Closer + Woody & Charlie

Il y avait trois choses qui occupaient mon esprit en ce moment. La première en liste, mon job. Charlize m'a donné une chance de rejoindre l'équipe Imogen. Je vivais de ma passion : être pâtissière. Ce qui m'amène à la deuxième chose qui me préoccupait. Maintenant que j'ai mon gagne-pain, je peux me permettre de prendre un appart solo. Bien que j'y pense résolument, je n'ai encore fait aucune démarche. Troisième chose, dont je m'efforce d'oublier dur comme fer ; est l'image de Liam se trémoussant au milieu de groupies déchaînées. Yeurk. 

Je reviens au point de départ. Nouvelles rencontres, et aujourd'hui une que j'attendais particulièrement depuis longtemps. Justement je parlais avec ce garçon, Woody, en même temps que Liam. Je le trouvais plutôt sympa, le feeling passait bien jusqu'a ce que ses réponses s'essoufflent. Dommage, ou pas, car il s'avère qu'on s'est reparlé récemment et que le feeling planait encore plutôt bien. Enfin, j'espère que c'est réciproque, car on s'est donné rendez-vous à la fête forraine. Selon moi, l'endroit idéal pour s'amuser et apprendre à se connaitre un peu plus. Je porte une chemise d'un vert bouteille qui tombe au-dessus des genoux. Des baskets blanches, au cas où je dois prendre mes jambes à mon cou. Quoi que non, je le vois arriver et il est ressemblant à sa photo de profil. Allez, je l'avoue, il est charmant. Je lui fais signe en levant le bras. J'aurais l'air tarte si c'était lui, qui prenait ses jambes à son cou.

Après avoir cherché conseils auprès de son frère et de ses sœurs, Woody avait fait le grand saut, s’inscrivant sur une application de rencontre dans le faible espoir de pouvoir oublier Freja, même si ce n’était que de manière éphémère. La norvégienne avait cependant tôt fait de le ramener à elle, comme elle savait le faire même lorsque c’était inconscient. Woody avait alors tout lâché, tout mis de côté, pour Freja. Il était parti avec elle pour un roadtrip de quelques semaines, laissant inachevés ces ponts qu’il avait tenté de bâtir auprès d’autres. À son retour cependant, malgré tout ce qui avait pu se passer pendant ce voyage sur la route, force était d’admettre que Freja ne tournerait pas la page sur son petit ami, Conchobáhr. Incapable de continuer à s’accrocher à un espoir qui volait en éclats à chaque nouveau tournant, Woody avait décidé de reprendre contact avec l’une des filles de l’application de rencontres qui lui avait le plus plu : Charlie. Avec soulagement, la conversation avait repris avec naturel, malgré les phrases sans doute maladroites du trentenaire qui avait oublié l’art de la séduction, depuis le temps. Le soir de leur rendez-vous en personne, Woody avait hésité avant d’ouvrir la porte. Il avait sa canne à la main, celle qui lui permettait de moins fatiguer ses jambes, premières souffrantes de cette maladie qui lui dévorait le système nerveux. Il ferma les yeux et soupira. Il ne pouvait plus faire comme si de rien était, de toute façon. Alors à quoi bon repousser l’inévitable qui était déjà à sa porte. Il sortit dehors, appuyé sur sa canne, et se rendit jusqu’à la fête foraine. Une fois arrivé à l’entrée principale, il repéra assez vite Charlie, dans une chemise verte longue et des baskets blanches. Elle était aussi belle que sur sa photo de profil, sinon plus. Cette simple constatation arracha un sourire au physiothérapeute qui marcha jusqu’à elle en tentant le moins possible de montrer la faiblesse de ses jambes même si la canne vendait déjà plutôt bien la mèche. « Bonsoir Charlie. » Lâcha-t-il d’abord, un mince sourire aux lèvres.

Je ne sais pas comment je n'ai pas pu le remarquer. Peut-être parce que mon regard était surtout fixé sur son visage. Il s'appuie sur une canne. Salut. Tu vas bien? dis-je d'une voix inquiète. Je n'ose pas trop l'enlacer mais après un court moment d'hésitation, je me serre contre son épaule. Mon geste est plutôt maladroit. Malaise. Il aurait dû m'envoyer bouler avec ma barbe à papa. Quelle idiote. Tu t'es blessé? Et moi qui t'embarque dans une fête forraine! Dans ma tête je me suis faite tout un scénario. Je voulais qu'on fasse un manège à sensation, une montagne-russes ou la boule élastique. Même si je pense qu'on pourrait bien s'amuser, j'imagine qu'il ne voudrait pas trop traîner. Marcher avec une canne doit vite fatiguer.

