a neverending sentence in my head (ally)

La réponse d’Ally quant à ce qu’elle aurait pu dire pour, elle aussi, être romantique, me fit sourire. « T’es courageuse, et sans doute vraiment sous mon charme, parce que pour avoir essayé des talons hauts une fois, j’aurais jamais accepté de suivre qui que ce soit au bout du monde en marchant avec ça. Même pas pour toi, sorry gurl. » C’était fou comme ce petit bout de femme et moi étions capables d’aborder n’importe quel sujet, de faire n’importe quelle blague et de partir dans n’importe quel délire et que, à chaque fois, on savait se retrouver exactement sur la même longueur d’ondes. Comme si une force quelconque avait fait de nous deux designs conçus l’un pour l’autre. Peu à peu, je commençais à me dire qu’Ally avait raison. Une vie à deux, elle et moi, était plus qu’envisageable. Elle semblait être l’évidence, maintenant. Ce n’était d’ailleurs pas pour rien que j’avais décidé, ce soir, de sortir le grand jeu. La table nous attendait, comme prévu, et le set-up que j’avais demandé à la réception avait très bien été respecté. Ally souligna effectivement qu’on aurait pu se passer de tous ces sushis, avoir su. Et moi je savais, c’était un peu ça le pire. « Je sais, je sais … je me suis laissé emporter par l’appel des sushis. Et j’allais quand même pas annuler tout ça. » M’excusais-je, et Ally mentionna que c’était une belle attention malgré tout. Je pris place devant elle avec un sourire, rassuré. Elle trempa son doigt d’abord pour goûter au chocolat fondu, puis y trempa un autre doigt pour venir me l’étamper sur la joue, le laissant glisser pour bien étendre le liquide. Je lui lançai un regard faussement meurtrier, avant de tremper moi aussi mon doigt et d’en mettre un petit point sur le bout du nez de la jeune femme. Je rigolai. « Ooooh mais quel beau petit lapin ! » Dis-je avec une voix trop aigue pour moi. Trêve d’enfantillages, après avoir bien rigolé, on commença à manger les délicieux fruits trempés dans le chocolat. J'avais encore ma trace de chocolat sur la joue mais je ne m'en souciais que très peu. « Ce voyage dépasse toutes mes attentes, Ally. Merci de m’avoir poussé à partir. C’est vrai que ça nous a permis de nous rapprocher énormément. » Je souris, quand même déçu que ce soit notre dernière soirée et que demain, après le parc d’attractions, on reprendrait la route jusqu’à Bowen, jusqu’à notre petite routine. Mais, qui sait, peut-être qu’Ally se joindrait à ladite routine que j’avais, pour la transformer en quelque chose de bien mieux.

À ma question concernant les talons hauts, mon cher et tendre se moquait de moi en me disant que j’étais courageuse de les mettre. Je riais doucement à son affirmation. « Attends, t’as porté des talons hauts une fois… Mais pourquoi?! » lui demandais-je, intriguée avec un sourire au coin des lèvres. On s’habituait aux escarpins, à la douleur et il y avait des méthodes pour que ce soit moins douloureux. Ça et également le fait que certaines chaussures de luxe torturaient beaucoup moins les pieds. Quant à notre soirée romantique et nos sushis, il me confiait qu’li n’allait pas annuler tout ça et je me mettais à rire doucement. « Ça aurait été du gaspillage! » m’exclamais-je. Et on s’amusait beaucoup trop avec la nourriture, moi en lui faisant une trace sur la joue avec du chocolat et lui à l’inverse m’avait fait un nez de lapin… Enfin, selon ses dires… Je riais doucement en essayant d’attraper le chocolat sur mon nez avec ma langue, sans grand succès, j’en conviens. On mangeait les fruits gentiment jusqu’à ce qu’il me dise que ça dépassait ses attentes et que ça nous avait rapproché. Je hochais la tête positivement avec un sourire. « Je passe toujours du bon temps avec toi, Concho. Et j’ai l’impression qu’avec toi, la routine n’en serait pas une. » Mes yeux devaient scintiller de toutes parts. Je mangeais encore quelques fruits avant de souffler. « Tu sais que je vendrais mon âme au diable pour des fruits trempés dans le chocolat? » Je soufflais doucement en m’arrêtant quelques instants. C’était beaucoup pour deux personnes. Je tirais un peu sur ma robe ce qui me rappelait mes bonnes manières. « Et merci beaucoup pour la robe, elle est splendide. » Je ne pouvais pas dissimuler une petite gêne, un sourire et beaucoup de flatterie. « Comment as-tu su pour ma taille? Je ne crois pas que tu sois si observateur, si? » lui demandais-je avec un sourire, réellement curieuse à ce sujet.

