I see my future in your eyes -r.

La voix de Lily-Anaëlle s’éleva telle une réprimande dès que Nelligan opta pour l’idée de manquer ses cours plutôt que de manquer la première échographie. Un rire franc s’échappa d’entre ses lèvres en entendant son épouse user d’une voix aussi ferme à son égard. « Garde ce petit air fâché pour quand notre enfant fera l’école buissonnière, plutôt ! » Ou toute autre bêtise qui pourrait arriver bien plus tôt que l’adolescence, même. Briser le jouet de son frère ou de sa sœur, jouer avec sa nourriture, se coucher tard, mentir, bref de nombreuses situations qu’en tant que parents, ils auraient à gérer. Nelligan n’avait jamais eu autant hâte d’être dépassé par les événements. Sans doute regretterait-il, parfois, leur vie d’amoureux libres. Mais il se rappellerait alors toujours de ce moment, il le chérirait, il se souviendrait de cette promesse qu’il se faisait à lui-même : d’être comme son propre père. Un père aimant, présent pour ses enfants. C’était tout ce qui comptait, au fond. Après les disputes, après les pleurs, après les punitions, c’était toujours l’amour qui restait debout. Grand et fort. Lily-Anaëlle lui assura alors qu’il serait un papa gâteau, chose qu’il n’arriva pas à nier. « Maman et papa poule. » Il sourit de toutes ses dents. Il savait bien que Lily-Anaëlle serait exactement comme lui, oui. Cet enfant allait être gâté et aimé. Il allait être heureux. Du moins, Nelligan l’espérait. « Moh, arrête, Lily ! T’as un tas de talents que tu pourras leur transmettre. Tu leur apprendras à lire, à rêver, à peindre, à décorer leurs chambres pour qu’elles soient dignes de Pinterest, et j’en passe … » Il la regardait avec tout l’amour qu’il éprouvait à son égard. Et c’était beaucoup. Son épouse lui dit alors que si c’était une fille, elle voudrait l’appeler Lexi. Comme la défunte sœur de Nelligan. Ses yeux se brouillèrent de larmes. « Oh, Lily … » Son cœur s’être serré, tout d’un coup, et l’émotion remonta en flèche. « Ça voudrait dire tellement pour moi. Et pour Lexi, d’où elle est. » Et pour ses parents, évidemment. Il étreignit sa femme, tout doucement, comme si tout d’un coup elle était devenue une poupée de porcelaine. Il ferma les yeux et laissa sa main glisser dans les cheveux de son amour.

Nelligan te suggérait de ne pas avoir des remontrances à son égard mais de garder ça pour le jour où votre enfant commencerait à faire ses premières grosses bêtises. Tu avais déjà peur de connaître ce moment. De toute ta vie, tu ne t'étais jamais rebellée contre ta mère. Tu avais été la plus parfaite des adolescentes, en travaillant dur, en ne mentant pas, en ne buvant pas outre mesure. Autant dire, une adolescente un peu coincée. Et Nelligan avait été un peu pareil que toi. Alors tu n'avais pas la moindre idée de comment gérer une telle situation. « Je peux le faire pour toi et pour lui ! » Tu gardais ton regard ferme et posé sur lui, espérant avoir un quelconque effet sur ton mari. Mais tu devais te rendre à l'évidence, tu ne devais pas vraiment l'intimider. « Mais il nous faudra un peu de discipline, d'accord ? » Tu faisais tes grands yeux, comme quand tu lui demandais quelque chose d'important et que tu voulais être certaine d'obtenir un oui comme réponse. Evidemment, il y en aurait, il faudrait juste prendre le temps d'installer les bases, les règles et peut-être que tout ce passerait comme pour lui, ou comme pour toi. « C'est bon, d'accord, tu as raison. » Tu hochais la tête avec un grand sourire. Il avais raison, tu avais de nombreux talents et même si tu te trouvais maladroite, tu n'étais pas mauvaise pour tout. Au moins pour trouver des livres, pour les raconter les histoires. Mais ce sujet était rapidement balayé pour un autre. Un qui semblait l'émouvoir presque autant que l'annonce de ta grossesse. « Je le sais Nell, je le sais ! » Cela ne voulait pas dire quelque chose que pour lui et sa défunte soeur, mais aussi pour toi, pour sa famille et sûrement pour des vieux amis de la jeune femme.