Dommage, j'espérais vraiment passer toute la soirée avec lui. Avec Woody, le courant est tout de suite passé, virtuellement. Et puis j'ai l'impression que nous avons plein de points en commun. D'après tout ce qu'il m'a dit, il a un caractère très similaire au mien. Ça, ça promet.

Tout de suite, la voix inquiète de Charlie suffit à faire regretter Woody de s’être pointé à la fête foraine avec sa canne. Pendant qu’il pouvait encore avoir l’air à peu près normal, n’aurait-il pas pu en profiter ? Dans quelques années il serait sans doute dans un fauteuil et ça, ce serait plus difficile à cacher. Il esquissa un faible sourire. « Oui, ça va très bien, et toi ? » Demanda Woody en tâchant de prendre une voix détachée, comme si le déni ferait disparaître le problème. Il répondit à l’accolade mal à l’aise de Charlie avec tout autant d’inconfort, l’échange n’avait rien de naturel et il s’écarta assez vite, gêné. La jeune femme lui demanda alors s’il s’était blessé, alors qu’elle l’emmenait dans une fête foraine, entre toutes autres choses. Woody secoua la tête. Il n’allait quand même pas mentir et dire qu’il avait une simple entorse à la cheville, mais il n’avait pas forcément envie, non plus, de larguer la bombe de sa maladie. Il n’en parlait jamais, l’aîné des Rutkowski, de sa sclérose en plaques. Il avait d’ailleurs gardé le secret pendant tellement longtemps, et bon nombre de ses amis n’étaient pas encore au courant. Cependant, il était sans doute temps d’arrêter de faire comme si sa condition n’existait pas. « Non, blessé n’est pas vraiment le mot … Disons que mes jambes se fatiguent vite par moment, c’est une condition physique que j’ai … Mais rien qui m’empêchera de te suivre dans tous les manèges que tu voudras. » Il sourit. « Et je te rassure, t’auras pas à marcher d’un pas de vieillard toute la soirée … c’est vraiment juste pour m’aider. » Il essayait de minimiser le tout, sans doute pour éviter que Charlie ne déguerpisse dès la première minute. Il voulait voir où ça pouvait aller, tout ça.

Malaise. Woody a une canne, pas des béquilles, mais je m'imagine qu'il est blessé. Je suis complètement à côté de la plaque. Son explication est un peu flou, je comprends juste que ses jambes se fatiguent vite. Il a genre, la trentaine, je dois avouer que je trouve ça bizarre. J'ai l'impression qu'il ne veut pas trop épiloguer. On va quand même éviter les auto-tamponeuses, hein! Mieux vaut en rire, non? De toute façon, on n'est surtout là pour apprendre à se connaître. Nous ne sommes pas là pour faire tous les manèges de la fête forraine. Même une petite balade et une barbe à papa, me conviendrait. Ça me va... Dire que j'ai eu peur que tu prennes tes jambes à ton cou en me voyant! Je m'esclaffe. Tu peux toujours, je te laisse une longueur d'avance! dis-je avec défi. D'accord, on apprend à se connaître, cependant j'ai quand même un peu l'intention de rentrer dans un jeu de séduction. Il est le premier avec qui j'ai discuté sur l'application, et rien que pour ça, il m'a marqué. Il est aussi celui qui me correspondait le mieux, caractèrement parlant. J'attends de voir ce que cela va donner face à face. 

