The truth is the funniest joke of all + Manwë

Manwë ne répondit pas sur son état de santé, il ne s’imaginait pas vivre vieux et sa priorité était de s’occuper du cas de son géniteur. Il n’avait pas le temps de s’inquiéter de lui-même ou d’envisager un avenir. Cela fait quarante ans qu’il vit au jour le jour et ça n’était pas près de changer. Man’ ne regardait pas vers le futur, ça l’aidait à vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête sans vraiment trop y penser.

“ J’imagine ? “ Les affaires peuvent toujours se porter mieux, Man a toujours été en galère d’argent et il n’imagine pas vraiment une vie autrement. Il était loin de penser que ça lui arriverait un jour et il aurait l’occasion d’en reparler avec Marcus plus tard. Bien entendu, Manwë interrogea son ami sur sa vie romantique, parce qu’il sait que c’est toujours compliqué. Il ne devait pas être le seul à se livrer sur des contenus gênants de leur vie. En parlant de gênance, ce fut le retour du fameux costume à paillettes. “ Étonnamment, j’ai eu plus de succès que tu ne peux te l’imaginer. “ Ricane-t-il, même s’il ne parle jamais conquête, Manwë n’est pas en reste de ce côté-là. L’avantage, c’était que personne ne couchait avec lui pour quelque chose de sérieux et ça lui convenait parfaitement. Cela faisait quarante ans qu’il n’était en couple avec personne et ça lui convenait tellement de vivre ainsi… “ Mais rend nous service, ne te remarie pas. “ Il souriait, mais il le pensait, vraiment. Il avait détesté voir Marc’ au plus mal à cause d’une femme… Ouais, le mariage est une belle connerie. “ Ça fait combien de temps que ça traine ce divorce ? “ Il se demandait bien ce qui pouvait à ce point empêcher deux personne de signer un foutu bout de papier pour retrouver sa liberté…

Man’ émit une sorte de grognement lorsque O’Brian lui annonça le retour de Penny en ville. “ J’en ai entendu parler. “ Mais ça ne le concernait pas, le brun savait beaucoup de chose, comme il savait que Pénélope avait eut une liaison avec leur ami commun Tyler. Ouais… Pas besoin d’être barman pour être farouchement informé de tout. Il n’avait rien dit, mis à part à Tyler, pour lui faire comprendre qu’il n’appréciait pas ce qu’il se tramait. Néanmoins, il n’avait que 50% des responsabilités dans cette histoire, Penny était consciente de ses actions. Man’ avait pour principe de ne pas se mêler aux histoires de cœurs, il intervenait tête basse dans toutes les embrouilles possibles, sauf celles-ci. “ Ça a dû te retourner la tête, hm ? Faudrait vraiment que tu te débarrasses de cette fille. “ Il lâche un léger rire à ses propres propos “ J’veux pas dire de la tuer hein. “ Précision inutile, ils savent tous les deux que Man’ n’est pas un sadique, les projets qu’il a pour son géniteur sont uniques. “ Mec, désolé de te le dire, pour le moment t’es encore beau et frais, mais bientôt, t’aura la même vieille gueule que le mec en face de toi. “ Il se désigne avec humour. “ Aucune chance de te remarier d’ici peu mon pote… Aucune. “ Il tente de dédramatiser, mais il sait à quel point cette femme impacte sur son ami et il n’aime pas vraiment ça.

