Ghost Moment / Jim et Fleur

Le cours de poterie devenait un terrain de jeu pour Jim et Fleur qui commençait à se bagarrer comme des enfants. Jim avait lancé les hostilités en dégradant intentionnellement le moulage de son vase, alors que Fleur était en train de l’aider. Elle répondit à cette attaque en déposant ses mains pleines d’eau et d’argile sur ses joues. Il la menaça alors de faire pareil.

- Non, non ! supplia t-elle, alors qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de rire.

Jim avait attrapé ses mains, et elle n’avait pas la force de riposter. Pourtant elle essayait tant bien que mal de se défendre, malgré son rire incessant.

- Oui, on arrête, on fait la paix !

Soulagée que Jim sorte le drapeau blanc, elle chercha un chiffon pour s’essuyer ses mains. Ce moment d’inattention était de trop. Il avait profité de ce court instant pour plaquer ses mains sales sur son visage à elle. Fleur, bouche bée, était sous le choc.

- On avait dit, qu’on arrêtait ! se plaignit Fleur, mais toujours amusée.

Envahie par le sentiment de vengeance, elle réagit au taquet. Mains sur son front, sur ses cheveux, elle mimer un massage crânien.

- Tu ne m’as pas dit que tu voulais un petit shampoing ? demanda t-elle innocemment.

Les regards se tournaient de plus en plus vers eux, et l’organisatrice de l’atelier n’allaient pas tarder à venir les réprimander.

Ils se chamaillaient, jusqu’à ce qu’ils se retrouvèrent couverts d’argile. L’organisatrice de l’atelier les avaient repérer, bras croisés, très mécontentes. Jim accusa Fleur qui poussa un cri d’exclamation. Elle le fusilla du regard d’un air coupable. Ils avaient l’air d’avoir douze ans, à eux deux.

- Ce n’est pas une aire de jeux ici ! gronda t-elle sur un ton sévère. Sortez de mon cours ! Non mais, et puis quoi encore…

Elle continuait de rouspéter, alors que Fleur rangeait ses affaires. Morte de honte, ses joues rouges s’enflammaient. De toutes ses années scolaires, elle n’a jamais été virée de cours. Au contraire, elle était la petite fille modèle, l’élève brillante et discrète.

- La soufflante qu’on s’est mangé, Jim ! C’est de ta faute, oui ! avait-elle dit une fois qu’ils étaient hors de la salle.

Il n’y avait aucune once de méchanceté dans ses paroles. Ils étaient un peu comme chien et chat. A se disputer et à se réconcilier dans la minute qui suit.

Jim et Fleur se retrouvaient sur le carreau, ou plus précisément dehors où ils n’assisteront plus au cours de poterie. Jim se donnait à cœur de joie de plaisanter, en se questionnant si l’organisatrice rendrait leurs poteries. Poteries qui étaient à moitié inachevées, pour information.

- Je ne pense pas.

Elle se mit à rire. Puis, en cherchant qui des deux, avait commencé à jouer en premier, elle haussa les épaules en guise de réponse. Peu importe, ce fut une soirée agréable en sa compagnie. Ce n’était pas ce qui était prévu, certes, mais la bonne humeur avait été au rendez-vous.

- On s’en fiche de savoir c’est de la faute à qui, au final, j’ai gagné ! lança t-elle joyeusement, telle une enfant.

Et maintenant, qu’allait-il faire ? Jouer au chat perché ? Sonner à la porte des inconnus et s’enfouir ? Après une soirée comme celle-ci, ils étaient bien capables de tout. Mais Fleur, c’était la voix de la sagesse. Elle prit alors une voix raisonnable, comme si elle avait enfilé son costume de bonne élève.

- Je pense que je vais rentrer, il se fait tard.

