L&L Feel how much I love you.

Elle voulait qu’il vienne au festival. Il l’avait bien compris. Lennox commençait à bien connaître Lou, maintenant qu’ils étaient plus ou moins officiellement ensemble depuis quelques semaines. Elle ne voulait jamais l’obliger à quoi que ce soit, puisqu’elle connaissait trop bien son asociabilité et sa peur des foules, mais elle qui était pleine de vie et bien entourée avait toujours envie de sortir en public avec lui. Lennox devait faire des efforts, il en était conscient, et il aimait Lou au point de surmonter n’importe quoi pour elle. N’importe quoi sauf sa souffrance – celle-là, elle l’habiterait pour toujours. Cependant, pour ce qui était de sourire aux autres et de faire semblant d’être heureux, pour Lou il pouvait essayer. Essayer d’être normal. Avec un petit peu d’aide, quand même. C’est exactement pour cette raison que hier soir, avant de rentrer chez lui, il était passé voir Effy pour obtenir d’elle une ou deux pilules d’ecstasy. Pas les bombes, pas comme la dernière fois, ça avait été trop pour lui. Mais les pilules, il saurait gérer, selon lui. Et le monde était tellement plus lumineux sous ses effets. Alors aujourd’hui, avant de se rendre au festival, Lennox avait avalé d’abord une pilule, plongeant l’autre dans sa poche, au cas où. Il marcha jusqu’au festival, afin de laisser le temps à la drogue de faire son effet. Une fois arrivé au site, il paya son entrée et parcourut la foule du regard, en marchant entre les installations et les groupes de danse afin de retrouver Lou. Après dix minutes à voir trop de couleurs de robes virevolter dans tous les sens, il arriva enfin à discerner Lou, entourée d’une aura de lumière blanche. Il sourit et s’avança jusqu’à elle, passant d’abord derrière son dos. Il laissa tranquillement ses mains descendre le long du ventre de Lou pour venir se loger sur ses cuisses. Un grand sourire aux lèvres et la tête posée sur son épaule, il dit : « Devine qui c’est. » D’un ton enjoué.

L’homme avait senti sursauter Lou entre ses mains, mais il n’avait pas vraiment conscience qu’il lui avait fait peur, ou du moins que ce geste de la part d’un inconnu l’avait surprise. Lennox n’était pas un inconnu, mais ça, elle ne l’avait pas su avant qu’il ne prenne la parole. Une fois cela fait, la brunette se tourna vers lui et affirma qu’il était venu. « Tu me l’as demandé. Je suis venu. » Dit-il avec un sourire. Bon, elle n’avait pas vraiment demandé en soit, mais c’était tout comme. Lou releva tout de suite son air enjoué, et elle semblait agréablement surprise de l’attitude l’homme habituellement si déprimé pour un rien. Elle déposa finalement un baiser sur sa joue, ce qui chatouilla Lennox tellement ses sens étaient décuplés. Il rigola, puis posa ses lèvres sur celles de Lou. Une fois. Deux fois. Trois fois. Ses mains ne cessaient de faire des allers-retours sur la robe de Lou, en appréciant le tissu léger. Par chance, Lou n’arrivait pas à voir ses pupilles grandes comme deux Lunes. Elle aurait tout de suite tout compris. Le jeune homme attrapa finalement la main de Lou. « On va danser sur une vraie piste de danse ? Plutôt qu’au beau milieu du gazon. » Souligne-t-il, pas pour se moquer de Lou … enfin, si. Un peu.