Il avait de la chance, Marcus, son bar avait toujours bien tourné, il l’avait racheté à un homme qui avait déjà une bonne clientèle et il n’avait fait que suivre le mouvement, employé depuis de nombreuses années, même si ce n’était qu’à temps partiel, il avait su rajeunir les fréquentations, le rendre un peu plus frais, sans que ce soit non plus le bar branché à la mode dont on se lassait quand un nouveau ouvrait. En somme, il ne se prenait pas la tête et ça fonctionnait bien. Evidemment ça pouvait toujours aller mieux, il pourrait gagner bien plus s’il augmentait le prix des consommations, s’il faisait un peu plus de pub ou de soirées à thème, il pourrait ainsi se permettre de prendre des vacances, mais pour aller où ? Il ne se sentait bien que derrière son comptoir. Il s’investissait un peu sur les réseaux sociaux histoire de rester dans l’air du temps, mais sans jamais que ce soit trop, il ne voulait pas de contraintes. Alors oui, les affaires allaient bien, même si ça pourrait être mieux. Et il était conscient que ce n’était pas forcément le cas pour Manwë, le luthier avait un métier d’art, d’orfèvre, une passion particulière qui exigeait une clientèle particulière, il était conscient que son ami avait besoin d’extras à côté, le genre de boulots que l’on ne mentionnait pas sur un cv …
Une chose était sûre, s’il ne cherchait pas les contraintes dans sa vie professionnelle, on ne pouvait pas en dire autant de sa vie sentimentale. Marcus était empêtré depuis des années dans une histoire d’amour plus ou moins à sens unique, surtout depuis dix ans, avec un fantôme, ou plutôt un courant d’air. Mais quel courant d’air, une brise légère qui l’emportait malgré tout, qu’il le veuille ou non. Le problème étant surtout que, concernant Penelope, il manquait cruellement de volonté et de jugement. Il sourit imaginant Manwë dans son habit de lumière, séduisant toute la gente féminine, il n’avait aucun doute son pouvoir de séduction, avec son bagou légendaire et sa gueule cassée... Etonnamment, je n’ai pas de peine à te croire ! Evidemment le barman ne s’en faisait pas pour son pote, bien qu’il espérait toujours qu’un jour une femme réussirait à ramollir son cœur endurci. Il roula des yeux alors que Druid lui demandait de ne pas se remarier. Avoue, tu t’es bien amusé à mon mariage. Marcus affichait un sourire mélancolique. Ce mariage, il n’en avait pas rêvé, il s’en foutait même totalement, il avait simplement accédé à la demande de Penny. Mais malgré tout, si la fête avait été simple, en petit comité, on ne pouvait nier que la bonne ambiance était de mise, cette fête sur la plage jusqu’au levé du jour, les rires qui accompagnaient la musique, l’amour qui menait la danse, c’était le temps du bonheur, a tel point que personne ne pouvait s’imaginer qu’il puisse être de si courte durée. Ça fait … dix ans. Bon officiellement ça fait quelques mois. Une fois, durant les années de cavale de la blonde, peu de temps après son départ, quand il avait eu comprit et encaissé qu’elle ne reviendrait pas, Marcus était allé voir un avocat pour entamer une procédure de divorce, mais il avait été incapable de toucher aux papiers qui lui avaient été remis. Mais l’une des premières choses que Penny lui avait dite après son retour, il y a quelques mois, c’était qu’elle voulait divorcer et il l’avait pris comme un coup violant dans la poitrine, lui coupant le souffle, mais serrant les dents pour ne pas laisser ses yeux déborder. Il savait, évidemment qu’il savait, Man était au courant de tout. O’Brian hocha simplement la tête, terminant son verre, en resservant une tournée dans les deux verres. Voilà à quoi il en était réduit, à cause d’elle, à se servir une quantité indécente d’alcool parce que c’était la seule chose qui l’apaisait. Il n’aimait pas la façon dont son ami en parlait, non pas qu’il n’appréciait pas leur mésentente à son ex et lui, il ne pouvait pas les forcer à s’apprécier, mais il sentait dans sa voix qu’il en savait plus que ça, plus que lui. Il le fixa d’un regard inquisiteur mais n’osait pas sauter le pas, quelque part il préférait ne pas savoir. Il lâcha un rire un peu amer. Non, j’imagine que la tuer ce serait un peu radical. Sachant que le premier suspect c’est toujours le mari. Autant rester sur cette note d’humour, même si le cœur n’y était pas, cette fille, il l’avait malheureusement dans la peau. Je s’rais toujours beau et frais. Qu’il s’indigna faussement. Pourquoi faudrait que je me remarie, de toute façon ? Non, décidément, il n’arrivait plus à cacher son trouble, cette sensation dérangeante qui le démangeait. Il avala son nouveau verre, d’un trait, à ce stade il ne s’agissait plus d’apprécier le poison. Qu’est ce que tu sais que je ne sais pas, Man ? Quitte à chercher la franchise, c’était à son tour d’aller à la pêche aux infos, même s’il crevait de trouille.