Il n’était pas habitué à en rire, Woody. Au contraire, jusqu’à présent il s’était contenté de s’en fâcher ou d’en pleurer. C’était d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle il n’avait jamais voulu en parler, de sa maladie. Les autres ne savaient pas toujours comment réagir mais surtout, c’était lui qui n’arrivait pas à gérer son attitude face à ça. Les muscles raidis, il tenta quand même un sourire, même un rire pas assez convainquant. « Oh, j’ai conduit jusqu’ici, je devrais m’en sortir … Pas que ma conduite ressemble à celle que j’adopterais dans les auto-tamponneuses mais … je pourrais m’en sortir aussi. » Lâcha-t-il. La dernière chose qu’il voulait, c’était que Charlie le traite différemment en raison de sa condition physique. Il ne voulait pas paraître faible, il ne voulait pas la ralentir, être un boulet. Woody était un homme orgueilleux et fier. Si son égo en venait à être touché ce soir, il se refermerait sans doute encore plus sur lui-même, lui qui essayait tellement de s’en sortir ces derniers temps. À la blague de Charlie, à propos de lui laisser une longueur d’avance s’il en venait à prendre ses jambes à son cou, Woody fut légèrement vexé parce que fut un temps, on n’aurait jamais douté de sa capacité à foutre le camp plus vite que n’importe qui. Ce serait donc ça, sa nouvelle vie à vivre ouvertement sa maladie ? Il n’avait pas envie de ces sous-entendus, de ces blagues, de cette pitié. Mais il n’allait pas laisser ça gâcher sa soirée avec Charlie. Elle n’y était pour rien, au fond, pas vraiment. « Pas besoin, j’ai pas du tout envie de prendre mes jambes à mon cou de toute façon. Même si j’en serais capable. » Il esquissa un sourire, avant de finalement se mettre à marcher vers l’entrée de la fête foraine.

Ah les hommes et leur fierté! Il m'avait dit qu'il était orgueilleux et il ne s'est pas fait prier pour me le montrer. Je te taquine dis-je avec douceur, en haussant les épaules. Je dois avouer que ça m'intrigue, qu'il ait cette canne. Woody a quoi? Genre trente, trente-deux ans? La trentaine, quoi. Alors si il n'est pas blessé, c'est qu'il y a sûrement une explication un peu moins floue. Bref. Je ne vais pas l'importuner avec mes questions, elles resteront dans un coin de ma tête pour plus tard. Le moment présent est bien plus important. Il n'a pas du tout envie de prendre ses jambes à son cou, c'est uniquement ce que je retiens. C'est tout sourire que nous nous dirigeons vers l'entrée de la fête forraine. Je me sens comme une gosse. Les cris et la musique se rapprochent. Ça sent la barbe à papa! Je me réjouis, toute excitée. On fait quoi? Peu importe ce qu'il décide, je suis partante.

Il aurait dû le percevoir, Woody, que Charlie le taquinait. Sans doute avait-il compris la plaisanterie en surface, d’ailleurs, sans pour autant passer par-dessus le fait que la jeune femme s’était gentiment moqué, mais moqué quand même, de sa condition. Il n’était pas encore assez en paix – pas du tout, même – avec sa maladie pour pouvoir rire à un tel commentaire sans s’en froisser. Cela jetait sans doute un froid sur ce premier rendez-vous, qu’il sentait de plus en plus être le dernier. Charlie était juste trop douce, trop gentille, pour s’en aller et laisser derrière le mec avec un handicap. « Ouais, je sais. Désolé. » Répondit Woody en secouant la tête, un rire gêné s’échappant d’entre ses lèvres. Si lui affirma ne pas du tout avoir envie de prendre ses jambes à son cou, Charlie non plus ne laissa rien paraître d’un quelconque besoin de fuir. Au contraire, elle suivit Woody vers l’intérieur de la fête foraine, excitée par les odeurs, les cris, les rires et la musique qui les enveloppèrent alors. Ça le fit sourire, et ça le rassura. « Je ne pensais pas que la barbe à papa avait une odeur. Ça doit être ton nez de pâtissière … » Fit-il remarquer. Elle demanda alors ce qu’ils faisaient, maintenant. « On fait quelques manèges de sensations fortes avant de s’attaquer à la barbe à papa ? » Proposa-t-il, sans préciser que ça lui éviterait d’avoir des nausées s’il mangeait trop de sucre avant un manège trop intense. La canne lui donnait déjà l’air assez vieux comme ça.