Évidemment, après une révélation comme celle que je venais de lui faire, Ally me demanda les raisons pour lesquelles j’avais porté des talons-hauts, avec grande surprise. Je rigolai, me remémorant cette fois où j’avais déambulé dans les rues de Melbourne monté sur ces grands souliers si peu confortables. « C’était pour l’enterrement de vie de garçon d’un ami d’où je travaillais avant. J’sais pas c’était l’idée de qui, mais on ramassait de l’argent des passants si j’arrivais à marcher sur une bonne distance. » Je rigolai encore plus en me souvenant du très faible montant que nous avions réussi à accumuler. Finalement, tous les amis du futur marié avaient dû débourser pas mal plus d’argent que prévu pour rembourser le coût du bachelor party, justement parce que nos plaisanteries dans les bars n’avaient pas permis d’amasser assez d’argent. Bref, de beaux souvenirs que je continuais à me remémorer, un sourire en coin, tout en descendant les étages de l’hôtel pour nous rendre au rez-de-chaussée. Et dire qu’un jour, ce serait peut-être moi, le futur marié. On s’installa à notre petite table privée et même si nous avions tous les deux trop mangé au restaurant de sushis, nous arrivions à faire rentrer quelques fruits trempés dans le chocolat. Je lui fis part de mes impressions sur le voyage, et Ally ne tarda pas à renchérir sur la question. « On dirait que tu lis dans mes pensées. » Dis-je quand elle parla de cette routine qui, entre nous deux, n’en serait jamais une. En mangeant des fruits, la belle rousse parla de vendre son âme au diable pour un tel dessert. Je souris, la regardant avec un regard taquin. « Tant que tu lui vends pas ton corps, ça passe encore … » Plaisantais-je, parce que bon, je préférais quand même Ally avec une âme. La jeune femme baissa les yeux sur sa robe pour la remettre en place, soulignant par le fait même qu’elle était splendide. « Tout le plaisir est pour moi, et pour mes yeux, Ally. » Lui dis-je, et souris quand elle me demanda comment j’avais su pour sa taille. Busted ! « J’ai demandé à Lily-Anaëlle, je lui ai téléphoné pendant que tu prenais ta douche hier. » Avouais-je en lui souriant. « Elle m’a aussi conseillé sur le style de la robe, j’crois qu’elle fait pas trop confiance à mes goûts. » Dis-je en riant. Je ne me faisais pas trop confiance non plus, de toute façon. On continua tous les deux de manger quelques fruits, avant de n’en laisser que quelques-uns dans l’assiette, tous les deux étant trop pleins pour continuer. « Je pense qu’on a fait notre possible. » Dis-je en me reculant sur ma chaise et en posant mes mains sur mon ventre, soufflant. J’allais bien dormir ce soir.  