Au moins Fleur aura la prétention d’avoir un sacré souvenir en matière de poterie. Ils étaient venus les mains vides mais la tête pleine, effectivement. Pas sûr pour autant que Jim et Fleur ré-assistent à un cours de poterie, du moins ensemble, sauf si ils veulent prendre le risque de se remettre de l’argile sur la figure.

- Tu pourras prendre ta revanche, mais ça ne sera pas en cours de poterie. Parce qu’on ne voudra plus d’nous ! s’exclama-t-elle en pouffant de rire.

L'organisatrice était tellement en furie, qu'elle se rappellera encore de leur pagaille. Ils avaient bien rigolé mais maintenant il se faisait tard et ils allaient rentrer chez eux. Fleur était soulagée de pouvoir faire le chemin de retour avec Jim. Depuis que sa voiture était en panne, elle se rendait compte à quel point elle en avait vraiment besoin. A l’occasion il faudrait qu’elle aille faire un tour au garagiste.

Jim proposa de se laver les visages, car ils avaient encore de l’argile collée aux joues et même aux cheveux. Fleur s’étonna.

- Je veux bien mais où on va se laver le visage ?

En pleine rue déserte, ils allaient avoir du mal à trouver un point d’eau. A moins que Jim veuille faire un tour à la plage et se lancer dans un bain de minuit ? Quoique, la soirée prendrait une nouvelle tournure déjantée.

- Oh on prendra une douche en rentrant. C’est bon pour la peau tu sais ? plaisanta t-elle d’un air entendu.

Les passants pourront les prendre pour deux idiots, cela n’a pas d’importance.

L'idée de faire la même chose à un cours de peinture serait alléchante si Fleur n'était pas aussi consciencieuse et bonne élève. Pour peu elle se sentait coupable d'avoir mis le bazar au cours de poterie. La pauvre organisatrice et professeur était furieuse.

- Sans moi! dit-elle aussitôt. Je ne veux pas m'attirer les foudres une nouvelle fois.

Ils se demandaient alors où ils auraient pu laver leurs visages sales d'argile, mais ils ne voyaient pas vraiment d'autre solution que de se nettoyer qu'une fois arrivés chez eux. Il n'y avait pas de toilette, ni de café dans les alentours. Jim et Fleur marchèrent en direction de chez elle, et croisèrent une femme qui les regarda étrangement. Comme il l'avait suggéré, Fleur fit comme si de rien n'était. Une fois que la voisine passa son chemin, Fleur se mit à rigoler.

- Madame Grint ne me regardera plus jamais de la même façon.

De nouveau, elle rit joyeusement.

- Tu veux monter boire un café? Ou te laver le visage?

L'un ou l'autre ne lui gênait pas. Bien entendu il n'y avait aucune arrière pensée à cette proposition.

 Prise par les sentiments, Fleur céda à sa petite mine de chien battu. Jim l’avait amadoué.

- Ok, si on est sage ! prévint-elle, avant de rire à son tour.

Mais elle suppose que le cours de peinture tournera au vinaigre autant que ce cours de poterie. Ils avaient réussi à faire un carnage avec de l’argile alors qu’en sera-t-il avec de la peinture ? La suite, au prochain épisode… Arrivés devant chez Fleur, ils croisèrent sa voisine qui fit mine de ne pas la reconnaître.

- Elle a surtout dû me prendre pour une dingue, oui ! Je ne l’ai jamais aimé, avoua t-elle.

Madame Grint était une vieille godiche, de toute façon. Rien ne la passionnait à part ses trois chats, Papille, Moumou et Caramel. Le quartier entier ne portait pas d’affection pour la mégère qui renchérissait le moindre reproche de tel ou tel voisin. Elle est certaine qu’elle ira raconter à qui elle le voudra, que, elle l’a retrouvé au soir au coin de la ruelle, avec le visage très sale.

- Bin, oui ! Je t’ai dis, qu’on va avoir belle peau ! insista t-elle, tout sourire.