La fête forraine m'évoque que de bons souvenirs. Emportée par la musique, les cris, la bonne odeur de churros, gaufrettes et toute sorte de gourmandises, je saute de joie. Le visage de Liam s'éloigne de mes pensées. J'ai le sentiment de soigner mon petit coeur brisé. Mais si! Ça sent la barbe à papa que tu me dois bien dis-je, joueuse.  Je rajoute, tout sourire À te faire désirer, hein? Clin d'oeil au fait que, pendant longtemps il ne m'a pas répondu sur l'application. Mon ton ne résonnait pas du tout comme un reproche. Bien au contraire, c'est ma façon de lui faire comprendre qu'il m'a toujours intéressé. Je n'oublie pas non plus qu'il m'a soit disant apporté un souvenir de son roadtrip en Australie. Je garde ceci dans un  coin de ma tête. Pour l'instant je ne cache pas mon enthousiasme. Woody suggère que l'on commence par des manèges à sensation avant de manger une barbe à papa. Oui tu as raison, je n'ai pas trop envie d'avoir la nausée dans les montagnes russes. Par où commencer? Je réfléchis. Il y a une attraction dont j'ai adoré faire une fois avec mon frère. Je me demande si Woody serait prêt à le faire avec moi, parce qu'il faut avoir le cœur accroché. Même moi j'ai longuement hésité à me lancer. Tu connais la boule? Je cherche du regard la dite attraction dans les airs. Les cris peuvent me guider.

Charlie n’hésita pas à en profiter pour rappeler à Woody que la barbe à papa, c’était lui qui la lui devait, alors il était celui qui offrait. Il pencha la tête en arrière en riant, avant de la ramener à la hauteur de la jeune femme pour hocher la tête. « Bien sûr. » La jeune femme fit ensuite allusion au fait que Woody s’était fait désirer, sur l’application, lui qui avait passé plusieurs semaines sans donner signe de vie. Sans doute Charlie avait-elle pensé qu’il la ghostait, et sans doute aurait-ce été le cas si les choses s’étaient déroulées autrement avec Freja pendant leur voyage. Mais en revenant, il avait été confronté à la triste réalité que ce qu’ils avaient eu avait beau être encore bien présent dans leur cœur, ce ne serait plus jamais comme avant. « Il fallait bien que je teste si t’étais vraiment intéressée ou si t’avais déjà toute une file d’autres mecs potentiels pour me remplacer … » Blagua-t-il à son tour. Charlie avait sans doute un tas d’autres conversations entamées sur BowTie, c’était le but après tout. Il ne cherchait pas la compétition, Woody, il voulait juste savoir s’il était encore possible pour lui de penser à entretenir des relations de ce genre. Charlie et lui décidèrent alors de faire les manèges un peu plus intenses avant de s’empiffrer, et la jeune pâtissière lui proposa la boule. Il fronça les sourcils. « Non, non je ne pense pas connaître. Mais je suis partant pour n’importe quoi. » Ajouta-t-il, bien décidé à faire comprendre à Charlie que son handicap ne l’empêchait pas de la suivre où elle désirait aller. Et comme de fait, il la suivit jusqu’à ladite boule.

C'est dit, on mangera une barbe à papa après avoir fait les manèges. Une barbe à papa qu'il me doit, à se faire autant désirer pour me répondre sur BowenBowTie. Bien entendu, je le taquine et il me taquine à mon tour. Il me testait, c'est ça? Mais bien sûr. Ne dis pas de bêtise! D'accord j'échange avec quelques garçons mais pas de quoi s'en vanter. Je reprends mon sérieux. Je pensais qu'on avait bien accroché, mais comme tu ne répondais plus je me suis dit que tu avais peut-être trouvé quelqu'un, ou que je ne t'intéressais plus. dis-je en toute sincérité, haussant les épaules. Durant cette période, j'ai beaucoup discuté avec Liam, on s'est rencontré et une chose en entrainant une autre... Il s'est passé ce qu'il devait se passer. Puis après notre dispute au Tabù, je dois avouer que j'étais vraiment contente de voir le message de Woody apparaître sur mon téléphone. Je ne m'y attendais pas. Au tout début, quand je faisais connaissance avec Liam et Woody en même temps, je me souviens de ce que je disais à Billie au sujet de Woody. Que j'avais la sensation qu'on se correspondait bien et qu'on pouvait passer du bon temps ensemble. Les prochaines heures nous le diront. Alors je t'explique. On est dans une boule qui te catapulte à plus de 40 mètres. Le tout filmé en direct. Ça nous fera un beau souvenir pour une première rencontre. Je souris, imaginant les premières secondes de la vidéo. Malgré que je sois du genre téméraire, cette attraction me fait hurler de peur mais aussi de rire. Nous nous approchons de la boule qui est justement en train d'être propulsée dans les airs. Les gens à l'intérieur se mettent à crier. Je me retourne vers Woody, amusée. Regarde, elle est là-bas. Toujours partant? Je sens déjà l'excitation monter en moi, je saute littéralement sur place. Une vraie gosse, je vous dis.