Le brun avait simplement hoché la tête avec une légère moue quand son ami lui demanda d’avouer s’être amusé à son mariage. Par principe, il était contre ce genre de connerie que les gens veulent absolument faire dans leur vie : acheter une maison, se marier et avoir des enfants. Man’ pensait que la société formatait les gens à penser ainsi, contre toute logique et tout bonheur. Non, il n’était pas le plus heureux du monde, loin de là. Mais il songeait que sa situation pourrait être pire, il pourrait être marié, pire… Avoir des mômes. Man’ ne pouvait pas dire qu’il n’a jamais eut le béguin de sa vie, évidemment que cela lui était malencontreusement arrivé, mais ça ne s’était soldé sur aucun succès. Il ne savait pas exprimer ses sentiments, il est souvent bien trop tard. Et puis, qui voudrait s’infliger une quelconque relation sérieuse avec cet homme ? Il était lucide. Il chassait bien vite ces passades, préférant de loin sa vie de solitaire plutôt que d’attendre pendant dix ans que son exe veuille bien lui rendre sa foutue liberté.

Man exprimait son point de vue sur leur relation, il n’avait jamais encadré Pénélope, c’était comme ça. Il n’avait pas vraiment argumenté auprès de son ami, tout le monde sait que Man’ n’aime pas grand mode (en apparence car la réalité était bien généralement plus tendre que l’on ne se l’imagine) alors quand il avait dit ne pas l’apprécier, il comprenait que son ami d’enfance n’ait pas tenu compte de son opinion. Quand on aime, il supposait que l’on est véritablement aveugle, ce n’était pas un proverbe pour rien.

“ Pourquoi ? Je me pose encore la question pour la première fois... “ Répondit simplement le brun avec un leger rictus, franchement pas emballé à l’idée que Marcus puisse refaire cette erreur un jour, mais il espérait pour lui qu’il arriverait vraiment à se débarrasser de Penny, la chasser de sa vie, comme elle l’avait fait avec lui en partant, en le laissant là… Malheureux. Oui, il lui en voulait à la blonde d’avoir fait souffrir un gars comme Marcus.

Il vit l’irlandais engloutir son verre pour se donner du courage et poser une question trop précise pour être anodine. Ils se connaissent depuis si longtemps, Marc’ savait tout de la capacité du luthier pour dénicher des informations, même celles dont il ne veut pas. C’était dire à quel point son père lui donnait du fil à retordre, ce planqué.

Le luthier soupira, parce qu’il ne pouvait rien dire, parce que Tyler était son ami également, parce que ce n’était pas à lui d’évoquer une aventure passée. Il ignorait tout des sentiments de Tyler, pour lui, il ne s’agissait que d’une histoire de fesses entre ces deux là. “ Je ne la connais pas, pas comme je te connais toi. D’ailleurs, je ne la vois pas comme toi, tu peux la voir. Notamment parce que je la trouve absolument insupportable, mais je te passerais la liste… Je sais que tu l’as aimé, en fait, malgré toutes ces années à te laisser ici, t’es bien capable de lui pardonner, pas vrai ? “ Il n’allait peut-être pas dire ce qu’il sait, mais il pouvait dire ce qu’il pense. Quitte à ce que ce soit Marcus qui s’énerve, quitte à se faire jeter du Elm par son ami, celui qu’il défendra toujours du danger, mais il n’avait pas le pouvoir de protéger Marcus de lui-même. “ J’ai aucune expérience en vie de couple, mais Pénélope… Franchement ? “ Il balança lentement la tête de gauche à droite en signe de désapprobation. Ses yeux verts ne quittaient pas le visage du barman, il ne disposait d’aucun talent pour décrypter les émotions des autres, mais il essayait… “ T’en sais déjà assez sur elle pour savoir que c’était une erreur, t’as pas besoin de mon avis. “ Elle le rendait con, assez con pour qu’il la pardonne, pire, pour qu’il espère un nouveau départ. À cette simple pensée, Manwë avait bien envie de le secouer pour le réveiller, mais il savait que c’était inutile, il savait, il comprenait bien plus qu’il ne le laissait croire.