Il ne tardait pas à me raconter une petite parcelle de ses souvenirs en soulignant l’enterrement de vie de garçon alors que je me mettais à rire doucement. « Une bonne distance? Et qu’est-ce que c’est une bonne distance? Et t'as tombé combien de fois? » lui demandais-je toujours un sourire en coin. J’étais la première à ne pas tenir sur mes échasses lorsque je buvais un tant soi peu d’alcool. J’étais misérable pratiquement dans ces contextes. L’alcool me rendait faible physiquement et réellement de mauvais poil. Suffisait qu’à demander à mon ex. Il parlait ensuite de mon corps et je levais les yeux au ciel. « Attends parce que si je lui vends mon âme, c’est pas dit que t’auras encore accès au corps, hein. » répliquais-je en riant. Qui sait ce que le diable ferait de mon âme? Et pire encore de mon corps? Je n’osais même pas imaginer quoi que ce soit ne serait-ce qu’une seconde. Il me confirmait tout de même que ce coup monté n’était pas uniquement de lui... Que Lily-A était aussi impliquée dans le coup. Je levais les yeux avec un sourire. « Confiance en tes goûts, hein? » demandais-je avec un fin sourire aux lèvres. Je trouvais qu’il ne s’en sortait pas trop mal sur sa propre personne. « Je crois que tu t’en es pas trop mal tiré, en fait. » lui dis-je en caressant le tissu de la robe du bout des doigts. Il me disait qu’on avait fait notre possible et je riais doucement en hochant la tête. « Clairement. Encore heureux qu’on aille pas plonger ce soir, ça aurait été des plans qu’on coule. Littéralement. » lui dis-je avec un fin sourire. J’attrapais sa main doucement, le poussant à se lever. « T’as pas mis de la musique pour rien, danse avec moi. » lui suppliais-je du regard. Bon d’accord, un slow ce n’est pas si mal sachant que je n’avais pas deux pieds gauches. La main toujours tendue vers lui, je me demandais s’il accepterait ou non. Après tout, nous n’étions que tous les deux pour le moment.

Qu’est-ce que c’était une bonne distance ? Bonne question, je ne me souvenais pas moi-même du nombre de mètres que j’avais pu parcourir cette nuit-là, monté sur ces échasses. « Euuh, un ou deux coins de rue. » Avouais-je avant d’éclater de rire, conscient que pour une femme qui était habituée à marcher sur de longues distances, de vraies longues distances, cela devait être bien peu impressionnant. « Mais, par contre, j’suis pas tombé une fois, et ça, ça doit bien relever du miracle, ou d’un talent inné. » Un talent inné pour marcher sur des talons hauts ? Ouais, je venais d’infliger le coup de grâce à ma virilité, moi. Ally me parla finalement de vendre son âme au diable pour des fruits et du chocolat, et ma réponse la fit sourire mais sa réponse, en retour, me choqua – enfin, bien peu. « Alors ne vends rien du tout ! Je t’en achèterai autant que tu le désires, de la fondue au chocolat ! » Et j’étais loin d’être le diable, alors on serait sauvés, tous les deux. Parce que je me rendais compte qu’une vie sans Ally, que ce soit auprès de son corps ou de son âme, ou mieux les deux, était de plus en plus angoissante. L’idée de pouvoir la perdre un jour ne me plaisait guère. Parlant de sa robe, la belle rousse m’affirma que je ne m’en étais pas trop mal tiré, ce que je pris pour un réel compliment. Je me contentai de lui sourire, le regard brillant, et après avoir parlé de notre difficile digestion, Ally osa tout de même m’inviter à danser. Bon, si on se contentait d’une danse bien tranquille, je devrais pouvoir tout garder à l’intérieur. « Tout le plaisir sera pour moi, mademoiselle Carmichael. » J’attrapai délicatement sa main, me levant en même temps qu’elle en repoussant ma chaise derrière moi, et je contournai la table pour aller la rejoindre. On s’éloigna légèrement de celle-ci, question de ne rien avoir autour de nous qui pourrait nous encombrer dans nos pas, et je posai une main dans le bas du dos d’Ally, et l’autre main gardait la sienne haut dans les airs, à la hauteur de nos épaules. Nous n’étions plus au lycée, aux bals de fin d’année. On pouvait se permettre de danser avec un peu plus de classe, même si les pas demeuraient les mêmes. Je regardais vers l’horizon un moment, avant de poser mes yeux sur ma belle rousse, mon sourire incontrôlable ravivant mon visage à sa vue. « Tu t’en sors mieux que ce que tu dis. » Déclarais-je avec un sourire en coin.   