Riant de sa réaction, Woody retrouva un peu plus son sérieux quand Charlie reparla du fait qu’il avait cessé de lui répondre pendant un moment. Il n’avait pas réalisé qu’elle avait à ce point un intérêt pour lui, et que son absence avait pu la décevoir. Il n’était plus habitué à cette réalité, Woody, encore moins quand le premier contact était fait via une application mobile. Ça lui faisait cependant plaisir de savoir que Charlie aussi trouvait qu’ils avaient accroché. « Je trouvais qu’on avait bien accroché aussi. J’ai eu quelques trucs à mettre en ordre dans ma tête pendant mon voyage, mais ça m’a permis de me rendre compte que j’avais vraiment envie de te rencontrer. » Et d’essayer de tourner la page sur Freja, et d’essayer de voir s’il était capable de s’ouvrir à une autre qu’elle. Charlie était celle qui lui plaisait le plus parmi les personnes rencontrées sur BowTie, alors s’il devait tenter l’impossible, c’était auprès d’elle. Pour le moment, il devait admettre que le courant passait assez bien, même en face à face. Et ils s’apprêtaient à vivre ensemble un moment assez marquant, maintenant qu’elle l’avait conduit jusqu’à l’entrée de l’attraction de la boule. En la voyant propulsée à plus de 40 mètres dans les airs, Woody la suivit de ses yeux grands ouverts. « Ah ouais, au moins sur cette vidéo on se verra à notre pire, j’garantis pas d’avoir l’air très intelligent quand c’truc sera catapulté. Si tu veux toujours de notre barbe à papa après, ça voudra vraiment dire que j’te plais. » Il rit. « J’suis toujours partant, oui. Allons-y avant que je change d’idée ! » Dit-il en secouant la tête, n’en revenant pas d’être traîné là-dedans. Il y avait bien des mois qu’il n’avait pas ressenti ce genre d’excitation-là. Avec sa dépression de la dernière année, Woody n’avait plus rien essayé de nouveau, n’avait plus vécu d’aventures. Charlie le tirait de sa sombre zone de confort, lui qui, dans ses jeunes années, passait son temps à repousser ses propres limites. Après un moment d’attente dans la file, ce fut enfin à leur tour d’aller se placer dans la boule. Woody posa sa canne au sol et marcha jusqu’à son petit siège à l’intérieur du manège, aux côtés de Charlie. « Bon eh bah ... ce fut un plaisir de te rencontrer, et j'suis ravi de mourir à tes côtés ! » Plaisanta-t-il.

Il avait vraiment envie de me rencontrer. Je le regarde, d'un regard gêné, avec un léger sourire. Lorsque je tourne ma tête, mon sourire se fait plus grand. On se rencontre au bon timing alors. Parce que durant ce laps de temps où nous nous ne sommes plus parlés, la tornade Liam m'a fait tourné la tête. Lui et moi c'était intense et innatendu. Puis notre dispute au Tabù a éclaté et m'a mis au plus mal. J'ai et j'aurais toujours une tendresse infinie pour lui. Néanmoins j'essaie de me faire à l'idée qu'il ne me voudra jamais de moi comme moi je veux de lui et que je dois m'efforcer à tourner la page. De son coté, je me souviens que Woody m'a parlé d'une histoire avec une fille qui a duré assez longtemps et qu'il préférait y aller en douceur. J'imagine qu'il n'était pas encore prêt à faire de nouvelles rencontres, peut-être était-ce ça qu'il devait "remettre dans l'ordre"? Peut-être sommes-nous juste deux âmes perdues qui tentent de se reconstruire?