Marcus n’était pas fondamentalement pour le mariage, il n’était pas contre non plus. En vérité il n’avait aucun vrai principe et quand Penelope lui en avait parlé, au début de leur relation, alors qu’il en était fou amoureux, ça lui avait paru être une bonne idée de faire sa demande, genoux à terre et mains tremblantes, comme une belle preuve d’amour. Parce qu’au final, qu’y avait-il de plus beau que l’union de deux personnes qui s’aimaient ? Cependant ça n’avait pas changé grand-chose à leur quotidien, ni à leur couple, ils n’allaient pas soudainement s’installer en banlieue pour s’acheter une jolie maison ni faire des enfants. Pourtant au fond ça avait tout changé, Marcus s’était posé plusieurs fois la question : et s’ils ne s’étaient pas mariés, est-ce qu’elle serait partie ? Ou était-ce le mariage qui lui avait fait soudainement peur, cet engagement, cette corde au cou comme si elle avait perdu toute liberté … elle l’avait voulu ce mariage, elle l’avait presque exigé, comme un caprice, malgré tout, plus de dix ans après, il ne comprenait toujours pas pourquoi elle s’était enfuie seulement quatre mois après leur union. Il laissa échapper un petit rire, Man’ était probablement l’homme le plus franc qu’il connaissait, peut-être un peu trop, mais au moins on connaissait le fond de sa pensée. Et Marcus savait donc que son ami n’avait jamais aimé Penny, il ne s’en cachait pas. Cependant avec les années son désamour s’était d’autant plus renforcé, probablement parce que Marc’ était son ami et qu’il fulminait de le voir souffrir à cause d’une femme. Que personne ne dise au barman que son vieux pote n’avait pas de cœur, lui en avait la preuve et au fond de lui il savait que s’il avait un jour fallu cacher le cadavre de son ex, il aurait été le premier à rappliquer, sans une once d’hésitation. Et quand il comprit que le luthier en savait bien plus que lui, il lui fallut une bonne dose de courage pour poser la question. Sa réponse lui tapa sur les nerfs, parce que ce n’était pas une vraie réponse, au contraire, il tentait de noyer le poisson. Il eut un tic nerveux, une sorte de rictus, cette fois il était gêné que Manwë sache lire en lui si facilement. Evidemment qu’il était capable de pardonner, qu’il donnerait beaucoup pour cette femme, quitte à se planter à nouveau. C’est pas de ton avis que je veux. Je sais bien que t’as jamais eu aucune tendresse pour elle. C’est la vérité que j’attends, des réponses aux questions qui me bouffent. J’ai pas besoin que tu me dises que j’ai fait une connerie et que j’me plante en l’attendant comme un con. En vérité est-ce que c’était son rôle, à Manwë de lui donner ces réponses qu’il attendait tellement. Il devait demander à la principale intéressée, mais il n’était pas certain d’en avoir le courage, alors que se pendre la tête avec son ami d’enfance c’était presque plus simple, plus doux.

