Pour profiter de son jour de congé exceptionnel, enfin disons plutôt sa nuit de congé, Malou a profité de cette aubaine pour se lever tôt et faire un tour en ville. Vu ses horaires, il n'est pas rare qu'elle rentre à cinq heures du matin, cela dépend des jours bien sûr, mais elle travaille très souvent de nuit. Sans doute parce qu'elle aime cette obscurité protectrice, qu'elle ne craint absolument pas. C'est son monde. Aujourd'hui, elle s'est donc levée tôt et en a profité pour se faire jolie, genre vraiment jolie. Pas jolie et désirable comme quand elle danse autour d'une barre, à moitié dénudée et avec des talons qui sont parfaitement assortis à son métier. Non, aujourd'hui elle a enfilé une robe noire et moulante, sexy mais loin de l'indécence, et des talons de la même couleur, loin des quinze centimètres qu'elle met au travail. Féminine, mais pas façon prostituée comme elle l'est chaque soir.

Bien qu'elle ne soit pas ce qu'on pourrait appeler franchement sociable, ça ne la condamne pas à rester enfermée dans son appartement. La rouquine s'est donc rendue dans un bar plutôt sympa, celui dans lequel Levi l'avait emmenée l'autre jour, après une rencontre (ou plutôt deuxième rencontre) des plus gênantes. Mais elle n'a pas oublié l'endroit et a décidé d'y manger un morceau et de boire un verre tout en feuilletant tranquillement un magazine de mode. Rien de plus simple, mais elle appréciait ce genre de moments. Voilà qu'elle était maintenant sur le chemin du retour. Elle entra dans le bâtiment où se trouvait son appart' et en profita pour passer à la boîte aux lettres, redoutant déjà une quelconque facture. Remettant une mèche de cheveu cuivrée derrière son oreille, la tête penchée vers ses clés pour trouver celle qui permettait d'ouvrir sa boîte, elle ne fit pas attention aux deux autres personnes présentes dans le hall - sans doute parce qu'elle ne faisait jamais attention aux personnes qui l'entouraient, de toute manière -. Par contre, lorsqu'elle releva les yeux, son attention fut bien plus pointue en découvrant qui se trouvait dans la même pièce. Un "Salut Malou" hésitant lui fit se mordre la lèvre, d'autant plus qu'analyser l'ampleur de la situation lui prit un petit temps, trop surprise par cette rencontre. Lui, c'était le gamin qui était venu au bar à strip-tease peu de temps auparavant. Elle n'avait pas posé de questions, c'était pas son job mais celui du videur de contrôler l'entrée dans le bar. S'il était là, c'est qu'il était majeur, la jolie rousse s'était dit que c'était sûrement un étudiant à l'université ou un jeune travailleur, ça arrivait parfois. Par contre, elle était à des kilomètres de s'imaginer qu'il vivait dans le même bâtiment qu'elle. Encore moins avec ce qui semblait être son paternel.

« Hum... Bonjour. »

Répondit la jeune fille d'une voix détachée, relevant le menton d'un air un peu plus confiant pour se donner contenance. Pourquoi diable lui disait-il bonjour alors que son père la regardait soudain d'un air très suspicieux ? Voilà qui n'était pas très intelligent, la rouquine évitait toujours de se retrouver dans des situations aussi inconfortables. Quand un ancien client qu'elle croisait dans la rue ou au supermarché ne lui disait pas bonjour, elle l'ignorait, par simple respect pour sa vie privée. D'autant plus s'il était accompagné. La jeune femme planta alors son regard couleur océan dans celui de l'homme qui l'accompagnait, plus vieux, et fit un énorme effort pour montrer un semblant de politesse, chose dont elle se moquait éperdument d'habitude. Mais ici, une lourde tension s'était abattue dans le hall, le silence gêné en disait long sur la situation.

« Bonjour monsieur. »

Reprit Malou à l'attention de ce qui devait donc être le père du gamin. Rien qu'à croiser son regard, la rouquine avait déjà compris que le pot aux roses ne tarderait pas à être découvert. Elle avait vingt-cinq ans, son gamin n'était peut-être même pas majeur, il n'y avait aucune raison que ces deux-là se connaissent. D'autant plus que la jeune femme avait emménagé ici récemment, quelques semaines auparavant à tout casser. Malou fronça les sourcils, soutenant le regard de l'homme sans ciller durant quelques instants, avant de reposer son attention sur le gamin qui lui avait piqué un fard, ses joues virant au rouge écrevisse. Voilà qui était très discret.