dance the night (grark)

Vivre en coloc avec Elmo ça n’a rien d’un long fleuve tranquille, tout comme notre amitié, il y a des hauts et des bas. Et puis Willow vient seulement d’emménager mais je ne pense pas que ce soit elle qui nous causera le plus d’embrouilles. Elle a l’air vraiment cool et assez respectueuse des autres, pas le genre à laisser traîner ses affaires, je ne vise personne bien sûr. « Ça va, on s’embrouille des fois mais on a toujours réussi à se réconcilier. » Et pourtant on en a connu des bonnes grosses disputes où chacun évitait l’autre, j’ai même songer à déménager mais finalement on a mis les choses au clair et maintenant ça va mieux. Arlo me répond que lui aussi est en coloc, avec sa sœur. « Oh ! Et c’est pas trop….bizarre ? J’ai pas de frère et sœur donc je sais pas trop comment c’est mais ça me ferait bizarre je pense. » J’ai quitté la maison, enfin la ferme, de ma mère, dès que j’ai pu pour prendre mon indépendance donc je ne m’imagine pas vivre avec quelqu’un de ma famille mais c’est sans doute parce que je ne sais pas ce que ça fait d’avoir un frère ou une sœur.

Je ne sais pas si un jour il y aura l’embrouille de trop avec Elmo, si on décidera de partir chacun de notre côté parce qu’on ne pourra plus se supporter. Ça me paraît plus possible qu’à un moment l’un de nous se mette en couple durable et veuille juste habiter avec saon partenaire. Pour l’instant on en est loin, vu qu’on a la poisse en amour tous les deux. Si ça se trouve notre colocation est construire sur les ruines d’un ancien cimetière et du coup on est maudit en amour. Il faudrait peut-être qu’on déménage pour voir si ça viendrait pas de là. Arlo me parle d’une expérience de colocation, avec son meilleur ami et qui se passait vraiment bien. Je ne sais pas si elle s’est terminée à cause d’une dispute ou d’autre chose mais elle a l’air d’être du passé. Je n’ai pas envie de creuser plus la question parce que je n’aime pas forcément trop questionner les gens, je trouve ça important de leur laisser l’espace de s’exprimer sans se montrer trop intrusif. « C’est vraiment cool quand ça se passe comme ça. C’était en Angleterre ? » Je lui demande tout de même avant qu’il ne me parle un peu plus de sa sœur. « Ouais je vois...après on verra si tu dis toujours ça quand ça fera plus longtemps que vous habitez ensemble. » Je lui dis en riant. « En vrai j’aurais bien aimé avoir des frères et sœurs je pense, après il y a des familles où ça se passe plus ou moins bien clairement, mais je trouve ça cool l’idée de pouvoir compter sur quelqu’un. » On peut compter sur quelqu’un sans qu’il soit de notre famille, mais dans les séries quand je vois les liens de frères et sœurs, sans qu’ils soient forcément parfaits, ça me rend un peu envieuse. A défaut d’avoir une vraie famille, je me suis créée une famille choisie.

Visiblement cette colocation était vraiment le truc parfait pour Arlo, je l'imagine un peu comme dans une sitcom où il ne se passe jamais rien de grave, où tout le monde est plutôt heureux, s'aime et où chaque problème prend un épisode à résoudre. Mais j'ai bien l'impression que sa colocation n'a pas connu une happy end. Peut-être s'est-elle seulement terminée à son arrivée à Bowen ? Mais en vrai je ne sais pas vraiment ce qui l'a fait venir ici. Pour être avec sa sœur ? “Il était en médecine comme toi du coup ?” Je lui demande en parlant au passé comme lui. Nous parlons ensuite de la famille, l'entente familiale, un truc qui me paraît assez lointain. “Ouais clairement ! Moi j'suis un peu à l'opposé de ça, ma famille ça a rien de la jolie petite famille où tout le monde s'entend bien. Ma belle-famille un peu plus mais c'est pas vraiment ma famille.” Je lui explique sans trop rentrer dans les détails parce que c'est pas un sujet que j'aime particulièrement aborder même si j'ai l'impression qu'avec Arlo je pourrais parler de tout. “Je suis pas sûre que ça change quelque chose…c'est plus une question d'éducation en vrai. Mais une sœur peut-être, histoire de minimiser les chances de mecs problématiques.” Parce que même si j'aimerais que tout le monde ait une éducation non genrée pour en finir avec le patriarcat, je sais bien que dans ma famille ça aurait pas été le cas et que si j'avais eu un frère il n'aurait pas forcément été élevé pour être un gars bien, surtout s'il prenait exemple sur mon père.

Arlo me parle brièvement de son ami, qui a décidé de choisir la cardiologie comme discipline, le genre de trucs pas mal compliqué j’imagine. Enfin, la pédiatrie aussi, la médecine en général en fait. Je trouve ça assez courageux de se lancer dans des études aussi complexes mais j’imagine qu’il y a la passion et l’envie derrière, comme pour beaucoup de choses. C’est certain que moi jamais je n’aurais choisi cette voix, pour le bien de toutes les personnes malades. Je hoche simplement la tête à sa réponse, ne voulant pas l’embêter plus longtemps avec mes questions, je serre simplement un peu plus sa main un instant, qu’il sache qu’il peut en parler davantage s’il veut, peu importe ce qu’il s’est passé. Je lui parle ensuite un peu de ma famille et du fait qu’on ne rentre pas vraiment dans le modèle de la famille idéale. « T’inquiète c’est pas grave. » Je lui réponds en haussant les épaules. J’ai réussi à passer au-dessus de ma rancœur familiale, j’ai même appris à faire connaissance avec ma famille du côté de ma mère, au Canada. Avant d’y aller pour les fêtes il y a un peu plus de deux ans maintenant, je leur avais quasiment jamais parlé et j’avais dû les voir une fois ou deux, c’était assez sympa d’apprendre à plus les connaître. « Oui en quelque sorte. Passer noël avec ses amis c’est quand même vachement plus sympa qu’avec une famille qu’on n’apprécie pas trop en vrai. » Je fais les deux et bon, j’apprécie quand même ma belle-famille maintenant, mais j’ai eu du mal pendant un moment, en partie parce que je ne me sentais pas du tout intégrée à leur petite vie.