In restless dreams I walked alone + Freja

Il y avait des soirs comme ça où Léo n’arrivait pas à rester seul chez lui. Où il broyait du noir et ça n’avait rien de bon. Alors pour éviter le coup de blues il avait accepté l’invitation d’un vieil ami à venir boire un verre, le genre d’ami avec lequel il devrait s’amuser, de ceux qu’il avait rencontré durant ses études et avec lequel il se souvenait d’avoir passé des soirées… dont il ne se souvenait pas de grand chose en fait. C’était simplement parfait pour la situation. La situation, elle n’était pas vraiment fameuse, Léo n’était plus que l’ombre de lui-même depuis quelques semaines et il n’avait pas l’impression que les choses allaient s’améliorer de si peu. Alors autant se vider la tête, au moins un soir, pour mieux retrouver ses ténèbres et sa maison vide en rentrant. Il aurait pu tout plaquer, partir en vrille à l’autre bout du monde comme il l’avait déjà fait par le passé mais il ne savait pas bien pourquoi, il restait là, à Bowen, chez lui, mais dans cette ville où il pouvait croiser ses fantômes à tous les carrefours, tous ses souvenirs heureux mais surtout ceux qu’il voudrait oublier, à chaque coin de rue qu’il connaissait par coeur. Son verre presque vide entre les mains il repensait toujours à la même chose, à ces derniers mots échangés, à ceux qu’il n’aurait pas dû prononcer, aux larmes versées. Ce soir il devait s’amuser, il devait oublier, le but était de boire le maximum dans un temps minimum et de rire avec son ami. Mais voilà, il lui avait dit qu’il revenait voilà presque une demi-heure et clairement, Léo n’avait plus espoir de le voir le rejoindre, génial, il venait de se faire planter par son pote, il aurait tout vu… Et clairement, rester accoudé seul au comptoir toute la soirée ça n’était pas meilleur pour son moral. Il allait terminer son verre, celui que son copain avait oublié également, payer l’addition et rentrer embrasser sa solitude chez lui.

Deux semaines déjà que tu étais revenue à Bowen et ta vie avait repris tout doucement son cours. Ou presque. Niveau travail, c'était loin d'être la joie. Ton entreprise battait de l'aile et tu ne savais plus quoi faire pour la récupérer. Alors, plutôt que de chercher de l'aide autour de toi, tu préférais noyer ton chagrin dans la drogue, l'alcool et les fêtes. Un trio gagnant. Du moins, c'était plus facile que de prendre tes responsabilités. Pour la première fois de ta vie, tu manquais de lucidité quant à ton travail et à ton avenir. Jusqu'ici, tu avais toujours su quels étaient tes objectifs mais aujourd'hui, les choses étaient différentes. Les choses allaient mal, tout simplement. Bref, après avoir broyé du noir pendant une bonne partie de la soirée, tu décides de te rendre au bar de la plage où tu rencontreras sûrement des têtes connues. Du moins tu l'espère. En arrivant sur place, tu ne vois personne faisant partie de ton entourage alors tu te diriges vers le bar dans le but de t'y poser. Mais avant de t'asseoir, ton regard est attiré par un visage qui ne t'est pas familier mais pas inconnu non plus. Tu fronces les sourcils, essayant de te souvenir d'où tu connais ces traits. Puis, un sourire élargit tes lèvres lorsque tu t'avances vers le jeune homme. « J'ai l'impression qu'on s'est déjà vu, non ? » Demandes-tu en t'installant sur le tabouret voisin. Tu n'es pas certaine mais tu as l'impression de le connaître d'une soirée organisée par Noah, il y a quelques mois d'ici. Aujourd'hui Noah n'était plus là mais le visage du jeune homme en face de toi était resté gravé dans ta mémoire. Il faut dire que des traits de ce genre sont plutôt difficiles à oublier. Tu commandes un cocktail au serveur puis reportes ton attention sur l'homme de ton passé.

