i won't say it's gonna be easy (arthur)

Vêtue d'une longue robe, Cleo est venue s'installer au bar de la page afin de pouvoir profiter des derniers rayons de soleil dans un endroit plus frais que le reste de la ville. Elle a entre les mains un cocktail dont elle n'arrive jamais à se rappeler le nom, quelque chose de pas trop fort principalement composé de fruits. Pour une fois, elle n'est pas dérangée d'être seule. Elle aurait pu emmener Eleven, son adorable border collie qui aurait tellement aimé se balader au bord de la plage afin de mouiller ses pattes dans l'eau. Pourtant elle est seule, avec pour seule compagnie un verre à moitié rempli. Exactement comme au gala. Alors que son regard se perd dans la vue du paysage qui l'entoure, Cleo glisse la paille entre ses lèvres et boit une gorgée supplémentaire de son verre. Quelqu'un vient prendre place à coté d'elle sauf qu'elle n'y prête pas attention. Elle continue de se perdre dans ses pensées, pensant au prochain mariage qu'elle devra organiser, rêvant de colombes et d'autres décorations blanches. Elle se remémore les mots de Maxwell, ceux où il disait que peut-être un jour elle pourrait organiser le sien à lui. Elle l'envie pour toute cette joie de vivre qui émane de lui, bien qu'elle soit très heureuse de son bonheur avec sa si jolie Fleur. Oubliant un peu la réalité qui l'entoure, Cleo réalise qu'elle vient de terminer son verre et le regarde un instant, hésitant entre en prendre un second ou bien simplement rentrer chez elle.

Il s’était assis sur un banc, à côté d’une jolie fille. Tout ça, c’était calculé. Il venait de vendre trois barres à un client et il l’avait aperçu avant même qu’elle s’assoit là. La forme de son visage lui plaisait, elle avait l’air d’une petite poupée. Il aimait aussi son regard, sa bouche. Depuis un petit moment, elle ne disait rien, lui non plus. Arthur avait la facilité d’aborder les femmes. Mais là il ne disait rien car il réfléchissait aux mots qu’il devait employer. Il ne voulait pas se manger un vent.

- Excuse-moi ? T’aurais pas… du feu ?

C’était tellement débile comme approche, mais il n’avait rien trouvé de mieux. Il désigna alors sa cigarette du bout de son doigt. Avec un peu de chance, elle fume. Sinon, elle comprendra peut-être qu’il tentait d’engager la discussion. Ou sinon, il aura l'air d'un con.

Sa voix la fait presque sursauter. Cleo l'avait vu, pourtant elle ne lui prêtait pas vraiment attention. Elle était physiquement là, assise face à un verre qui se vidait petit à petit, mais son esprit était ailleurs. Elle pensait, songeait à plusieurs choses en même temps, divaguait entre son boulot et les autres petits détails de sa vie parfois sérieux, et parfois sans importance. Et voilà qu'un parfait inconnu s'était mis à lui parler. Sortant de sa bulle, elle tourne la tête vers lui et glisse une mèche de cheveux derrière son oreille. Du feu ? Elle croit comprendre que c'est ça qu'il lui demande, seulement il lui faut le temps de redescendre sur terre afin de s'en rendre compte. « Hum, non désolée. Je ne fume pas. » Une moue vient étirer le coin de ses lèvres vers le bas et, sans trop savoir pourquoi, elle ajoute « Enfin, pas quotidiennement. » Seulement quand elle sort, ou quand elle croise Isaiah avec qui ils ne se contentent pas seulement de tabac. Cleo ne sait pas pourquoi elle a ajouté cette info inutile, l'homme à ses coté doit certainement s'en foutre royalement qu'elle fume ou pas. Tout ce qu'il veut lui, c'est du feu. Pas connaître sa vie insignifiante.

Elle semblait perdue dans ses pensées, si bien qu’Arthur croit la déranger. Il lui avait demandé du feu, et manque de bol, elle ne fumait pas. Du moins, pas quotidiennement. Elle avait rajouté cette information, qu’il ne prit pas de façon anodine. Peut-être était-ce une ouverture pour discuter, dans ce cas-là il avait bien fait de l’aborder.

- Humm… je vois. Pas grave.

Il finit par hausser les épaules, rester assis quelques secondes, pour finalement se lever. Il était un bien mauvais dragueur, mais il aimait parler aux gens. Il aimait discuter de tout et de rien.

- T’attends quelqu’un ? demanda t-il, curieusement. T’as l’air pensive.

