On croit que c'était pire mais parfois une personne arrange les choses (pv Noah Rutkowski) TERMINE

Installé sur le lit, j'écoutais Haley m'expliquer sa rencontre avec sa colocataire de Bowen. Elle m'expliquait avoir suivi ses années de lycée en Angleterre, suivant les traces de son père, et y avoir rencontré cette meilleure amie portant le nom de Karma. Elle ajoutait que ça n'avait rien eu de facile de quitter sa tribu, mais que son amie lui avait été d'une grande aide. Cela me faisait un peu penser à quand j'avais décidé de faire mes études universitaires à Sydney. J'avais tout laissé derrière moi pour vivre en indépendance, d'une certaine façon. J'étais dans ma résidence étudiante, loin de ma famille, de mes amis, à devoir me créer une nouvelle vie et fonder un nouveau cercle de relations. Ça n'avait pas été facile tous les jours au départ, puis c'était devenu réellement formateur. « Et elle étudie quoi, ici, cette Karma ? » questionnais-je, retirant l'appui de mes coudes pour être allongé sur le lit, à l'image de Haley. Puis, après quelques minutes, l'étudiante s'excusa de sa tenue, se relevant en prenant appui sur moi. Je posais une main sur mon ventre par réflexe, et me redressais en position assise, juste au bon moment pour voir Haley perdre l'équilibre et tomber à nouveau sur le lit, m'utilisant comme matelas. Je ris doucement lorsqu'elle m'annonça que Rosie désirait sans doute la tuer. « Les chats seraient-ils vraiment des créatures maléfiques ? » Je pris un air énigmatique, avant de laisser Haley qui tentait à nouveau de se relever glisser sur le matelas, bien que mon bras restait coincé sous son dos. Je l'observais quelques instants, me faisant la réflexion que cette situation avait tout pour être atypique, en tout cas pour moi. J'avais une fille que je connaissais que depuis quelques heures allongée sur mon lit. De son identité, je n'en savais pas beaucoup, pour ne pas dire presque rien. J'avais interagi avec elle le temps d'une soirée, et elle avait fini par m'avoir avec sa culture, ses ambitions, sa façon de dire les choses. Mon regard caressait les traits de son visage, mon cœur martelant de plus en plus fortement ma poitrine. Et si, pour une fois, j'agissais impulsivement ? Si, pour une fois, je faisais quelque chose sans penser aux conséquences, sans me projeter dans le futur, sans m'investir, sans me promettre une suite ? Si je tentais juste de faire ce que j'avais envie de faire, et verrais plus tard ce que ça donnerait ? Ce n'était pas comme si je m'imposais quelque chose, vraiment. Ce n'était pas comme si je me lançais dans quelque chose d'immense. Un seul geste, auquel je pourrais peut-être m'amender par la suite. Un seul geste que je pourrais clamer d'innocent, d'idiot, d'impulsif, d'inoffensif - de tout ce qu'il était vraiment. Je me mordais l'intérieur de la joue. Ma morale me sommait de me calmer, ma raison me stoppait, pourtant, c'était plus fort que tout, il fallait que je le fasse. Je déposais mes lèvres sur les siennes, pour un baiser aussi léger qu'un voile, conservant toutefois une impression de douceur émoustillant toutes les terminaisons nerveuses en action, et me reculais instinctivement, l'imaginant déjà prendre les jambes à son cou et quitter les lieux promptement.

Je constatais le visage de Haley s'empourprer tandis qu'elle s'éloignait, annonçant qu'il serait plus favorable que nous choisissions un film, avant de disparaître dans le salon. Je ne pus m'empêcher de sourire nerveusement, bien que pour être honnête, sa réaction ne me blessait pas plus que cela, ni même m'embarrassait. J'avais eu envie de tenter un baiser avec elle, de voir ce que ça ferait de l'embrasser, et j'avais eu ce que je désirais. Sans qu'elle ne me gifle en retour ou en fasse une scène, ce qui était positif. Franchement, je m'en sortais vraiment bien. Et maintenant, je savais à quoi m'en tenir avec elle, j'avais l'avantage d'être fixé. De toute évidence, nous n'étions pas du tout sur la même longueur d'ondes, vu qu'elle avait fui les lieux bien vite. Je me relevais du lit, et m'orientais vers le salon, fermant la porte de la chambre derrière moi. J'observais sa silhouette. Je l'avais déstabilisée et ses doigts en payaient le prix, mais je sentais quand même un poids s'ôter de mes épaules. Sans doute étais-je une mauvaise personne, au final. « Si tu veux rejoindre ton amie maintenant, tu peux. Ne te sens pas obligée de rester envers moi ou autre... » J'ignorais s'il fallait que je m'excuse pour le baiser. J'avais conscience que ça n'avait pas été très bien de ma part de lui dérober ses lèvres comme cela, mais je n'avais pas été insistant non plus, je la forçais à rien. De plus, elle semblait plus intriguée que traumatisée. « Sinon, hé bien... » J'ouvrais mon ordinateur, puis un dossier sur celui-ci. « Tu peux toujours choisir un film dans ce dossier pendant que j'installe la télévision. »

