You and I both know that the ghost is me + Clejah

Les premières semaines depuis la prise de ses nouvelles fonctions étaient éprouvantes, Elijah sortait souvent tard du travail, il rentrait chez lui pour ouvrir son pc portable et se remettre sur ses dossiers jusqu’à tard dans la nuit et quand le réveil sonnait le matin il avait un mal fou à se sortir de son lit. Pourtant il était heureux, content d’être son propre chef, d’avoir des responsabilités et la confiance de ses supérieurs. Ici, à Bowen, ils espéraient faire de grandes choses, les ateliers flambant neufs tournaient bien, les couturiers sur place travaillaient d’arrache pied et la collection allait être lancée bientôt, d’ici quelques petites semaines, juste à temps pour l’inauguration du lieu. On avait choisi cette ville pour son ancien entrepôt d’export de mangues et autres fruits au sirop, celui-ci ayant été délocalisé dans un autre pays où le coup de la main d’oeuvre était moins élevé. La marque avait vu l’aubaine, cet usine était devenu son nouvel atelier pour la fabrication en grande quantité des collections prêt à porter et les ateliers en ville serviraient pour quelques collections capsule ou sur-mesure de haute couture. A l’heure où toutes les grosses enseignes fabriquaient en Chine ou au Bengladesh, la firme se ventait et était très fière en disant qu’elle avait encore une fabrication 100% australienne et c’était vrai. C’est pourquoi Elijah avait tout fait pour travailler pour cette marque et aucune autre et lui aussi était très fier aujourd’hui de s’être élevé aussi haut, aussi vite. La marque se vendait très bien dans toute l’Australie et pour la première année elle avait même une une place à la fashion week parisienne, un honneur, une consécration. Mais pour que tout ce petit monde fonctionne il ne fallait pas compter ses heures, Stuart le savait. Il ne se plaignait pas, cette place il l’avait voulu, il l’assumait parfaitement. Mais là où, à Sydney il appelait des amis pour sortir le soir à toute heure pour se changer les idées et décompresser un peu, ici, à Bowen c’était tout autre chose. Cette ville l’avait vu naître, mais voilà quinze ans qu’il n’avait plus aucun contact avec personne. Alors ce soir, un vendredi soir, il n’avait personne à appeler et pour la première fois depuis son arrivée il se sentait bien seul. Il finit tout de même par fermer son ordinateur et s’habilla pour sortir, il était seul, peut-être, mais il pouvait bien prendre un verre. Errant un instant dans les rues de la ville, il se laissa tenter par l’appel de la musique et l’agitation un peu plus loin alors qu’il s’approchait de la boite de nuit. Des vieux souvenirs de sa jeunesse lui revenaient en tête, à l’époque où il commençait à sortir, à seize, dix-sept ans, c’était l’endroit où tous les gamins de la ville se massaient. Et il semblait que ça n’avait pas changé. Même si la population semblait un peu plus mature et la musique bien plus actuelle, il entra dans le night-club avec un sourire. Quelques minutes plus tard il était accoudé au bar avec un cocktail face à lui. Tout le monde dansant dans une ambiance électrique et cette effervescence lui faisait du bien. Non loin de lui il remarqua une fille, de dos, elle était blonde et ses cheveux attachés en chignon laissaient entrevoir la courbure de sa nuque. Elle parlait avec un homme. Dans tout ce bruit il ne percevait que quelques bribes de leur conversation, mais il lui semblait que le ton de l’homme était sec et il remarqua à la façon dont elle se tenait qu’elle était tendue. Sans trop savoir pourquoi, il n’était pourtant pas du genre à se mêler de ce qui ne le regardait pas, il s’approcha du couple, son verre à la main et puis fit mine de trébucher sur celui qui lui faisait face. Il renversa son cocktail sur sa veste. Oh pardon ! Je suis maladroit. L’autre ravala un juron et se leva pour aller se nettoyer aux toilettes. Veuillez m’excuser, vraiment ! Il le regarda s’éloigner avant de se retourner vers la blonde. Vous pensez que j'en ai trop fait peut... Il s’arrêta net, la fixa avec stupeur. Maman ? Un fantôme. Mais non, ce n’était pas sa mère, évidemment, alors ça ne pouvait être qu’elle. Cleo. Et d’un coup, il n’avait plus de mots.

Elle avait connu de meilleures soirées. Plus enjouées. Même si son métier n'avait rien d'alléchant de prime à bord, Cleo avait fini par en ressortir le positif. Elle faisait des rencontres, elle qui ne voyait pas vraiment d'hommes dans la vie de tous les jours. Séductrice, elle ne l'était que lorsqu'elle portait le masque de Penelope. Et malgré les questions qu'elle pouvait se poser sur les raisons qui poussaient des hommes à quémander ses services, elle se résignait à se détacher le plus possible de l'émotif. Ce job lui rapportait une source de revenue, c'était tout ce qu'il comptait, tant mieux si quelques-unes de ces soirées pouvaient s'avérer agréables. Et quelques-unes l'étaient réellement. Mais pas ce soir, non. Cette soirée, elle n'avait rien d'agréable. On avait appelé l'agence, un client référé par un ami, et on l'avait demandé elle, spécifiquement elle. Une recommandation d'un bon client, qu'on lui avait dit, que de beaux commentaires sur elle, qu'on lui avait dit. Sa patronne était heureuse et elle toucherait une bonne prime, jusqu'ici tout le monde était gagnant. Elle s'était donc rendu au rendez-vous, une tente de fête d'anniversaire où l'homme cherchait à ne pas trop faire coeur esseulé. Mais il avait bu, trop bu déjà, et il semblait oublier le rôle que Cleo jouait dans cette soirée. Elle ne faisait que l'accompagner, il ne comprenait pas le genre de services qu'elle offrait, se montrant insistant sur ces demandes, pendant qu'il aurait pu avoir plus, pensant qu'en payant un extra elle finirait la nuit à ses côtés. Cleo avait refusé et le ton était monté. Il s'était énervé, elle avait répliqué, et un verre lui était tombé dessus sans vraiment que la blonde ne sache pourquoi ni comment. Dans une marre de juron, au travers des excuses d'une voix masculine qui bourdonnait entre les paroles de la trame musicale de fond, son client s'éclipsa, presque humilier. La belle se retourna, les cils papillonnants prête à remercier son sauveur qu'elle n'avait pas envie daigner regarder jusqu’à présent, mais dès que son regard se posa sur l'homme, à peine cinq ans plus âgé qu'elle, son coeur arrêta de battre. Sa mâchoire sembla tomber au sol au même moment où ses pieds reculèrent l'instant de quelques pas. Maman, elle n'avait pas entendu cette voix prononcer ce doux mot depuis des années, en fait elle n'avait tout simplement pas entendu cette voix depuis des années. Cette voix similaire, celle que l'on ne pouvait oublier, cette voix autrefois complice qui aujourd'hui cachait, derrière l'interrogation, du jugement. Mais du jugement, pourquoi en aurait-il ? Il ne pouvait pas savoir ce qu'elle faisait réellement ici, n'est-ce pas ? Elijah ? Finit-elle par prononcer, une fois le choc passé. Elle fronça les sourcils. Offusquée, elle posa les mains sur ses hanches. Tu es à Bowen depuis quand ? Pourquoi tu ne m'as pas avisé de ta visite ? Son frère ne lui donnait plus de nouvelles depuis longtemps, Cleo n'avait jamais réellement compris les raisons derrière son silence. Elle s'était toujours dit qu'il lui en voulait d'avoir été présente le jour de la mort de leurs parents, et d'avoir eu en héritage le physique répliqué de leur mère, alors qu'il n'avait jamais vraiment pu leur dire au revoir. Elle était loin de se douter que c'était bien plus complexe que cela.

