one man's word held the country together but the truth is getting fierce (jamie)

Elle riait à sa plaisanterie. Quinze heures de train et Jamie les avaient sentis passer. Même si elle avait eu très bonne compagnie, c’était long. Surtout que d’ici quelques heures ils allaient recommencer. Ils étaient déterminés pour ce mouvement les deux militants. Mais l’avantage de ces quinze heures était que Jamie avait découvert un peu plus Isaiah et plus il avait parlé et plus Jamie l’appréciait. Ce voyage les avaient rapprochés et Jamie voyait Isaiah, en plus d’un partenaire de manifestation, un ami. Ils étaient arrivé tard et le mouvement avait commencé bien plutôt, mais Jamie était optimiste, elle sentait qu’il y aura encore du monde. Elle le sentait parce que ce qui se passait était grave, trop grave pour que ça ne dure que quelques heures. « Au pire, je suis sûr qu’à nous deux on peut le relancer. » Disait-elle en souriant, mais pas si sûr d’elle. Elle croyait en ses convictions mais Jamie n’était le genre de femme à effrayer les personnes. Avec ses cheveux blonds et ses yeux doux, elle avait déjà eu du mal à ce que certains de ses clients la prennent au sérieux. Elle l’avait senti au plus profond d’elle, mais le mouvement était loin d’être éteint, elle les avait entendu de loin et en s’approchant les cris, les chants et la révolte était forte. Galvanisante au point que Jamie avait envie de rentrer dans ce commissariat et tout casser. Pourtant elle était loin d’être violente l’avocate, mais ce genre d’affaire la révoltait. Isaiah était la voix de la sagesse, donnant un point de rendez-vous. Elle ne voulait pas le perdre, parce qu’il était un allié au top. Puis elle voulait partager ça avec son ami qui la comprenait. Au loin elle le vit ce pilier seul, et sans hésiter elle prit la main d’Isaiah. Survolant la foule, elle les voyait ces flics attendant un seul débordement. Elle levait la pancarte qu’elle avait fait avec Isaiah dans le bus. « Tu me dis si tu vois les flics faire quelque chose de mal. » Disait-elle en criant essayant de recouvrir le cri des autres manifestants. Brisbane était encore dans sa juridiction, il lui arrivait souvent de plaider ici, alors si jamais les choses dérapaient, Jamie pouvait toujours être vigilante sur le respect des droits des autres.

Isaiah n’avait pas envie de penser aux quinze heures de retour qui les attendaient. Son corps non plus, d’ailleurs. Il risquait d’être assez courbaturé pendant toute la semaine en raison de ces trente heures de train en moins de deux jours. Vous vous imaginez bien que l’artiste n’avait pas du tout prévu de louer une chambre pour dormir à Brisbane le soir venu. Son plan était de dormir dans le train du retour. Son argent, il ne le jetait pas par les fenêtres de cette manière. Pas qu’il accordait une réelle importance à l’argent, non, et il n’était pas non plus grippe-sou, bien loin de là. Difficile d’être aussi radin de toute façon avec les maigres revenus qu’il avait. Isaiah n’économisait pas grand-chose, et jusqu’à maintenant pour sa retraite, il vivrait d’amour et d’eau fraîche. Ça ne l’effrayait pas. Il n’y pensait même jamais. Financièrement, l’homme n’avait jamais été très responsable. Ce n’était pas pour autant qu’il allait dépenser pour une chambre d’hôtel alors qu’il pouvait aisément dormir durant le trajet de retour. « J’en suis persuadé aussi. » Répondit-il à Jamie à propos de leur capacité à relancer une manifestation qui s’essoufflait. Ils constateraient de toute façon bien vite qu’ils n’auraient pas à s’en faire avec cela, puisque le rassemblement battait encore son plein, des centaines de personnes se trouvant devant le commissariat. Jamie et Isaiah eurent même de la difficulté à se trouver une place, mais la blonde repéra un pilier où ils pourraient surmonter la foule. Après avoir décidé d’un point de rencontre si jamais ils se perdaient de vue, ils montèrent sur ledit pilier afin de joindre leurs voix à ce brouhaha organisé et politique. « J’saurais même pas par où commencer ! » Lâcha Isaiah à Jamie à propos des flics. Un peu partout, on en voyait qui semblait sur le point de dépasser les limites. Ils repoussaient violemment les manifestants qui s’approchaient un peu trop près du corridor de sécurité menant aux portes du commissariat, ils brandissaient leurs bombonnes de poivre de cayenne comme une menace à mettre à exécution si un mot de trop était crié. « J’espère que ça ne finira pas comme ma dernière manifestation, avec Noa … c’était le chaos. Et cette fois, je ne m’enfuirai pas comme je l’ai fait avec Noa. » Parce qu’après-coup, Isaiah s’était senti lâche d’être parti alors que c’était justement le moment de crier encore plus fort. Aujourd’hui, si ça débordait, Isaiah se battrait pour ses droits. Et il savait pertinemment que Jamie était la partenaire tout indiquée pour le faire avec lui.