Perdu dans ses pensées, un peu étourdi par les deux verres qu'il venait de boire coup sur coup, Léo restait là, à regarder le bal des serveurs sans vraiment les voir, il restait un fond d'alcool dans son dernier verre, bientôt il quitterait les lieux puisque son ami ne revenait pas. Une forme vint se poser à sa gauche, à la place de celui qui s'était volatilisé, au départ Léo ne la remarqua pas, il se moquait bien qu'on vienne s’asseoir près de lui. Puis une voix féminine sembla l'apostropher. Il se retourna vers un visage qui lui dit quelque chose, fronça les sourcils en la détaillant de haut en bas, pas forcément pour la reluquer mais plus pour essayer de se souvenir d'où il la connaissait. Une jolie brune, pas forcément son genre, mais il ne pouvait nier qu'elle était jolie et plutôt bien faite, jeune... Vous êtes mannequin ? Même s'il ne faisait quasiment plus de photos de mode, Léo acceptait encore quelques contrats de temps en temps. Et, sortit de nul part Léo eut comme un flash, Noah et son insolence, accompagné de la jeune femme, évidemment, elle devait certainement être modèle ou quelque chose comme ça pour se retrouver au bras de monsieur Hugo Boss. Non, la soirée de Lefebvre, tu étais sa cavalière, c'est bien ça ? Cette soirée n'était pas forcément le meilleur souvenir du photographe puisqu'il méprisait celui qui l'avait organisé mais ayant travaillé pour la marque il avait trouvé plus correct de s'y rendre. Pourtant faire des courbettes au gratin de Bowen et voir sa Fleur pleurer pour les beaux yeux d'un crétin lui avaient laissé un arrière-goût amer. Finalement la seule chose bien qu'il ait retenu c'était peut-être le sourire de l'inconnue quand il l'avait saluée, bien qu'elle fasse les mauvais choix en matière d'hommes, enfin ça n'était que l'avis totalement gratuit de Léo. Tu attends quelqu'un ?

Tu ne peux t'empêcher de sourire, ironiquement, en entendant le brun te demander si tu es mannequin. Ce n'est pas la première fois qu'on te pose cette question. Ni la première fois que quelqu'un t'aborde en rue pour te demander d'être modèle. Mais ce milieu ne t'intéresse pas, au fond. Même si tu as déjà fait quelques photos par le passé - plus pour toi que pour les autres. Avant que tu puisses répondre, le jeune homme fait le rapprochement avec la soirée de Noah et ton sourire s'élargit. « C'est ça. Enfin, cavalière est un bien grand mot. Disons, une amie. » Tu ne voulais pas qu'un quiproquo persiste d'autant plus que Noah était marié. Bien que, tout le monde dans le milieu était au courant de ses nombreuses infidélités. Tu avais fait partie de tout ça, d'ailleurs, par le passé. Et pas qu'une fois, malheureusement. Aujourd'hui, quand tu y repenses, c'était stupide. Carrément stupide. Mais il était possible de changer le passé de toute façon. Lorsque le serveur dépose ton verre, tu le portes à tes lèvres avant de reporter ton attention sur le jeune homme. « Non, j'étais venue ici en quête de voir des têtes connues et je crois que c'est réussi. » Réponds-tu avec un fin sourire avant d'ajouter : « Et toi ? Quelqu'un t'a lâché ? » Tu avais bien remarqué les deux verres posés devant le jeune homme et c'était peut-être un signe qu'il y avait quelqu'un, là, auparavant. Mais en tout cas, sur le moment même, tu ne voyais personne d'autres et c'était mieux comme ça. Du moins pour toi. « Au fait, moi c'est Freja. » Tu avais besoin de mettre un nom sur un visage, la plupart du temps, mais il t'était impossible de le faire avec lui. Vous n'aviez pas été présenté lors de la soirée, malheureusement. Il y avait simplement eu quelques regards échangés et quelques formules de politesse.

Ca flattait toujours les filles qu'on leur demande si elles étaient mannequins, Léo avait souvent abusé de la question durant ses jeunes années lorsqu'il voulait les séduire, maintenant c'était un peu moins amusant. Ce soir d'ailleurs il n'avait pas cherché à complimenter la brunette, en vérité il avait plutôt fait preuve d'une certaine logique. Quoi qu'il en soit ça n'était pas sur une séance photo qu'ils s'étaient rencontrés. Il haussa un sourcil alors qu'elle semblait tenir au mot "amie", elle avait une drôle de façon de voir les, choses, jamais Léo n'avait vu Noah n'être qu'ami avec une belle plante, mais il ne trouva pas utile de relever, n'ayant pas forcément envie de s'éterniser sur un sujet déplaisant. Il sourit à demi, pas certain d'être vraiment une tête connue pour cette fille, mais après tout, c'était toujours agréable d'être abordé de cette façon. Il jouait avec son verre dans le quel il restait encore un fond qu'il traînait finalement à boire. C'est délicat de ne pas me demander si je suis alcoolique ! Il sourit franchement cette fois-ci. En fait... oui. J'avais prévu une soirée à enchaîner les verres avec un vieil ami, simple, efficace. Mais ce faux ami a croisé le regard de son ex, il m'a dit qu'il allait la saluer mais j'ai comme l'impression qu'ils sont parti s'enfermer dans les toilettes. Et pas pour jouer au scrabble... L'amitié n'est plus ce qu'elle était. Conclut-il en dodelinant de la tête. Au fond il était un peu jaloux de son pote, lui donnerait beaucoup pour remettre le couvert avec son ex. Quand la brune lui donna son prénom Léo termina enfin son verre et fit signe au serveur de lui en remettre un, sa maison vide pourrait bien attendre un peu. Désolé, j'en oublie la politesse, moi c'est Léo. Freja, ça n'a rien d'australien... C'est vrai que Noah n'avait même pas pris la peine de les présenter la première fois.

