[DONE] L'aventure est au coin de la rue... ⊱ PANDORE

+ « Alors là tu ne me connais pas ! Il en faudra beaucoup plus pour que mes chevilles doublent de volume. » Elle soutient son regard de défi. Elle adore lorsqu'il se prend au jeu ainsi. Elle ne remarque pas qu'elle est drôlement détendue et familière avec lui, ne remarque pas oui, qu'elle prend ses aises et se permet d'adopter une attitude joueuse à tel point qu'elle n'a jamais eu encore avec lui. Elle lui adresse seulement un clin d'oeil en guise de réponse. Et puis il y a le coup de feu.

Elle a dû rêver, même si elle sait pertinemment que ce coup de feu semblait beaucoup plus réel que ceux qu'elle entend dans ses nuits tourmentées. Elle sait déjà qu'elle ne dormira pas tranquille ce soir. Elle sait déjà qu'elle se réveillera en hurlant. Elle oublie tout. La nuit, le reportage, la caméra, même Emrys. Dans son cerveau ne résonne que l'écho du coup de feu. Et les douloureuses images qui assaillent son cerveau de souvenirs poignants. La migraine la prend de suite. Elle ne se rend même pas compte que ses dents se sont serrées, et que sa mâchoire est douloureuse. Elle sent le bras d'Emrys autour d'elle et ça la rassure. Un peu. Elle ne sait plus que c'est lui, qu'elle est complètement collée contre Sawyer, non, tout ça n'a plus d'importance en fait. « Est-ce que ca va ? » Elle sursaute. Elle remarque qu'elle n'arrête pas de frissonner. Non, elle tremble. Elle tourne la tête vers lui et trouve enfin son regard qu'il semblait chercher. Immédiatement, elle semble rassurée. Elle cesse de trembler. Mais elle est toujours incapable de lui répondre, plantant son regard apeuré dans le sien. « On s’en va. » Elle hoche la tête et dès qu'ils se mettent en marche, se tient tout contre lui. Elle ferme même parfois les yeux. Elle n'est pas consciente d'avoir une attitude digne d'un enfant qui a fait un cauchemar. Mais c'est réellement ça. Au fond, elle n'est restée qu'une enfant ayant vécu un cauchemar rattrapant toujours la réalité. C'est enfin au moment où ils atteignent la voiture qu'elle sort de sa torpeur muette. Elle remarque qu'elle lui a attrapé le bras, ou bien la main, pour le tenir, le sentir près de lui, sentir que quelqu'un pourrait la protéger. Quelqu'un qui manquait le jour où elle avait entendu ces fameux coups de feu, où personne n'avait été là sauf elle. Elle se tourne vers lui. « Désolée.. » De quoi ? On ne le saura pas. Elle s'attarde sur son visage, comme cherchant désespérément du réconfort. Sensiblement sous le choc, elle finit par contourner la voiture, arrêtant alors la caméra tournant toujours et attendant qu'il ouvre la voiture. Enfin alors, elle s'engouffre dans l'habitacle, soupirant à fond comme si à présent, elle se sentait enfin en sécurité. Enfin presque. Elle lève ses yeux vers Emrys, sans savoir quoi dire, ni quoi faire. Ah si, une chose. « Merci. »

+ « Ca va aller… » Non, ça n'ira pas et elle le sait. Se croyait-elle débarrassée de ses démons, la petite Pandore ? Naïves promesses faites à un ciel resté sourd ; elle est consciente que ses plus profondes terreurs sont toujours là, ancrées en elle, attendant seulement le bon moment pour ressurgir et la faire couler. Mais peut-être cette fois a-t-il un allié, une chance de résister. Elle est incapable de lui répondre et grimpe dans la voiture sans un mot. Son regard rivé au loin avec immobilité en témoigne ; elle est en état de choc. Elle a beau repoussé les images, elle les revoit. Elle a beau vouloir se boucher les oreilles, les cris résonnent encore, en boucle comme une mauvaise cassette. Elle est bien loin d'imaginer qu'il se passe un scénario ressemblant au sien dans la tête d'Emrys. Tiens, Emrys... Elle tourne la tête vers lui. Elle l'observe, ça la rassure, sa présence la calme, il l'apaise. Elle détaille ses traits et évite ainsi de regarder la route. « Ca va mieux ... ? » Il lui adresse un coup d'oeil avant de se concentrer sur la route et elle réagit alors, se secouant un peu en s'installant de nouveau normalement sur son siège alors qu'elle était entièrement tournée vers lui. Elle hoche doucement la tête, mais devinant qu'il lui faut répondre pour peut-être le rassurer (il s'inquiète donc tant que ça ?) elle murmure doucement, d'une voix déjà plus calme : « J'ai peur.. » Inutile de mentir. Il l'a très bien vu, c'était clair et net, et Pandore n'est plus d'humeur à jouer la comédie pour ce soir, surtout pas sur ce sujet-là. Oui, elle a peur, et le prononcer à voix haute lui tord l'estomac doucement. Elle ne peut pas s'empêcher de le regarder de nouveau. A quoi peut-il bien penser ? Il semble si loin d'elle, si loin de ce moment, tellement ailleurs... « On va chez moi ? » demande-t-elle alors, comme pour le sortir de ses réminiscences. On, oui. Elle ne veut pas rentrer seule. Elle sait que Perry et Dasha sont sortis. Elle ne veut pas, surtout pas, rester seule. Dans le noir, dans un appartement vide, avec le silence lui hurlant à la figure toutes les saloperies du monde. Sa main se remet à trembler mais elle le cache en croisant ses jambes, la calant au milieu. Son hyperactivité qui refait surface ? Une rechute ? Peut-être.. Elle a toujours chez elle le reste d'un dernier et ancien traitement qu'elle conserve au cas-où. Elle guette alors la réponse de Sawyer, s'imaginant déjà prendre un refus épique. Comme s'il allait rester quelques heures chez elle faire du baby sitting ...