Il me disait qu’il avait fait le tout sur un ou deux coins de rue ce qui me faisait pouffer de rire de plus belle. Il avait du talent cet homme, un talent un peu fou, heureusement caché, mais un talent quand même. Concho ne tardait pas non plus à renchérir comme quoi il n’était pas tombé. « Ça dépend de ton point de vue. » dis-je toujours en gloussant. Il ne tardait pas non plus à me dire de ne rien vendre et je penchais la tête avec un petit sourire, attendrie. « Ah oui? » lui demandais-je gentiment en me rappelant que trop de chocolat allait certainement me faire gagner un peu de poids. Par la suite, je l’invitais à danser pour être certaine que ces calories ne se retrouvent pas dans mes fesses. Tout le plaisir était donc pour nous deux. Il me confiait que je m’en sortais mieux que je disais et je levais les yeux au ciel. « Ce n’est pas de la vraie danse et tu le sais comme moi. Et pour ta gouverne, saches que j’ai déjà été âgée de 17 ans dans les bars en train d’aguicher mille et un hommes. » lui avouais-je en gardant en tête que je les allumais tous pour mieux disparaitre quelques heures plus tard. J’étais la diablesse en personne ou quelque chose comme Cendrillon qui laissait ses chaussures au bar. « Mais tu m’aideras pour l’ouverture de la galerie, n’est-ce pas? » lui demandais-je les yeux pétillants.

Ally semblait un peu surprise mais surtout touchée par mes paroles lorsque je lui dis qu'elle n'avait pas à vendre son corps, que je lui achèterais volontiers ce pour quoi elle était prête à faire un deal aussi grand. Je souris en la regardant pencher la tête, un petit sourire au coin des lèvres, ses grands cils battant rapidement. « Je pense que ce n'est plus un secret ... » Avouais-je, un peu gêné, ayant voulu ajouter que ce n'était plus un secret qu'elle avait sa place dans mon coeur, que j'étais sous son charme, que je ferais pas mal de trucs insensés pour elle. Je ne le fis pas. Pas parce que c'était trop rapide, parce qu'au fond, on se fréquentait depuis bien des mois déjà. Mais surtout parce que j'avais insisté qu'on apprenne à se connaître davantage avant de nous lancer, et même si au bout de deux jours à peine j'avais maintenant la certitude d'être bien avec Ally, et de pouvoir nous voir dans le futur, je ne voulais pas lui donner l'impression d'avoir insisté sur des paroles en l'air. Et puis, prendre encore un peu notre temps ne nous ferait de mal à ni l'un ni l'autre. Bref, nous étions maintenant debout face à face, nos corps rapprochés, nos mouvements dansants, et Ally sembla ne pas accepter le compliment que je tentais de lui faire. Je secouai la tête quand elle me parla de ses mille et un hommes, cachant mon inconfort par un sourire exaspéré. « Je n'ai pas envie de savoir que je suis le mille et deuxième homme, Ally. » Je lui souris, avec tendresse tout de même, continuant à la faire valser à mon bras. La belle rousse me demanda alors si j'allais l'aider pour l'ouverture de la galerie, pour la danse. « Bien sûr. J'vais faire de toi la meilleure danseuse de la soirée. » Bon, ok, un petit sourire amusé se traça sur mes lèvres parce que si Lexi se pointait là, Ally elle-même le savait, elle volerait la vedette. Mais, au moins, Ally aurait le mérite d'être la plus belle de toutes les danseuses. Bref, une fois quelques chansons passées, on retourna s'asseoir à la table pour terminer le vin mousseux et, pour ma part, piquer dans les quelques fruits restés sur le plateau. Une fois le tout terminé, je regardai Ally. « On devrait sans doute monter à la chambre. On a de la route à faire demain, et pas mal de sensations fortes en vue. » Et ça, ça allait certainement me drainer de toute mon énergie.  

