Closer + Woody & Charlie

Un sourire se dessina sur les lèvres de Woody alors que Charlie affirmait qu’il commençait à la connaître. « Oh, pas assez. Il doit y avoir encore bien à découvrir … » Tout comme il y avait beaucoup à découvrir de lui. En revanche, dans son cas, ce n’était rien de bien glorieux qui se cachait sous cette gueule. Il préférait rester en surface le plus longtemps possible, avant que Charlie ne déguerpisse. Son côté fun comme ce soir, à Woody, il ne restait jamais là bien longtemps. La noirceur l’enveloppait toujours trop vite dans chacune de ses relations. Malgré tout, pour l’instant, il profitait du répit que ce premier rendez-vous lui offrait. Ça lui faisait un bien fou de pouvoir décrocher de ses démons, et Charlie savait parfaitement bien comment l’en extirper. Main dans la main, ils attendirent les jambes tremblantes que le mécanisme soit enclenché. La pâtissière n’eut même pas le temps de terminer sa phrase que le fil se tendit, prêt à les larguer tout là-haut. Woody ferma les yeux, rapidement grondé par Charlie. Il les rouvrit et tenta de se défendre : « Mais … » À son tour, il ne termina pas sa phase, la boule ayant été propulsée dans les airs, lui coupant la voix. Il écarquilla les yeux en se voyant prendre autant d’altitude aussi rapidement. Un courant d’adrénaline parcourut son corps tout entier, il sentit son échine frissonner de haut en bas. Il y avait longtemps qu’il n’avait pas senti son corps aussi vivant. Son corps généralement amorphe, lent, fatigué, las de lutter. Son corps qui ce soir retrouvait tous ses sens. Une fois le premier bond fait, alors qu’ils redescendaient en vitesse, Woody lâcha un cri, un cri de plaisir, de soulagement, de bonheur. Une euphorie passagère à laquelle il s’accrochait si fort. Pendant les quelques sauts suivants, avant que la boule ne s’immobilise, Woody avait continué à crier et à rire à l’unisson avec Charlie, contemplant la ville sous leurs yeux.

Bien que j'ai déjà été propulsé par la boule, le faire une seconde fois est toujours aussi impressionnant. Ce moment où nous sommes lancés vers le ciel, fait monter mon rythme cardiaque à son maximum. Le vent me gifle fraîchement en pleine figure. Je n'ai pas le temps de regarder le paysage ni même les nuages car la boule ne fait que de tourner sur elle-même. Je crie, je ris, je pousse des exclamations de joie... en bref je suis envahie par mes émotions. J'ai dû mal à voir la réaction de Woody car mes cheveux couvrent une partie de mon visage. Ce n'est qu'une fois que la boule commence à s'immobiliser que je peux remettre de l'ordre dans mes cheveux. Je suis impatiente de savoir comment Woody a vécut cette première expérience.Waouh! C'était génial! T'as aimé? En tout cas il a son beau sourire aux lèvres. Et même si je n'ai pas pu le voir, j'ai entendu son rire qui raisonnait avec le mien. Il me faut du temps pour reprendre mes esprits, j'ai encore la tête qui tourne. Le forain nous suggère de se lever doucement pour éviter tout malaise. C'est donc doucement mais sûrement que nous nous dirigeons au cabanon pour visionner la vidéo. Nos visages, pas très sereins, s'affichent sur l'écran. Je ne peux pas m'empêcher de commenter. Oh la la, ma tête, la honte! Je ne suis pas sûre de vouloir garder cette vidéo finalement. Je plaisante, ça nous fera un joli souvenir. D'ailleurs j'ai hâte de la montrer à Billie. Je prends mon téléphone pour télécharger la vidéo. Je pense qu'on mérite quelque chose de plus calme maintenant, non? Une barbe à papa dans la grande roue? On a fait le plein de sensation. Je ne dirais pas non pour une montagne-russe mais pour le moment j'ai très envie de me poser.