+ stupide, stupide, stupide.. Pourquoi lui demande-t-elle de venir chez elle ? Bon, juste le temps qu'on se remette tous les deux de ça, que je fasse genre "au moins j'ai un bon sujet pour mon reportage" et je pourrais lui dire qu'il peut repartir chez lui, et que je vais m'en sortir. Oui voilà ce qu'elle va faire, ça va très bien passer, non ? « D’accord. » Il accepte, et elle ne peut cacher un petit sourire, se replongeant ensuite volontairement dans le silence. Peu à peu, elle parvient à réguler sa respiration et son rythme cardiaque, à se calmer, en plus bref. Elle se sent d'ailleurs de plus en plus ridicule et a plutôt peur de ce que pense Emrys d'elle à présent. Ah oui, elle joue à la dure la Pandore, elle lui a fait croire qu'elle était forte, et elle vient avec brio de lui montrer qu'en réalité, elle est aussi fébrile qu'une brindille. Super pour son image. Alors qu'elle se remet doucement de son choc, même si ses mains tremblent toujours un peu, elle sent soudain Sawyer lui prendre la main. Dès qu'il la touche, elle sent son coeur s'emballer et elle cherche son regard, mais celui-ci regarde de nouveau la route. La main à présent posée sur le levier de vitesses, celle d'Emrys, plus grande et chaude, recouvrant la sienne qui cesse presque de trembloter, elle se mordille la lèvre pour cacher un fin sourire. Elle regarde de nouveau la route, se sentant simplement bien. C'est presque avec déception qu'elle reconnaît qu'ils arrivent près de chez elle. « Okay… on arrive. » Elle a retrouvé un fin sourire, et elle hoche doucement la tête, et quand la voiture s'immobilise enfin, elle retire timidement sa main de celle d'Emrys. Elle se détache alors, rassemble son matériel et prend le tout avec elle. « Viens, je vais t'offrir un verre. » murmure-t-elle doucement, comme pour le remercier de l'avoir raccompagnée et rassurée, pour l'inciter également à monter, et pour se donner la chance de se rattraper à ne pas se montrer si frêle. Il faut qu'elle reprenne son attitude habituelle avec lui... Elle l'attend alors, et commence à monter, cherchant ses clés pour tourner vers lui un regard amusé et de nouveau malicieux. « Ne t'en fais pas, cette fois-ci, pas de Perry déshabillé. » Elle voile un petit rire – ça veut aussi lui dire qu'ils seront seuls –, puis se dirige vers sa porte, et l'on peut alors aisément voir que sa main fait toujours tinter les clés en tremblant. Il va vraiment falloir qu'elle reprenne quelques cachets ce soir... « Après toi. » fait-elle doucement en ouvrant la porte, relativement calme comparé à la tempête qui l'agitait intérieurement dans la voiture. Tempête pas tout à fait passée pour autant, même si elle évite d'y penser pour ne pas que ça recommence, et que la honte également ne vienne rosir ses joues...