Peut-être qu’en arrivant, il n’y aura plus personne. C’était très probable puisque la manifestation avait commencé pendant qu’Isaiah et Jamie étaient dans le bus. Plusieurs militants de toutes les régions avaient fait le déplacement, mais la plupart était arrivé la veille. Mais les deux boweniens n’avaient pas pu, Jamie travaillait tard la veille. Mais lui comme elle étaient persuadés qu’ils arriveraient à remotiver les troupes, parce que ce qu’il se passait était grave. Certes, ils avaient passé du bon temps dans ce bus, à rigoler, à se raconter quelques anecdotes de leur vie, ils n’oubliaient la raison de leur présence. Elle souriait à son ami suite à sa remarque avant de monter dans le bus. En arrivant sur les lieux, leur sourire avait un peu disparu, laissant place à une grande détermination. Il n’y avait plus la douce Jamie et le gentil Isaiah. A la place, les gendarmes allaient se retrouver devant leur fougue et leurs idées. Le monde était encore là, preuve de l’importance de ce mouvement. Il ne s’agissait pas seulement d’environnement. Une personne était morte et il était inconcevable de laisser passer ça dans un état soi-disant démocratique. Afin de voir mieux ce qu’il se passait, elle entraîna Isaiah sur un petit pilier. Les flics étaient là armés jusqu’au dent, comme si ces manifestants étaient des délinquants. Elle fit même la remarque à Isaiah. La blonde à chaque manifestation se retrouvait au commissariat. Non parce qu’elle était derrière les barreaux mais pour aider les quelques manifestants qui s’étaient fait arrêtés. « Ils sont désespérants. » Soupirait Jamie. Ses amis la connaissait la blonde et ils savaient ce dont elle pensait des forces de l’ordre. Il y avait de forte chance que la manifestation se détériore, surtout qu’elle avait commencé il y a maintenant plusieurs heures. Les manifestants se tendaient et les policiers aussi à cause de la fatigue. Alors qu’elle était plongé un peu dans les pensées, son attention se retournait vers Isaiah. « Tu sais parfois quand on ne le sent pas, il vaut mieux partir. » Même si aujourd’hui ce n’était pas leur attention. Et alors que la manifestation était plutôt calme, le chef du commissariat sortait, peut-être pour s’exprimer. Mais il n’eut pas le temps, les cris reprenaient, et quelques projectiles commençaient à voler. La situation commençait à tourner. « Tu veux faire quoi ? » Demandait gentiment Jamie, lui laissant le choix, soit ils pouvaient se mettre un peu de côté ou soit ils pouvaient rejoindre le mouvement.

« Ça me révolte. » Acquiesça Isaiah. Non seulement les flics étaient désespérants, mais ils étaient aussi méprisables. Face à une telle injustice, une situation aussi désolante que celle de la mort de cette autochtone qui était probablement morte pour ça, pour ses origines, pour tous les préjugés insensés qui venaient avec, Isaiah avait du mal à concevoir que les flics pouvaient se tenir devant ce commissariat et le défendre avec autant de fermeté. S’il avait été à leur place, l’artiste aurait eu honte. Honte de bloquer un mouvement qui se levait enfin contre les injustices, honte de vouloir taire ces voix de la raison, honte de rester ancré dans des pratiques discutables et dépassées. Il aurait voulu voir ces flics se ranger à eux et dénoncer de pareils événements qui arrivaient malheureusement encore trop souvent. Qu’on ose essayer de leur faire avaler encore une fois que cette autochtone était décédée de causes naturelles. Ça ne faisait aucun sens et eux-mêmes auraient dû voir que leur mensonge ne tenait pas la route. Eux-mêmes, les têtes de relations publiques, qui trouvaient les mots et les excuses pour que les nouvelles passent mieux. Pas pour eux. Pas pour ces centaines de personnes qui ne se laissaient pas berner par des médias contrôlés, aseptisés. En laissant toutes ces pensées le submerger, Isaiah sentait la colère le gagner, d’autant plus qu’à chaque regard posé sur les policiers, il voyait un comportement hostile s’en dégager. Il tourna la tête vers Jamie alors qu’elle tentait d’adoucir un peu ses paroles. « Vrai. Mais là, aujourd’hui, je le sens. Je le sens même beaucoup. » Dit-il figurativement, pour faire comprendre à Jamie qu’il n’avait pas peur, qu’il n’avait pas envie de se retirer. Le chef du commissariat sortit alors sans doute pour prendre la parole et essayer de calmer les ardeurs de la foule de manifestants. Raté. Ces derniers, motivés par cette soudaine apparition indésirable, commencèrent à lancer des objets difficilement identifiables vers le chef du commissariat. Rapidement, la sécurité l’entoura et les flics avancèrent vers les manifestants, forme d’intimidation qui allait bien vite déraper. « Pas rester sur ce pilier à regarder de haut, en tout cas. » Il esquissa un sourire vers Jamie. Il sauta ensuite à pieds joints sur l’asphalte, laissant son corps se fondre à la masse de manifestants, jetant un œil derrière son épaule pour s’assurer que Jamie le suivait.