Cette remarque était maladroitement déplacé. Cela ne le regardait absolument pas, certes, il en avait conscience. Toutefois il osa lui poser la question car il était vraiment avide d'en savoir plus sur elle. Elle l'intriguait.

Cela fait si longtemps qu'elle ne s'est plus trouvée dans cette situation de fille qu'on aborde, qu'elle n'a plus été draguée par un homme, que Cleo a fini par oublier à quoi ça ressemblait. Alors lorsque cet inconnu lui demande si elle a du feu, elle ne cherche pas plus loin et ne voit absolument aucun sous-entendu là-dedans. Elle se contente de dire que non, ajoutant quelques détails sans aucun intérêt qu'il ne retiendra sûrement pas. Et pourtant, plutôt que de s'en aller, il enchaîne en lui demandant si elle attend quelqu'un. Intriguée par cette question, Cleo se tourne dans sa direction et le détaille avec plus d'intérêt que la première fois. Ce qu'il rajoute lui fait baisser le regard. « Oui, j'étais un peu perdue dans mes pensées. Mais je n'attends personne, » ajoute-t-elle ensuite en relevant les yeux vers lui. « Et si c'est une façon de demander si tu peux garder la place à coté de la mienne, la réponse est oui. » Elle rit doucement avant que ses lèvres ne s'étirent en un simple sourire. Après tout, un peu de compagnie ne pourrait pas lui faire du mal.

Ce vent sent bon. Il tourne vers l'est, dans les horizons du grand célibat. Car Arthur est alors persuadé que la demoiselle est célibataire. Elle est pensive, elle a peut-être besoin d'une oreille attentive ou mieux encore : une épaule sur qui s'appuyer. Elle lui assure qu'elle peut rester à côté d'elle. Jackpot! Bongo! Un grand sourire malicieux se lit sur son visage.

- Cool.

Il en profite même pour se rapprocher un peu plus d'elle. Il ne compte pas fumer en sa présence, il espère aussi qu'il ne sente pas trop la cigarette. L'odeur de la clope peut faire fuir une proie potentielle. Le jeu de séduction est officiellement lancé.

- Je m'appelle Arthur, et toi comment tu t'appelles? Tu habites Bowen? lui demanda t- il d'un air intéressé.

Ce sourire qu'elle aperçoit sur son visage l'amuse, et ce simple mot qu'il prononce la fait doucement rire. Elle ne s'attendait pas à ce que son approbation à rester puisse lui faire autant plaisir, mais elle ne va clairement pas s'en plaindre. Après tout, c'est toujours mieux d'être à deux que d'être chacun seul dans son coin. Cleo le laisse s'approcher sans bouger et, rapidement, il se présente sous le nom d'Arthur. Elle aime ce prénom, très français et très classe. « Cleo, » dit-elle en retour avec un sourire aux lèvres avant de croiser son regard. « Et non je ne viens pas d'ici, ravie de voir que mon accent ne me démasque plus aussi facilement. » Nouveau rire discret avant qu'elle ne reprenne son sérieux. « Je viens d'Irlande, je suis arrivée ici il y a un an plus ou moins. » Et même si elle l'a regretté au début, Bowen est aujourd'hui devenue comme une deuxième maison pour elle. « Et toi ? » lui demande-t-elle, curieuse d'en apprendre plus sur lui. Elle est plutôt ravie au final qu'il soit venu prendre cette place à coté d'elle, cela fait longtemps qu'elle n'a plus discuté avec un inconnu au détour d'un verre.

Il apprend qu'elle s'appelle Cléo. Il n'a jamais entendu ce prénom. Il est court, simple à retenir, Arthur est certain qu'il s'en rappellera.

- Joli, commenta t-il dans un grand sourire qui en disait long.  Ton prénom, je veux dire. reprit-il sur un ton plus sérieux.

Elle n'était pas australienne et Arthur ne sut déceler l'origine de son accent. Il n'était pas très doué pour cela, lui-même avait un accent français qui était plutôt pitoyable selon lui. Quoi qu'il en soit, sa question première était de savoir si elle habitait Bowen.

- Non, tu te débrouilles super bien, complimenta t-il très sincèrement.

Il sourit, charmeur.

- Je suis français. Parisien pour être plus précis. Je sais pas pour toi mais la vie est vachement plus cool ici. Les gens sont sympas. Y'a moins de circulation, l'air est frais. Ça sent bon.

C'était plutôt bizarre comme remarque, il s'en rendit compte car il fit une drôle de tête. Mais c'était la vérité. L'air était moins polluante qu'à Paris.