Ce fut comme une intuition, un besoin de jouer le chevalier blanc. Il n’avait vu cette fille que de dos pourtant un frisson l’avait parcouru sans qu’il ne sache l’interpréter. Elijah savait qu’elle n’était pas à l’aise, à cause des bribes de conversation qu’il avait retenu, à cause de la façon dont elle se tenait, à cause de mille choses qu’il n’expliquait pas. Il devait intervenir. Il n’était pourtant pas de ce genre là, de ceux qui se mêlent de ce qui ne les regardaient pas, cette femme savait sûrement se défendre toute seule. Mais face à cet instinct presque primaire, il s’était senti pousser des ailes. Jouer le faux maladroit, faire preuve de sarcasme, c’était dans ses cordes, il savait faire. Et le pauvre homme face à Elijah avait rejoint les toilettes non sans le fusiller du regard. Il avait de la chance, l’autre était plus vieux et bien mieux charpenté que lui, puis Eli n’aimait pas tellement se battre, abîmer son visage, ce serait dommage, alors heureusement il y avait échappé. Une fois seul, il se retourna face à cette fille qui lui avait donné la chair de poule, il allait enfin pouvoir découvrir son visage, ce qui l’intriguait le plus. Il espérait qu’elle soit jolie. Mais jamais il n’aurait pu penser la connaître. Ni que ce soit elle. Cleo. Plus de dix ans qu’il ne l’avait pas vue, il se souvenait pourtant parfaitement de son visage encore poupon baigné de larmes alors qu’ils disaient adieu à leurs parents. De son désespoir à elle et de son attitude à lui, incapable de savoir comment la consoler alors qu’il était habité par une rage sourde qui grondait, contre elle, injustement. Le relation n’avait jamais été simple, enfants ils s’étaient bien entendu, jusqu’à l’adolescence, jusqu’à ce qu’il comprenne que leurs parents n’avaient toujours désiré qu’elle, que leur cadette était leur plus grande fierté et que tous leurs espoirs étaient fondé sur elle et elle seule. Elijah, lui, n’étant que le vilain petit canard qui n’était pas assez bien. Il l’avait maudite, sa parfaite petite soeur, de voler toute la lumière et d’être pourtant si douce, si gentille avec lui. Il l’avait détesté d’être si aveugle face à ce qu’il vivait et l’injustice qu’il combattait au quotidien. Elle avait été une des raisons de son départ et il n’avait jamais ressenti le besoin de lui donner signe de vie, loin de celle qui lui faisait de l’ombre, dans la grande ville, Elijah respirait enfin, il vivait, il existait pour ce qu’il était, il était heureux. Depuis… depuis quelques semaines. Il peinant à réaliser que celle vers qui il avait volé était celle qu’il fuyait depuis des années. Pourtant c’était logique, c’était son réflexe de grand frère, toujours venir en aide à sa soeur, même s’il voulait la haïr de tout son être, il ne pouvait aller contre son instinct. Elle était devenue une vraie femme, adieu le visage rond de l'enfance, elle avait les traits fins et anguleux de leur mère, elle lui ressemblait en tout point, c'était frappant, déstabilisant. C’était ton mec ? Il haussa un sourcil interrogateur alors qu’il l’attaquait de front en évoquant celui qu'il avait arrosé.

Quand elle jouait Penelope, Cleo était une tout autre personne. Et c'est bien ce qu'elle trouvait amusant dans son gagne-pain, se transformer en quelqu'un qu'elle n'était pas pour l'instant d'une soirée. Elle pouvait être la femme d'un millionnaire et, brusquement, le lendemain soir, être la nouvelle petite amie d'un étudiant à la fac. Rien de son emploi n’était stoïque. Et c'était tant mieux, parce que la belle n'éprouvait pas d'autres plaisirs à jouer les séductrices pour une soirée, son argent elle le gagnait, mais il n'était pas toujours des plus agréables à recevoir. Aurait-elle pu se recycler dans une autre carrière ? Certainement. Mais aurait-elle pu mener la vie qu'elle vivait présentement, aller à l'université et faire un emploi qu'elle aimait ? Pas tellement. Il fallait choisir, dans la vie, ce qui était le plus important. Et son avenir l'était plus que son présent.
Quand on ne connaissait pas le métier d'escorte, on pouvait s'imaginer toute sorte de choses. Toutes sortes de préjugés. Mais Cleo savait se respecter. Lorsqu'elle incarnait Penelope, elle ne perdait pas l'estime de sa personne, elle n'était pas dénaturée, et elle appliquait ses valeurs à son emploi. Pas de faveurs sexuelles, c'était la règle. Le client de ce soir était déçu, il s'était imaginé que la fille qu'il avait engagée serait sa compagne pour la nuit, qu'il pourrait profiter de ses avantages. Et lorsqu'elle lui avait refusé ses avances, celles qui annonçaient ses vraies envies, il n'avait pas été des plus charmants. Il gesticulait, il s'énervait, devant tout le monde dans la boite de nuit, même ses amis qui le regardaient avec un œil accusateur. Et c'est sans doute ça qui attira Elijah à se comporter en héros, lui qui n'avait pourtant jamais été le genre d'homme à s'interposer dans une dispute. Les bagages, ce n'était pas réellement son fort. Et contre son client, Stuart n'avait aucune chance.
Si quelqu'un l'avait informé de son destin à l'avance, Cleo ne l'aurait pas cru une seconde. Ce qui était tombé sur sa vie, ce qui lui arrivait, elle ne l'avait pas souhaité. Perdre ses parents à 15 ans, dans un accident qui n'avait épargné personne d'autre qu'elle, et perdre à la fois la seule famille qu'il lui restait, son propre frère qui avait décidé de faire sa vie ailleurs n'avait pas été un cadeau. Elle en avait beaucoup souffert, la blonde aurait aimé avoir l'épaule de son ainé pour pleurer, avoir son support, savoir qu'ils seraient toujours là malgré tout. Mais la vie en avait décidé autrement. Ils n'avaient jamais vraiment eu ce genre de relation, de toute façon, et si parfois ce genre de perte pouvait en rapprocher certains, dans leur cas elle avait servi d'échappatoire. Cleo n'avait jamais vraiment compris, elle avait tenté de le joindre, d'avoir de ses nouvelles, mais lors qu'on avait lâchement ignoré ses appels, la blonde s'était lassée. Et le temps avait passé.
Elijah évita la question de sa sœur, la contournant à moitié. Il avait répondu à demi-mot, pour être poli, mais il n'était pas entré dans les détails. Il aurait pu l'appeler, lui dire qu'il était en ville, pour combien de temps, renouer le temps perdu, mais il avait choisi de se taire. Comme toujours lorsqu'il était question d'elle. Et il rétorqua d'une question qui surprit la blonde. Ouais... Répondit-elle assez fort pour qu'il entende, au-dessus de la musique qui tapait. Rapidement, celui qu'elle venait de proclamer son compagnon retrouva son chemin vers eux, le visage dur peint de la frustration qu'il étouffait. Penelope, on s'casse d'ici, viens! Aboya-t-il sur la blonde comme un ordre. Si elle tenait à garder l'anonymat, Cleo s'était mis les pieds dans les plats ce soir. Elijah la regardait, perplexe, incompréhension dans les yeux. Elle croisa les bras sur sa poitrine, s'opposant du regard à la demande de l'homme qui se montrait impatient. Hey, je rigole pas ! J't'ai pris pour la soirée, pas pour demain. Aller!