Manwë n’était pas dans la meilleure posture qui soit, il était assez proche de Tyler, pas autant qu’il l’était de Marcus, non. Marc était sans doute ce qui se rapprochait le plus d’un meilleur ami si le luthier était du genre à s’attarder sur ce genre de concepts. Ils se connaissaient assez pour ne pas vraiment pouvoir se mentir, pourtant, toutes ces années, le brun n’avait rien dit au barman. Pour le préserver, parce que ce n’était pas ses oignons, parce que de toutes manières, la blonde s’était enfuie pour nul ne savait quelle raison. Manwë misait sur la lâcheté, tout simplement… Et lui, n’avait-il pas été lâche de ne vouloir rajouter du chagrin à Marcus ? Sans doute, ça ne ressemblait pas à Manwë d’agir ainsi et Marcus le savait pertinemment, il le connaissait assez pour savoir que Man’ disait toujours aux gens leurs quatre vérités, même si ça fait mal. Pour les blesser parfois, par amitié, souvent. Cette femme, c’était bien trop le point faible de son ami, il le savait…

Le luthier hausse les épaules alors que Marc affirme vouloir la vérité, pour lui montrer qu’il n’était pas certain de ce qu’il avançait, mais finalement… Finalement, c’était peut-être le moment de cracher le morceau ? Peut-être que cela lui éviterait de faire l’énormité de se remettre avec elle, de la pardonner ? Il n’aimait pas ce rôle, il ne se mêlait pas des histoires de cœur… “ Pourtant tu devrais écouter mon avis : tu te plantes royalement à l’attendre… “ Il soupira avant de planter lui, son regard vert dans les yeux de son ami. Ils ont grandit ensemble, ils sont devenu des hommes, pourquoi est-ce qu’il avait l’impression de faire face à un gamin effrayé par la vérité pourtant sous son nez depuis tout ce temps. Cette femme ne savait pas ce qu’elle veut, c’est la preuve qu’ils n’ont jamais été sur la même longueur d’onde, ils n’avaient pas les mêmes attentes, probablement pas le même amour. “ Tu veux la vérité ? Tu t’fous d’ma gueule… T’as jamais voulu le voir, t’as même pas voulu voir qu’elle s’en fou de toi, même après qu’elle soit partie.” Elles arrivaient, les vérités. Il savait que ça pourrait mal finir, mais si Marcus lui en voulait après ça, il savait que ça passerait. Ça ne sera pas la première fois qu’ils s’engueulent, en venir aux mains c’était bien rare, mais quoi qu’il arrive, Man serait toujours son ami.   “ Putain Marcus, tu te rend compte de ce que tu m’oblige à te jeter à la gueule ? “ Ouais, il lui en voulait d’être aussi naïf, il gardait son calme, mais il avait certaines actions coup de poing plus difficile à mener que d’autres…  “ Est-ce que tu vas m’croire si j’te dis que même avant de te laisser ici, comme une pauvre merde, elle te trompait ? Tu veux des noms peut-être Marc’ ? Non… Tu veux pas. Putain… “ Il sentait qu’il avait besoin de se défouler sur quelque chose tellement ça le mettait en rogne d’en arriver là, mais son ami ne lui laissait pas le choix. C’était bien pour ça, à cause des émotions, qu’il préférait rester seul dans son coin, isolé, de ne venir que les trente-six du mois prendre des nouvelles, parce qu’il aimait Marcus comme un frère, et le voir souffrir, le faire souffrir, c’était putain de douloureux. Faire semblant d’avoir un cœur de pierre ne fonctionnait pas avec tout le monde, il savait gérer beaucoup de situation, la tristesse, pas vraiment…