Tu laisses s'échapper un léger rire en entendant la remarque du jeune homme. Tu avais souvent analysé les personnes accoudées au bar et il était vrai qu'un homme avec deux verres était soit alcoolique, soit en mal d'amour. Et la deuxième raison entrainait souvent la première. Mais cette fois, tu avais envie de penser différemment pour cet homme, devant toi. Il était clair qu'il noyait son chagrin dans l'alcool mais au moins, il était plus ouvert à l'amusement et à la détente. Ou du moins, il semblait l'être. Tu avais toujours eu ce talent pour décrypter les gens et tu adorais t'en servir. Davantage encore pour draguer mais ça, c'était une toute autre histoire. Ici, tu n'avais pas besoin de ça étant donné que vos chemins s'étaient déjà croisés avec le jeune homme. « Ahhh les femmes. Elles sont capables de faire tourner la tête des hommes en quelques secondes. » Réponds-tu avec un sourire aux lèvres. Les femmes étaient sûrement la plus grande faiblesse des hommes et tu t'en servais souvent, d'ailleurs. Jouant avec leur désir, leur sentiment, leur plaisir. Jouant avec eux, tout simplement. « L'avantage c'est que tu as troqué un pote contre une femme. » Ajoutes-tu en portant ton verre à tes lèvres. Quelques secondes plus tard, c'est à Léo de se présenter, puisque maintenant tu sais qu'il s'appelle comme ça. Son prénom est plus courant que le tien, par ici, c'est vrai. « C'est norvégien. Mon accent ne m'a pas trahi ? » Demandes-tu avec un léger rire. Tu travaillais d'arrache-pied sur cet accent mais on ne pouvait jamais complètement renier ses origines, après tout.

Cette soirée n'était clairement pas celle à laquelle Léo s'était attendu, pourtant, étrangement, elle prenait une tournure plutôt agréable et ça n'était pas pour lui déplaire. Plutôt dans le creux de la vague depuis quelques semaines, carrément au fond du trou, en fait, il ne s'était pas imaginé retrouver le sourire aussi facilement au contact d'une inconnue. Pourtant il avait connu les rencontres fortuites, il avait même adoré ça à une époque, entrer dans un endroit où il ne connaissait pas grand monde, aborder quelqu'un juste comme ça, voir si le feeling passait, il avait eu de bonnes et de moins bonnes surprises, ça faisait parti du jeu. Certaines amitiés s'étaient créées si facilement, naturellement, comme avec Zéphyr, son pote qui lui manquait tant depuis qu'il avait quitté Bowen. Il avait aussi passé des nuits plutôt agréables dans les bras de parfaites inconnues, seulement quelques heures durant lesquelles chacun ne demandait rien de plus que la chaleur de l'autre. Léo pensait avoir oublié tout ça, il pensait s'être rangé, ce soir pourtant il renaissait petit à petit de ses cendres. Il roula des yeux. Nous sommes bien faibles, c'est vrai. Il ne pensait pas être meilleur qu'un autre, bien au contraire. Fronçant les sourcils il observa la jolie brune avant de hocher la tête. J'espère que c'est un avantage ! Après tout il ne la connaissait pas, elle pouvait être une vraie pimbèche et dans ce cas là Léo y perdrait au change. C'est vrai qu'un tête à tête à avec le barman n'aurait pas été aussi agréable j'imagine. En parlant du serveur il lui remplit donc son verre et repris l'autre vide. En effet, Freja avait un accent étranger, Léo n'avait pas vraiment relevé, peut-être qu'il était trop habitué à voyager. Je connais beaucoup d'accents, mais pas celui de la Norvège. Je n'ai jamais eu la chance d'y aller d'ailleurs... Il laissait sa phrase en suspens, comme une réflexion pour lui-même. Plus habitué à découvrir les pays chauds, exotiques, que le nord de l'Europe, pourtant on disait que la Norvège était magnifique... et déjà il avait une nouvelle envie de partir pour nourrir sa soif insatiable de découverte.