+ elle ne réalise pas trop. Qu'Emrys tient sa main comme ça, que la chaleur qu'elle sent sur sa paume est la sienne, oui oui qu'il la tient par la main. Les mots s'impriment difficilement dans la tête de Pandore, et même une fois qu'ils grimpent dans l'immeuble, elle a beau se le répéter mille fois, pas moyen pour elle de s'en rendre clairement compte. « Qu’est-ce que t’en sais ? » Elle lui adresse un regard lourd de sous-entendus : oui, elle sait parfaitement qu'il ne sera pas là, que l'appartement et vide, et qu'ils seront seuls. Quand elle le fait entrer, elle prie intérieurement pour que ses colocataires n'aient pas laissé l'appartement dans le plus grand bazar. Mais ça passe. Aucun des trois n'est clairement maniaque – et Perry est sans doute le pire des trois niveau désordre – mais comme souvent pourtant, il règle un calme léger et une atmosphère plaisante dans l'endroit. Elle referme la porte derrière-eux, allant ouvrir la fenêtre pour aérer un peu. Sans chercher à se faire discrète, elle ouvre alors directement le tiroir d'un meuble, attrapant un flacon d'où elle fait tomber deux cachets au creux de sa main. Elle prend rapidement un verre et les avale tranquillement, revenant vers la pièce centrale. Emrys croira certainement qu'il s'agit là de dolipranes ou autre médocs banaux ; et s'il veut vraiment savoir, il n'aura qu'à demain. Elle n'a rien à cacher. « C’est… différent de mon appart’. » Elle revient vers lui et esquisse un sourire amusé, retirant sa veste pour la poser sur le dossier d'une chaise. « Fais comme chez toi » lui dit-elle alors pour l'inviter à faire de même et à se mettre à l'aise. Ce qu'elle n'aime pas, c'est voir des gens tous gênés chez elle. Alors si on peut éviter qu'Emrys ressente ça, elle fera tout ce qu'elle peut. Ça lui fait drôle, d'ailleurs, de le voir là, chez elle... Elle détache la tresse qui retenait ses cheveux, les ébouriffant légèrement pour leur redonner une certaine forme, préférant les laisser détachés. Puis alors, elle se tourne vers son "invité". Un doux sourire flotte sur ses lèvres. « Tu veux boire quelque chose ? Personnellement moi là, c'est d'une vodka dont j'ai besoin, mais sinon, j'peux te servir euh... du thé, du café, du jus d'orange, ou autre... » Elle s'en mordrait les doigts. Du café à presque vingt-deux heures, oui Pandore ! Elle n'est pas très habituée à s'occuper de quelqu'un à l'intérieur de sa propre maison, et oui elle a dit vrai : elle va réellement se servir de la vodka, ça la détendra. Les cachets commencent un peu à faire effet, ou peut-être est-ce parce qu'elle est dans un environnement familier que ses tremblements ont diminué. Elle sourit même, tiens ! Elle observe son visage en quête de sa réponse, observant ses traits tranquillement. On pourrait presque croire qu'il ne s'est rien passé. Mais elle sait que ça ne suffira pas, qu'il n'oubliera pas si facilement la fillette terrorisée qu'il a pu voir, et que viendra bien un moment où il lui posera la question, où elle devra s'expliquer, où elle devra raconter...

+ oui, de la vodka, elle en a besoin. Ça la détendra un peu, puis Pandore est le genre de personne qui tient plutôt bien, 'fin elle peut se contrôler en buvant un verre, quoi. « Hum… Si je veux être sûr d’arriver chez moi en vie, je devrais éviter … » Elle l'observe, attendant la suite de sa phrase. Elle se souvient bien de son moment d'absence dans la voiture, ce moment où il semblait plongé dans un tourment de souvenirs épais et tumultueux. Il n'a donc pas besoin d'un remontant ? Elle le sent hésitant et avant qu'il n'ouvre la bouche, elle sait déjà qu'il a changé d'avis. « un fond de vodka ira très bien. » Son sourire s'étire, comme si elle avait gagné une bataille (alors que pas vraiment mais bon..) et elle se dirige vers la cuisine, sortant deux verres qu'elle remplit de vodka. Elle a la main généreuse d'ailleurs, puis hausse les épaules ; il aura un peu plus qu'un fond... « Tu suis un traitement ? » Elle pose ses yeux sur le flacon et les relève ensuite vers Emrys, arrivant avec les deux verres dans la main. « Avant ouais, je faisais de l'hyperactivité et parfois, quand... il se passe un truc, eh bien je rechute un peu. » Elle s'en fiche, elle ne prend pas ça comme une honte de toute façon, elle n'y peut rien après-tout. Elle pose les deux verres sur la table basse, se laissant tomber sur le canapé d'une manière bien moins gracieuse que la façon dont elle s'est détachée les cheveux. D'un mouvement de la tête, elle désigne les verres – un poil trop remplis. « Au pire, y a deux autres chambres de libres plus le canapé, tu pourras passer la nuit ici si jamais tu ne te sens pas de reprendre la voiture. » fait-elle avec un léger sourire, même si ça lui ferait drôle de voir Emrys aller se coucher dans la chambre de Perry, par exemple. Enfin bon, y a la sienne aussi, sinon.. Bon t'arrête de penser comme ça ? Ouais, pas faux, faut qu'elle arrête. Le choc, on dira. Encore le choc. Belle excuse. Elle prend son verre, lançant un faible « à notre survie de ce soir » avec un petit rire amusé, prenant une gorgée brûlante d'alcool, ne cachant pas la grimace qu'elle lui arrache. Elle garde son verre, reposant son dos contre le dossier du divan, tournant simplement la tête pour observer Emrys. Que pense-t-il d'elle après tout ça ? Elle qui s'est escrimée à ne toujours montrer qu'une image dure, et forte... brisée en une fraction de seconde, belle crédibilité à présent.