Peut-être qu’avec un peu de chance, un enfant issu de deux personnes telles que Nelligan et Lily-Anaëlle serait aussi sages qu’eux l’avaient été. Après tout, il devait bien y avoir une petite partie de génétique là-dedans, pas vrai ? Et au niveau de l’éducation, s’ils s’inspiraient de la manière adoptée par la mère de Lily et les parents de Nelligan, le résultat se rapprocherait peut-être de ce qu’ils étaient eux-mêmes devenus comme adolescents, comme adultes. Ils avaient de toute façon encore quelques mois devant eux afin de se préparer à l’arrivée de leur bébé, et Nelligan comptait bien avoir de bonnes discussions avec ses parents pour être bien prêt. Pour le reste, il apprendrait au fil des années. Ce n’était facile pour personne. « Moi aussi je te gronderai, alors ! Tes cheveux qui bloquent le drain de la douche, ton ordinateur portable que tu ne redémarres pas assez souvent … » Commença à énumérer Nelligan, avant de rire. Il n’y avait bien qu’eux deux pour se mettre à s’énumérer leurs petits défauts du quotidien après avoir partagé la bonne et belle nouvelle d’une grossesse. Heureusement, tout cela n’était que doux et amoureux, et aucunement dans le but de se blesser. Il embrassa la brunette alors que celle-ci reprit quand même son sérieux en affirmant qu’il faudrait quand même un peu de discipline et d’encadrement dans la maison. « Bien sûr. Pas trop, pour ne pas devenir des control freaks, mais juste assez. » Nelligan n’avait aucunement envie d’être un parent trop strict qui ne laissait même pas respirer son enfant comme il le voulait. Ce n’était pas sain, et personne n’en ressortait satisfait. Mais avec une belle relation ouverte et ordonnée, tout irait bien. Après avoir rassurée Lily-Anaëlle sur les nombreux talents qu’elle pourrait transmettre à leurs enfants, celle-ci lui partagea son idée pour le prénom de leur fille, si c’en était une. Lexi. Un prénom lourd de significations, bien sûr, autant pour eux deux que pour les parents de Nelligan. « J’ai hâte de le leur annoncer ! » Depuis le temps qu’ils voulaient être grands-parents. Puis, d’un regard plus sérieux, il regarda son épouse. « Est-ce que tu comptes entrer en contact avec ton père ? » Il était en quelque sorte sa famille restante, à Lily, alors peut-être que sa grossesse lui donnerait envie de renouer avec lui. Nelligan ne savait pas où elle se situait par rapport à ça, maintenant.

Très vite il répondait à ce que tu venais de dire en argumentant la façon dont il pourrait te gronder et les raisons pour lesquelles il pourrait le faire. La première te fit parce que jusqu'à maintenant ce n'a jamais etait un sujet de discorde et que ça n'arriverait sûrement jamais. Quant à l'autre par contre, c'était un sujet que tu connaissais déjà mais il n'était pas non plus sujet de dispute. « Mais il supporte parfaitement d'être en veille et comme ça j'ai toujours mes onglets quand je l'ouvre ! » Tu lui faisais ton grand regard d'ange, comme si tu essayais de le convaincre de ne pas te gronder pour ça. Il avait beau t'expliquer qu'il fallait l'éteindre parce que ça abîmait la batterie ou quelque chose par là - tu n'étais pas à l'écoute quand il te le disait du coup tu avais un doute - mais rien n'y faisait, tu n'arrivais pas à l'éteindre. « Je crois qu'on serait pas capable d'être des control freaks. » Pour ça il fallait être un minimum à vouloir tout contrôler et de ce côté là, ni lui, ni toi ne cherchiez à avoir le contrôle sur votre vie. Sinon ta grossesse aurait été plus méticuleusement préparée que là. « Vivement dimanche, d'ailleurs je pense qu'on peut trouver une belle façon de leur annoncer la grande nouvelle, qu'est-ce que tu en penses ? » Vous ne leur donneriez sûrement pas de petit pot pour goûter et les mettre sur la piste. Tu pensais plutôt à une petite boîte en carton avec une chaussette pour bébé à l'intérieur et un petit mot du style "bientôt je serais là". Une idée de cadeau à faire aussi pour l'annoncer à tes amis. Mais vous aviez encore un peu de temps pour voir. La question qui venait ensuite te laissait plus perplexe. Tu n'en savais rien. Peut-être que tu devrais oui. « Je ne sais pas. Depuis que je suis incompatible pour sa greffe, c'est comme si je n'existait plus. À croire qu'il voulait bien être mon père si je pouvais lui sauver la vie... » C'était une pensée qui te rendait triste. Après tout tu avais découvert que tu avais un père, tu savais enfin son nom, son prenom et l'endroit où il habitait. Pas si loin de toi puisqu'il vivait la moitié de l'année à Adélaïde avec sa nouvelle famille, avec sa fille. Ta demie-sœur qui te ne portait pas tellement dans son cœur. Mais depuis que les résultats étaient revenus, c'était silence radio.