« Je pense que ce n’est plus un secret... » « On a tous nos secrets. » lui dis-je les yeux pétillants en me perdant dans la profondeur de ses iris. On dansait très serrés l’un contre l’autre alors qu’il semblait exaspéré en me disant qu’il ne voulait pas être le mille et deuxième homme. « Peut-être, mais je n’ai pas eu tant d’aventures. » m’offusquais-je presque toute seule. Il me disait qu’il allait faire de moi la meilleure danseuse de la soirée et j’émettais un petit rictus. « Si Lexi est dans la pièce, on oublie le projet et j’accepte d’être la deuxième, voir même la troisième si Eleanor est là. » lui dis-je en riant et rougissant comme une pivoine. Il valait bien mieux en rire qu’en pleurer, n’est-ce pas? Peu de temps après, il suggérait qu’on remonte à l’étage et j’approuvais. J’attrapais sa main et on retournait lentement à la chambre pour mieux se reposer en vue du lendemain qui ne le serait pas autant. « Allez viens. » lui soufflais-je alors que je me blottissais dans ses bras. Nous entrions dans la chambre et je préparais le tout pour être fin prêt à partir le lendemain matin. Je rangeais nos effets personnels lentement et je m’allongeais sur le lit, fin prête pour de nouvelles aventures. « Allez, viens me border et me raconter une histoire! » lui dis-je avec un grand sourire enfantin.

Nous avions tous nos secrets, avait-elle dit. Je souris, tendrement. « Oui, mais pas celui-là. » Conclus-je avec un regard des plus amoureux. On continua de danser, soudés l’un à l’autre, sous les regards attendris de quelques employés de l’hôtel derrière la baie vitrée. Je ne leur portai pas plus d’attention. De toute façon, notre soirée tirait à sa fin, et cette danse était sans doute la dernière – tout comme elle était la première d’une longue série. Quand on parla des meilleures danseuses de la soirée d’inauguration de la galerie, Ally ne mit pas de temps à me rappeler l’existence de Lexi et Eleanor, comme je me doutais. Je commençais à la connaître, ma belle rousse. « La troisième place t’assures quand même le podium, c’pas si mal. » Je rigolai et l’embrassai, avant qu’on ne mette finalement fin à ces pas de danse très lents et doux, et qu’on ne retourne à notre chambre. J’aidai Ally à préparer nos valises, ramassant ce que j’avais moi-même laissé traîner. Ce ne fut pas bien long, comme nous n’avions pas passé beaucoup de temps ici. La rouquine alla finalement s’allonger sur le lit, et tapota à côté d’elle en me demandant de venir la border et lui raconter une histoire. Je ris, m’exécutant quand même. J’allai la rejoindre et je soulevai les draps afin de les reposer par-dessus Ally, prenant soin qu’elle en soit bien couverte. La climatisation était assez forte dans cette chambre. Je me couchai à ses côtés, passant un bras derrière sa tête. « Voyons voir … C’est l’histoire de …. D’un ours, qui aimait beaucoup beaucoup le miel. Dans sa forêt, il avait d’autres amis, qu’on ne retrouve habituellement pas vraiment dans des forêts … il y avait un petit cochon, un âne … et euh … » Ally me dévisageait, et je souris, coupable. « Même Winnie L’Ourson je connais pas. C’est avec des ados que j’ai l’habitude, moi, pas les enfants. » Me justifiais-je en riant.  