C’était pour elle qu’il l’avait fait. Pour qu’elle puisse enfin le montrer aux autres en n’ayant pas honte de la tristesse dans son visage. Pour qu’elle se sente enfin comme dans un couple normal, avec un homme normal, qui l’aimait et qui aimait la vie. Lennox nageait dans le mensonge et il traînait Lou avec lui, mais c’était pour elle. Rien que pour elle. Parce qu’il l’aimait tellement. Elle était devenue, au fil des jours, sa raison d’ouvrir les yeux de nouveau à tous les matins. Sa raison de vivre. Lou. Le jeune homme lui proposa d’aller danser, pour lui faire plaisir et aussi parce que le son de la musique faisait déjà vibrer tout son corps. Lou accepta. « Je te guiderai. » La rassura-t-il, même si pour le moment, rien que la guider jusqu’à la piste de danse lui en demandait trop et il n’arrivait pas à bien la prévenir des obstacles comme à son habitude. Lou lui demanda, avec inquiétude dans la voix, s’il était sûr de bien aller. Il sourit, mais en fronçant un peu les sourcils devant autant de doutes de la part de la brunette. « Mais oui ! Mieux que jamais ! » Lança-t-il tout en montant sur la piste de danse, faisant trébucher Lou par ce changement de surface. Il la retint pour ne pas qu’elle tombe complètement. « Oups. » Il rigola et puis prit ses mains entre les siennes. La musique changea. C’était un style de danse totalement à la Grease, sur du Elvis Presley et compagnie. Lennox ne savait pas du tout comment danser cette danse rock’n’roll, mais avec les mains de Lou dans les siennes, il commença quand même à danser, leurs bras allant dans toutes les directions.

Bien trop dans son monde, Lennox ne remarquait même pas à quel point il pouvait être désagréable, et même méchant envers Lou, alors qu’il se moquait un peu de ses trébuchements alors que c’était entièrement de sa faute. Parce que Lou était aveugle et que lui la traînait partout sans l’avertir des obstacles à venir. Parce que Lennox vivait dans petite bulle protectrice et qu’il oubliait de protéger les autres. Il oubliait de protéger Lou, la seule qui arrivait à le protéger lui. Malheureusement, aujourd’hui, ils avaient tous les deux été mis en échec quant à la protection de l’autre. Le notaire se figea net quand Lou, d’une voix très près de la colère, lui ordonna de s’arrêta. Il fronça les sourcils. « Mais qu’est-ce qu’il y a, merde ? On s’amuse ! Faut en profiter ! » Il voulait danser avec Lou, sentir l’air passer entre leurs deux corps, laisser ses doigts glisser entre les siens et sur sa peau. La brunette, elle, ne voyait pas cette soudaine joie de vivre de la même façon. Elle tourna les talons et s’enfuit, les yeux mouillés par ses larmes, et Lennox la suivit du regard sans réagir jusqu’à ce qu’il la voit se coincer la robe dans l’une des installations de bois. Il se dirigea vers elle. « Attends, je vais t’aider. » Oui, Lennox était un peu dans un autre monde, en ce moment, mais il avait quand même assez de tête pour comprendre qu’il avait fait quelque chose de mal, que Lou était triste et qu’elle avait besoin de son aide. « Qu’est-ce que tu as, Lou ? J’ai fait quelque chose ? » Il posa un regard consterné sur elle. Il ne voulait que bien faire les choses, pour une fois.

Lou désirait l’aider à voir la lumière. Lou voulait être là pour lui, pour qu’il aille mieux. C’était ce qu’elle n’avait cessé de lui dire quand Lennox reculait devant elle. Elle avait poussé pour rentrer, tout en sachant très bien dans quoi elle s’embarquait. Lennox ne lui avait rien caché. Elle savait qu’il était brisé. Et elle voulait l’aider. Alors pourquoi, maintenant qu’il passait enfin une journée durant laquelle le soleil avait plus de poids que ses démons, devait-elle tout foutre en l’air ? Pour quelles raisons le faisait-elle sentir coupable de toucher au bonheur, même si celui-ci était faux, déguisé ? Lennox ne trouvait pas cela juste, mais en voyant sa Lou coincée et mal prise, il ne pouvait rester en retrait. Il accourut pour l’aider, parce qu’il l’aimait. Il l’aimait et ça, c’était plus important que tout. Et alors que le trentenaire tentait de déprendre la robe de Lou du morceau de bois, ayant un peu de difficulté à bien coordonner ses mouvements, Lou sembla réaliser quelque chose. Quelque chose qui ne lui plaisait pas chez Lennox. Elle leva un regard presque horrifié en sa direction et lui demanda alors pourquoi il avait eu besoin de ça. Lennox, ne voulant pas croire qu’elle avait pu deviner juste parce qu’il était un peu plus heureux qu’à l’habitude, feint l’ignorance. « Mais de quoi tu parles ? Lou, tu ne fais aucun sens depuis que je suis arrivé. » Il préférait lui relancer la balle plutôt que d’avoir à tout avouer et surtout, à tout expliquer.