Les cheveux de Charlie ne revolaient pas que dans le visage de la jeune femme elle-même, mais aussi sur celui de Woody, qui pouvait alors humer l’odeur florale qui s’en dégageait. Cela ne faisait qu’ajouter à la beauté du moment, ce moment durant lequel tous ses sens s’éveillaient comme ils ne l’avaient pas fait depuis longtemps. En atterrissant à nouveau, la boule s’immobilisant après quelques petits sauts supplémentaires pour perdre de son élan, Woody se tourna pour regarder une Charlie toute aussi enthousiaste que lui. « J’ai adoré ! Je le referais n’importe quand ! Toi ? » Demanda-t-il avec les yeux brillants. L’adrénaline ne redescendait pas, pas encore, mais tout plein d’émotions s’entremêlaient en Woody, qui fut tellement ému par tous ces feelings qu’il pensait oubliés, que les larmes lui montèrent aux yeux. Il détourna le regard, ne voulant pas montrer ce moment de faiblesse, même s’il s’agissait pour une fois d’une belle faiblesse. Il reprit le contrôle sur lui-même et se leva doucement comme le recommandait le forain. Woody avait les jambes encore plus tremblantes qu’à l’habitude en raison de ce qu’ils venaient de vivre, alors il s’agrippa fermement à sa canne avant de rejoindre Charlie à la sortie de l’attraction. Au cabanon, leur vidéo jouait en boucle. Woody n’aimait pas tellement conserver des souvenirs de ce genre mais celui-là, il décida de le télécharger lui aussi sur son téléphone. « Arrête, t’es à mourir de rire. Dans le bon sens. Et je suis pas mieux ! » Après avoir regardé le tout deux fois de suite en riant, Charlie lui proposa cette barbe à papa maintenant, dans la grande roue. Tout cela avait un air romantique pour lequel Woody ne serait sans doute pas à la hauteur, mais il acquiesça. « Je pense que c’est tout ce que mon cœur supporterait de toute façon. » Admit-il dans un rire. Ils se dirigèrent vers un stand de barbe à papa, et Woody paya les deux bâtons. Il tendit le sien à Charlie lorsqu’il fut prêt, et il s’empara du deuxième. « Je n’ai pas mangé ça depuis tellement longtemps … » Il y avait bien des petits plaisirs de la vie que Woody avait choisi d’oublier, peut-être pour se punir, peut-être pour se préparer à ce qui l’attendait.

Quand la boule s'immobilise, je vois le visage rayonnant de Woody et ça me fait très plaisir. J'espérais exactement ce genre de réaction. Tous les deux secoués mais émerveillés, on approuve à quel point nous avons aimé être catapulté dans les airs J'ai déjà envie de recommencer! dis-je en raccord avec lui. Une fois que nous nous sommes mis lentement debout, nous allons vers le cabanon pour visionner la vidéo. J'en reviens pas de la tête que je fais. Heureusement que mes cheveux cachent une partie de mon visage, mais on en rigole ensemble. En direction du stand de barbe à papa je visionne une énième fois la vidéo sur mon portable J'adore ce moment où l'on se rend compte qu'on est tout là-haut et qu'on commence à éclater de rire en même temps! Je lui montre ce passage. Je ne la diffuserais pas sur les réseaux sociaux mais c'est certain que je la montrerais à mon frère.

Nous prenons chacun une barbe à papa, que Woody m'offre. Je le remercie et commence à prendre un filet de sucre rosé. Il n'a pas mangé ça depuis longtemps. Moi non plus. On va en avoir plein les doigts mais j'ai du gel hydroalcoolique, ne t'inquiètes pas. On aurait dû prendre une pomme d'amour, mais ça fait coller les dents. Ou une glace, mais il fait bien trop froid. Ou des churros, mais on en devient vite écoeuré. Finalement la barbe à papa n'est pas un si mauvais choix. Sur le chemin de la grande roue, on croise des gens qui hurlent rattrapés par un homme déguisé avec une fausse tronçonneuse. Des affiches de films d'horreur dont Freddy, l'exorciste, Saw, sont mis en valeur devant l'entrée d'une attraction qui ressemble à un manoir. Regarde! C'est le parcours de l'horreur. Agh c'est bien le seul truc que je ne veux pas faire ici. Tu l'as déjà fait? Je suis une tête brûlée, j'adore les sensations fortes, j'adore les films d'horreur, mais les parcours où on est dans le noir confrontés à des surprises flippantes, non merci!