+ Ils rient, et elle profite de cette belle accalmie pour reconstituer doucement mais sûrement sa carapace, pour enfermer toutes ses émotions dans ce fameux petit coffre qui s'est quelque peu fissuré plus tôt dans la soirée quand... « Ce n’est pas la première fois que tu as eu affaire à un coup de feu … ? » Elle s'y attendait, aussi, elle ne montre aucune trace de surprise. Avec son comportement, nul doute qu'il allait se poser des questions. Suit ce moment où elle le fixe. Non, elle ne le fixe pas, elle plonge dans toute l'immensité de son regard sans dire un mot. Ça dure de longues secondes, peut-être presque une minute entière pendant laquelle elle fouille dans le regard du beau brun. C'est un peu étrange comme moment, mais elle s'en fiche. Cherche-t-elle à savoir quelque chose ? Peut-être. Si elle peut lui faire confiance ? La question ne se pose même pas. Si elle oserait faire confiance à quelqu'un ? C'est plus ça, oui... Mais elle est consciente que ce soir, tout la pousse à laisser son masque tomber. Il est peut-être temps pour elle de raconter tout ça. En est-elle capable ? Elle ne veut pas passer pour une gosse pleurnicharde. Pas devant Emrys. Surtout pas devant Emrys. Elle esquisse un sourire. Un sourire sombre, moqueur, auto-dérisoire et boit une nouvelle gorgée de vodka, grimaçant de nouveau en sentant l'alcool pur lui brûler l'œsophage, comme pour se donner du courage. Elle se redresse un peu, décollant son dos du canapé. Elle a détourné son regard du jeune homme assis à côté d'elle.

« C'était il y a trois ans. On devait sortir un article, et vu qu'en ce moment, un groupe de bandits terrorisaient les ruelles de Paris en faisant des ravages, notamment un cambriolage chez le Président français où ils n'avaient épargné personne, j'ai pris ce sujet-là. Tu me connais.. et tu imagines bien que l'article n'a pas été sur la retenue, il était cru, il était vrai, mais ce que j'ignorais, c'est que ça parviendrait jusqu'à leurs oreilles à eux. » Elle fixe le fond de son verre qui oscille doucement. « Moins d'une semaine après, ma villa était dévastée et mes.. mes parents introuvables. Il n'y avait qu'une lettre, où ils demandaient ma vie contre la leur. Je n'avais peur de rien (elle esquisse un sourire mesquin) et me suis donc jetée dans la gueule du loup, sachant très bien que si j'appelais les flics, ils les tueraient.. Je me suis rendue à leur point de rendez-vous. Et.. Et c'est en arrivant au dehors de ce hangar désinfecté que j'ai entendu le premier coup de feu.. » Elle se mord l'intérieur de la joue, sentant l'émotion lui nouer la gorge. L'orage. Même Perry se demande d'où lui vient cette peur. N'avez-vous jamais remarqué comme le tonnerre éclatant en plein ciel peut avoir l'air d'une détonation ? Ne pleure pas, ne pleure pas. « Je me suis précipitée à l'intérieur mais c'était déjà trop tard pour mon père.. deux types les entouraient, et un troisième est venu me ceinturer pour que je ne bouge pas. Mais je me suis dégagée, et alors que j'ai réussi à foutre un bon coup à celui qui me retenait, m'emparant de son arme, j'ai compris que ça avait été – encore – la mauvaise réaction, puisqu'ils ont fait feu sur.. sur ma mère.. sous mes yeux... » Elle sent alors à peine le goût salé d'une larme entre ses lèvres. Elle l'essuie avec la négligence de celle qui ne veut pas que ça se voie. Son souffle s'est un peu accéléré, mais elle se refuse toujours à regarder Emrys. « Et là je.. en sachant qu'ils venaient de faire ça, que j'avais vu leurs visages, j'ai compris qu'ils ne me laisseraient jamais repartir vivante. J'ai compris qu'il n'y avait que deux alternatives, et que c'était eux ou moi. J'ai tiré sans réfléchir.. Heureusement, les premiers coups de feu avaient alerté les maisons avoisinantes et les flics sont arrivés moins de dix minutes plus tard. Mais bon.. c'était déjà trop tard, c'était.. » Sa voix se brise et elle baisse les yeux vers le sol, laissant une nouvelle larme glisser sur le carrelage, pleine de culpabilité. Elle aurait dû se taire, ne pas céder à la tentation d'en parler. En deux ans ici, elle ne l'a jamais racontée qu'une seule fois, à Maëlle, une de ses seules réelles amies. Alors pourquoi maintenant ? Et pourquoi à Emrys ? Elle n'ose même pas le regarder et finit son verre avec une grimace douloureuse. L'alcool est brûlant. Certains trouvent secours dans l'amitié, dans l'amour, dans les autres; mais Pandore ne l'a jamais trouvée que dans l'alcool où elle a noyée son histoire bien des fois. Bien ma fille, tu peux maintenant mettre tous tes espoirs de côté. Déjà qu'il devait pas beaucoup t'apprécier vu ton sale caractère, alors maintenant que tu viens de lui dire que tes parents se sont faits descendre par ta faute et que tu as tué deux types, faut plus avoir trop d'espoirs hein..