Je concentrais toute mon attention sur le branchement de la télévision, afin d'oublier l'effet que Haley pouvait exercer sur ma personne. Je me répétais intérieurement que j'avais eu ce que je voulais, j'avais sauté le pas : je l'avais embrassée. Ça s'était avéré un fiasco, vu la réaction de l'étudiante, et maintenant, il fallait savoir tourner la page. Je devais m'estimer heureux que la situation ne soit pas chaotique entre nous deux, et qu'elle ne m'en veuille pas. Je devais le prendre comme une bonne chose : j'avais joué, et ma perte n'était pas si dramatique. « Oui, on va voir ce que ça vaut. » répondis-je à son choix de film. J'avais uniquement lu le livre et vu un dessin animé sur Alice aux pays des merveilles lorsque j'étais jeune. J'étais plutôt curieux de visionner ce que Tim Burton avait fait de l'oeuvre. Je laissais Haley s'installer, et une fois que celle-ci était devant la télévision, je lançais le film. J'abaissais un peu la luminosité et prenais place à côté d'elle, rapidement rejoint par Rosie qui se blottit sur mes genoux. Je caressais la petite bête doucement, jusqu'à ce que je remarque que j'étais entouré de deux être endormis. Je souris doucement, observant quelques minutes Haley, avant de saisir délicatement la télécommande. J'éteignis la télévision, déposais Rosie dans son panier et réfléchis quelques instants. Est-ce que je devrais la réveiller ? Est-ce que si je la laissais dormir ici, son amie s'inquiéterait et elle finirait de toute façon réveillée par un appel de cette dernière ? Je décidais qu'il était mieux de ne pas prendre de grandes décisions à sa place et allais chercher une couverture que j'étalais sur son corps. Je savais le canapé confortable, pour y avoir dormi à plusieurs reprises.

Lorsque je revenais dans le salon six heures plus tard, je remarquais que Haley dormait toujours profondément. Dans son sommeil, elle avait fini par s'installer plus confortablement, occupant la majorité du canapé, et Rosie s'était blottie contre son flanc, à la chaleur de la jeune femme et de la couverture. Je souris devant cette scène et me préparais silencieusement un café.

Mon sacré café du matin en mains, j'entendis des pas s'approcher de moi, puis la silhouette de Haley s'appuyer sur le plan de travail. Elle s'excusait, avant de s'étonner sur notre rencontre. Je ris doucement, plaisantant : « Félicitations, tu es la première femme à avoir passé la nuit ici. Bien dormi ? » Plutôt facile, vu que j'avais emménagé il y avait une semaine, mais je trouvais cela plutôt amusant de l'annoncer. Elle déroba une gorgée de mon café et se dirigea vers le salon, faisant un peu de rangement, avant de me questionner sur le film que nous étions sensés voir. « Moui. Mais le livre est mieux. Et pour être honnête, j'ai coupé quand j'ai vu que tu dormais. » Je servais une tasse de café à Haley, que je lui tendais. « J'en déduis que tu en veux un. » Je m'appuyais sur le dossier du canapé, continuant de boire mon café. « Tu auras sûrement le droit à un interrogatoire en rentrant chez toi. » supposais-je, un sourire taquin étirant mes lèvres. Je jetais un coup d’œil à la pendule de la cuisine, qui affichait les sept heures du matin. « Quoi que, si ton amie est lève-tard, il est possible que tu puisses feinter être rentrée tard, et non tôt... » Je ris doucement. Il fallait l'avouer, la situation m'amusait.

Je préférais prendre la situation d'une manière plutôt légère, humoristique. A quoi bon rendre l'atmosphère pesante ? Je sentais déjà l'embarras de Haley face aux circonstances, et je favorisais la mettre à l'aise et minimiser les faits avec un peu d'humour. Lorsqu'elle s'excusa quant à la tournure de la soirée, je lui répliquais derechef : « C'était une très bonne soirée. » Et je le pensais, malgré les écarts et les actes de ma part que j'aurais bien voulu pouvoir effacer de sa mémoire. Comme mes aveux face à mon ex, et l'instant furtif durant lequel mes lèvres s'étaient retrouvées sur les siennes. Sur le coup, ces deux actions m'avaient fait du bien, m'avaient plu. Mais au petit matin, je me sentais ridicule d'en avoir été l'auteur. J'espérais de tout cœur ne pas avoir laissé une mauvaise impression sur Haley. Je chassais ma honte et mes regrets en jouant une nouvelle fois de l'humour, m'amusant de la situation que rencontrerait peut-être bientôt Haley face à sa colocataire. Je conservais mon sourire, puis acquiesçais lorsque l'étudiante me demanda si je travaillais aujourd'hui. « Malheureusement, oui. » Pas que je n'aimais pas mon travail, mais j'appréciais la compagnie de la jeune femme davantage. J'entendis cette dernière annoncer plus ou moins son départ, et je répliquais, un peu surpris de la voir partir de cette façon. Je n'osais pas la retenir, de toute façon, mes obligations m'empêchaient de le faire. Mais il fallait dire que la voir franchir le pas de la porte et ignorer quand je la reverrai était un peu triste. « Tu connais la mienne aussi. » articulais-je, ne trouvant rien de mieux à dire. « Et tu n'as pas abusé. Ça m'a fait plaisir d'être avec toi. » ajoutai-je à l'arrachée, alors qu'elle me tournait déjà le dos.