♡:

C’est vrai que ce moment-là, cette seconde-là si magique, durant laquelle Charlie et Woody réalisaient qu’ils étaient en haut complètement, catapultés à quarante-quelques mètres dans les airs, c’était beau à regarder. Ça lui faisait étrange de se voir rire. Il avait l’habitude de croiser un reflet, dans le miroir, qu’il ne reconnaissait même plus. Des traits fatigués, des cernes sous les yeux, des lèvres affaissées. Là-dessus, il n’était pas cet homme. C’était à la fois troublant et rassurant. Rassurant de savoir qu’il n’était peut-être pas complètement perdu. Il était encore là, à quelque part au fond de la noirceur. « C’est vrai que c’est le meilleur moment. Ça et quand j’avale tes cheveux en criant. » Il rit, avant de se tourner vers le stand de barbe à papa. Une fois chacun leur bâton en main, Woody goûta à un filament de sucre, la sienne à la framboise bleue même si ça ne goûtait absolument rien de ça. Ça lui rappelait tant de souvenirs, des souvenirs d’une innocence qu’il n’avait plus. Ils se dirigèrent finalement vers la grande roue, croisant au passage des personnages de la maison hantée. Woody rit à la réaction de Charlie. « Ouais, ça j’ai déjà fait, y’a quelques années à Halloween. Sous ce maquillage c’est genre des adolescents animateurs de camp de jour l’été … Je te pensais plus courageuse que ça … » Lâcha-t-il, la voix pleine de défi, adressant un regard en coin à Charlie. Lui aussi pouvait jouer à ce petit jeu.

Spoiler:

On rit et ça fait un bien fou de partager une expérience aussi forte et délirante. Il a un rire communicatif, contagieux, donc difficile de ne pas se sentir bien à ses côtés. J'espère que cette soirée va encore durer car je passe vraiment un bon moment avec lui.

Rien de mieux qu'une barbe à papa pour se rappeler des souvenirs d'enfance. Cette texture qui fond dans ma bouche et ce goût extrêmement sucré vont sans doute vite m'écoeurer. Il y a des chances que je ne l'aurais pas terminé jusqu'à ce qu'on arrive à la grande roue. Nous traversons la fête forraine et les cris du train fantôme m'interpellent. Je ne cache pas que c'est bien la seule attraction dont je ne voudrais faire. Ce qui donne à Woody l'occasion de moquer de moi. Je me trompe ou tu me provoques? dis-je d'un ton moi-même provocateur. Je suis capable de faire plein d'autres choses. Lance-moi un défi. amusée, mon esprit de compétition se réveille. Lui aussi me disait être du genre compétiteur. J'aime ça. Plus j'apprends à le connaitre, plus j'ai envie de le connaitre.

*:

« Juste un peu … » Il esquissa un sourire, à propos de provoquer Charlie. En la narguant, Woody ne s’attendait certainement pas à ce qu’elle le challenge, lui demandant de lui lancer un défi. Il arqua un sourcil. C’était un jeu auquel il n’avait pas joué depuis longtemps, ça. À croire que Charlie s’était donné comme mission de le sortir de sa zone de confort toute la soirée, sans même savoir à quel point c’était exactement ce dont le trentenaire avait besoin. Il réfléchit un moment, en prenant une bouchée de barbe à papa entre ses doigts pour les porter à ses lèvres, question d’allonger la réflexion. Il n’avait pas d’idée, de toute façon. Il regarda autour d’eux, puis son regard tomba sur l’une des arcades de la rangée qu’ils longeaient actuellement. Des enfants s’apprêtaient à débuter une partie de fléchettes, arcade dans laquelle on devait faire éclater le plus de ballons gonflés possible. Il ne manquait qu’un joueur. Woody désigna l’arcade de son index. « Écrase-les, ces kids. Tous. Pas de pitié. » Il esquissa un sourire. Cette arcade était tout de même reconnue pour être difficile, il fallait un lancer direct et robuste pour qu’un ballon éclate. Autrement, la fléchette ne faisait que rebondir. Elle l’impressionnerait, si elle réussissait à battre ces gamins qui avaient de la pratique, à force de dépenser leur argent de poche dans ces jeux débiles. Et tout ça pour une peluche de poisson ?