Avant Isaiah, Jamie s’était souvent sentie seule dans ses combats. Les personnes avaient parfois du mal à comprendre ce niveau de militantisme. Souvent, elle entendait souvent des reproches de la bouche de ses proches notamment qu’elle était une anti-flic, une anticapitaliste et surtout une idéaliste. Des mots qui ne gênaient pas l’avocate. Tant que le monde ne changeait et tant qu’il y avait des inégalités, Jamie sera toujours là pour porter la voix des discriminés. Et jamais Jamie ne s’était entendue avec les flics. Déjà à Perth il y avait de l’animosité entre eux et maintenant à Bowen l’histoire se répétait. A l’annonce de la triste nouvelle, Jamie avait contacté son confrère, celui qui défendait cette jeune femme morte en raison de ses origines, morte à cause de la haine. Ils avaient beau dire ce qu’ils voulaient, personne dans cette foule n’allait croire un seul mot qui sortirait de leur diabolique bouche. Ils étaient là attroupés, armé comme s’ils étaient en état de guerre. « S’ils croient que ça va nous arrêter, ils se trompent. » Isaiah la comprenait et il ne se rendait pas compte, mais c’était très reposant d’avoir une personne avec qui parler, avec qui se révolter. Une personne qui comprenait l’importance de cet engagement. Leur amitié était encore aux premières pages, mais elle avait confiance en lui. Habituellement, ils restaient dans des manifestations plus calmes. C’était peut-être le cas de celle-ci quand elle avait commencé, mais avec le trajet ils étaient arrivés plusieurs heures après le début. Elle ne savait donc pas vraiment comment se comportait Isaiah quand les choses s’envenimaient. Il lui donnait quelques indices. Une fois il était parti, et dans ses mots il regrettait. Jamie elle partait du principe qu’il ne fallait pas se forcer. Les choses allaient vite, trop vite et en un instant il était possible de se retrouver au milieu de gaz ou témoin de violence. « Ok. » Lui répondait-elle en lui souriant. Jamie ne comptait pas forcément se battre, la plupart du temps elle restait en soutien venant achever les flics qui violaient trop de droit. Il lui suffisait de sortir sa carte d’avocate pour que certains arrêtent leur méfait. La justice avait encore un peu de poids, mais de moins en moins. Le chef arrivait et sa voix ne dépassait les cris et les huées de la foule. Ils étaient là les flics commençant à braquer leur arme non mortelle mais violente. La tension montait et n’importe qui à cet endroit pouvait le sentir. Fini les mensonges, fini l’impunité, il était temps de changer les choses au moins pour la mémoire de cette jeune femme décédée. Elle laissait le choix à Isaiah, parce que même elle ne savait pas vraiment quoi faire. Il comptait rentrer dans l’action, un sourire et il sauta dans le pilier. L’avocate souriait également surprise tout de même de cette pulsion. Ne souhaitant pas le perdre, elle le rejoignait dans la foule. Elle arrivait à le rejoindre. « La prochaine fois, attend moi avant de sauter. » Disait-elle en riant. Dans la foule, Jamie ne voyait pas ce qui se passait devant. Des cris alarmant annonçait rien qui aille et en trois seconde, la foule commençait à s’agiter, bouger. Ça commençait, les hostilités étaient lancés. Un mouvement de foule et d’un seul coup elle fut éloigné de son ami. « Isaiah ! » Les flics commençaient à envoyer des jets d’eau, et lançait quelques bombes à gaz pour éloignés la foule. Entre la fumée et les gens qui couraient, Isaiah avait disparu de son champ de vision.

Il était évidemment plus facile de se taire, de s’asseoir dans son canapé avec un verre de vin rouge un vendredi soir, et de gober les nouvelles à la télévision en ne se bougeant pas le cul du sofa. Il était plus facile de justifier le mal par des raisons pratiques ou économiques. Il était plus facile de laisser les incohérences défiler devant ses yeux sans les attraper au passage pour les décortiquer et les remettre en pleine face à ceux qui les inventent. Il était plus facile de se dire que de toute façon, un seul individu dans tout ce bassin de monde ne changerait rien à la situation. Mais quand ce bassin de monde ne faisait plus qu’une seule entité révoltée, comme aujourd’hui alors qu’Isaiah et Jamie joignaient un mouvement qui ne s’essoufflait pas même après plusieurs heures, n’avaient-ils pas là la clé à un certain pouvoir ? Isaiah voulait croire qu’en se levant et qu’en dénonçant, quelqu’un là-haut, à quelque part, allait se chier dessus et réaliser que tout morceau ne pouvait pas être aisément avalé. Eux ils étaient là à les recracher, ces morceaux de haine et d’injustice. Ils les crachaient aux portes du commissariat et aux visages des policiers pantins. « Ça aura même l’effet contraire. » Appuya Isaiah en hochant la tête. Plutôt que de les arrêter, ils marcheraient plus loin encore. Animé par une flamme nouvelle, qu’il ne se reconnaissait pas lui-même, l’ébéniste avait désormais envie de se battre, par les mots d’abord parce que c’était ce qu’il jugeait le plus fort, mais il ne se laisserait maintenant plus piler dessus si on s’en prenait à lui ou à des confrères injustement. C’était sans doute le goût amer de cette manifestation vécue avec Noa, celle où ils s’étaient tous les deux fait poivrer sans raison, sans motif explicable. Ils avaient fui et les flics qui leur avaient fait ce mal s’en étaient sortis sans une seule sanction. Les nouveaux dieux de ce monde avaient besoin de se faire remettre à leur place. Dans la foulée de ses pensées, Isaiah sauta de ce piédestal matériel sur lequel il ne se sentait plus à sa place, et se fondit dans la foule de militants. Il jeta un coup d’œil à Jamie qui le rejoignait. Il attrapa sa main, juste pour ne pas la perdre le temps qu’ils bougent. « Ouais, désolé … C’était très spontané. » Il rit avec elle, avant de regarder vers l’avant à nouveau pour les guides en déambulant entre les manifestants. Plus ils avançaient en direction du commissariat cependant, plus il était difficile de garder pied. Ils étaient bousculés à droite et à gauche et, bien vite, la main d’Isaiah glissa de celle de Jamie. Il se retourna. « Jamie ! » Il la voyait disparaître entre les manifestants et les flics qui se mêlaient les uns aux autres dans un chaos d’affronts. « Notre point de rencontre ! » Avait-il crié mais sa voix semblait s’être évanouie avant même d’atteindre la personne à côté de lui. La fumée des bombes à gaz montait et s’immisçait entre les militants, créant un flou qui perdit les deux comparses pour de bon. Il ne savait même plus dans quelle direction aurait pu être Jamie. Les minutes passèrent et s’envenimèrent. Autour de lui, les policiers commençaient à neutraliser les gens dont ils jugeaient les gestes trop brusques, et apparemment, cette volteface rapide que fit Isaiah en sentant des mains sur ses épaules fut interprété comme une violente menace, puisqu’un policier le neutralisa en le sortant de la foule et en le couchant sur le trottoir. « Fuck this ! J’ai rien fait ! Lâchez-moi ! »