Plus rien n’était secret pour nous deux, nos regards amoureux, nos pas lents mais rythmés. Je ne bougeais plus suite à son arrêt. Et il me rappelait que la troisième place était déjà excellente. Aux Olympiques oui, clairement. Dans la vie de tous les jours, peut-être un peu moins. « Troisième place, hein? T’inquiètes pas, j’ai la mémoire longue. » lui dis-je en riant doucement. Je partageais son baiser quelques instants pour caresser sa joue avec douceur. Je pensais aux Olympiques pour mieux lever les yeux vers le ciel en gardant quand même un petit rictus, presque rancunier. Les valises étant maintenant prêtes à partir de plus belle, je m’installais dans le lit réclamant une histoire en me blottissant contre sa peau chaude. Son être tout entier me convenait à la perfection. Son histoire débutait et me faisait penser à Winnie the Pooh... Un âne et un petit cochon plus tard, je me mettais à rire en relevant le regard vers le ciel, les bras en l’air tout indigné. « Tu as oublié le tigre ! C’est le plus important ! » lui dis-je alors qu’il se montrait déjà coupable. « Ah ouais ? Et les histoires d’ados, t’en as combien d’autres ? » lui demandais-je en riant. « Et Coco Lapin, t’en fais quoi ? Et Maman gourou et petit gourou, hein ? » Je lui volais un baiser avant d’abandonner l’histoire parce qu’on n’allait pas se rendre très loin. « Et de toute façon, je préfère les histoires de princesse ! » J’affichais une mine boudeuse. « Tu m'en racontes une autre? » lui demandais-je. 

Mon histoire calquée sur celle de Winnie L’Ourson ne conserva pas son mystère bien longtemps. Ally devina tout de suite de quoi il s’agissait, ne manquant pas de me rappeler tous les personnages que j’avais oubliés au passage. Je la regardai avec un sourire amusé. « Tu connais un peu trop Winnie the Pooh, je trouve. » Bon, dans mon cas, je connaissais pas mal de noms de personnages de Walt Disney aussi, notamment ceux du Roi Lion, alors je pouvais totalement comprendre les connaissances de la rouquine. « Des histoires d’ados j’en ai un paquet mais t’as les oreilles trop chastes pour ça. » Je rigolai. Bien sûr, je plaisantais. À moitié. Ça dépendait de quels ados on parlait. J’avais quelques histoires avec certains qui ne devaient pas être entendues par d’autres, et surtout pas par leurs parents. Mais passons. Ally me demanda de lui raconter une autre histoire. Comme elle venait de me mentionner qu’elle préférait les histoires de princesse, je me rendis à l’évidence : c’était ça qu’elle attendait de moi. « Bon … il était une fois, une magnifique princesse aux longs cheveux roux. Un jour, une malédiction tomba sur son royaume et ses cheveux s’enflammèrent. Elle brûlait tout sur son passage, et même les cœurs de ses prétendants tombaient en cendre dès qu’elle les approchait. Elle fut alors enfermée dans la plus haute tour du château, là où ses cheveux ne pouvaient plus faire de ravages. Elle pensait terminer ses jours seule là-haut quand un jour, un prince charmant prétendit pouvoir éteindre la flamme des cheveux de la princesse. Le roi laissa le prince monter tout en haut de la tour et, quand il entra dans celle-ci, il commença à danser comme jamais personne n’avait vu un homme danser. Il virevoltait si vite que ses mouvements de danse créaient un vent très intense. Ce vent eut tôt fait d’éteindre les flammes des cheveux de la princesse, comme par magie. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. » Ouais, j’étais allé chercher ça loin, tout en conservant des éléments si proches de nous. Je me sentais un peu ridicule, là, mais pour ajouter à ce moment des plus horriblement romantiques, je déposai un baiser sur la tête d’Ally, qui avait les yeux clos. « Bonne nuit, ma princesse. » J’éteignis la lumière et je fermai les yeux à mon tour.