Dire qu’Elijah avait pensé à Cleo durant les dix dernières années, dire qu’il s’était inquiété pour elle, de ce qu’elle devenait, dire qu’il s’était posé des questions… ce serait un mensonge. Il y avait pensé, songé, parfois, mais il avait rapidement écarté l’idée pour que d’autres pensées le traversent. Il avait vécu sa vie, si on lui posait la question il disait qu’il n’avait pas de famille, tout simplement. Il ne voulait pas penser à elle ni à ses parents. Il s’était construit tout seul, créé une vie à son image, loin de ceux qui l’avaient jadis entouré, loin des fantômes des défunts et loin de sa soeur, pourtant bien vivante. Il avait eu ce besoin de s’élever en tant qu’homme seul, sans l’aide de personne. Sans l’aide de personnes qui ne le comprenaient pas surtout. Et il avait réussi. Professionnellement il s’était fait tout seul dans un univers complexe, dans un monde ou si vous n’aviez pas de connaissances, d’amis haut placés, vous deviez ramer pour y arriver, mais lui avait réussi, sans aucune aide. Et il en était fier, ça se voyait, ça se savait. Aujourd’hui il était de retour à Bowen, à la case départ, oui, mais avec un petit plus, il était le chef à présent, il était son propre patron et il revenait en terre connue, pour montrer à tous ceux qui n’avaient pas cru en lui qu’il pouvait les écraser s’il le voulait, qu’il avait réussi malgré leur mépris. Il pourrait poser sur eux son regard plein d’arrogance et sourire, seulement sourire. Pourtant dans tous ses fantasmes sur son retour au bercail il n’avait pas un seul instant se retrouver nez à nez avec sa soeur dans une boite de nuit alors qu’elle se faisait rabaisser par son cavalier du soir. Il perdait toute sa superbe face à elle, revenant à ce petit Elijah timide et effacé qui devait laisser à sa soeur toute la place pour briller. Stuart avait réussi à retrouver un peu de répondant alors qu’il demandait à Cleo si cet homme était son mec, ce à quoi elle répondit affirmativement. Elle n’avait pas vraiment bon goût en la matière, c’était dommage, elle qui était si belle et en plus c’était un vrai connard. Penelope. Le bellâtre venait de revenir et il agrippait la blonde comme si elle n’était qu’un vulgaire morceau de viande. Et pourquoi lui avait-il donné ce prénom, Elijah fixait sa cadette sans comprendre alors qu’elle tentait de se dépêtrer avec cet homme insistant. Puis les mots de l’autre lui arrivèrent en pleine figure, comme un coup de poing dans la mâchoire. Elijah cru comprendre, le faux prénom, la robe trop habillée et moulante à la fois, l’attitude dominatrice de cet homme, “J’tai pris pour la soirée”, il avait déjà vu ce genre de choses, ce genre de femme avec ce genre d'homme. Il ferma les yeux un instant puis s’approcha de l’homme. Fouillant dans sa poche il trouva un billet plus que généreux qu’il glissa dans sa veste. Ca remboursera la soirée. Elle n’est plus libre à présent. Et il attrapa Cleo par la main pour l’attirer vers la sortie aussi vite qu’il pouvait. Une fois dehors, un peu plus loin, il s’arrêta et fit face à sa soeur, il prit une seconde pour la fixer avant d'exploser. A quoi tu joues Cleo ? T’es quoi ? Un genre de pute de luxe pour salopard arrogant qui n’arrive pas à choper ?  Tu ne vaux pas mieux que ça ?! Lui, le grand couturier, qui avait réussi, qui s’était fait tout seul, lui qui avait du fric et du succès. Il se permettait de monter sur ses grands chevaux, de juger sa soeur sans aucune gêne, de la mettre plus bas que terre alors qu’il venait à peine de la retrouver et qu’il ne savait plus rien d’elle.

L'homme était revenu vers eux, visiblement irrité par la situation. Il s'était fait puérilement humilier devant tous ses amis et devant la fille qu'il avait engagée pour la soirée par un total étranger, il s'était fait rabaisser au titre de riser, un verre d'alcool sur tout le corps. Malgré les minutes qu'il avait passées à l'extérieur, à tenter de se contrôler, d'éviter de foutre son poing sur la gueule de celui qui s'était frivolement moqué de lui. Mais au lieu de régler la situation avec ses poings, il avait décidé de montrer son amertume, de montré arrogance, possédant Cleo comme un objet, la pressant à obéir à ses ordres sous prétexte qu'il l'avait employé pour toute une soirée. Dans les faits, il avait raison : Cleo devait se montrer docile, se laisser dominer par celui qui lui permettait de mettre un toit sur sa tête et de la nourriture dans son assiette, mais une force la poussa à refuser, le silence comme simple affirmation, les bras croisés sur sa poitrine. Elle avait honte, un peu, d'être rabaissée à un tel titre devant son frère qui lui s'était évadé de la ville, avait fait des études et occupait maintenant un poste admirable. Elle avait suivi son parcours, par le biais des réseaux sociaux et des articles paraissant concernant une petite entreprise Australiene de Haute Couture qui était devenue un géant dans le monde de la mode, celle pour laquelle Elijah travaillait. Cleo, elle, était rabaissée à une vulgaire pièce de viandes qu'on pouvait acheter, prendre pour une soirée et remplacer dès le lendemain matin. Voilà pourquoi la blonde cachait la vérité aux gens qu'elle aimait, pour éviter de se sentir aussi moindre, aussi réduite, à leurs yeux qui ne comprenaient pas sa réalité, qui ne comprenaient pas que la belle avait besoin de cette stabilité financière pour s'offrir ce à quoi elle aspirait réellement. La belle s'apprétait à répondre, à user de son droit de refus, mais ce fut Elijah qui prit la parole, refilant un billet plus que généreux à l'homme. Il venait d'acheter sa soeur.
Elijah attira Cleo jusqu'à la sortie, elle suivait difficilement derrière lui avec ses escarpins qui lui massacraient les pieds. Et alors qu'il eut fini de la trainer, qu'il eut fini de la juger du regard, seulement après avoir pris une bonne respiration pour aligner les mots trançandant qu'il s'apprêtait à prononcer, il finit par exploser. Cleo le regarda, le visage neutre, les yeux sombres. Personne ne comprenait, personne ne pouvait comprendre ce qu'elle tentait de réaliser, ce qu'elle tentait d'accomplir. Son propre frère la jugeait, lui crachait presque au visage de dégout, la réduisant en miette. J'suis pas une putain, j'couche pas contre de l’argent! Commença-t-elle par répondre, blessée que son propre sang lui parle ainsi. Merde Elijah, tu disparais pendant des années et à la seconde où tu réapparais tu t'permets de juger ma situation !? Tu t'prends pour qui!? Elle le toisa du regard, désignant son costard bien trop luxueux pour venir des boutiques commerciales, loin d'être un Zara ou un H&M. Même s'il avait mieux réussi qu'elle, il n'avait aucun droit de se penser supérieur. Jamais Cleo ne l'avait fait à son égard, du moins jamais de façon volontaire. Et elle était loin de se douter qu'en réalité c'était bien ce qu'il lui reprochait. Tu m'as abandonné, c'est comme si tu étais mort avec eux.. T'as aucun droit de juger mes choix, t'étais pas là pour comprendre pourquoi et comment je suis devenue celle que je suis aujourd'hui.