Woody est joueur. Il me lance un défi. Le stand des fléchettes est face à nous. Le jeu consiste à éclater des ballons, face à une équipe de jeunots qui n'ont pas plus de douze ans. T'es sûr? Tu sais, mon frère était très doué à ce jeu. Il y dépensait une grosse partie de son argent de poche. D'ailleurs il m'a appris une technique qui fonctionne plutôt bien. Tu visualises ta cible et tu tires avec force! qu'il disait. On va voir si je ne suis pas encore rouillée. Je me redresse fièrement et salue les gosses. Honneur aux plus jeunes. Les deux premières flèches éclatent deux ballons de façon spectaculaire. Mince, je ne fais pas la maline. Mais - peut-être parce qu'ils ont un surcroît de confiance, ils ratent les autres flèches. Je ne crie pas victoire pour autant. Le forrain me donne 5 flèches, 5 chances d'éclater 3 ballons. Je lance ma première flèche. Raté. Ça commence mal. Je me renfrogne. Deuxième flèche. Raté. Décidément! Je prends mon temps et me concentre sur ma cible. Déterminée, je lance ma troisième flèche qui atteint un ballon rose. La quatrième flèche éclate un ballon jaune. C'est ma dernière chance. Je peux le faire! Il faut que je continue de travailler ma concentration, mais je sais que la chance y est aussi pour quelque chose. Je prends une grande inspiration et... bingo! La cinquième flèche éclate un ballon bleu. Je pousse un cri triomphal et lève mes bras. J'ai gagné! Ah ah! Ah Ah! Je me retourne devant Woody, victorieuse, sautillant sur place, comme si j'avais gagné le gros lot. Alors mam'selle, vous voulez quoi? Un poisson rouge? Une peluche? me dit le forrain. Je suis super déçue. Je m'attendais à un prix un peu plus prestigieux. De nouveau je me retourne vers Woody .Tu veux une peluche ou un poisson rouge? On fera une garde alternée.

Un sourire se dessina sur son visage. Tentait-elle de l’intimider et de lui faire changer d’avis ? « Ton frère l’est peut-être … moi c’est toi que je veux voir à l’œuvre. » Sur ce, elle lui dit qu’elle verrait si elle n’était pas trop rouillée. Ils s’avancèrent vers les gamins qui attendaient pour jouer. Woody plongea ses mains dans ses poches, attendant avec un malin plaisir de voir ce moment. Charlie les laissa jouer en premier et, voyant cette politesse, Woody se pencha à l’oreille de la jeune femme pour y murmurer : « Tu veux mesurer à quel point t’es dans la merde face à tes adversaires ? » Il rit, la regarda avec des yeux espiègles, et se recula pour lui laisser toute la place à son tour. Elle rata les deux premiers tirs. « Capable de faire plein d’autres choses, hein ? » Cette petite attaque, il aurait dû la garder pour lui, car Charlie fut alors prise d’un élan victorieux qui lui fit réussir les trois derniers coups. Il secoua la tête en riant en la voyant crier triomphalement, les bras haut levés au-dessus d’elle. Il se cacha le visage dans la main quand elle commença à sautiller devant lui. « Va pour le poisson rouge, on en sera débarrassés plus vite. » Lâcha-t-il, soulignant donc la durée de vie plutôt moindre de ces trucs-là contrairement à une peluche qui allait traîner. Trouble-fête ? Un peu. Mais avoir un poisson rouge en garde partagée, ça signifiait forcément qu’ils seraient amenés à se revoir et ça, ce n’était pas désagréable. « Bon, on y va, dans cette Grande roue ? » Leur rappela-t-il, surtout pour éviter qu’il prenne à Charlie l’idée de lui donner un défi à son tour.