S’il existe des masques d’argile, ce n’est pas pour rien. Masque ou pas, Fleur comptait bien ne pas laisser repartir Jim dans cet état. Elle ouvra la porte de sa maisonnette et lui fit découvrir son nid douillet. Touffu, son labrador, les accueillait chaleureusement.

- Les toilettes sont au fond du couloir, à droite. Ce n'est pas bien grand, tu verras. Tu veux que je te prépare un café en attendant?

Elle est même certaine d'avoir une fournée de madeleine au chocolat, si jamais Jim avait un petit creux.

Jim insinuait qu’elle était dingue d’un ton très sérieux, que Fleur imita sous un air sévère.

- Mais non !

Toutefois la taquinerie fut de remise lorsqu’il lui donna un petit coup de coude et elle se mit à rire à son tour. Ils s’en étaient passé des choses en une soirée, et Fleur avait montré le peu (ou pas) de folie qui avait en elle. Elle espérait qu’ils puissent continuer ainsi sur leur chemin d’amitié. Chez Fleur, son labrador Touffu fit un accueil chaleureux à Jim.

- « Qu’est-ce-que ta maitresse a fait ? » Oh la la ! Ne fais pas le malheureux, il ne te croira pas. dit-elle avant de rigoler.

Décidemment, Jim était d’humeur espiègle. Ou peut-être était-ce dans sa nature d’être toujours ainsi ? L’un ou l’autre lui convenait parfaitement. Fleur appréciait sa compagnie.

- Je vais nous faire deux cafés, annonça t-elle ensuite.

Le temps que Jim se nettoie le visage dans la salle de bain, Fleur alluma la machine à café et prépara sa tablée sur le bar de la cuisine.  Petites soucoupes,  tasses en verre et sucrière. Il ne manquait plus que des madeleines. Elle les sortit du Tupperware et les présenta dans une belle assiette rose bonbon. Au même moment Jim revient le visage propre. Il fit son apparition l’interpellant d’un « alors ? ».

- Bien ! L’argile a des vertus pour laisser une peau toute douce, tu savais ?

Puis, elle se tourna pour récupérer le café et le versa dans sa tasse.

- Il me reste des madeleines, tu vas me faire honneur et les goûter, hein?

Jim vint rejoindre Fleur dans la cuisine, où elle avait préparé une petite tablée avec du café et des madeleines. Il avait le visage propre, et Fleur s'amusa de lui informer que l'argile avait des vertus pour rendre la peau douce. Est-ce que l'argile de poterie avait également cette vertus? Elle aussi, resta perplexe à cette question.

- A toi de me le dire, tu sens ta peau toute douce ?

Elle aurait bien été jusqu’à caresser sa joue, mais par peur de paraître trop intrusive elle n’osa pas bouger le petit doigt. Ils avaient décidé d’être amis, mais il leur fallait encore un peu de temps pour qu’ils soient familiers l’un envers l’autre.

Même si Jim commettait quelques fautes dans son élocution, Fleur comprit qu’il lui demandait si elle avait fait elle-même ses madeleines. En signe d’approbation, elle hocha de la tête.

- Oui, bien sûr.

Si Jim fouinerait dans ses placards, il verrait bien que Fleur n’a aucun gâteau industriel ni de céréales. Quitte à prendre une heure, elle préférait se mettre aux fourneaux. D’ailleurs elle a tout ce qu’il faut en terme appareillage. Les robots de cuisine étaient devenus ses cadeaux d’anniversaire et de Noël.

- Je ne vais pas être originale, mais moi mon péché mignon c’est les madeleines au chocolat. Trempées en dessous dans du chocolat noir ou aux pépites de chocolat au lait… Hummm…

Ses papilles chantonnaient rien que d'y penser. A cette remarque, une question lui traversa l’esprit.

- Tu t’es mis à cuisinier ? Josepha t’apprends ? lui demanda t-elle, étonnée.

Si c’était le cas, elle lui priera de lui faire goûter ses madeleines au citron ou à la noix de coco.