Elijah venait en effet d’acheter sa sœur. Il s’était payé le droit de passer le reste de sa soirée avec elle. S’il avait su que sa première soirée dans un night-club bowenien se passerait comme ça il serait probablement resté chez lui. S’il avait su que ses retrouvailles avec sa cadette auraient ce goût là il n’en aurait pas voulu. Pourtant qu’aurait-il dû faire ? La laisser se faire agresser par cet homme sans rien faire ? Il en était incapable. Il aurait pourtant pu, ils ne se devaient rien, des années les avaient séparés, bien plus que la dénie qu’il avait passé loin d’ici, il y avait tout un monde entre les deux frère et sœur, ils ne se connaissaient pas, ils n’étaient pas proches, ils ne l’avaient jamais été. Elijah se battait depuis toujours pour détester cette fille qui lui avait volé sa place et tout l’amour de ses parents. Il voulait tellement la sortir de sa vie, ne rien avoir à faire avec elle. Et pourtant son premier réflexe fut de voler à son secours. Et même si la colère battait ses tempes et faisait trembler ses mains, il était incapable de la laisser seule avec cet autre qui la traitait comme une moins que rien. Mais lui ne faisait pas mieux que l’autre finalement, à lui cracher dessus en la traitant de traînée comme s’il la connaissait, comme s’il savait dans quelle situation elle était. Il la jugeait de la pire des façons, sans savoir, sans aucun respect pour la personne qu’elle était. Elijah avait un réel dégoût pour ce genre de métier qu’il connaissait mal et qu’il ne considérait pas comme un job en vérité. Les filles qui vendaient leur corps, de n’importe quelle façon que ce soit, ne lui inspiraient pas confiance et il avait du mal à croire que Cleo soit l’une d’entre elles. J’me prends pour personne, je constate, c’est tout. Il était dans une colère noire, la regardant de haut, de voir sa sœur juchée sur ses hauts talons, dans sa robe de soirée, avec le même visage que leur mère, savoir qu’elle offrait ses services à des hommes, peu importe jusqu’où ça allait, simplement savoir ça lui suffisait à éprouver du mépris envers elle. Un mépris totalement gratuit et injustifié. Et il voyait bien qu’elle ne se démontait pas, elle le détaillait, jugeant elle aussi de sa tenue, de son costume ajusté, de ses chaussures cirées de près. Il respirait un certain luxe loin d’être ostentation, mais juste assez pour que les plus fins observateurs sachent qu’il portait sur lui l’équivalent d’un salaire pour certains. Sauf que ce qu’il portait, ce qu’il était, il ne le devait à personne, ils avaient les mêmes origines tous les deux, il avait trimé comme un dingue, il n’avait pas compté les heures de travail pour réussir à arriver là où il en était aujourd’hui, il s’était montré brillant, obstiné, il n’avait pas lâché même quand il aurait pu se décourager. Alors sur ce chemin là il se demandait bien où sa cadette, aussi brillante que lui, voir même plus, avait pu se perdre à ce point pour finir par faire l’escort. Ca fait longtemps que j’étais déjà parti, bien avant l’accident. Ca n’aurait rien changé, qu’ils soient encore en vie… Ca n’aurait rien changé pour lui, peut-être, s’il voulait y croire, mais ça avait tout changé pour Cleo, cet épisode l’avait brisée, détruite et elle n’avait eu aucune branche à laquelle se raccrocher, son frère l’avait abandonné. Vas te faire voir Cleo, on s’en sort bien l’un sans l’autre. Il la fixait d’un oeil mauvais, hésitant à simplement la planter là, avec ce qu’il venait de lui jeter à la figure ça vaudrait sûrement mieux, il n’avait rien de plus à lui dire, rien de bon pour ce soir là.