Après qu'il ait complimenté son prénom, un sourire vient tout naturellement étirer les lèvres de Cleo. Elle a longtemps aimé son prénom jusqu'à ce qu'elle apprenne qu'elle portait le même que celui du poisson de Pinocchio. Heureusement, ce n'était pas dans un Disney que ses parents avaient puisé leur inspiration. « Merci, » répond-elle simplement, son regard plongé dans celui d'Arthur. Il semble être quelqu'un d'aimable, lui faisant de plus en plus apprécier sa présence à ses cotés. À nouveau, il lui offre un mot gentil qui la rassure quant-à son nouveau statut d'habitante au sein de Bowen, elle qui a toujours eu peur de trop sonner irlandaise. Il lui dit venir de Paris et, ayant toujours été impressionnée par cette ville des lumières qu'elle n'a jamais eu l'occasion de visiter, Cleo ouvre de grands yeux. « Waw, Paris, » souffle-t-elle avant qu'il ne se mette à dénigrer sa ville. Elle ne peut pas juger, elle n'a fait que voir des photos ou vidéos à la télé et sur Internet. « C'est vrai que c'est sympa ici, » dit Cleo, l'air rêveur, regardant autour d'elle avant d'à nouveau porter son attention sur Arthur. « J'ai eu la chance de vivre dans une ville très proche de la nature, du coup la pollution et la circulation, je n'ai pas vraiment connu. Mais moi qui imaginais Paris comme pleine d'artistes, de musique dans les rues, tu viens un peu de briser mon rêve. » Elle rit doucement sans réussir à soutenir le regard d'Arthur plus longtemps.

Arthur prend ses aises. Il a l'impression que le courant passe bien. Si il serait en train de pêcher, là actuellement, il dirait que ça mord à l’hameçon. Cléo est une femme jolie, qui a de la conversation. Il va donc essayer d'apprendre à la connaitre davantage pour la ramener dans ses filets.

Les grandes et jolies exclamations sont monnaies courantes quand on dit qu'on vient de Paris. Sauf que non, Paris ne reflète pas ce que les gens pensent vraiment. Du moins, Arthur le voyait ainsi. Il y avait le beau Paris, chic, peuplé de bobos. Et il y avait le Paris pauvre.

- Oh mais il y a des quartiers sympas! assura-t-il. Tu sais, Paris est divisé en plusieurs arrondissements. Ces arrondissements révèlent ton statut social. Moi j'habitais dans le 20ème. Le plus moisi. Enfin, j'exagère. Disons que ce n'est pas le plus joli coin. Mais comparé au 16ème ou au 18ème...

Il fit alors une grimace pour représenter l'état des lieux.

- Et toi tu vivais où avant? demanda-t-il ensuite.

Et elle, elle ne remarque rien. Elle ne pense pas qu'il puisse faire semblant de s'intéresser à ce qu'elle raconte, a la naïveté de penser qu'il est réellement intéressé par son avis sur la France, ou par l'endroit d'où elle est issue. L'attention de Cleo est entièrement tournée vers Arthur alors que celui-ci lui raconte que non, tous les quartiers de Paris ne sont pas aussi beaux que ce que montrent les photos. Elle se contente de hoche la tête avant de regarder pensivement droit devant elle. « Peut-être que j'irais un jour, juste par curiosité. Mais je ne me limiterai pas aux beaux quartiers, » ajoute-t-elle aussi, comme pour se justifier auprès d'Arthur qui pourrait penser qu'elle n'est rien d'autre qu'une fille superficielle qui aime les belles choses. Il lui retourne la question et, immédiatement, Cleo se remémore sa ville et tous les beaux paysages qui l'entouraient. « À Galway, une ville qui est je pense bien différente de la tienne. Franchement, si un jour tu es pris par une folle envie de visiter l'Irlande, arrête-toi dans ce coin-là. » Un nouveau sourire franc vient étirer ses lèvres et son regard se pose à nouveau sur l'homme à ses cotés.

Brossant un portrait sombre de sa ville natale, Arthur ne vante pas les mérites de Paris. Du moins, pas de l'arrondissement où il a grandit. À part l'épicier pakistanais et une vieille laverie, il n'y avait rien à visiter. Il est d'ailleurs très surpris que Cléo désire voir autre chose que les beaux quartiers.

- Si je suis dans les parages, je t'escorterais! s'exclama t-il d'une voix grave, le regard dur.

Puis il se mit à rire. Avec son corps de lâche, il ne faisait pas un très bon bodyguard. Mais les femmes aimaient les hommes qui jouaient les protecteurs, alors il en rajoutait un peu. Par contre il espérait ne pas trop se faire passer pour un idiot.