Evidemment qu’il se plantait, depuis dix ans Marcus se persuadait qu’il continuait sa vie, avec ou sans Penny, il se jouait de tout le monde, il souriait pour la galerie. Seulement aucune femme n’avait trouvé grace à ses yeux, pas même les plus tendres, celles avec les plus doux sourires, il les invitait pour une nuit ou quelques-unes de plus, mais il trouvait toujours le meilleur moyen de ne pas donner suite. Parce qu’il ne se sentait pas libre, son foutu cœur ne l’était pas. Il s’était entiché de cette femme, cette blonde, qui empoisonnait tout le reste. Penelope c’était son plus grand amour, sa plus belle connerie, sa délivrance, aussi, c’était un paradoxe à elle toute seule. Sans elle il serait sûrement encore dans son labo, peut-être avec des prix pour de belles avancées scientifiques mais il s’emmerderait dans une carrière qui ne lui correspondait pas du tout. Sans elle il ne s’éclaterait pas tous les soirs derrière son bar à vivre sa meilleure vie, la plus simple, mais tellement solitaire, bien trop régulièrement ponctuée par des cuites monumentales, celles qui l’aidaient à tenir le manque et la solitude loin de lui et lui faisait trouver un sommeil approximatif mais peu réparateur. Tout ça, Manwë le savait et il en savait bien davantage. C’était tout le problème d’avoir un ami depuis l’enfance qui vous connaissait par cœur et qui en plus avait le bras long. Il ne pouvait rien lui cacher, pourtant le luthier ne se gênait pas pour garder la vérité pour lui, depuis des années visiblement. Ca lui foutait les boules, à Marcus et alors que Druid était arrivé plein de colère à déverser, à présent qu’il avait vidé son sac, c’était au barman de bouillir de rage, rage qu’il dirigeait contre son ami alors qu’il n’en était pas la cause. Il savait, que Man’ le trouvait trop naïf, trop sensible quand il s’agissait de sa femme. Ses mots étaient durs, aussi durs que ce regard plein de jugement qu’il posait froidement pour lui. Il ne mâchait pas ses mots. Et ça faisait mal, pourtant O’Brian sentait que le dénouement était proche. Et si elle s’en foutait pas, de moi, comme tu dis ?! Qu’est-ce que t’en sais toi, t’as jamais voulu te mouiller en amour bordel ! Tu dis que tu t’en fous mais c’est juste que t’as trop peur ! Sûrement qu’elle n’aime pas bien, peut-être qu’elle s’est foutue de moi, mais dis pas qu’elle s’en fout de moi, t’as jamais vu comme je le voyais la façon dont elle me regardait. Il avait besoin d’y croire, Marcus, que cette histoire n’avait pas été qu’un total foutage de gueule, il était peut-être candide, mais il ne pouvait pas admettre que tout était à jeter. Elle était revenue, Penny et il était l’une des premières personnes qu’elle était allé retrouver. Il avait encore des frissons quand il pensait à ces retrouvailles, ça ne pouvait pas être faux et il se foutait bien que son pote le traite romantique à deux balles. Il ne broncha pas, alors qu’il voyait son pote en sale posture, il savait que Manwë n’aimait pas se mêler des histoires qui n’étaient pas les siennes, mais il ne lâcherait pas le morceau. Et les langues se délièrent enfin, libérant la bête, cette vérité si limpide, là, devant lui, depuis des années, celle qu’il connaissait au fond de lui, mais qu’il s’était toujours obstiné à ne pas voir. Elle le trompait. Il avait des noms. Ce fut comme un coup de poing dans le ventre, comme une énorme claque. Et en même temps comme une délivrance, ça mettait des mots sur ses maux, ça ouvrait les plaies, mais pour finalement crever l’abcès, ce qui aurait dû être fait depuis des années. Marcus avala un nouveau verre, à ce stade il n’avait plus besoin de resservir ce lui de Man’, il était capable de le faire de lui-même. Evidemment qu’il y avait d’autres hommes, Penelope était une femme libre, c’était ce qui la rendait si belle aux yeux de Marcus, Elle avait voulu devenir sa femme, à lui, pourquoi la sienne d’ailleurs ? Il n’en savait rien, mais tout en continuant à papillonner, elle ne pouvait pas appartenir à quelqu’un. Le regard du barman devint brillant, d’une émotion, d’une tristesse que même l’alcool ne consolerait pas. Et alors il décida. Non, j’veux pas de noms. Il ne comptait pas se jeter à la gorge de son ami, ils ne se battraient pas ce soir, ça ne rimerait à rien, par contre il comptait vider son bar et Manwë était le bienvenue pour l’accompagner.