En réalité, ils n'avaient jamais été proches l'un de l'autre. Les Stuart n'étaient pas une famille aussi unie qu'elle tentait de faire croire. La petite Cleo avait toujours tout fait pour attirer l'attention de son grand frère, de son idole qui ne voulait pas entendre son nom. Elle le suppliait de bien vouloir l'aimer, de l'accepter dans ses jeux, de lui faire une place dans sa vie. Comme tous les grands frères, Elijah méprisait sa petite soeur, se moquant d'elle, refusant qu'elle prenne part dans sa créativité, dans son monde imaginaire. Ils étaient jeunes, mais déjà leur relation battait de l'aile. Et plus ils grandissaient, plus le ravin entre eux grandissait. Cleo s'était confiée à sa mère, pointant avec des mots la douleur qu'elle ressentait alors qu'elle se croyait ennemie dans la vie de son aîné, alors qu'elle se sentait étrangère dans sa propre maison. Tu verras lorsque vous serez adultes, cette barrière entre vous tombera, lui répétait-elle sans cesse alors que les larmes tapissaient ses yeux. Sa pauvre défunte mère avait eu tort, elle devait se retourner dans sa tombe alors qu'aujourd'hui aucun des deux derniers Stuart de la lignée ne préservait leur lien familial. Ils n'étaient pas près de laisser tomber les barrières, lui qui jugeait sa soeur de toutes les façons possibles alors qu'il lui avait tendu la main. À quoi bon l'aider si s'était pour mieux l'enfoncer ? À quoi bon la sortir de l'eau chaude si c'était pour lui lancer la première pierre dès que le moment se montrait opportun ? Cleo avait été naïve de croire que son frère lui était venu en aide pour leur bien, pour renouer les ponts qui avaient été fragilisés par leur passé, par leur enfance troublée. Il l'avait acheté et comme un vulgaire objet Elijah l'avait trainé jusqu'à l'extérieur, juste devant la boite de nuit, assez loin pour que la musique ne devienne qu'un bourdonnement désagréable, mais assez près pour qu'on sente encore cette odeur d'alcool persistante. Et à cet instant, alors que la blonde se tenait droite sur le trottoir, l'homme la traitait exactement comme l'image le voulait : une putain qui faisait le trottoir en échange d'argent. Elle était loin de cette vision de préjugé, elle était loin de ce stéréotype indécent qui teintait la société d'aujourd'hui. C'était comme d'accepter qu'encore aujourd'hui les femmes et les hommes n'aient pas les mêmes droits, c'était de valoriser les âneries telles que les blondes sont toutes stupides et que les hommes musclés ont tout dans les muscles, mais rien dans la cervelle. C'était arriéré, c'était puéril de juger une situation qu'il ne connaissait même pas, tout simplement parce qu'il s'était enfui et qu'il avait fait sa vie ailleurs. Il l'avait quitté, elle qui ne demandait qu'être être aimé par son grand frère qu'elle admirait beaucoup trop, lui et sa ténacité, lui et sa répartie, qualités qu'elle n'avait pas, il ne pouvait pas comprendre comment les choses avaient été difficiles pour elle. Toute sa jeunesse, ses parents lui avaient interdit les jobs à mi-temps, prétextant que son intelligence et sa réussite scolaire valaient bien plus que quelques dollars gagnés au cinéma du coin. Alors oui, elle avait mis son intelligence à profit, oui elle avait les meilleures notes de sa cohorte, mais elle n'avait jamais pu gouter aux économies. Une fois seule dans le vrai monde, une fois seul le faible héritage en main comme monnaie de vie, il avait fallu redoubler d'efforts pour payer les factures. Et l'université se dépeignait alors comme le Mont-Everest devant ses yeux, bien trop grand, bien trop immense à escalader. L'argent qu'elle remportait parce qu'elle accompagnait M. Robert à un Gala caritatif ou parce qu'elle jouait les cavalières de noces pour M. Walker l'avait mené là où elle était maintenant, interne en pédiatrie, son rêve finalement accompli.
Elijah était en colère, Cleo pouvait apercevoir la veine de sa tempe se crisper alors qu'il retenait sa frustration. Elle reconnaissait bien les signes de colères que son frère avait toujours affichés dans leurs disputes, mais cette fois c'était bien plus sérieux qu'une histoire d'elle a volé ma game boy et effacer mon dernier record. Alors qu'il évoquait se prendre pour personne, de ne constater que les faits, Cleo rit sarcastiquement. Mais oui, c'est ça. Ses yeux avaient tournés vers le ciel, elle avait croisé les bras sur sa poitrine, sa robe moulante dévoilant plus encore son décolleté plongeant, tout en tapant du pied rageusement. Il rétorqua sur l'accident, parce que la belle blonde lui en avait permis, Cleo était rouge de colère. Justement, tu as profité de la mort de papa et maman pour disparaitre complètement, pour me supprimer définitivement de ta vie. Aujourd'hui, t'es de retour depuis j'sais pas quand et tu n'as même pas osé avertir ton propre sang, ta propre et seule famille de ton retour. Non... Non, tu es bien trop fier pour ça, M. Stuart le grand couturier. Il ne faudrait certainement pas que tu sois associé à une trainée comme moi! Elle parlait fort, la rage emportait ses paroles. Il la rendait folle, il faisait monter en elle la colère qui habituellement ne l'habitait pas. Ici, c'est que Bowen, j'te rappelle. Tu peux pas venir frimer avec tes fringues beaucoup trop chères et ton attitude de petit con, ça fonctionne pas avec nous. On sait qui se cache derrière les vestons luxueux et les chaussures trop vernis. Elle était méchante, elle était cruelle, elle déversait sa rage, tout ce qu'elle avait pensé depuis des années sur son frère qui, au final, ne méritait même pas toutes ces paroles odieuses. Il l'avait poussé à bout de souffle et violemment l'homme rétorqua la fin de la discussion, il l'envoyait balader, en bon anglais, en bonne et due forme. Et alors que toute personne normale aurait quitté la scène du drame, il était resté là, à la fixer, droit dans les yeux, comme s’il ne pouvait la laisser seule, là, sur le trottoir, comme s'il avait peur qu'il arrive quoi que ce soit à sa pauvre petite soeur. Si on s'en sort si bien que ça, Elijah, pourquoi tu ne pars pas ?

Elijah n’était pas revenu dans cette ville qui l’avait vu naître pour sa soeur. Il n’avait pas pensé à elle, ou seulement brièvement. En vérité s’il avait eu le choix il ne serait même jamais revenu du tout. Mais des opportunités comme celle qu’il avait eu ne se refusaient pas, même si ça impliquait de revenir à Bowen. Il espérait bien repartir d’ici quelques années, retourner à Sydney ou bien conquérir le monde, quelque chose comme ça. Il s’y voyait déjà. Mais il avait besoin de faire ses preuves dans cette ville et il relevait le défi. Même si cela impliquait de retrouver certains repères auxquels il ne s’attendait pas. L’autre jour il avait bien croisé Tahlia dans la rue, évidemment ils étaient tout autant surpris l’un que l’autre de se trouver là, lui le fantôme revenu du passé, elle qui visiblement n’avait jamais bougé. Ils avaient rattrapé le temps perdu et depuis ce jour Elijah se disait qu’il y avait bien du positif à revenir sur les traces de ses racines. Mais retrouver Cleo, dans une situation comme celle de ce soir, n’avait rien de positif. C’était dérangeant, c’était trop soudain, il n’était clairement pas prêt. Pourtant sa sœur, comme toujours, aurait été prête à l’accueillir à bras ouverts, elle avait toujours tenté d’aller vers lui, alors que l'aîné, lui, n’avait eu de cesses de repousser sa cadette. Et il allait de son jugement, lui qui avait pourtant horreur des idées reçues alors qu’il baignait dans un monde plein de clichés. Il la démontait sans ciller alors qu’il la voyait fondre devant lui, pas suffisamment pour s’effondrer, parce qu’elle avait du caractère, Cleo, mais assez pour qu’elle lui en veille de l’égratigner ainsi totalement gratuitement, à croire qu’il cherchait un bouc émissaire pour se défouler dessus et qu’il n’avait trouvé qu’elle. C’était si facile de s’attaquer à sa soeur, elle qui pouvait bien tout encaisser, elle resterait toujours sa soeur, ils auraient toujours le même sang, amour ou haine, ça ne changerait rien, elle était finalement la cible parfaite. Je ne t’ai pas averti parce que je n’ai rien à te dire, on n’a jamais rien eu à se dire, ça ne change pas visiblement. Il roula des yeux et croisa ses bras sur son torse, exactement comme elle juste avant. La vérité étant que lui avait toujours mis des barrières entre eux, repoussé toutes les tentatives d’échange de Cleo, si lui n’avait rien à lui dire, elle aurait pourtant tellement à partager avec ce frère qui lui manquait tant et il le savait bien, il était simplement incapable de faire ce pas vers elle et ça ne datait pas d’aujourd’hui. Vraiment ? Alors dis-moi, toi qui sais tout, qu’est ce qui se cache derrière ce travail acharné ? C’est moi qui te juges, t’es sûre ? Parce que j’ai l’impression que tu ne fais pas mieux que moi. Y a que toi pour croire que je frime, la seule chose que j’ai fait c’est acheter cet homme pour qu’il te foute la paix et même ça t’es pas capable de m’en remercier. Il lâcha un lourd soupir. J’en veux même pas, d’un merci, j’ai pas fait ça pour avoir ta reconnaissance. Il n'avouera pas qu’il avait acheté sa sœur pour être sûr qu’elle serait tranquille, au moins ce soir, qu’elle pourrait rentrer chez elle sans être importunée par un homme trop entreprenant. Parce que les hommes comme lui, Elijah les connaissait bien, ceux qui pensaient que parce qu’ils avaient l’argent ils pouvaient tout avoir, il les détestait, surtout quand il s’agissait de traiter une femme sans aucun respect. Il respectait sa sœur, même s’il s’y prenait mal, il tombait juste totalement de haut, en apprenant qu’elle gagnait sa vie en vendant son corps. Ils finirent par se regarder en chiens de faillance, chacun incapable de se quitter malgré les horreurs qu’ils s’étaient craché. J’peux pas te laisser rentrer seule. Maman me maudirait… J’ai vu que le petit diner de Fred, à côté, était toujours ouvert depuis toutes ces années. T’as faim ? L’air de rien il faisait un pas vers elle, l’invitant à partager un repas comme s’il hissait un drapeau blanc.