Il était moins calme Isaiah et Jamie le remarquait. C’était une facette qu’elle découvrait. Au cœur de l’action, son attitude apaisée disparaissait. Tous les révoltaient. Nos deux militants avaient dû mal à garder leur calme. Jamie se posait souvent ces mêmes questions. Pourquoi il y avait autant de violence ? Pourquoi certaine personne se sentait au-dessus des autres ? Après tout elle ne comprenait pas Jamie que des personnes en raison de leur sexe ou de leur couleur de peau se sentaient supérieur. Personne ne valait plus que les autres. Les flics rentraient dans la partie, les tensions augmentèrent. Avant de décider qui faire, elle voulait l’avis d’Isaiah. Parfois il y avait des jours où l’on se sentait actif et on avait les jambes et l’envie d’aller dans le feu de l’action. Mais parfois, on ne se sentait pas au top que ce soit physiquement ou émotionnellement. Jamie et Isaiah n’avait pas beaucoup dormi et la blonde ne se sentait pas forcément en forme. Mais son ami était déjà parti dans la foula. Elle haussait les épaules. Après tout, comme souvent, ça allait s’échauffer un peu mais rien de bien trop violent. Elle riait à l’enthousiasme de son ami, lui faisant remarquer. « J’ai vu ça. » Disait-elle en souriant. Dans n’importe quelle situation, Jamie essayait de garder le sourire. Pour l’instant elle se sentait à sa place au milieu de ces utopistes qui croyaient qu’un jour la monde allait changer. Jamie faisait partie de ces personnes-là. Mais les choses dégénèrent vite, trop vite. Ils étaient à peine arrivé dans la foule que déjà ça se bousculait. Elle sentait la main de son ami glisser loin de la sienne. Elle n’était pas du genre à paniquer rapidement, mais cette fois-ci les choses se passaient trop vite. Les flics n’avaient pas attendu, ils n’avait rien annoncé. Ils sautaient dans la foule comme si une guerre était en place. Elle voyait encore un peu Isaiah, ses lèvres bougeait mais elle n’entendait rien. « Quoi ? » La fumée empêchait la blonde de voir correctement, et ses yeux commencèrent à piquer à cause du gaz. Elle prit son tee-shirt qu’elle mit à son nez pour empêcher au gaz de faire trop de mal. Elle se faisait bousculer à droite, à gauche. Essayant de sortir de la foule, elle trébucha. On ne la remarquait même pas par terre et certain lui marchait dessus, pendant que des larmes coulaient sur ses joues. Il faut que je retrouve Isaiah et qu’on parte d’ici. Pensa-t-elle. Se relevant difficilement, elle marchait la tête baissée pour sortir de l’effet de foule, évitant d’attirer son attention. Plusieurs minutes après elle reprenait sa respiration, loin de cette foule. Elle s’occuperait de ses yeux après, il fallait qu’elle retrouve Isaiah, près de l’arrêt de bus.
Les minutes passaient et le stresse de Jamie augmentait. Ses yeux lui faisaient moins mal mais les larmes étaient bien présentes. Elle s’en voulait d’avoir entraîné Isaiah dans cette situation. La manifestation commençait à se finir mais pas de nouvelles de son ami. Elle ne réfléchit pas deux fois, et retournait vers le commissariat, voir s’il avait été arrêté. Enervée et révoltée, elle ne laissait pas le choix aux employés de la laisser rentrer, jouant de son statut d’avocate. Dans le commissariat, elle vit son visage Jamie, et elle avait un peu saigné à la joue et au front. Après de longues minutes de négociation on lui informait qu’il était bien là et sans leur laisser le temps de respirer elle exigeait de le voir.