« Tu connais un peu trop Winnie the Pooh, je trouve. » « T’as jamais été avec des gamins? » lui demandais-je en gloussant doucement. Je me remémorais certaines soirées entre fille avec Opale et nos robes de princesse. Moi comme Anna et elle comme Elsa, on chantait Let it go à s’en époumoner avec Cinnamon à qui j’avais acheté un costume d’Olaf. Mon pauvre chien était bien à plaindre. « Perso, je préférais Ariel pendant qu’on y est. Parce qu’elle est rousse et je te laisse deviner à qui je m’identifiais, plus jeune. » lui dis-je avec un fin sourire au coin des lèvres. « Raconte-moi tes histoires d’ado! » le suppliais-je alors avec un regard implorant. Puis, il repartait avec une nouvelle histoire d’une princesse rousse, décidément l’imagination n’est pas le fort de mon Poncho... j’arquais un sourcil à mesure que l’histoire avançait. Un peu déçue qu’il se couche sans plus de cérémonie, je me disais qu’avec l’histoire toute fraîche, il valait mieux que j’en fasse autant. Je m’endormais contre lui presque trop paisiblement et le lendemain un nouveau jour se présentait à nous. Je me préparais pour mieux le regarder encore en train de dormir. « Hey, lève-toi. Sinon je vais devoir prendre pour acquis que t’es une poule mouillée. » lui dis-je avec un demi sourire en ne tardant pas à imiter une poule. Je préparais les bagages pour la voiture en refaisant un dernier tour de piste dans la chambre pour m’assurer que je n’oublierais rien. Près d’une heure plus tard, nous étions de retour dans la New Beetle direction le parc d’attractions. « T’as pas peur des hauteurs? » sondais-je alors en me disant qu’un déjeuner léger allait être la meilleure option ce matin-là.

Je n’avais pas souvent eu la chance d’être avec des gamins, non. Dans mon enfance et mon adolescence, peu de gens nous rendaient visite, à ma mère et à moi. Et puis, encore moins si c’était accompagnés d’enfants, parce que ma mère était souvent peu en état de s’en occuper. Puis, à Melbourne, c’était bien rare que les gars de la construction ramenaient leurs gosses sur les chantiers, après tout c’était plutôt dangereux comme environnement. Alors non, à part mes adolescents du centre, je n’avais pas souvent eu contact avec des gens plus jeunes que moi. C’était donc assez étrange de savoir que je m’entendais aussi bien avec mes jeunes. Avec des enfants de moins de dix ans, ce ne serait pas la même chose, mais  je voulais tout de même à tout prix être papa. « Pas vraiment, non. C’est pas l’envie qui manque, mais les occasions. » J’haussai les épaules. Ally me parla de son identification à Ariel la petite sirène, lorsqu’elle était jeune. Je souris, attendri. « Tu rêvais de troquer ta queue pour des jambes ? » Ça sonnait vulgaire, et c’était exactement l’effet voulu. Elle était trop facile. Je rigolai, en grand immature, avant qu’Ally me demande de lui raconter des histoires d’ados. Je secouai la tête. « Non, non. Une autre fois. » Je préférai lui offrir une seconde histoire d’enfants, cette fois-ci avec une princesse qui ressemblait étrangement à elle, et le prince à moi. Après de simples échanges de sourires, on se coucha, sans plus attendre. Je me réveillai probablement en sentant les yeux de la rouquine rivés sur ma personne, puisqu’en ouvrant les yeux, je la trouvai penchée sur moi, me disant que je serais une poule mouillée si je ne me levais pas. « Et il est où le rapport ? » Je me frottai les yeux, grognon, avant de m’extirper du lit et de me traîner jusqu’à la salle de bain, où je me préparai en deux temps et trois mouvements. Une fois dans la voiture, la jeune femme me demanda si j’avais peur des hauteurs. « C’est pas mon feeling préféré, mais je gère. Toi ? » Je n’étais pas forcément un adepte des sensations fortes, mais les montagnes russes n’étaient pas extrêmes non plus, en général. Je conduisis quelques kilomètres avant d’arrêter dans un petit café au coin de la route pour nous prendre des muffins et des cafés, rien de plus. Nous reprîmes la route et, une panoplie de chansons mal chantées plus tard, nous étions arrivés au parc d’amusements. « On devrait s’acheter une passe pour dépasser tout le monde. C’est pas cool pour eux, je sais, mais comme ça on aurait le temps de tout faire … » Proposais-je. Il fallait bien que tout ce cash serve à quelque chose.