Le goût du challenge fait partie de moi. Durant mon enfance j'étais très mauvaise joueuse. En grandissant j'ai essayé de me soigner, mais en vain. Lorsque Woody me propose un défi, il décide de me confronter à un groupe de gosses au jeu de fléchettes. Une aubaine pour moi, car mon frère qui s'y débrouillait très bien, m'a appris une technique. Woody prend un malin plaisir à me narguer. Arrêtes de me provoquer! dis-je sans pouvoir me retenir de sourire. Alors que je rate deux essais, j'arrive à me rattraper sur les trois autres et gagne mon prix. Le forrain m'offre deux possibilités : une peluche ou un poisson rouge. Pas terribles comme options. Je me retourne vers Woody pour savoir quelle est sa préférence. Il choisit le poisson rouge car selon lui on en sera débarrassé plus vite. Je lève les yeux au ciel. Pauvre petit poisson rouge. j'interpelle un garçon de la bande, dont je choisis parmis le plus grand des hasards. Ça t'intéresse un petit poisson rouge? que je demande avec douceur. Disons que ce sera son lot de consolation. Il accepte avec joie tout en montrant à tous ses copains son sachet d'eau où nageait le poisson. Woody s'empresse de continuer notre chemin vers la grande roue. Oui allons-y. Mais bon, quand même, t'aurais pu admettre que je t'ai impressionné! Avec un coup d'épaule, je le taquine et me rapproche tout près de lui. Je me rends compte à quel point il est grand (ou est-ce moi qui suis toute petite?) Tu me boudes? Je pose la question d'un air innocent. Je me demande si lui aussi, est mauvais joueur. Jusqu'à présent, je ne cesse de me retrouver aux traits de son caractère. Ça ne me déplaît pas, bien au contraire, il me plaît.

Mauvais joueur n’était même pas le mot. Woody avait un véritable esprit de compétition, développé lors de son adolescence pendant son ascension vers le sommet alors qu’il était finalement devenu champion mondial de vélo de montagnes, à l’aube de ses vingt ans. Depuis, même s’il ne pratiquait plus le vélo en raison de sa condition physique, de sa maladie qui le dévorait de l’intérieur, Woody conservait ce côté compétitif presque maladif. Sans doute était-ce pour cela qu’il s’était penché à l’oreille de Charlie pour la narguer et la déconcentrer, et qu’il avait été à ce point déçu de la voir relever son défi victorieusement. Le jeune homme choisit le poisson rouge, et contre toute attente la pâtissière l’offrit à un des gamins qu’elle venait de battre. « Hé ! Et notre garde partagée, alors ? » S’outra Woody même si au fond, il s’en fichait bien du poisson rouge. C’était surtout son envie de revoir Charlie qui était ébranlée dans ses espoirs. Ils se dirigèrent finalement vers la Grande roue, destination principale qui avait été entrecoupée d’arrêts. « Ouais, ouais, t’étais pas mal. » Admit-il avec un mince sourire, voulant cacher qu’effectivement, il l’avait trouvée assez impressionnante. Il tourna la tête vers elle alors qu’elle lui donna un coup d’épaule, se rapprochant de lui du même coup. Il baissa les yeux vers elle avec un sourire. « Ouais. Je t’en veux d’avoir donné notre poisson rouge sans ma permission. » Il rit. Ils embarquèrent finalement dans une nacelle de la grande roue, nacelle circulaire, ce qui n’empêcha pas Woody de s’asseoir à côté de Charlie. Depuis qu’elle s’était rapprochée de lui en marchant, il n’avait pas envie de rompre cette proximité. Ça lui faisait étrange, de redécouvrir ça avec une femme autre que Freja. Et même si elle revenait évidemment sans cesse dans sa tête à chaque pas vers l’avant qu’il faisait, il ne pouvait nier que la présence de Charlie apaisait son mal. Elle le faisait sentir vivant.