Lou était en colère, et Lennox ne savait plus quoi lui dire pour la calmer. Au contraire, plus la jeune femme se pompait, plus Lennox sentait également la frustration monter en lui. Ils n’étaient tous les deux pas dans un état propice aux explications raisonnables, et cela allait laisser des marques indélébiles sur leur relation. Elle s’offusqua d’ailleurs du fait que Lennox l’accusait de ne faire aucun sens, alors qu’ils savaient fort bien que c’était lui qui était sens-dessus-dessous. Sa vie entière l’était, avec ou sans Lou. Il aurait tellement aimé pouvoir s’accrocher à elle et se tirer vers le haut. Il n’y arrivait toutefois pas. Il sentait justement qu’il devenait trop dépendant de Lou, et ça l’effrayait, le faisant sombrer dans une toute autre dépendance pour compenser. « Je ne me drogue pas pour passer la journée avec toi, Lou. Je me drogue pour taire mes démons et t’accorder une journée heureuse, pour une fois, justement. À mes côtés. » Parce que tant que Lennox n’inhibait pas ses pulsions dépressives, Lou n’arriverait jamais à lui décrocher un rire sincère et joyeux. Elle ne vivrait jamais ces belles sorties de couple dont toutes les femmes rêvent. Lennox ne pourrait jamais lui offrir cela tant qu’il était lui-même. Cette explication ne suffit toutefois pas à la brunette, qui renchérit en disant qu’il suffisait de lui dire, s’il ne voulait pas venir, s’il ne voulait pas la voir. Il secoua la tête. « Non, Lou, tu ne comprends pas … Je veux te voir … je veux tellement te voir, tellement te rendre heureuse … C’est justement pour ça que je le fais. C’est pour toi que je le fais !!!! Don't you get it ?! » Avait-il crié. Lennox devenait plus agressif, sans doute un symptôme de sa nouvelle dépendance à la drogue. Il n’avait pourtant jamais levé le ton en parlant à Lou.

Elle interprétait de la mauvaise façon tout ce qu’il disait ; normal, Lennox n’avait jamais su s’exprimer. Il la regardait avec désespoir, incapable de lui transmettre le message qu’il désirait transmettre. Tous ses sens étaient décuplés et cela embrouillait ses pensées, visiblement. Le jeune homme secoua la tête, désemparé, quand Lou s’énerva davantage contre lui. « Tu ne comprends rien de ce que je veux dire. » Avait-il rétorqué avec agressivité dans la voix. Lennox s’était même surpris à serrer les poings, alors qu’il se trouvait devant Lou, sa Lou. Celle qui avait désiré remettre un peu de lumière dans sa vie. Celle qui lui avait tendu la main malgré ses avertissements. Il voyait bien qu’elle commençait peu à peu à baisser les bras. Elle l’abandonnait. Elle tourna d’ailleurs les talons et s’en alla. Le laissant là, seul, vulnérable, perdu. Lennox fronça les sourcils en la regardant partir, ne sachant plus quoi faire. Alors il resta là, immobile, perdant la silhouette de la jeune femme dans la foule. Et elle s’effaça. Et lui aussi.

THE END.