A cause de ton père et des violences subies durant ton enfance, tu as toujours méprisé les hommes d'une certaine façon. Tu as toujours eu ce besoin de les rabaisser à travers l'usage de ton corps et de ton talent pour les séduire. Pourtant, la plupart des hommes que tu utilises et jettes ensuite n'ont rien fait et rien demandé. Ils te rappellent juste cet homme qui t'a éduqué et que tu détestes. Du coup, c'est une raison suffisante pour que tu t'en serves. Même si c'est complètement stupide. Donc, lorsque Léo approuve la faiblesse des hommes, tu ne peux que sourire par approbation, à ton tour. Ils ne sont peut-être pas tous comme ça mais à tes yeux, oui. Et c'est tout ce qui compte pour toi. « C'est vrai. Peut-être que je suis une grosse psychopathe qui va te poursuivre pour trouver ton adresse et puis venir te harceler. » Dis-tu en riant légèrement. C'était peu probable mais il fallait le souligner quand même. Après tout, Léo ne savait pas contre qui il troquait son ami. Même si, en ce qui te concerne, il avait peu de soucis à se faire. Tu ne voulais rien d'autres que passer un bon moment à ses côtés, le temps d'une soirée. « Quoiqu'il est plutôt mignon. » Rétorques-tu en tournant ta tête vers le barman, justement. Ce n'était pas faux mais ça n'avait pas l'air d'intéresser beaucoup Léo. Contrairement à toi qui est attirée par les deux sexes. « C'est un très beau pays du moins si le froid ne te gêne pas. » Dis-tu avant d'ajouter : « Cela fait un moment que je ne suis plus rentrée au pays. Dis moi si tu comptes un jour y aller, je pourrai peut-être te faire visiter deux-trois endroits sympas. » Tu ne rentrais pas souvent par peur de croiser ton père mais il faudrait bien un jour ou l'autre surmonter cette peur. D'autant plus que tu adorais ton pays et davantage encore lorsqu'il était enneigé et aussi glacé que ton coeur.

Léo écrasa un rire alors qu'il imaginait la brune en psychopathe qui viendrait le harceler. En vérité il n'avait pas pensé à cette probabilité, la seule chose qu'il craignait c'était qu'elle soit éventuellement le genre de fille un peu collante ou pas intéressante ou tout un tas d'autres possibilités qui gâcheraient sa soirée, rien d'aussi extrême en somme. D'ailleurs son sourire contagieux et son attitude donnait plutôt l'impression qu'il allait passer un bon moment en sa compagnie. Il s'approcha d'elle et chuchota comme pour la mettre dans une confidence : Je connais des gens ici, j'ai des contacts, je ne te conseille pas de me harceler... Il haussa les sourcils comme s'il pouvait vraiment avoir l'air impressionnant. Souriant dans sa barbe il observa le serveur avant de revenir à la brune. Mignon... il manque un peu de poitrine si tu veux mon avis. Je te le laisse, il est tout à toi ! Les jeunes serveurs ça n'était pas vraiment son truc à Léo, c'était pourtant drôle parce qu'il se faisait régulièrement aborder par des hommes dans les bars, à croire qu'il devait les attirer également, pourtant il n'avait jamais voulu tenter l'expérience. Ne me tentes pas, je serais capable de prendre un billet dès demain ! La pauvre Freja ne connaissait pas Léo, lui et ses envies d'aventure, lui qui pouvait partir au pied levé, sur un coup de tête, tout plaquer pour quelques semaines ou quelques mois, il l'avait déjà fait, dans divers circonstances, partir ne lui faisait pas peur, sa vie était faite de voyages et de rencontres. Partir c'était aussi sa façon de continuer à vivre malgré les épreuves, souvent pour trouver un nouveau souffle et en ce moment il en aurait bien besoin. Il tendit son verre qu'il n'avait pas encore touché et trinqua avec sa nouvelle camarade. A notre futur voyage ! Ce serait sûrement agréable de découvrir la Norvège avec toi. Une fois son toast porté, il avala une gorgée de son poison. Et pourquoi tu n'es plus revenu chez toi ? L'Australie c'est un peu... radical, comme changement. Tu fuis quelque chose ? Léo était plutôt clairvoyant en général, à force de rencontres, d'entendre les histoires des autres, sa propre expérience aussi, tout ça lui avait démontré qu'on cherchait tous à échapper à quelque chose.