Alors que je donne mon poisson rouge à un petit garçon, Woody proteste. Tu voulais t'en débarrasser! dis-je en haussant les sourcils, très surprise. Je pars du stand, satisfaite, bien que j'ai cédé mon prix. D'ailleurs gentiment, je le taquine à ma victoire triomphante. Il admet que j'étais pas mal. Moi-même très mauvaise joueuse, aurais affiché qu'un mince sourire. La plupart de ses réactions durant la soirée, auraient été les miennes et c'est troublant. De plus en plus, j'ai envie de me rapprocher physiquement de lui. Je marche beaucoup plus près à ses cotés, tandis que nous arrivons à la grande roue. Nos rires nous accompagnent quand nous rentrons dans la nacelle. Si tu n'as rien de prévu on ira adopter un poisson rouge demain. Sous-entendu que j'aimerai le revoir. Parce que je passe vraiment un bon moment avec lui. Parce que depuis Liam, personne ne m'a fait sentir aussi bien.

Quand il s'assoit près de moi, au lieu de s'asseoir face à moi, ma déesse intérieure se dandine d'un air joyeux. J'ai le regard fixé à sa main, tout près de la mienne. Il est trop tôt pour prendre une initiative et je ne veux pas gâcher ce moment. Et si on réfléchissait à un nom? Je suggère... Woolie! Je poursuis, très fière de ma proposition. Un mélange de nos prénoms : Woody et Charlie. Je vais être vexée si tu n'aimes pas. D'accord, ce n'est pas tellement un nom pour un poisson rouge. Mais il peut faire semblant de trouver ça mignon, non?

« Pas maintenant ! Juste … éventuellement ! » Se défendit Woody même si au fond, il s’en fichait pas mal de ne pas rentrer à la maison avec un poisson rouge. Il n’était même pas capable de prendre soin de lui-même alors comment pouvait-on s’attendre à ce qu’il assure la survie d’un autre être ? Charlie aurait voulu le reprendre un jour et il aurait été obligé de lui annoncer qu’il avait été flushé dans les toilettes depuis belle lurette. Une fois dans la nacelle, Charlie rattrapa le coup en proposant que demain, ils iraient adopter un poisson rouge. Il tourna un regard surpris mais amusé vers elle. Elle proposait quand même qu’ils se revoient et ce, dès demain. C’est drôle, hormis avec Sara et Freja, Woody n’avait jamais vraiment fait avec les lendemains. Il n’était pas reconnu pour les fréquentations à plus long terme que quelques heures. Il devait cependant avouer que l’idée de passer plus de temps encore avec la pâtissière était très attrayante. « Je te prends au mot. » Répondit-il avec un sourire. Reste que s’ils allaient au bout de cette blague, ce serait une bonne anecdote à raconter, peu importe où leur relation les conduisait. « Woolie ? » Demanda l’homme, dubitatif, mais Charlie l’avertit qu’elle serait vexée s’il n’aimait pas. « C’est pas ce que les jeunes font devant leurs tv shows, ça, maintenant ? Quand ils shippent ou j’sais pas quoi ? » Il esquissa un sourire. Pourquoi il savait ça ? Il devait parfois endurer le small talk avec ses patients à la clinique, voilà pourquoi. Mais si ça pouvait être un indice de plus pour en comprendre que Charlie l’aimait bien, alors il le prenait. « Woolie le poisson rouge. It has a nice ring to it. » Admit-il. La roue cessa enfin de s’arrêter à toutes les deux secondes pour embarquer de nouvelles personnes et ils prirent rapidement de la hauteur. « J’avais pas eu de plaisir comme ce soir depuis longtemps. Merci, Charlie. » Il tourna la tête vers elle, le regard sincère.