Nelligan secoua la tête en levant les yeux au ciel, gardant toujours son sourire sur ses lèvres, parce que rien dans cette conversation n’avait une quelconque animosité. « Ouais et après il bug à essayer de lire les films Netflix. » Continua le jeune homme, qui avait lui-même à maintes reprises redémarré l’ordinateur de Lily-Anaëlle après avoir sauvegardé tous ses onglets dans sa barre de favoris, pour les ouvrir à nouveau suite au redémarrage. Ni vu ni connu. Au moins, comme ça, elle pourrait l’avoir pour encore bien des années. Si cette tranche de vie pourrait faire passer Nelligan pour un control freak qui n’arrivait pas à laisser sa femme faire ce qu’elle voulait de ses électroniques, cela ne s’appliquait pas à toutes les sphères de sa vie. Avec des enfants, il n’avait aucun doute, comme l’avançait son épouse, qu’il ne serait pas capable d’être à ce point contrôlant. Elle non plus, d’ailleurs. « J’crois pas non plus. Après … on n’a jamais été parents. Peut-être bien qu’on se surprendra nous-mêmes. » Avoua-t-il, puisque la dynamique allait changer dans la maison, et qu’il la partagerait bientôt avec un petit bout d’humain créé par eux deux. Cet être deviendrait leur monde, leur trésor, et qui sait à quel point ils voudraient le protéger. Il faudrait juste garder la présente discussion en tête, et se rappeler de ne pas être étouffant. De ne pas se laisser emporter vers ce qu’ils n’étaient pas, vers ce qu’ils s’étaient promis de ne pas devenir. Le trentenaire souligna finalement sa hâte d’annoncer la grande nouvelle à ses parents, qui seraient fous de joie. Après une année aussi difficile que celle que les Malinowski venaient de traverser, une aussi belle annonce allait certainement égayer leurs cœurs encore endeuillés. « Après l’annonce que tu viens de me faire, je ne sais pas si je saurai trouver une idée à la hauteur ! Mais j’aimerais bien aussi que ce soit un moment spécial. » Avoua-t-il avec un sourire. Pas que des paroles pour l’annoncer, pas que quelques mots pour parler de ce magnifique futur qui les attendait. Avant, toutefois, Nelligan voulut savoir ce que Lily-Anaëlle comptait faire auprès de sa propre famille, si récemment retrouvée. Et « retrouvée » était un terme bien relatif, vues les circonstances. Il hocha la tête à la réponse de son épouse. « Qui sait, peut-être que l’idée d’avoir un petit-enfant pour ton père, et une nièce pour ta demi-sœur, les rapprocherait de toi … » Nelligan n’était pas certain que c’était ce qui se passerait, ou même si c’était souhaitable. Il ne les portait pas tellement dans son cœur en raison du fait qu’ils avaient voulu profiter de Lily-Anaëlle, sans réellement vouloir apprendre à la connaître davantage que pour une greffe. Il savait que ça l’avait blessée, mais il savait aussi qu’elle aurait voulu apprendre à les connaître malgré tout. Il la soutiendrait donc peu importe sa décision.

Tu avais lentement hoché la tête sans écouter le moindre mot de ce qu'il disait. Tu pouvais être une vraie tête de mule, quand tu le voulais. « Tu sais que t'es beau quand tu râles ? Du coup je suis trop concentrée à te regarder que pas un mot de ce que tu dis n'atteint mes oreilles. » Tu ne peux t'empêcher de sourire. A cet instant, tu aurais aimé te hisser sur la pointe des pieds pour l'embrasser parce que tu étais complètement folle amoureuse de ce grincheux. Qui n'avait rien d'un grincheux, si on était honnête, il était même plus facile à vivre que toi. Mais le meilleur, il te supportait, il t'aimait autant que toi. C'était la force de votre couple, à voir si ça tiendrait la distance. « Si on devient des tyrans collants, faudra qu'on se remette en question ! » Tu aimais le modèle d'éducation que tu avais eu avec ta mère et savais que le modèle de Nelligan était à peu près similaire, alors tu ne voulais en aucun cas tu ne voulais devenir le genre de mère qui passait dans les télés-réalités. Fini la fiction, retour à la réalité. « Oh tu sais, il y en avait de toutes sortes ! Si j'avais pu, j'aurais fait un mix d'au moins 15 idées géniales mais ça aurait été beaucoup trop et sûrement long. » Et puis faire quinze découvertes sans jamais avoir la fin de chacune pour le révéler sur la quinze démonstration. Le pauvre serait mort d'impatience avant que tu arrives au bout de tout ça. « Et on pourra faire plus simple aussi parce que je ne les vois pas manger les aliments les yeux bandés. » Cette pensée te fit rire, les parents de Nelligan étaient des gens simples et ils se seraient sûrement prêtés au jeu, mais tu voulais quelque chose de plus signifiant comme un chausson mi-rose, mi-bleu dans une petite boîte cartonnée décorée. « Je ne suis pas sûre que ça les attire sauf si le bébé est compatible.. » Et tu n'imaginais pas un seul instant lui donner un des reins de ton enfant. Non, ce n'était pas acceptable. S'ils ne voulaient pas de toi aujourd'hui, alors ils ne t'auraient jamais. « Je crois que le plus simple et sage c'est d'accepter la situation. » C'était mieux de vivre dans la certitude. Ta certitude aujourd'hui était que tu n'aurais jamais de père mais que ce n'était pas grave, parce que ton enfant à toi, aurait un père et un super papa qui plus est.