C'était plutôt agréable de partager ce moment en compagnie du jeune homme. Il semblait aussi léger d'esprit que toi et c'était assez plaisant. Malgré que vous ne vous connaissiez pas encore beaucoup, vous n'hésitiez pas à taquiner l'autre et à en rire. D'ailleurs, c'est exactement ce que faisait Léo à cet instant précis, les sourcils relevés. « Message reçu cinq sur cinq. J'préfère éviter de finir dans l'océan. » Dis-tu en prenant un air faussement inquiet. Il ne t'intimidait pas le moins du monde mais tu aimais lui faire croire le contraire. Même si Léo avait très certainement compris que tout ça n'était que dans le but de rentrer dans son jeu. Comme tu l'avais compris, le brun n'est pas intéressé par les autres hommes. Ce n'est pas donné à tout le monde d'être bisexuel. Et heureusement, il y aurait moins de choix pour toi si c'était le cas. « Il ne m'intéresse pas vraiment. » Ou du moins, pas à cet instant précis. Léo attirait davantage ton attention même si le barman restait plutôt mignon. Mais Léo avait ce petit truc en plus et à cet instant précis, tu comprenais pourquoi tu te sentais plus proche de lui que du serveur : les voyages. Le jeune homme semblait aussi épris que toi de cette activité mondiale et surtout, il n'avait pas peur de l'inconnu. Prendre un billet pour le lendemain ne te dérangeait pas, bien au contraire. Ce n'est pas comme si ça ne t'était jamais arrivé, au fond. « C'est toi qui me tentes là. » Réponds-tu avec un sourire taquin. Rentrer au pays était une idée terrifiante et pourtant très tentante. Tu te demandais bien ce que ça ferait après quelques années d'abstinence. Verrais-tu ton père ? Ta famille ? Sûrement pas. Si tu retournais au pays c'était pour le découvrir à nouveau en présence d'un homme plutôt charmant. Tu tends ton verre également lorsque Léo trinque à votre futur voyage. Ton sourire s'élargit à cette idée. « Et pour moi de redécouvrir mon pays en bonne compagnie. » Réponds-tu avant de porter ton verre à tes lèvres. Tu fronces les sourcils en entendant la question de l'australien. Sujet sensible. Mauvaise pioche. Tu n'es pas certaine d'avoir envie de lui donner les détails de ta vie alors que tu ne le connais pas encore beaucoup. Du coup, tu décides de rester vague sur le sujet. « Je fuis mon passé. Comme la plupart des gens sans doute ? » Demandes-tu avant d'ajouter : « L'Australie c'est radical et c'est surtout loin. Très loin. » Tu ris légèrement pour détendre l'atmosphère et rendre ta situation un peu moins dramatique. Tu t'étais confiée à Léo en restant vague, c'est tout ce qui comptait. « Et toi, tu fuis quelqu'un ? Partir à l'aventure avec une presque inconnue, c'est pas commun. » Léo ferait peut-être comme toi, en répondant vaguement mais la question te brûlait les lèvres. Tu devais la poser.

Il ne m'intéresse pas vraiment Ce genre de phrases n'étaient jamais vraiment lancé au hasard et ne passaient jamais totalement inaperçue. Léo plissa les yeux en regardant cette fille dont il ne connaissait encore rien. Était-il prêt à se laisser charmer, il n'y avait pas pensé, cette soirée n'avait pas vocation à réchauffer son cœur mais plutôt à étourdir ses sens pour mieux oublier sa peine. Il sourit doucement, preuve qu'il avait compris le message mais n'ajouta rien, non, il n'était pas encore prêt à se prêter à ce jeu là. Il n'était pas prêt pour la drague mais faire des projets de voyage avec une fille qu'il rencontrait à peine ça ne lui posait visiblement pas de soucis, contradiction intéressante. Pourtant ça avait toujours été ça, Léo, des idées un peu folles lancées en l'air, qu'il les réalise ou non n'était pas important finalement, du moment qu'il continue à avoir des projets, c'était ce qui le nourrissait et le faisait avancer. Il était peu probable qu'il prenne un vol pour Oslo dès le lendemain mais il aimait l'idée d'avoir la liberté de pouvoir le faire. Freja semblait en plus être aussi aventurière que lui, c'était d'autant plus tentant. Je ne suis pas sûr d'être de si bonne compagnie ! Il parait que je ronfle quand je ne suis pas dans mon lit. Et puis je cherche toujours à goûter les spécialités les plus ignobles. Sans parler du fait que je m'arrête à chaque point de vu pour faire des photos, pire qu'un chinois. Enfin je préfère te prévenir avant de partir. La plupart de ce qu'il avançait était vrai, sauf peut-être pour les ronflements, pour lui ça restait une légende...
Pour fuir, elle fuyait, il n'y avait pas de doute. Et elle avait certainement choisi la destination la plus lointaine, mais après tout, il comprenait bien l'idée, même s'il n'était pas au courant du contexte. en vérité il se moquait bien qu'elle lui raconte son histoire, ils n'étaient pas ici pour s'épancher, c'était déjà bien qu'elle lui réponde honnêtement. Oui, comme beaucoup j'imagine. Ils n'étaient pas bien différents des autres, simplement tout le monde n'avait pas le courage ou l'envie de prendre un avion et de tout plaquer, en ça il se ressemblaient beaucoup visiblement. Il sourit distraitement tout en portant son verre à sa bouche. Partir à l'aventure c'est un peu l'histoire de ma vie. Il se faisait souvent payer pour, toute la magie de son job. Puis ouais... c'est parfois difficile de rester dans une ville où tous les endroits que tu fréquentes te rappellent quelqu'un. Si elle était douée en réponse énigmatique lui n'était pas mauvais non plus. Il resta quelques secondes à fixer son verre puis se retourna vers Freja et lui lança un regard taquin pour éviter de plomber l'ambiance. On n'est plus vraiment des inconnus et la soirée ne fait que commencer. Léo ne savait pas bien ce que ça signifiait mais ils verraient, après tout ils avaient toute la nuit.