Isaiah avait voulu crier plus fort, porter sa voix plus loin pour que Jamie l’entende, où qu’elle soit maintenant, et qu’elle le rejoigne au point de rencontre élaboré un peu plus tôt. Comme si une part d’eux-mêmes avait su qu’aujourd’hui, tout basculerait. Comme si une part d’eux-mêmes avait eu le pressentiment que ça tournerait mal, qu’ils n’auraient plus le contrôle, que ce ne serait pas aussi soft et simple que les fois précédentes. Mais ça n’aurait servi à rien qu’Isaiah crie plus fort, pas pour être entendu par Jamie. Elle était déjà bien trop loin de lui, il ne l’avait même pas entendu demander qu’il répète ce qu’il venait de crier. Les voix autour d’eux étaient bien plus fortes et au fond, c’était tant mieux. Ça voulait dire que le message était scandé bien haut, puissamment, et que peut-être cette fois on les entendrait. L’optimisme d’Isaiah s’évanouit bien vite quand il se retrouva plaqué au sol par deux policiers, pour aucune raison valable. Il n’avait même pas montré d’agressivité, son geste avait été interprété comme violent alors que ça n’avait été que de la surprise, un réflexe même. Ses yeux piquaient à cause de la fumée qui se faufilait devant lui-même alors qu’il avait la tête contre le ciment. Les larmes roulaient le long de ses joues alors qu’il implorait qu’on le lâche, qu’on le laisse se relever. Il n’avait rien fait, répétait-il, mais ça les flics n’en avaient rien à faire. Qu’il se trouve ici présentement, c’était suffisant pour eux pour le classer dans la catégorie des indésirables. Il n’avait aucune idée qu’à quelques mètres de lui, dans la foule, Jamie était aussi mal en point que lui. Que les larmes coulaient aussi le long de ses joues et qu’on la piétinait presque face à la panique. Une éternité passa et enfin, on redressa Isaiah, mais ce fut pour le traîner vers le commissariat. « Et vous pensez m’amener où comme ça ? Vous avez rien contre moi ? Dites-moi ce que j’ai fait ? Dites-moi, précisément, ce que j’ai fait ! » On lui disait de se taire, de marcher sans s’agiter, et que ça irait mieux pour lui. Il finit par obtempérer, avec un profond dégoût, et une boule au ventre. On le conduisit dans une cellule partagée avec un tas d’autres militants. La plupart avait les yeux rougis, les poings en sang, le visage éraflé. Le chaos dans vingt mètres carrés. Il s’écoula sans doute une heure avant qu’il n’aperçoive Jamie au bout du couloir. Il ne l’avait pas entendue s’entretenir avec les employés à l’avant, il y avait trop de bruit autour, les manifestants continuant à se révolter et avec raison. Il se fraya un chemin jusqu’à l’avant de la cellule. Jamie avait le visage en sang. « Jamie ! Est-ce que ça va ? Est-ce que t’es ok ? » S’empressa-t-il de lui demander, inquiet. Il avait beau être de l’autre côté des barreaux, elle semblait avoir vécu le même traitement que lui. « J’ai aucune idée pourquoi j’ai été arrêté, sérieux, ils m’ont mis à terre comme un animal, j’avais rien fait, tu m’connais. » Mais après aujourd’hui, Isaiah ne se reconnaîtrait plus lui-même. Ce qu’il avait vu et vécu, ça avait brisé quelque chose en lui. « Tu pourras faire quelque chose, tu crois ? Et pour les autres ? » Parce que même là-dedans, Isaiah ne pensait jamais qu'à lui seul. Tous les autres importaient, aussi.