- J'y penserais.

Avait-il dit quand elle lui conseilla de faire un tour à sa ville d'origine. Il n'est pas certain d'aller un jour en Irlande, mais pourquoi pas si l'occasion se présente.

- Et tu vis seule? Tu as quelqu'un dans ta vie? demanda t-il alors d'un air détaché.

C'est qu'il ne voulait pas lui montrer qu'il était vivement intéressé. Il n'avait pas envie qu'elle croit qu'il était un de ces vieux dragueurs du dimanche pot-de-colles.

L'idée de visiter Paris la rend rêveuse, mais l'idée de la visiter en compagnie d'Arthur en tant que guide touristique l'amuse et fait naître un fin sourire sur ses lèvres. Elle l'imagine déjà, lui montrant quelques rues tout en les dénigrant un peu, pendant qu'elle derrière s'émerveillerait pour un simple feu tricolore différent d'ici, ou de chez elle. « Je garde cette proposition en mémoire, » répond-elle en haussant un sourcil, même si elle sait que les chances pour qu'elle et lui soient en France au même moment sont très faibles. Déjà, elle ne sait pas si elle ira un jour, tout comme elle ne sait pas si lui ira une fois en Irlande. Elle n'a juste pas pu s'empêcher de parler de sa ville, cette terre si lointaine qui lui manque et qu'elle ne voit plus qu'en photo en plus de dans ses souvenirs. À la question qu'il lui pose quant-à si elle vit seule ou non, Cleo secoue d'abord négativement la tête avant de lui offrir un nouveau sourire amusé. « Je vis avec mon grand amour, » dit-elle dans un premier temps avant d'ajouter « Mon chien, Eleven. Mais pas de fiancé ou petit copain dans les parages, car je suppose que c'est plus ça le but de ta question que de savoir si j'ai un animal de compagnie, » dit-elle avec un rire léger et amusé. Elle ne dit pas ça comme un reproche, au contraire. Pour une fois, Cleo arrive à soutenir le regard d'un homme tout en comprenant petit à petit le réel but de sa présence à ses cotés.

Le sourire d’Arthur disparait lorsque Cléo lui annonce qu’elle vit avec « son grand amour ». Il se dit immédiatement qu’il a perdu du temps et qu’il devrait repartir chez lui illico presto. Jusqu’à ce qu’elle lui explique que ce grand amour est son chien Eleven. Arthur retrouve son sourire avec soulagement. Elle vit seule. Il n’avait donc bien fait d’avoir abordé la jeune femme. Sans doute avait-elle comprit qu’il avait posé cette question pour savoir si elle avait un petit copain ou non.

- C’est vrai, admit-il en laissant apparaître ses dents parfaitement blanches.

Au moins elle avait compris qu’il était intéressé. Arthur avait beau être très sociable et avenant, il n’était pas venu vers elle pour discuter du paysage. Mais bon, rien ne montrait qu’elle était, elle aussi, intéressée. Il aller devoir creuser un peu pour en savoir plus.

- Donc t’es célibataire, récapitula-t-il de façon énigmatique.

Il s’autorisa un cliché :

- Mais comment ça se fait ? rajouta-t-il d’un air exagérément ébahi.

L'entendre lui dire qu'elle a raison la fait sourire à nouveau. Elle a beau être naïve, Cleo n'en est pas stupide pour autant. Sous le bar, elle croise ses jambes avant de se tourner vers Arthur, un bras toujours posé sur le meuble en bois à coté d'elle. « Au moins, tu ne t'en caches pas. » Elle rit doucement. Naïveté de croire qu'elle pourrait réellement l'intéresser, qu'elle n'est pas qu'une femme qu'il mettrait facilement dans son lit pour ensuite ne plus jamais lui parler. Elle a déjà connu ça avec un homme, un homme du combat qui s'est servie d'elle comme d'un dernier souvenir ici à Bowen avant de s'en aller. Et pourtant, elle continue de faire ses grands yeux de biche à Arthur au lieu de l'envoyer balader. « Bonne déduction, » répond-elle. Ce qu'il lui demande ensuite la fait légèrement rire, habituée à entendre cette phrase un peu bateau dans les films et non dans la réalité. « Bonne question, » commence-t-elle. « Peut-être parce que je suis moins intéressante qu'une jolie blonde capable de danser même perchée sur des talons de vingt centimètres, » hasarde-t-elle en haussant les épaules. « Et toi alors ? Plutôt coeur vagabond ou en quête d'une personne spéciale ? » lui demande-t-elle en haussant un sourcil, impatiente de connaitre la réponse.