Selon la vision de Cleo, la haine de son frère envers elle était démesurée, totalement sans raison valable. La blonde s'était toujours demandé ce qu'elle avait fait pour mériter tant de rejet de la part de celui qui partageait son propre sang. Jamais il ne lui avait donné le moindre indice des raisons entourant son mépris. Toute sa vie elle s'était imaginé n'être pas assez pour lui. Pas assez bien, pas assez intelligente, pas assez amusante, pas assez intéressante. Elle avait tenté de lui plaire, de trouver des centres d'intérêt qui pourraient les rejoindre tous les deux, mais rien ne s'était montré concluant. Il avait fini par s'exiler, loin de sa ville natale, loin de sa soeur qui finalement ne faisait que l'étouffer et jamais l'escorte n’en avait fait le rapprochement. Elle qui pensait qu'il était parti poursuivre simplement ses études, s'offrir la chance de vivre des choses qu'il ne pourrait pas vivre dans une petite ville comme Bowen et que, de fil en aiguille (tu vois le jeu de mots ? ), il avait pu atteindre la renommée professionnelle qu'il avait à présent. Si seulement Cleo avait compris qu'il avait tenté de fuir sa vie, qu'il avait tenté de se couper de ce qui l'empêchait de respirer librement, jamais elle n'aurait tenté de maintenir le contact. Elle aurait laissé la liberté qu'il demandait. Mais elle n'en avait pas la moindre idée. Et, stupide comme elle l'était, elle tentait encore, jusqu'à tout récemment, de forcer un contact entre eux qui ne pourraient naître. La blonde se prenait tout une gifle en plein visage, au beau milieu de la rue, devant des inconnus qui n'avaient guère de relation avec le conflit des Stuart, alors que son frère avouait encore ne rien avoir à lui dire. Il s'en prenait à elle sans scrupule, parce que c'était facile de le faire et peut-être qu'une part de lui se disait qu'ils demeuraient, après toutes les âneries qu'ils pouvaient se crier par dessus la tête, de la même famille. La vérité était bien plus complexe que ça. Et bien que le sang les unissait, elle se fichait bien que leur nom soit identique, elle aurait pu le planter ici, là, maintenant et ne plus jamais lui parler. Cleo était blessée par les mots qu'il avait choisis pour la décrire, sous-entendant qu'elle était une putain dans un monde de femmes qui se servaient de leur corps et leur sexualité pour amasser de l'argent et que son travail à elle, peu commun, facilement la proie des préjugés, n'avait pas de valeur. Je ne comptais pas te remercier. Lui cracha-t-elle au visage. Peut-être bien que je te juge, t'as raison. J'en suis même pas gênée, je ne cacherai pas mes aveux derrière de belles paroles. Je pense que tu frimes, point barre. T'étais pas comme ça quand tu habitais à Bowen. Sydney t'as changé. Cleo avait toujours été fière de son frère. Ses paroles sanglantes étaient difficiles à digérer et peut-être les prononçaient-elles un peu par vengeance. Ce qu'Elijah ignorait, c'était que sa soeur suivait son avancement professionnel depuis longtemps. Elle lisait les articles qui paraissaient au sujet de la maison de couture pour laquelle il travaillait et, secrètement, elle était fière de lui. Fière qu'il puisse faire un mériter qui le passionne, un métier qui le valorisait et dans lequel il était bon. À quoi bon le lui dire, maintenant qu'il la rabaissait à celle qui ne savait que faire le trottoir ? La discussion partait dans tous les sens, la frustration les empêchait d'être raisonnables. Ils se confrontaient du regard, tous les deux incapables de faire le premier pas vers la délivrance, rattachée malgré eux l'un à l'autre parce que sa famille, finalement, on ne la choisit pas réellement. Cleo fut la première à flancher, laissant s'échapper un long soupire elle osa répliquer. Tu m'as sauvé, je te remercie, on est quitte. La blonde afficha un mince rictus sur ses lèvres avant de poursuivre. Bonne soirée. Affirma-t-elle avant de s'apprêter à tourner les talons. Elle fut stoppée par la réflexion d'Elijah. Lorsqu'il mentionna leur mère, son coeur arrêta de battre. Elle te maudirait, ça oui, mais depuis quand tu t'en préoccupes ? Cleo soupira à nouveau, mais cette fois parce qu'elle s'avouait vaincue. Une douceur dans la voix, elle ajouta. J'y ai travaillé longtemps... Avant d'être Penelope. Son aveu lui fit revivre des souvenirs, l'un de ces premiers emplois lorsqu'elle avait quitté sa grand-mère pour vivre sa vie d'adulte. J'ai bien envie d'une fritte... Elle sourit à son frère et tous deux se mirent en route vers le diner du coin. Un pas vers la réconciliation, mais encore mille pas dans la confrontation.