Lorsqu'une personne attirait ton attention, tu n'étais pas du genre à te cacher derrière des faux-semblants. Tu préférais choisir l'honnêteté et lui faire comprendre assez rapidement tes intentions. Tu n'avais pas dérogé à la règle, ce soir, avec Léo. Même si tu ne l'avais pas exprimé clairement, tu lui avais fait comprendre que tu n'étais pas insensible à son charme et sa personnalité. Parce qu'au-delà du physique, il n'y avait aucun doute qu'il existe un homme bien. Malgré sa gueule d'ange, Léo semblait sensible et réfléchit. Des qualités importantes à tes yeux et davantage chez un homme. Parce que la plupart des hommes, il faut bien l'avouer, préfèrent cacher leurs sentiments et fuir. Le brun en face de toi ne semblait pas de ce genre-là. Mais tu ne le connaissais pas encore assez pour l'affirmer. « Pour les ronflements, au pire des cas, je changerai de place avec une petite vieille qui ronfle autant. Pour les spécialités immondes, je n'ai pas peur de relever le défi. Et pour les photos, si tu acceptes de prendre de belles photos souvenirs pour moi aussi alors je ne m'en plaindrai pas. » Réponds-tu avec un large sourire aux lèvres. « Tu es passionné de photographie ? » Léo disait être pire qu'un chinois du coup, il devait forcément l'être mais ça allait peut-être plus loin que ça. Après quelques minutes, le jeune homme te pose davantage de questions sur ta venue et ce n'est pas vraiment un sujet dont tu aimes parler. Du coup, tu préfères rester vague et lui retourner la question. « Je partage ton goût pour l'aventure. Il n'y a rien de comparable. » Dis-tu avec un sourire des plus passionné. Tu ne souriais de cette façon-là qu'en parlant des voyages. C'était ta façon à toi de t'échapper de ton quotidien et de tes problèmes. Un moyen de prendre l'air, en quelque sorte. « Je vois. Et que feras-tu si ces souvenirs ne s'effacent jamais vraiment ? Tu repartiras à zéro dans une autre ville ? » Demandes-tu par curiosité. Tu sais que Léo n'oubliera certainement pas la personne dont il parle mais les souvenirs partagés peuvent s'effacer un petit peu. Du moins, pour laisser place à des nouveaux. Tu arques un sourcil en entendant la réponse du jeune homme, un léger sourire aux lèvres. Tu as saisi le message, du moins, si message il y a. Tu commandes un nouveau verre et une fois celui-ci devant toi, tu le portes à tes lèvres sans détacher ton regard de celui de Léo.

