée, était toujours bien là. Je ne pouvais non plus revenir sur cette nuit durant laquelle j’avais dû lui faire tellement de faux espoirs. Et je ne pouvais plus me permettre de commentaires ambigus sous peine de me mettre les pieds dans les plats et de la blesser. Comme ce clin d’œil ; il l’avait mise mal à l’aise, et je m’en rendais compte trop tard. J’entrepris donc de balayer et de me distancer, mais cette chanson me revint en tête sans prévenir. Lola ne mit pas de temps à la reconnaître – après tout, elle était sienne. « Oui. J’imagine que c’est l’un des premiers souvenirs que j’ai de toi et que … que j’oublierai jamais comment j’ai été admiratif de toi à ce moment-là. » Avais-je dit, m’arrêtant de balayer, tenant le balai bien droit et m’appuyant dessus de ma main gauche. Je souris à Lola. « Je suis content qu’un con ait essayé de t’agresser cette journée-là. » J’éclatai de rire, gêné. « Enfin, tu comprends ce que je veux dire … » Il nous avait permis de nous rencontrer, elle et moi.

Aux paroles de Lola à propos de sa propre chanson, je fronçai les sourcils, arrêtant de passer le balai avec lequel j’avais, de toute façon, terminé. Il ne me restait qu’à ramasser le petit amas de poussière que j’avais créé. « Pourquoi tu dis ça ? » Demandais-je alors, intrigué à savoir pourquoi Lola jugeait qu’elle n’aurait jamais dû écrire cette chanson. C’était une belle chanson d’amour, bien écrite, douce, et interprétée par l’une des meilleures chanteuses que j’avais eu la chance d’entendre. Il fallait que Lola se fasse plus confiance ; ce qu’elle faisait était bourré de talent. À moins, évidemment, que la raison la poussant à regretter l’écriture de cette chanson ne résidait pas dans son appréciation de la chanson-même. Mais, à mes yeux, aucune raison n’était assez bonne pour prétendre qu’il était stupide de l’écrire, et de la jouer.

J’avais ensuite décidé de me remémorer cette journée durant laquelle nous nous étions rencontrés et, dans mon éternelle maladresse, j’avais sous-entendu être content qu’elle se soit presque fait agresser. Je me repris bien assez vite, mais Lola avait compris ce que je voulais dire. Elle comprenait toujours. Je sentis une certaine emphase sur le mot amis, mais je ne relevai pas la chose. Malgré tout, malgré mon manque de réaction, je comprenais de plus en plus ce que la jeune femme tentait de me faire comprendre. Déjà, tout à l’heure, il aurait fallu être aveugle pour ne pas lire dans ses yeux ce qu’elle voulait réellement me dire. Et maintenant, avec cette insistance sur notre amitié platonique, je comprenais. De plus en plus. De mieux en mieux. « Exact. » Avais-je tout simplement répondu, tout d’un coup gêné. Probablement cela se voyait-il sur mes joues rosées. Après un petit sourire, Lola se tourna dos à moi et me demanda si j’avais terminé avec le balai. « Oui, donne-moi deux minutes. » J’attrapai le porte-poussière et je ramassai le petit tas, le jetant dans la poubelle dans la pièce d’à côté avant de revenir à la chambre. « Voilà, j’ai terminé. » Je m’adossai au cadre de la porte un moment, les bras croisés, regardant Lola s’emparer de la vadrouille. Je la détaillais du regard, un faible et mince sourire au coin des lèvres, le regard perdu dans mes pensées.