Ils connaissaient les risques qu’ils prenaient en venant manifester. Ils connaissaient les dangers. Ce qu’ils savaient mais que Jamie préférait ignorer la plupart du temps, c’était que le danger venait de ceux qui étaient censés les protéger. Elle détestait l’institution policière. Evidemment que certains devaient être droits et honnêtes, mais ils se couvraient les uns et les autres. Et en face se trouvait ceux qui se battaient pour une justice juste. C’était les utopistes, les optimistes, ceux qui espéraient laisser un monde meilleur derrière eux. Les choses s’étaient enchaînées. Elle aurait tout donner Jamie pour qu’elle reste près de son ami. Elle aurait tout donner l’avocate pour qu’ils restent accrochés l’un à l’autre. Sauf que la foule les avait séparé. Et pendant que piétinait sur Jamie, blessant une partie de son visage, Isaiah subissait les coups des forces de l’ordre. Ils n’étaient qu’à quelques mètres l’un de l’autre, pourtant ils ne se voyaient pas. Peut-être que si Jamie avait vu son regard, elle aurait trouvé la force de se lever. Peut-être que si Isaiah avait lu le regard de son amie, il aurait compris que tout irait bien. Mais rien ne s’était passé, et chacun de son côté subissait seul les sévices de cette haine et de ce mépris. Elle trouvait la force quand même de se lever Jamie. Espérant qu’il aille bien, elle attendait l’ébéniste à l’arrêt de bus. Elle ne croyait pas en Dieu l’avocate et portant elle aurait bien prié aujourd’hui. Les heures passaient et Jamie se décidait enfin à se lever. Le sang qui avait gouté en petit quantité sur son front avait séché. Plus rien ne serait comme avant. Elle allait se souvenir à vie de cette manifestation. Son visage restait calme et pourtant intérieurement elle bouillonnait. Inquiète de n’avoir aucune nouvelle d’Isaiah, elle décidait d’intervenir, elle décidait de le chercher. Ils étaient arrivés ensemble, ils repartiraient ensemble. Et si elle devait brûler ce commissariat de malheur elle le ferait sans aucune hésitation. Elle savait monter la voix Jamie. Devant ses flics insensibles elle redevenait l’avocate à la tête brûlée. Il ne lui fallait que quelques minutes de cris et de menaces pour retrouver enfin Isaiah. Ils étaient une dizaine dans cette cellule, mais elle ne remarquait que lui. Elle lui souriait. C’était lui qui se trouvait derrière les barreaux mais il s’inquiétait pour elle. En vérité, il avait raison. Jamie était encore sous le choc, elle avait à peine remarqué sa blessure. Il y avait deux Jamie présentement. La professionnelle qui restait au garde à vous et celle qui s’éteignait un peu. Dans quelques heures, elle irait beaucoup moins bien. Mais pour le moment, elle laissait la sensible Jamie de côté. « Oui oui ça va t’inquiète pas. » Il était aussi blessé. « Et toi ? » Demandait-elle inquiète. Il lui expliquait rapidement ce qu’il avait subi et la colère de la militante augmentait. « Tu as vu un médecin ? Ils ont vu un médecin ? » Evidemment qu’elle ferait sortir Isaiah et tous les autres. Puis une fois fini, elle ne lui laissera pas le choix et l’obligera à retourner dans ce bus pour retourner à Bowen. « Evidemment ! Dans une heure vous êtes sortis. » Elle était bien trop arrogante à ce moment-là l’avocate. Mais elle y arrivera. Parfois il suffisait juste de quelques coups de baguette. Elle avertirait la presse des événements, le témoignage d’une avocate a toujours plus d’impact. Ensuite, elle menacerait la police et n’hésiterais pas à appeler en renfort ses confrères. Il ne lui faudrait que deux heures au final, mais ils sortiraient tous.

Isaiah aurait pu faire les cent pas dans la cellule de détention en attendant des nouvelles de Jamie ou une libération de la part d’un policier qui aurait compris que tout ça, c’était ridicule. Il aurait pu, oui, mais l’espace était bien trop limité là-dedans. Entassés comme des sardines, les manifestants arrêtés injustement ne pouvaient pas faire autre chose que se tenir debout alors qu’ils avaient pourtant tous l’impression d’être par terre. Leurs mines défaites et leurs bras las le long de leurs corps laissaient comprendre à Isaiah qu’aujourd’hui, ils étaient battus. Plus personne n’avait envie d’élever la voix, au contraire, il régnait un silence d’injustice entrecoupé de quelques soupirs, râlements mécontents ou de quelques bribes de conversation qui ne levaient pas. L’ambiance était à son plus bas et Isaiah avait perdu son optimisme qui, en d’autres situations, aurait pu permettre au groupe de reprendre du poil de la bête malgré les récents événements. Là, il n’était pas mieux, il était abattu, las, révolté mais sans la force de le démontrer. Ce n’est que lorsqu’il vit Jamie apparaître à l’autre bout de la pièce que son dos se redressa, chassant les courbatures de honte qui l’assaillaient. « C’est eux qui t’ont fait ça dehors, toi aussi ? Et après ce sont nous les sauvages. » Parce que oui, durant sa détention, Isaiah avait pu entendre toutes les insultes du monde revoler jusqu’à leur cellule. Les policiers parlaient entre eux des militants en portant une attention toute particulière au volume de leur voix, afin qu’ils puissent très bien les entendre. Isaiah était peut-être l’animal en cage à leurs yeux, mais dans les faits, c’était eux les bêtes sans cœur. « Ça va, enfin, ça va comme ça peut aller dans les circonstances … Ma peau et mes yeux sont encore en feu, irrités, et ça m’a donné une migraine pour le mois mais … whatever. » Jamie regarda les autres en demandant si Isaiah, et tout ce monde, avaient pu voir un médecin. L’ébéniste secoua la tête. « Tu crois quoi … S’ils nous ont traîné de force jusqu’ici c’est pour nous traiter aux petits oignons pour des égratignures. » Des égratignures, c’était de minimiser le traitement reçu. Isaiah faisait exprès d’user du sarcasme pour décrire la triste réalité. Pour le moment, l’artiste n’avait qu’une idée en tête et c’était de sortir d’ici, mais pas question que ce soit sans les autres militants. Jamie n’avait de toute façon pas l’intention de ne s’occuper que de son cas à lui et pour ça, Isaiah l’adorait. Il esquissa un sourire à sa réponse, retrouvant un peu d’énergie. « Je sais que t’y arriveras. Merci, Jamie. D’être revenue m’chercher. Nous chercher. » Rectifia-t-il en regardant les autres, dont certains avaient tendu l’oreille vers cette avocate bien décidée à leur rendre justice au moins un peu.