Elle avait de la répartie et réponse à tout, visiblement rien ne lui faisait peur. Malgré tout, derrière cette assurance affirmée Léo imaginait bien cette fille pleine de fêlures, bien moins frivole que ce qu'elle laissait entrevoir et ce serait certainement ce qui lui plairait le plus chez elle si d'aventure ils étaient amener à se connaitre davantage, dans un voyage ou même en restant à Bowen. Il haussa les sourcils en souriant, amusé. Merci pour la petite vieille. Je ne t'ai pas, dit, j'ai mauvais caractère aussi ! Est-ce qu’inconsciemment il cherchait à la décourager de toute tentative de séduction ? Visiblement Freja semblait se moquer de tous ses petits travers, de toute façon il ne prenait pas ce jeu au sérieux. J'en ai fait mon métier alors oui, on peut dire que je suis passionné. Pour en revenir au sujet désagréable c'est même comme ça que j'ai rencontré Noah, il a été en mon patron, en quelque sorte, à une époque. Il n'avait pas vraiment besoin de préciser mais au moins comme ça elle avait toute la petite histoire. Léo était bien d'accord avec la belle, il n'y avait rien de comparable à l'aventure, à fouler une terre reculée que peux d'autres avaient foulé avant, de partir au pied levé motivé par la simple envie de découvrir, de ne pas s'arrêter à son petit confort. Léo était persuadé que s'il était resté à Bowen toute sa vie il aurait finit par devenir aigri et vide alors que ses voyages l'avaient éveillé, impressionné, il avait gardé ce regard de gamin capable de s'émerveiller devant un paysage sublime et à chaque fois que ça arrivait il se félicitait d'avoir un jour su envoyer promener son père pour embrasser cette vie qu'il rêvait de vivre depuis toujours. La vraie question n'était pas là, c'était sûrement plus complexe que ça. Non la vraie question serait plutôt est-ce qu'il voulait vraiment que les souvenirs s’effacent ? Il soupira doucement, il ne voulait pas avoir l'air du mec malheureux qu'il était vraiment. Parce que la douleur était encore là, trop vive, trop récente, il l'avait cherché, c'est lui qui était parti. Mais il ne voulait rien oublier, c'était une histoire triste mais belle et il avait toujours espoir qu'elle ne soit pas vraiment terminée. J'ai cette fâcheuse tendance à fuir, à partir quelques temps. Mais cette ville m'a vu naître, j'y ai mes amis, ma famille. J'en ai besoin, je m'en suis bien rendu compte. A chaque fois qu'il avait voulu tout plaquer Bowen finissait par lu manquer. C'est ma maison. Il sourit faiblement. Puis n'attendit pas longtemps avant de changer de sujet, comme je l'ai déjà dit, il était là pour s'amuser et il comptait bien arrêter de pleurer sur son sort au moins pour ce soir. Freja semblait avoir compris le message, déjà elle terminait son verre et en commandait un nouveau. Il l'observait un peu à la dérobée, depuis combien de temps n'avait-il pas séduit de fille dans un bar... et puis elle était si jeune, il n'osait même pas se poser la question de son âge. C'est à ce moment là qu'il se dit qu'il se prenait bien trop la tête, pourquoi devait-il toujours compliquer les choses alors qu'elles pouvaient être simples. Une fille qui était attirée par un mec dans un bar et ce mec qui ne lui était pas insensible, pas besoin de se poser mille questions et puis il n'était pas si vieux. Il termina donc son verre, sentant le regard de Freja qui ne le lâchait pas puis en repris un nouveau sur le champs. Freja l'aventurière... tu as donc beaucoup voyagé toi aussi ?

Quand ça concernait les autres, tu n’étais pas du genre à te laisser démonter facilement. D’ailleurs, tu le montrais encore une fois face à Léo. Il semblait vouloir te décourager, peut-être ? Mais il ne te connaissait pas, le pauvre. Tu ne laissais pas tomber comme ça, sans te battre. Sauf quand ça te concernait directement, là, c’était une toute une autre histoire. Tu avais bien trop peu de valeurs pour te battre pour toi-même. C’était une cause perdue d’avance. « T’es un vieux bougon ? » Demandes-tu finalement avec un sourire taquin aux lèvres. Cela ne te faisait pas vraiment peur de partir à l’aventure avec Léo parce qu’il ne semblait pas être un psychopathe ou un meurtrier. Il semblait juste perdu. Sans doute un peu comme tout le monde à une période de sa vie. Pour toi, ces périodes se multipliaient de plus en plus mais tu étais un cas à part. Une cause perdue. « Oh je vois. » Réponds-tu en fronçant les sourcils. « J’en déduis que ça ne s’est pas bien passé entre Noah et toi. » Vu l’utilisation du mot « désagréable » tu comprenais aisément que Léo ne portait pas Noah dans son cœur. Toi, tu n’avais rien de particulier à lui reprocher si ce n’est son infidélité mais ça ne te concernait plus à présent. Et puis, ce n’est pas comme si ça t’avait empêché de coucher avec lui malgré tout. Plusieurs fois, d’ailleurs. Tu hoches la tête lorsque l’australien t’explique qu’il aime fuir pour mieux revenir par la suite. C’est exactement ce que tu fais. Avant Bowen, tu n’avais aucun pied-à-terre mais aujourd’hui, même si tu aimais t’envoler durant quelques semaines voire quelques mois, tu aimais encore plus revenir. Malgré quelques événements difficiles vécus dans cette ville, ton cœur lui appartenait. Alors, tu ne pouvais que comprendre Léo. « C’est exactement ce que je fais. Sauf que moi j’ai trouvé une maison en venant à Bowen. Oslo n’a jamais été ma ville de cœur malgré que tous mes anciens repères s’y trouvent. » Malgré tout, tes parents faisaient partie de tes repères. Du moins, à une époque. La ville était plaisante mais te rappelait trop de mauvais souvenirs pour que tu t’y installes définitivement. Mais heureusement, il y avait des tas d’autres choses à découvrir en Norvège et tu étais prête à les partager avec Léo si l’occasion se présentait. Tu ris légèrement en entendant le « surnom » que le photographe te donne. L’aventurière, c’est le cas de le dire. « J’ai visité chaque continent mais le plus récent est l’Asie. D’ailleurs, ça reste sûrement mon meilleur souvenir. J’ai eu la chance de vivre dans des clans retirés du monde et c’est une expérience qui fait réfléchir. Vraiment. » Réponds-tu avec les yeux brillants d’amour pour le voyage. C’était une expérience hors-norme et tu te sentais chanceuse d’avoir pu vivre ça. « Et toi ? Quel est ton meilleur souvenir de voyage ? » Demandes-tu par curiosité. Et puis, peut-être que Léo te donnerait l’envie de partager ce souvenir avec lui. D’aller voir par tes propres yeux si ses dires étaient réelles.