Contrairement à ce que Cleo pensait, Elijah n’en avait rien à faire de ce qu’on pensait de lui. L’image, l’apparence, l'opinion qu’on avait de lui, ça ne l’intéressait pas. Il n’avait d'intérêt que pour sa propre estime de lui, qui devait être, elle, irréprochable et pour qu’elle le soit, il n’avait droit à aucun faux pas, il devait atteindre l’excellence, il devait être digne de l’objectif qu’il voulait atteindre. Alors oui, il prenait soin de la façon dont il s’habillait, il tentait d’utiliser un vocabulaire correct et il se tenait bien en public. Il faisait également plus d’heures que nécessaire au travail, pour être certain que tout soit impeccablement fait, c’était ce qui lui avait valu cette ascension si rapide dans un milieu si fermé que celui de la mode, l’excellence comme seul mot d’ordre. Et oui, il l’avouait sans ciller, avoir une sœur escort ça ne cadrait pas avec l’image qu’il avait de sa vie parfaite. Alors il s’en moquait bien qu’on les regarde ou les écoute se disputer dans la rue, il s’en moquait totalement qu’elle soit embarrassée par ça, lui il était gêné par l’image qu’elle renvoyait et il avait l’honnêteté de le dire sans ménagement. Dans la famille Stuart on avait toujours eu du répondant et une bonne dose de caractère, alors il était certain que Cleo ne se laisserait pas piétiner par son frère de cette façon. Elle se rebiffait, elle lui donnait également le fond de sa pensée. Quand je vivais à Bowen j’étais encore un gamin, tu ne sais rien de l’homme que je suis, tu ne me connais pas. Il la dévisagea puis laissa son regard glisser sur cette robe faussement chic pour terminer sur les escarpins qui blessaient les pieds de la blonde, il pouvait le voir. Et moi je ne connais pas la femme que tu es. Il lui concédait au moins ça, il ne la connaissait pas, face à face ils étaient simplement deux inconnus qui portaient le même nom, qui avaient le même sang dans les veines et une partie commune de leur histoire, mais quelque part leurs chemins s’étaient séparés et ils n’avaient à présent plus rien d’autre en commun que des souvenirs fanés. Finissant par se regarder en chien de faïence, ils étaient tous les deux un peu ridicules, à cette heure avancée de la soirée, rester plantés là au lieu de simplement rentrer chez eux ou bien admettre qu’ils y avait quelque chose, ce lien, indéfectible, fraternel, qui les empêchait de se quitter de façon si moche alors qu’ils ne s’étaient pas vu depuis une décennie. Ce fut Cleo qui flancha la première, comme toujours. Et la pression descendit d’un cran chez Elijah également. Elle allait partir, commençait déjà à lui souhaiter bonne nuit, quand il décréta qu’il ne pouvait pas la laisser partir, pas toute seule, pas comme ça dans cette tenue à une heure indécente. Leur mère le maudirait, il le savait mais contrairement à ce que la cadette pensait, il s’occupait toujours de ce que sa mère disait, c’était son père, le vrai problème dans sa vie. Il se contenta de dodeliner de la tête en proposant d’aller faire un tour chez Fred, comme un drapeau blanc entre eux. Entre nous j’aurais préféré que tu sentes la friture plutôt que le parfum à outrance pour séduire les hommes. Enfin ce n’est que mon point de vue. Ils se mirent en marche vers le diner. Tu ne piqueras pas mes frites, je ne partage pas mon repas, tu prendras le tiens. Tu m’as assez volé mon assiette quand on était gamin. Il l’observa marcher maladroitement. Et retire tes talons, t’as plus personne à accompagner d’important, ce n’est que moi. Elle pouvait bien marcher pieds nus, ce serait moins douloureux. Ils finirent par entrer dans le petit commerce qui n’avait pas beaucoup de clients aussi tard. Ils s’installèrent à un table en attendant d’être servis. T’as faim de quoi alors ?

Elle n'allait jamais oser le dire, elle n'allait jamais oser l'avouer à haute voix, certainement pas à son frère qui prenait un malin plaisir à la mépriser, à la regarder comme si elle était une moins que rien, elle qui offrait ses services en échange d'un peu d'argent, mais Cleo avait honte. Elle avait honte d'elle. Oui, elle se respectait. Elle ne ferait jamais quelque chose qui irait contre ses valeurs d'intégrité dans le cadre de son métier. Mais, l'ultime sentiment qui se cachait derrière tout son être quand elle rentrait chez elle, seule, briser par sa vie trop épuisante, par ses mensonges constants, c'était la honte. La honte de vivre dans un fouillis. Le jour, tout allait bien. Elle pratiquait ses interventions médicales, elle traitait ses petits patients avec douceurs, sérénité. Mais dès qu'elle revêtait le masque de Penelope, tout s'écroulait. Elle ne pouvait pas rencontrer d'hommes, elle ne pouvait pas se permettre de draguer, de faire des rencontres qui pourraient les mener à découvrir sa véritable identité. Puis, qui voudrait d'une personne comme elle, une personne qui offre sa compagnie pour gagner sa vie ? Elle comprenait que son frère réagisse fortement, c'était les préjugés communs de sa réalité. Il n'en demeurait pas moins que chaque parole lancée agissait comme un couteau droit sur son coeur et qui heurtait de plus en plus son identité. Si sa propre famille, la seule qu'il lui restait, jugeait ses choix, comment demander aux autres de ne pas le faire ? Elijah lui lança des paroles glaçantes à quoi elle répondit en baissant les yeux sur la robe qu'elle portait. Elle non plus, elle ne se reconnaissait plus depuis qu'il était parti. Il avait fait un trou dans la maison familiale, l'atmosphère n'était plus la même. Puis, il y avait eu l'accident de voiture dans lequel ses parents étaient morts. Elle les avait vus agoniser, elle les avait vus mourir sous ses yeux, elle, la seule survivante de l'accident, la seule survivante des Stuart à Bowen. Elle avait dû vivre son deuil toute seule, sans l'aide de son frère. Si tu veux que je t'accompagne, je vais me passer de tes opinions bourrées de préjugés, merci. Commença-t-elle par l'avertir avant de se mettre en route vers le diner. Et pis, je vole tes frites si je veux. C'est le privilège du bébé de la famille, t'avais qu'à naître le deuxième. Le menaça-t-elle en lui tirant la langue, juste avant de lui faire une moue agacée. En roulant ses yeux vers le ciel, Cleo retira ses escarpins et, pieds nus, elle le suivit jusque chez Fred. Ils entrèrent, s'installèrent à une table libre et ils prirent connaissance du menu. Cleo n'en avait pas besoin, ses longues années de service ici lui avait fait apprendre le menu par coeur. Un numéro 10. Lança-t-elle sûre d'elle alors que son frère lui demandait qu'est-ce qu'elle aimerait bien manger. Un numéro 10 : un burger double avec un grand coca, un accoté de frittes et un gâteau à la crème glacée en dessert bien évidemment servit de la sauce spéciale de la maison. Non, je rêve ! S'exclama une voix connue dans son dos. Cleo Stuart! Ton tablier te manquait ? Francine, une employé temps-plein du diner, la prenait dans ses bras couvant ses deux joues d'une bise chaleureuse. Il est bien charmant ton cavalier ce soir, dis donc, tu as du goût en matière d'homme! Cleo rit nerveusement alors que son ancienne collègue jubilait devant le prétendu couple. Francine avait toujours questionné Cleo sur son célibat. Selon elle, une aussi belle femme que la blonde ne pouvait être seule indéfiniment. La déception qu'elle aurait lorsqu'elle apprendrait que son cher cavalier, c'était aussi un Stuart. Francine, je te présente Elijah. Mon frère. La vieille dame gloussa, visiblement gênée de la situation. Je suis contente de te voir, Francine. C'est toi qui nous sers ? On va te prendre, un numéro 10 et... Elle regarda Elijah, attendant sa réponse.  