Aujourd’hui marquait un tournant dans la vie de l’avocate. Elle en avait fait des manifestations mais jamais elle ne s’était retrouvée dans cette situation. Sur le coup elle trouvait que la situation avait vite dégénérée. Sauf qu’Isaiah et elle n’étaient arrivés que très récemment. Ça faisait des heures que les autres manifestants recevaient le silence de la police. Des heures qu’ils attendaient devant ce commissariat pour qu’enfin ils reconnaissent leur tort. Des heures longues qui avaient suffi à retourner la situation. Quand sa main glissait s’éloignant de son ami, Jamie sentait qu’elle ne contrôlait plus rien. Et ce fut le cas. Il lui fallut quelques heureuse pour se remettre de ces derniers traumatismes avant de courir au commissariat. Blessure ou non, elle mettait sa casquette d’avocate. Il n’y avait rien de grave, ses égratignures cicatriseraient rapidement ne laissant aucune trace sur le visage de la blonde. Elle ne savait même pas qu’elle était blessée avant qu’Isaiah ne fasse la remarque. « J’en sais rien. » C’était la vérité. « Je suis tombée pendant le mouvement de foule. » Pas besoin de continuer sa phrase, il n’y avait aucun doute qu’on avait un peu piétiné sur elle. Sauf que ce n’était pas le moment de parler d’elle. Ils étaient entassés dans cette cellule et ça énervait la blonde. L’Australie était considéré comme un pays « occidental » ceux qui protégeaient sa population. Mais pour la blonde, ils étaient loin de respecter tous les droits. Sa préoccupation première était tout de même de s’assurer que son ami aille. Sous le regard sévère, elle s’approchait de la cellule et prit la main d’Isaiah. « Je suis désolée … je vais te sortir de là le plus vite possible. » Les policiers à côté commençaient déjà à râler de cette proximité alors elle le relâchait sans oublier de leur lancer un regard courroucé. Elle espérait qu’ils n’aient pas vu de médecin, ça serait tellement plus facile pour elle. Peut-être qu’ils ne comprenaient pas, mais le sourire de Jamie illuminait son visage. « C’est parfait ! » Parfois la plus simple des procédures étaient celles qu’on oubliait le plus facilement. « Je reviens. » Et voilà que la blonde partait déjà, laissant son ami seul. Il ne lui fallut que quelques heures pour les faire sortir. Elle attendait Isaiah devant le commissariat assise sur un des poteaux. La manifestation entre temps c’était terminée. Elle l’accueillait avec un sourire, elle avait pu voir un médecin durant le temps d’attente où on lui avait désinfecté ses plaies. « Comment tu vas ? » Demandait-elle quand elle vit le brun s’avancer vers elle.

Quand Isaiah questionna Jamie par rapport à ses blessures, cette dernière sembla prendre conscience de leur existence. Elle porta deux doigts à ses égratignures, annonçant qu’elle n’avait aucune idée de qui avait fait ça. Elle était tombée pendant l’affolement, lui apprit-elle. Isaiah grimaça de douleur. Dans la panique, tout le monde avait un peu perdu la raison, visiblement. S’il avait vu une inconnue en train de se faire piétiner, il lui aurait tendu la main. Comme quoi, même chez les militants, Isaiah perdait un peu plus foi encore en l’humanité. « J’comprends pas comment c’est devenu hors de contrôle à ce point-là. » Fut tout ce qu’Isaiah trouva à répliquer. Ça valait autant pour ce qui était arrivé à l’avocate que pour ce qui était arrivé à tous ceux qui se trouvaient dans la cellule actuellement. La blonde s’approcha des barreaux et attrapa la main de l’ébéniste. « Prends le temps dont t’as besoin, c’est déjà un soulagement de te savoir ici. » Il esquissa un sourire. Pas une seule fois Isaiah s’était dit que Jamie était peut-être repartie à Bowen sans lui. Le déroulement de la manifestation ne laissait que peu de place à la paix d’esprit, et il savait qu’elle avait dû se demander où il était pendant tout ce temps. Tout comme lui avait espéré que rien de plus grave ne lui était arrivé. Ne la trouvant pas dans cette cellule avec eux et ne la voyant pas arriver pendant plusieurs heures, il avait eu le temps de s’imaginer des scénarios catastrophes. Un policier râla de leur proximité, ce qui interrompit leur conversation ainsi que leur contact. Jamie se recula un peu, lâchant sa main. Le jeune homme fronça les sourcils alors que la blonde semblait se réjouir qu’aucun médecin n’ait pris le temps de constater les dégâts physiques sur les manifestants présents. « Ah ? » Il n’eut pas le temps de questionner Jamie plus longuement, puisque cette dernière lui affirma qu’elle reviendrait, avant de s’éclipser. Isaiah se tourna vers les gens qui avaient entouré l’avocate et l’espoir qu’elle représentait. « Elle va revenir. Elle nous laissera pas tomber. » Et il ne disait même pas ça pour essayer de convaincre qui que ce soit. C’était juste un fait. Quelques heures plus tard, comme prévu, tout le monde était relâché à peu près en même temps. Isaiah retrouva Jamie devant le commissariat. Il lui adressa un grand sourire de reconnaissance. « Content d’être sorti de là. Comment t’as fait pour faire sortir tout le monde !? » Demanda-t-il, constatant avec soulagement que ses plaies avaient été nettoyées.