Si on est en train de prévoir de se revoir, c'est plutôt bon signe, non? En tout cas Woody est partant pour qu'on aille adopter et partager un poisson rouge. Je suggère qu'on le prénomme Woolie, en référence à nos deux prénoms. Le genre de trucs que font les fans qui shippent la relation de deux personnages. Un truc de fans ou comme il dit ce que les jeunes font. Le sourire aux lèvres, je répète "Ce que les jeunes font", tu me trouves trop jeune pour toi? Il est vrai qu'il est un peu plus âgé que moi, mais je n'en ressent pas la différence, moi. Il finit tout de même par accepter de le baptiser Woolie. C'est décidé. Demain on ira adopter notre bébé poisson rouge dis-je joyeusement. Est-ce qu'on pourrait appeler ça un deuxième rencard? En tout cas j'ai déjà hâte de le revoir. Nous avons passé un bon moment, à se taquiner et à rire. J'en avais besoin depuis que la tornade Liam a fait une nouvelle  irruption dans ma vie.

La roue tourne et nous prenons de la hauteur. La vue est superbe. Le moment est propice pour échanger sur notre soirée. Ça m'a fait plaisir aussi. Je suis contente que tu aies arrêté à te faire désirer, hum! Je le taquine, lui donnant un coup de coude. D'ailleurs, cher monsieur, j'espère que tu m'as ramené mon petit souvenir de ton roadtrip hein! À moins que c'était du flan! Je croise les bras d'un air faussement boudeur. Parce que j'y crois pas trop. Il ne me parlait plus à ce moment-là, on se connaissait à peine. Mais c'est plus fort que moi, il fallait que je le taquine à ce sujet.

Quand Charlie demanda à Woody s’il la trouvait trop jeune pour elle, il ne put réprimer un sourire taquin. Il arqua un sourcil. « Qui a dit que je t’incluais dans la catégorie des jeunes ? » Après tout, il avait dit que c’était ce que les jeunes faisaient, comme si Charlie les imitait, plutôt. À son tour de lui donner un léger coup de coude, pour lui faire comprendre qu’il se moquait d’elle. Elle n’était pas vieille, Charlie. Lui non plus n’était pas bien vieux. Et à leur âge, un écart comme le leur ne se ressentait plus vraiment. Le trentenaire accepta ce nom de poisson composé de leurs deux prénoms. C’était drôle, et ça concrétisait leurs plans pour demain. « Excellent. » Conclut-il avec un sourire. Il ne savait pas s’ils se rendraient jusqu’au bout de l’engagement, s’ils se contenteraient plutôt de flâner à l’animalerie sans acheter mais peu importe, l’important ne serait pas le poisson, vraiment. Une fois la roue en hauteur, Woody se permit de revenir sur ce début de soirée fort agréable, si doux pour son âme sombre. Il rit quand elle parla encore de son absence de quelques semaines de l’application. « Tu m’laisseras vraiment pas m’en tirer, hein ? » Par la suite, il prit un air faussement offusqué quand elle lui rappela le petit souvenir qu’il lui avait promis, à moins qu’il n’ait menti. « Bien sûr que je l’ai, pour qui tu me prends ! Attends, le voilà … » Il fouilla dans sa poche et en ressortit une petite roche presque parfaitement ronde, d’une couleur bleuâtre presque transparente. Il la donna à Charlie et, face à son expression faciale, il éclata de rire. « Bon. Ok. J’admets. J’ai juste ramassé ça à la marée basse, à Derby, sans doute dans l’intention de la jeter dans deux ou trois ans, quand j’ferais un grand ménage. » La vérité était que pendant ce voyage avec Freja, il avait plutôt été concentré sur la norvégienne. Il lui avait ouvert son cœur et encore aujourd’hui, elle n’osait pas aller plus loin. Alors Woody avait choisi d’essayer d’avancer. « Il fallait bien que je trouve le moyen de te convaincre de me laisser une chance … »