Concho me confirmait qu’il n’était jamais vraiment avec des enfants, malgré l’envie qui ne manquait pas. C’était plutôt les occasions, je hochais la tête, compatissante. Je réalisais que de mon côté, il y avait quelques enfants ici et là, comme Opale, mais personne d’autres réellement. Suite à ma comparaison à ma princesse préférée, c’était Concho qui faisait une blague mal placée que je frappais avec un sourire en coin. « Les queues, je les préfère ailleurs. » Oups. Mais bon, il l’avait un peu cherché. Il refusait de me raconter ses histoires d’adolescent, ce qui me faisait échapper un sourire et on finissait par s’endormir l’un contre l’autre. Il me demandait le rapport et je sortais mon air supérieur. « Parce que je vais en déduire que tu retardes le temps pour aller dans les attractions! » C’était pourtant si évident... Concho me confessait plus tard qu’il gérait la chose, je hochais la tête. « Ça va. Je te dirais même que je m’en sors plutôt bien. » C’était vrai et c’était beau. La rapidité m’inquiétait un peu plus. On arrêtait pour le petit déjeuner très léger avant de reprendre la route jusqu’à l’arrivée où Concho proposait la méchanceté suprême et c’était avec un sourire machiavélique que je lui répondais : « Ouiiiii! » Je bondissais de sur mon siège en allant jeter les déchets pour ensuite faire la file pour accéder au parc d’attractions. Une fois les billets payés, les bonus enclenchés je me tournais vers cet homme qui semblait m’attendre. « Tu commences par quoi? Quelque chose comme le slingshot pourrait être cool... » J’échappais un sourire en l’entrainant derrière moi vers de nouvelles sensations fortes.

Machiavélique, Ally embarqua à fond dans mon plan de dépasser tous les gamins dans les files d’attente. Peut-être que ça les motiverait à bosser dur dans leurs études afin d’avoir de bons jobs plus tard qui leur permettraient d’acheter de telles passes rapides ! Je plaisante. Mais, on les acheta malgré tout, comme deux adultes avec des cornes sur la tête. Une fois entrés dans le parc d’attractions, la rouquine me demanda par quoi je désirais commencer, et proposa le slingshot. Je ris, levant les yeux au ciel. « De toutes les attractions possibles, t’as choisi celle qui coûtait un surplus ? T’es demandante, Carmichael. » Elle et ses goûts dispendieux, je l’adorais. Je déposai mes lèvres sur les siennes tout en passant mon bras autour de ses épaules, marchant jusqu’au dit slingshot. Ce fut le premier arrêt de nos nombreuses haltes pour tester les différents manèges disponibles dans le parc d’amusements. Avec une passe-éclair, il était clairement plus aisé d’en essayer le plus possible. Montagnes russes en bois, montagnes russes qui tournaient dans tous les sens, tête en haut et tête en bas, manèges pour enfants, manèges sur eau, manèges au sol, manèges dans les airs, name it, à la fin de la journée, nous les avions pratiquement tous faits. L’après-midi tirait à sa fin et nous avions encore de la route à faire avant d’être de retour à Bowen. Une fois le carrousel fait pour la énième fois, je me tournai vers Ally, qui descendait de son cheval. « Je pense que c’est le temps de rentrer, même si j’n’ai pas du tout envie de revenir à la réalité … » Je disais ça et, pourtant, je me faisais de plus en plus à l’idée que cette vie avec Ally, ce pourrait être ça, ma réalité. Tout simplement.