Parfois la peur faisait faire naître des choses au gens qui n’étaient pas explicables. Le fait que Jamie se soit fait piétiner n’était pas si illogique. La frayeur et les armes de ces policiers avaient rendus les manifestants apeurés et dans ces moments l’instinct de survie prenait le dessus au détriment de la survie du groupe. « Ils ont réussi à nous diviser. » Disait-elle froidement. En fait Jamie était épuisée à cet instant. Epuisée de s’être inquiété pour Isaiah, mais aussi parce qu’elle commençait à avoir le contre-coup de l’adrénaline précédente. Sauf qu’elle n’avait pas le droit de se poser, pas maintenant. Avant il fallait faire sortir son ami et ses compagnons de cellule. La main de l’ébéniste rassurait énormément Jamie, et elle lui offrit un sourire chaleureux. « Non y’a pas le temps ! Je ne vais pas te laisser moisir ici. » Elle reprenait un peu du poil de la bête, et déjà son cerveau réfléchissait rapidement pour trouver la solution. Ses yeux étaient un peu perdus dans le vide, réfléchissant en observant les autres personnes présentes dans cette cellule – trop petite au goût de Jamie pour respecter la loi. Puis vint un premier sourire. Le gardien regardait Jamie et Isaiah méchamment avant de leur ordonner de se lâcher. Elle lui lançait un regard noir exprimant tout son mécontentement avant de poser une question à son amie. Sa réponse fit décrocher un deuxième sourire à Jamie mais cette fois-ci il était plus éclatant. « Je t’expliquerais ! » Et déjà elle fuyait, abandonnant son ami. Il ne lui fallu que quelques heures qu’elle trouvait trop longue déjà. En voyant Isaiah enfin dehors tout la pression partait enfin. Elle ne se levait pas, mais se poussant pour laisser une petite place sur le banc à l’ébéniste. Elle haussait les épaules. « Vous n’aviez pas vu de médecin. » C’était tellement stupide. « C’est un de vos droits pour els gardes à vue … l’avocate, le coup de fil, le droit au silence et la visite d’un médecin. S’il en manque un, la garde à vue n’est pas légale. » Elle souriait légèrement avant de sentir une larme coulée sur sa joue. C’étaient des larmes de fatigue mais aussi de peur, de stresse, de révolte. Dans cette larme c’était toute la journée de Jamie qui s’exprimait. « Je veux rentrer. » Disait-elle timidement avant de poser sa tête sur l’épaule de son ami.

Ils ont réussi à nous diviser. Ces mots-là frappèrent Isaiah sans doute bien plus que ce que Jamie avait imaginé. Ça lui laissa un goût amer, un sentiment de dégoût par rapport à cette journée qui au final n’avait mené nulle part. Eux-mêmes n’allaient nulle part. Des kilomètres et des kilomètres de trajet et tout ça pour finir dans une cellule pour les faire taire. Isaiah tenta de chasser le trouble dans son regard, ce n’était pas le temps de se laisser abattre même par des paroles aussi fortes venant de sa plus fidèle alliée. Le jeune homme resserra l’étreinte de leurs mains à travers les barreaux alors que Jamie lui affirmait qu’il n’y avait pas de temps pour en prendre, du temps. Elle n’avait pas des heures pour rassembler ses idées, c’était ici et maintenant que ça devait se passer et Isaiah hocha la tête. Elle savait bien mieux que lui ce qu’il y avait à accomplir. « Ok. Je te laisse faire ta magie. » Il esquissa un faible sourire en sachant fort bien qu’il n’y avait rien de magique là-dedans. Jamie était juste brillante et rusée, connaissant les articles de loi ou les exceptions qui viendraient annuler cette fâcheuse situation. Isaiah n’eut même pas le temps d’être mis à contribution dans ce plan que déjà, Jamie filait vers l’avant du commissariat. Quelques heures plus tard, tout ce beau monde bien amoché était libéré. L’artiste comprit bien vite tout le processus de réflexion de son amie depuis cette histoire de médecin. Il secoua la tête, impressionné. « Là où j’ai juste vu une autre raison de m’indigner et de baisser les bras, toi t’y as vu la solution. Bien joué. » En même temps, ce n’était pas du tout le créneau d’Isaiah, les lois. Il savait comment en contourner quelques-unes ou s’en cacher, mais juste quand c’était dans son champ d’intérêt, si on peut le dire ainsi. En voyant une larme rouler le long de la joue de la jeune femme, Isaiah posa sa main sur son bras. « Ouais, allons à la gare, on prendra le premier train qui part. On rentre à la maison. » Il l’accueillit sur son épaule et ensemble, ils se mirent en marche jusqu’à la gare de train, où un long voyage les attendait encore. Le silence fut maître des kilomètres, tous les deux ayant du mal à avaler cette journée.

TERMINÉ