Ghost Moment / Jim et Fleur

Les hommes apportent beaucoup moins d’importance à leur apparence que les femmes, c’est bien connu. Une femme a besoin de se sentir belle avec un super make-up, ou une jolie coiffure. Eux, les hommes, n’ont pas besoin de tout ça. Fleur se doute bien que Jim percevra moins la différence entre un avant et un après masque pour la peau. Ce n’est pas leur truc, aux mecs.

Bien installés au bar de la cuisine, Jim et Fleur savouraient des madeleines accompagnées d’un café. Fleur était bien de contente de voir qu’il les appréciait tout autant qu’elle. Ils parlèrent cuisine et elle apprit que Jim cuisinait et aidait Josepha à effectuer des recettes difficiles.

- C’est bien de savoir cuisiner, ça change la vie.

Son oncle Charlie, lui, n’a jamais su faire des œufs aux plats. Quand sa femme quitta ce beau monde, il a rempli son frigo de plats tout prêts faits. Encore pire, chaque samedi et dimanche de la semaine il squatte le fast-food. Les peu de fois où Fleur l’a invité, il bénissait ses repas. Heureusement pour Jim, il avait Josepha pour s’occuper de lui.

- Elle a l’air gentille cette bonne femme. Elle prend bien soin de toi. Quel âge a Josepha ? Elle a de la famille à Bowen ? demanda t-elle par curiosité.

Peut-être que Jim était « sa seule famille ». En tout cas c’était tout à son honneur d’être aux petits soins de Jim.

- Non, je ne suis pas d’accord. Il y a des personnes qui ne sont vraiment pas douées ! certifia Fleur, tout sourire.

En disant cela, elle pensait alors à son amie Lily-Anaëlle qui n’avait vraiment pas d’atomes crochus avec la cuisine. En tout cas, ce n’est pas par manque de volonté ou qu’elle ne veuille pas faire d’effort, au contraire. La dernière fois que Lily est venue manger chez elle, elle avait tenté de faire un gâteau au chocolat qui avait malencontreusement brûlé.

Pour Fleur, elle a été responsabilisée depuis toute petite. Ses deux papas l’impliquaient énormément dans toutes les tâches ménagères. La cuisine, française surtout, était même devenue une activité familiale. C’est pourquoi aujourd’hui on lui a transmis le goût des fourneaux. Ça doit être un truc de famille.

Jim, lui, avait Josepha . Josepha qu’il trouvait aussi gentille que Fleur, elle lui gratifia d’un sourire timide en guise de remerciement. Elle apprit que la pauvre dame était veuve et sans enfant.

- Oh pauvre Josepha, s’attrista t-elle.

Néanmoins Josepha avait une sœur et des neveux qui n’habitaient pas à Bowen, mais dans les alentours. Tant mieux, ils devaient être une compagnie supplémentaire hormis celle de Jim.
Dans le fil de la discussion, Jim lui demanda ensuite si elle n’avait pas de frères ou de sœurs, ou même cousin. Fleur grimaça.

- Pas de frère, pas de sœur. J’ai un cousin ici à Bowen, oui, mais j’espère pour toi que tu ne le connais pas.

Elle insista sur un ton très sérieux. Il était bien rare que Fleur n’apprécie pas une personne. Au fait, son cousin Arthur était l’une de ses rares exceptions.

- Il s’appelle Arthur. Il court après toutes les filles, il fume, il boit, il deale… Le cliché du bad boy par excellence. Après voilà, c’est mon cousin. Je sais que si j’ai un pépin, je peux compter sur lui. Mais c’est comme ça depuis tout petit. Il est juste… tellement le contraire de moi.

Pour appuyer ses paroles elle effectuait de grands gestes avec ses mains. Tout démontrait qu’elle ne portait pas Arthur dans son cœur.

Fleur ne fit pas le plus bel éloge de son cousin Arthur. Il n’était pas vraiment une personne recommandable, à présenter pour un entretien d’embauche par exemple. Pourtant il avait le don d’être un très bon baratineur. Il a un penchant très discutable tout ce qui concerne l’illicite. Il conduit sans permis. Se montre très grossier. Mais en dépit de tous ses défauts, il avait la qualité d’être toujours présent pour ses amis et sa famille. Au fond de cette solide carapace, se cachait un homme avec du cœur.

- Il peut être un vrai con quand il veut, comme bizarrement il pourrait quitter son boulot juste pour me rendre un service.

Le paradoxe. Tout comme le fait qu’il était son contraire, ce qui fit rire Jim en s’imaginant Fleur avec un sweat à capuche, une casquette et une cigarette à la main. Elle se mit à rire, c’en était absurde.

- J’suis tellement pas comme ça !

Le style de Fleur était basique, simple. Elle se contentait de mettre des jeans ou des robes fluides et confortables. Bien sûr, il lui arrivait parfois de mettre des vêtements plus féminins et sexy. Mais ce genre de tenue était réservé pour de grandes occasions. En dehors du physique, Fleur était quelqu’un de posé. Parfois on disait d’elle qu’elle était « la voix de la sagesse ».

Arthur, le sujet qui fâche. Il est une des rares personnes au monde, que Fleur n’appréciait pas. Pourtant, il s’agit de son cousin. En dépit de son caractère détaché, elle savait que sous ses airs de voyou, se cachaient quelqu’un qui a du cœur. Lorsque Jim supposa qu’Arthur se donnait un genre, ou qu’il avait de mauvaises fréquentations, Fleur ricana.

- Je ne pense pas. Il a toujours été seul, son père et sa mère n’étaient jamais à la maison. Je me demande si ce n’est pas ça, qui l’a rendu aussi… désinvolte.

Avec le recul, elle doit bien admettre que son oncle et sa tante n’ont jamais été impliqués dans leur vie de famille. Comparé à Arthur, on voit la différence de caractère. Fleur, a été baignée dans l’amour. Malgré que son éducation se soit faite par deux papas, elle a des principes et des valeurs. D’ailleurs Jim la rassura, la préférant telle qu’elle est.

- Merci, dit-elle les joues roses avec un léger sourire.

Jim et Fleur avaient passé un bon bout de temps à discuter. Effectivement l’heure tournait, et Jim annonça qu’il allait rentrer chez lui. Bien qu'il ne lui dérangeait pas absolument pas, Fleur ne le retint pas plus longtemps.

- Oh mais tu m’embêtes pas. Tu m’envoies un petit message quand tu rentres ? Allez… Bonne soirée !

Elle claqua la porte et se dirigea vers la cuisine pour ranger la tablée. En lavant ses tasses de café Fleur prit conscience qu'elle avait tout de même passé une très agréable soirée en sa compagnie. Agréable et même surprenante.