Et pour la première fois depuis un moment qui me semble une éternité, je me sens bien. Avec Woody on est sur le point de se lancer dans une expérience incroyable. La boule est l'attraction qui m'a le plus effrayée de toute ma vie. Je dois être une dingue pour vouloir le refaire, surtout lors d'un premier rendez-vous. On aura le mérite de se voir dans tous nos états. Et moi alors? C'est un bon test, pour un premier date, non?  Mais il pourra hurler à s'en vider les poumons que je le trouverais toujours charmant. Nous approchons de la dite boule, mais aussi des cris. Il est toujours partant. Je saute de joie, ou de nervosité, je ne sais plus trop. Ouiiiiii! Je suis toute excitée, mais j'ai trop peur aussi, mais je suis toute excitée! Plus l'attente est longue, plus le stress monte. Nous sommes les prochains à monter. Le forrain nous installe à notre siège. Mes épaules sont solidement accrochées. J'ai le reflexe de tenir les poignées avec force. Woody tente de détendre l'atmosphère avec une petite blague. Je ris jaune. Dis pas ça! Donne-moi la main, j'aurais moins peur. Je vais vous dire un secret... C'était un prétexte pour qu'il me tienne la main. Mais j'ai un petit peur quand même, hein.

Curieux à propos de l’affirmation de Charlie, ce bon timing dont elle parlait, Woody arqua légèrement un sourcil en reculant la tête d’un ou deux centimètres. Un sourire se dessina simplement sur ses lèvres, lui qui décida de ne pas investiguer davantage, pas pour le moment. Que ce soit le bon moment pour eux deux lui suffisait, pour le moment. Après tout, lui-même n’avait pas forcément envie pour l’instant de parler des raisons pour lesquelles il en était à ce point dans sa vie où il devait tenter de rencontrer de nouvelles personnes. Il n’ouvrirait pas la porte à de telles questions en abordant le sujet auprès de Charlie. Peut-être plus tard, qui sait. For now, ils se dirigeaient vers cette grande boule catapultée dans les airs. « C’est un très bon test ouais. J’parie que t’avais cette idée derrière la tête depuis le début. » Se moqua-t-il. Elle avait bien trop rapidement proposé cette attraction, sans hésiter. Elle le mettait à l’épreuve, le pauvre qui voyait déjà en ce rendez-vous un gros défi. Le challenge était poussé encore plus loin alors qu’il s’apprêtait à vivre des émotions fortes comme il n’en avait pas vécu depuis belle lurette. Ils allèrent s’installer sur leur siège respectif, Woody voyant déjà sa vie défiler devant ses yeux, ce qui n’amusait pas particulièrement Charlie. « Oh maintenant, t’as peur ? » Il rit, avant de poser sa main sur celle de la jeune femme. Il n’avait pas été aussi proche d’une femme depuis Freja. Ses doigts s’entremêlèrent à ceux de la pâtissière. « Pour que tu ne te dégonfles pas. » Dit-il doucement. Les employés de la fête foraine réglèrent les attaches de sécurité et les informèrent des directives, avant de les laisser dans l’attente, dans le suspens.

Ma déesse intérieure danse la rumba. Je me réjouie d'embarquer Woody dans le manège le plus flippant de la fête forraine. J'avoue que j'avais en-tête de le convaincre de faire au moins une des attractions à sensations fortes. Tu commences à bien me connaître dis-je d'un air mystérieux. Bien arrivés à la dite attraction, nous attendons notre tour. Le stress monte d'un cran lorsque le forrain nous installe en toute sécurité. Bien accrochés à nos sièges, je prétexte (à moitié) d'avoir peur pour qu'il me tienne la main. J'ai un petit peu peur admet-je. Le prétexte marche plutôt bien. Nos doigts s'entremêlent et nous échangeons un sourire. Un peu trop tard pour se dégonfler, non? Fais pas le malin, dans même pas 2 minutes je vais... je m'interromps car je sens le fil se tendre et prendre du recul. On va décoller. J'ai le temps de tourner ma tête en sa direction, me pincer les lèvres et lui dire d'une voix mal assurée Interdiction de fermer les yeux. Et blop! La boule se propulse dans les airs et nous fait voler à plus de 40 mètres de hauteur. Nos mains se lâchent. La sensation est vertigineuse, excitante, impressionnante. Les passants en bas me semblent devenir des petites figurines. La vue est incroyable mais floue car la boule effectue une rotation. Après avoir poussé un cri d'exclamation je me mets à éclater de rire. L'adrénaline est à son maximum.