Bougon c'était sûr, vieux... ça lui faisait mal de se le dire, même si la gamine le demandait avec un sourire amusé aux lèvres. Il grimaça pour toute réponse, elle verrait bien, en temps voulu et si ça arrivait elle ne pourrait pas dire qu'elle n'avait pas été prévenue. Dire que ça ne s'était pas bien passé entre Noah et Léo c'était beaucoup, en vérité il ne s'était jamais vraiment rien passé, ils avaient simplement toujours soigneusement évité de se côtoyer. une sorte de rivalité de coq bien puérile, bien masculine qui ne rimait à rien mais qui entretenait l'inimitié, on ne pouvait pas aimer tout le monde après tout. Il haussa un sourcil et un sourire en coin se dessina sur ses lèvres. J'ai probablement mis plus de mannequins dans mon lit que lui, il n'a pas apprécié le challenge. Haussement d'épaules faussement désabusé, Léo exagérait, il n'avait jamais tenu de tableau ni compté les points avec Noah, mais c'était drôle de conclure le sujet de cette façon, surtout devant une fille qui semblait ne pas avoir froid aux yeux.
Léo n'aimait pas fuir, c'était plus un besoin, quelque chose qu'il n'expliquait pas, comme s'il avait la sensation d'étouffer ici, quand il restait trop longtemps ou qu'il venait de vivre un épisode douloureux. En ce moment par exemple il rêvait de prendre ses jambes à son coup, de tout plaquer et peut-être de ne jamais revenir, c'était plus violent qu'avant encore, il en dormait peu la nuit, l'angoisse le prenait à la gorge et il suffoquait. Pourtant il restait, pour tout un tas de raisons, parce qu'il avait l'espoir fou que les choses rentrent dans l'ordre même si c'était impossible. Mais aussi parce qu'il avait des responsabilités à présent, il avait un fils et même s'il ne le voyait pas tous les jours il lui serait impossible de tout quitter et de le laisser derrière lui. Bowen est agréable, oui, et l'Australie est un pays magnifique. Il ne pouvait pas dire le contraire, c'était chez lui. Il écoutait Freja parler de ses voyages et il avait l'impression de s'entendre parler, il avait le même discours qu'elle, il aimait les mêmes choses. C'était surprenant parce qu'à la voir là, apprêtée, si jolie, il avait du mal à l'imaginer en baroudeuse, mais après tout, lui avait bien son sac à dos de voyage tout râpé qui côtoyait ses costumes Armani. Une fois qu'elle eut terminé il leva son verre et ponctua d'un Amen, preuve qu'il partageait son point de vue. Il fixa un point invisible alors que Freja lui posa la question en retour, des souvenirs il en avait une multitude, des bons pour la plupart. Peut-être que son dernier voyage resterait le meilleur, pour une raison évidente qui lui faisait mal aujourd'hui. De ce voyage il avait ramené une Grace amoureuse dans ses valises, c'était con, mais ça changeait tout, d'être au bon endroit avec la bonne personne. Son regard se voila mais il tenta de ne pas montrer son trouble, Freja n'avait pas à être témoin de son chagrin pathétique. J'ai fais quelques voyages humanitaires, ils restent les plus enrichissants. Léo en parlait peu, simplement parce qu'il avait horreur qu'on juge ce qu'il faisait, il n'avait pas besoin qu'on le félicite de vouloir aider les autres ni qu'on dise qu'il ne faisait ça que parce qu'il avait de l'argent, il faisait ces voyages parce qu'ils étaient si puissants humainement qu'il en revenait grandit à chaque fois. Et puis parce qu'il pouvait se le permettre, oui, de donner un peu de son temps, de son argent, pour des causes qui lui tenaient à cœur. Il pensait, vu son discours, que Freja pourrait comprendre, plus que beaucoup d'autres certainement. Le dernier que j'ai fais, en Afrique, restera sûrement le plus beau oui. Il sourit doucement, tristement même. Puis termina son verre d'une traite. Quelques shots ça te tente ? Vodka ? Il n'allait pas se laisser abattre maintenant et pour cela il comptait bien tester sa nouvelle camarade.