Non mais... que vois-je!? ft. Isaiah

Certes, être complètement stone dans un endroit pareil était l’idéal. Cela permettait à Isaiah de vraiment planer, de danser d’une façon qu’il n’arrivait jamais à reproduire quand il était complètement à jeun, et de se foutre justement des petits détails comme ceux que Kamille était en train de vivre. Mais, comme elle n’avait ni fumé ni bu, Isaiah se rendit vite à l’évidence qu’elle allait sans doute se lasser assez vite de la piste de danse. C’est pour cette raison qu’il lui proposa d’aller au bar, à la place. Elle avait accepté, et c’est encore main dans la main qu’ils se dirigèrent vers le comptoir. Décidément, leurs rencontres au zoo ne seraient plus les mêmes ! Au départ plus distants et professionnels (même si Isaiah était incapable de ne pas être amical), ils allaient maintenant être bien plus proches. C’était au plus grand bonheur du jeune homme. Kamille s’assit la première et Isaiah prit le tabouret d’à côté, regardant avec exaspération la barmaid et son faux corps. Il soupira discrètement. Kamille lui demanda alors quelque chose de pas trop fort. Il hocha la tête. « D’accord, laisse-moi voir ça. » Il prit la carte des cocktails que la serveuse avait remis à Kamille. « Un Sex on the Beach, pas trop de vodka, pour mademoiselle. Et pour moi ce sera … une bière rousse. N’importe laquelle. Surprend-moi. » Il sourit à l’employée et se tourna vers Kamille. « Alors, alors, Kamille. Que fais-tu quand tu n’es pas au parc animalier ? » Après tout, ils ne se connaissaient pas tant que ça, et ici au moins ils pouvaient déjà un peu plus s’entendre parler.

Le jeune homme écouta attentivement la jeune femme, hochant la tête lorsqu’elle lui dit qu’elle était aux études. Ça il le savait déjà, avec le zoo et tout ça. Mais quand elle dit qu’elle n’était pas du genre à se promener à gauche et à droite, Isaiah ne put s’empêcher de rattacher ça à la sexualité, et de s’imaginer que Kamille était plutôt réservée de ce côté-là. D’autant plus qu’elle ajouta qu’elle préférait surtout rester seule chez elle, qu’elle était bien avec elle-même. C’était bien, de pouvoir se contenter de soi. Isaiah trouver cela remarquable. Certaines personnes se détestaient tellement qu’elles ne pouvaient pas s’endurer. Le jeune homme était ravi que Kamille ne soit pas dans cette situation. Lui non plus d’ailleurs, même s’il était souvent accompagné. « Chouette ! J’espère que je ne gâche pas trop tes plans avec toi-même pour cette nuit, au moins … » Ajouta-t-il avec un petit sourire mi-amusé, mi-faussement-culpabilisé. Il ne s’en faisait pas vraiment. Si Kamille avait voulu être seule, elle aurait refusé son invitation. Et ça n’aurait pas été plus grave que cela.

Kamille renvoya finalement la question à Isaiah. Et lui, que faisait-il ? Les boissons arrivèrent à ce moment-là, alors la discussion fut interrompue l’espace de quelques secondes. Isaiah leva son verre de bière vers la jeune femme. « Santé ! » Et il goûta. Après un petit gémissement de satisfaction, il reprit : « Les jours de semaine, je suis ébéniste. C’est mon métier principal, si on veut. Le soir, plus par passion, je fais beaucoup de sculpture. Il m’arrive d’en vendre, ou d’être exposé. C’est plutôt rare. Les fins de semaine, j’essaie de me trouver quelques endroits où jouer de la musique pour un peu de sous. Et la nuit, je sors. Comme ce soir, avec toi. » Il sourit. « J’aime bien rencontrer des gens. Alors j’essaie de varier les endroits auxquels je vais, la plupart du temps. Je n’ai jamais aimé rester en place, dans une routine. Déjà que je me sois établi dans une ville c’est un grand pas pour moi. J’suis plutôt nomade, pour tout te dire. » Isaiah aimait parler, que ce soit de lui, des autres, ou de la vie en générale. Un vrai moulin à paroles. Il espérait ne pas emmerder Kamille.

Les sourcils de Kamille se froncèrent légèrement au goût de l’alcool, mais sans plus. Isaiah sourit, constatant en la regardant ainsi agir que la jeune femme était vraiment une demoiselle sage. Plus sage que la plupart des filles qu’il fréquentait habituellement. Ça lui faisait changement, de ne pas se trouver en compagnie de personnes qui buvaient en trois gorgées une pinte ou qui blasphémaient à tout bout de champ. Ces personnes-là, ils les appréciaient beaucoup, c’est certain. Cependant, la douce présence de Kamille lui rappelait que ça ne s’arrêtait pas à ça.

Après avoir confié à la brunette ce qu’il faisait de sa vie, Kamille lui affirma à l’interrogative qu’il était alors un artiste dans l’âme. Il rigola, hochant la tête en reposant son verre. « On peut dire ça comme ça, oui. Un artiste qui n’a percé dans aucun de ses domaines, mais un artiste quand même. » Il haussa les épaules, désintéressé. Ça ne le dérangeait pas du tout, de ne pas être reconnu ou de ne pas vendre énormément ses œuvres. Il arrivait à vivre quand même. Il y arrivait bien mieux que d’autres. Et ce, en faisant ce qu’il aimait faire. Il ne pouvait demander mieux.  La jeune femme lui demanda par la suite s’il avait beaucoup voyagé, probablement à cause de ce qu’il avait dit sur sa toute nouvelle sédentarité. « Oui, beaucoup. J’ai fait tous les continents, un bon nombre de pays … J’suis parti, comme ça, de la Nouvelle-Zélande, avec mon sac à dos et rien d’autre. Mais j’suis revenu avec un tas de souvenirs et d’expérience de vie. » Avait-il avoué, les yeux brillants et rêveurs, tout d’un coup nostalgique de ce temps-là. « Et toi ? As-tu eu la chance de le faire aussi ? » Même si ce n’était pas autant qu’Isaiah, il fallait que Kamille ait voyagé un peu aussi. Pour Isaiah, c’était tellement une évidence qu’il ne fallait pas rester les deux pieds à la même place toute une vie.