just an illusion -r.

La vie suivait son cours. Tu fuyais Adilyn comme si tu fuyais la peste, tu avais peur de lui parler, peur de lui faire des aveux que ni elle ni toi n'étaient pas prêt à entendre. Tu avais beau le penser, jamais tu n'avais pu dire ses mots à voix haute. Ils étaient bien trop compliqués à sortir de ta bouche, comme ça. Et puis c'était un peu une spirale qui t'entraînerait vers le fond et tu ne voulais pas le toucher. Tu essayais de garder la tête hors de l'eau, d'avoir une chance de reprendre le contrôle. Enfin, c'était sans compter sur la tête blonde que tu avais remarqué en faisant un pas dans le restaurant. Tu t'étais dirigée vers elle ne sachant pas si c'était une vraie bonne idée mais tu devais en avoir le cœur net. Tu priais pour que tu sois aveugle et que ce ne soit juste qu'une illusion. « Gaby ? » prononçais-tu à demi-mot. Tu n'étais pas sûr, tu ne voulais pas être sûr. Les démons du passé n'étaient jamais bon à retrouver, surtout lorsqu'il s'agissait d'un ex-femme qui pouvait t'en vouloir. Déjà qu'elle t'avait pas mal soutiré pour le divorce, ce genre de rencontre n'allait pas arranger les choses. Pourtant, tu avais beau espérer le contraire, c'était bien elle. Elle était ici, à Bowen, comme toi. Tu n'en croyais pas tes yeux. « Ce n'est pas vraiment toi, si ? » Celle-là était plus pour toi que pour elle. Tu n'y croyais toujours pas évidemment. Mais tu aurais du la savoir. Tu étais étonné de la rencontrer que maintenant. Inconsciemment tu avais toujours su qu'elle vivait ici, comme si ça t'avait poussé à choisir cette ville plus qu'une autre. Tu avais quitté cette femme parce que tu refusais de venir vivre à Bowen, et voilà que tu trouvais devant elle, dans cette fameuse ville. Quelle ironie quand on y pense.

Cela faisait quelques temps qu'elle n'avait plus eu l'habitude de prendre un vrai repas assise à une table, préférant manger un sandwich debout à côté de la machine à café ou grignoter un paquet de biscuit tout en travaillant. Pour une fois, elle avait éteint son téléphone, espérant passer quelques minutes sans avoir à bouger. Ce n'est qu'en arrivant dans le restaurant de l'autre côté de la rue, envahi par les odeurs de cuissons et d'épices, qu'elle réalise à quel point elle est affamée. Elle était déjà venue ici, pouvant même avouer avoir une table préférée et elle savait que le prix des plats rentrait dans son budget, le service était rapide et l'ambiance très sympa, conviviale. Elle ne comptait pas prendre un repas très long, parce qu'elle avait beaucoup trop hâte de retourner à son travail et de pouvoir rallumer son téléphone. Ce n'est qu'en entendant son nom après avoir passé sa commande, qu'un frisson la traverse de la tête jusqu'aux pieds alors qu'instinctivement elle cherche du regard le visage qui accompagne cette voix aux saveurs françaises. Elle cligne des yeux, surprise de découvrir son ex-mari debout à côté de sa table. « Ce n'est pas vraiment toi, si ? » Par réflexe, elle lève sa main jusqu'à son cou pour y chercher la petite chaine en argent à laquelle son alliance avait longtemps été accrochée. Aujourd'hui, le collier était dans une boîte, cachée dans le tiroir d'une commode de sa chambre. Xavier Black, il était probablement le dernier homme au monde que Gaby pensait un jour voir à Bowen. Le souvenir de leur rupture lui revint violemment en plein dans le cœur, comme le regard qu'il avait eu lorsqu'elle lui avait demandé de la suive jusqu'en Australie. « Xavier. » Elle affichait une expression faussement joyeuse, tout en repoussant sa chaise pour se lever. « Ce n'est pas vraiment moi, t'as une hallucination, chuuut. » Son doigt se pose sur ses lèvres, sa voix se veut moqueuse, amusée. « Mais qu'est-ce que tu fais ici ? Tu veux t'assoir ? » Elle priait intérieurement pour qu'il refuse et accepte en même temps.

Tu clignais des yeux, encore et encore. Tu n'en croyais pas tes yeux, ce n'était pas possible. Et pourtant, tu le savais, tout ça ne pouvait qu'être réel. Tu ouvris la bouche, mais elle te soufflais que tu hallucinais. Tu passais une main sur tes yeux pour les masser quelques secondes et en les ouvrant, elle était toujours là, face à toi. Ce n'était pas une hallucination. Elle était belle est bien réelle. « Gaby.. » soufflais-tu à nouveau. Peut-être pour rendre les choses plus vraies. Peut-être pour t'habituer au fait qu'elle était là, devant toi. Tu la fixais sans pouvoir esquisser un sourire. Pourtant tu étais ravi de la revoir. Elle n'en était pas moins belle, ça non. Tu en avais presque le souffle coupé à force de la détailler. Elle te proposait de t'asseoir et tu restais immobile, muet. Incapable de réagir. Tu ne savais pas vraiment si tu devais accepter. Tu aurais bien pris tes jambes à ton cou, mais tu sentais ta tête qui venait de se mettre à bouger toute seule, acceptant sa demande. « Je.. Euh.. Oui ! » Qu'est-ce que tu fais ici ? Ici dans ce resto ou ici à Bowen ? Dans les deux cas, tu étais incapable de fournir une réponse tant que tu ne t'étais pas remis de tes émotions. C'était un choc tout de même de la revoir. D'autant plus que vous ne vous étiez pas quittés en bons termes, tu ne pouvais pas dire que cette conversation allait bien se passer et ça te fichait la trouille. Tu t'asseyais, prenant place face à elle et pendant une longue minute, tu la regardais encore, sans rien dire. « Alors, c'est vraiment toi ? » chuchotais-tu doucement, comme si tu avais peur de te réveiller. Bien que tout te semblait réel, tu avais encore un doute. C'était le genre de cauchemar qui pouvait t'arriver en ce moment, et même si la douleur semblait assez vive sur ton bras, tu avais encore et toujours un doute.