Cleo avait bien plus de privilèges que le simple fait d'être née en deuxième position. Selon son frère elle avait toujours été la favorite de ses parents, de toute la famille en fait. Elle était jolie, drôle, elle avait du caractère et en plus elle était brillante. Elle avait tout pour plaire. Alors que lui ne faisait que décevoir ses géniteurs. Il ne jouait pas comme les autres garçons au rugby, il n'était pas assez dur à cuir et même s'il était tout aussi doué dans les études que sa sœur, il les gâchait à rêvasser ou à griffonner sur ses cours en clamant haut et fort à qui voulait l'entendre qu'il voulait être styliste, lui. Ca n'allait pas vraiment avec les idées de grand chirurgien ou avocat que pouvaient avoir ses parents. Avocat s'aurait pu être drôle, jouer un rôle, plaider, même si ça lui paraissait chiant à mourir. Et puis Chirurgien, même infirmier... il tournait de l’œil face au sang alors c'était plutôt mal barré dans tous les cas. Au delà de toutes ces aspirations gâchées, il avait son rêve à lui, depuis toujours et il n'en avait jamais démordu, c'est pourquoi il avait tout plaqué sans regarder en arrière, c'est pourquoi il n'avait jamais donné de nouvelles. Rien ne devait le détourner de son but, pas même les larmes de sa cadette. Ce soir il la retrouvait, des années plus tard, lui avait réussi et elle était escorte pour gagner sa vie, il y avait quelque chose d'illogique dans ce schéma, quelque chose clochait et ça le gênait. Mais il faudrait sûrement plus qu'une soirée et une assiette de frites pour qu'il comprenne où les choses avaient pu merder à ce point. S'installant silencieusement autour d'une table chez Fred, ils consultèrent le menu sans broncher. Numéro 10, Elijah regarda sa sœur du coin de l’œil, est-ce qu'elle serait vraiment capable d'engloutir tout ça, toute seule ? Où est-ce qu'elle allait mettre ça, elle qui était si mince ?! Il allait lui poser la question quand ils furent interrompus par une voix derrière. Le brun se retourna pour lui adresser un sourire avant de lisser le col de sa veste, preuve qu'il était gêné par l'erreur de la serveuse. Il est vrai que la ressemblance fraternelle ne sautait pas aux yeux quand on regardait Cleo et son frère. Et la blonde se chargea d'éclaircir la situation. Il se racla la gorge, embarrassé devant toutes ces effusions avant de jeter un œil sur le menu. Bonsoir... Francine. Un numéro 8 s'il vous plait. Avec une eau gazeuse. Une fois qu'elle fut parti il se concentra à nouveau sur Cleo. Tu as travaillé longtemps ici ? Maintenant qu'ils étaient là ils allaient bien devoir discuter, alors autant se renseigner sur sa sœur.

L'injustice dont Elijah croyait être atteint, Cleo, elle, elle ne le voyait pas. Jamais elle ne s'était sentie avantagée. Dans ses yeux de petite deuxième, son frère, c'était le héros de la famille. Le plus beau, le plus grand, le plus fort, le premier à avoir une portion de gâteau. Jamais elle ne s'était doutée que, dans son coeur à lui, il se sentait comme un deuxième choix, un rejeton. Et il ne lui avait jamais dit, à la blonde, jamais partagé ses ressentis. S'il l'avait fait, Cleo aurait pu tenter de l'aider, de lui faire ouvrir les yeux. Elle avait bien remarqué que papa était plus enclin à la favoriser elle, mais Cleo pensait que c'était normal, que c'était comme dans les familles de deux enfants. Que les papas, ils étaient protecteurs envers leur petite fille et que les mamans, elles, l'étaient envers leur petit garçon. Dans leur famille, du moins, c'était comme ça. Si papa prenait la défense de Cleo, maman, elle, prenait celle d'Elijah. Elijah, au contraire de sa soeur, il était indépendant. Il avait ses rêves, ses envies et personne ne pouvait lui en faire déroger. Il avait toujours voulu toucher la mode, les tissus, du bout de ses doigts. Il n'avait pas suivi les aspirations de leurs parents. Cleo l'admirait pour ça. Même si ça voulait dire qu'il l'avait abandonné, même après la mort de leurs parents. Elle était blessée, la blonde, mais elle le savait au moins heureux dans ce qu'il faisait. Alors qu'elle, elle devait vendre sa compagnie pour payer son loyer, parce que les études en pédiatrie, c'était bien trop cher. Le vent, il avait tourné. Et si leurs parents étaient en vie aujourd'hui, le préféré, ce serait Elijah. Pas elle. Parce qu'aux yeux de tous, elle était une putain. Une simple fille qui faisait le trottoir, une vulgaire prostituée. Mais son corps, elle ne le vendait pas. Non, c'était plutôt du temps qu'elle vendait. Du moins, pour le moment.
Chez Fred, ils regardèrent le menu avant d'être interrompus par une vieille collègue de travail de la blonde. Cleo la prit instinctivement dans ses bras, rectifiant la situation maladroite. Elle, c'était le portrait craché de leur mère. Lui, c'était celui de leur père. Ensemble, ils avaient l'air d'eux, à leur âge, alors qu'en réalité, ils étaient unis du même sang. Ils commandèrent et la pédiatre reprit sa place à la table, en face de lui. Elle jouait avec la bouteille de ketchup, nerveusement. La discussion, elle allait devenir sérieuse, Cleo le sentait. Quelques temps, oui. Jusqu'à ce que je sois accepté en pédiatrie et que je croule sous la pression, lâcha-t-elle en haussant les épaules. Il voulait la vérité ou un conte d'enfant ?

Si leurs parents avaient été en vie aujourd'hui, si les rapports avaient été sains dans cette famille dysfonctionnelle, alors sûrement qu'il n'y aurait pas d'histoire de favori ou ce genre de bêtises. Elijah aimait sa sœur, du plus profond de lui, parce qu'ils partageaient ce lien à jamais, celui du sang. Et même s'il ne le montrait pas, même si elle pensait qu'il la détestait, même si, en un sens c'était presque vrai parce qu'il lui en voulait depuis des années. Si un jour Stuart avait été au courant des difficultés financières de Cleo, il aurait volé à son secours, il lui aurait donné l'argent qu'il fallait pour payer ses études et elle n'aurait pas eu à vendre ses services auprès d'hommes malavisés. Mais on ne se parlait pas chez les Stuart, on ne disait rien, chacun agissait dans son coin et les choses se tassaient. Jusqu'à ce que les vérités éclatent au grand jour avec fracas, comme un éclaire claquerait dans le ciel un soir d'orage violent. Ils n'étaient pas une famille fortunée, Elijah avait dû travailler quelques temps pour pouvoir payer ses études, puis grâce à son talent il avait réussi à obtenir une bourse qui avait couvert la totalité de ses frais de scolarité. Mais ça n'avait pas fonctionné comme ça pour la cadette et l'héritage de leurs défunts parents n'avait visiblement pas aidé assez pour que la blonde puisse s'en sortir. Il s'en voulut, de mener grand train alors qu'elle trimait pour joindre les deux bouts. Mais aujourd'hui il ne pouvait pas juste tendre un chèque et lui dire que ça la mettrait à l'abri, Cleo le refuserait, elle le savait, ils partageaient cette fierté qui coulait également dans leurs veines. Une fois la serveuse repartie ils purent reprendre le cours de leurs retrouvailles, tous les deux sur la défensive, surtout Cleo et Elijah ne faisait pas d'efforts pour la mettre à l'aise, il n'était pas doué pour ça. Mais il essayait de s'intéresser à elle, de comprendre ce qui avait mené une gamine brillante à proposer sa présence à des hommes. Et la réponse lui vint le plus naturellement du monde, même si dans la bouche de la blonde ça sonnait comme de la provocation. Alors donc elle tentait la médecine, de quoi rendre fiers les parents même six pieds sous terre. Les études de pédiatrie coûtaient cher, trop pour elle, trop pour un petit job de serveuse qui demandait du temps pour ne pas payer grand chose, alors qu'une escort gagnait bien plus, bien plus vite. Il hocha la tête en signe qu'il comprenait. Pédiatre alors... quelle année ? Il ne le montrait pas mais il était fier de sa petite sœur. Tu n'aurais pas pu faire un prêt à la banque pour payer tes études ? Il n'en savait rien, lui, ce genre de problème ne l'avait jamais concerné.