+ Elle n'a aucune idée de ce que son récit provoque chez Emrys. Prise dans son histoire, plongée dans ses souvenirs douloureux bien qu'elle ait prit la peine de mettre de la distance entre ses émotions et ce qu'elle racontait, ce qui lui a permis de ne pas craquer totalement. À présent, elle a finit, et termine également son verre avant de le reposer sur la table un peu brusquement. En fin de compte, elle s'en ressert même un. Elle en a besoin. C'est là qu'elle sent la main d'Emrys glisser sur ses épaules. Elle tourne alors la tête vers lui, de son regard légèrement embué, bien que ça aurait pu être bien pire. Elle plante son regard dans le sien. Que pense-t-il d'elle à présent ? « Je suis désolé.. Je n’aurai pas du demander.. » Elle garde une expression neutre. Mais au fond, elle est touchée. Même si selon elle, il n'a pas à s'excuser, parce que... « Tu pouvais pas savoir. » fait-elle d'une voix faible et enrouée, se raclant la gorge pour ensuite pouvoir parler normalement. Elle détourne le regard quelques secondes, ne s'étant pas dégagée de son contact, qui la rassure. Elle prend une longue gorgée de vodka – trop longue peut-être puisqu'elle tousse légèrement après. Les questions la hantent et elle est certaine qu'il pense d'elle qu'elle est... stupide. Coupable, du moins. « Tu as été courageuse. » Elle fronce les sourcils, sérieusement surprise. Elle l'observe se mordre les lèvres. Que raconte-t-il ? Elle le dévisage réellement, tentant de comprendre ce qu'il y a de bien courageux dans ce qu'elle vient de lui dire... « Tu l’es toujours. » Son coeur s'accélère et elle se mordille la lèvre inférieure à son tour. Elle aimerait lui dire merci, lui dire qu'elle est touchée, qu'elle apprécie, qu'elle est contente, qu'elle se sent mieux... mais toujours cette barrière qui l'empêche de montrer quoi que ce soit. Et pourtant, elle esquisse un sourire discret. « C'est pour ça que je t'ai viré... 'fin.. » Elle lâche même un rire dérisoire et passe une main dans ses cheveux. Elle se rapproche légèrement de lui, comme pour lui dire de ne pas enlever sa main, de ne pas cesser ce contact. « Quand j'ai remarqué que t'étais vraiment quelqu'un de bien, (et que je m'attachais à toi..) je me suis rendue compte que ce que je te souhaitais le moins, c'était de prendre exemple sur moi, et de faire les mêmes erreurs. » avoue-t-elle doucement sans avoir détourné son regard du sien. Elle ne sait pas bien expliquer ce qu'elle fait ensuite. Elle dépose lentement son verre sur la petite table sans la regarder, et de sa main droite et du côté d'Emrys, pose sa main sur la sienne. Elle esquisse un petit sourire presque timide, remettant une mèche rebelle derrière son oreille de son autre main, presque enfantine. Elle peine à soutenir son regard, son coeur battant à un rythme bien désorganisé.

+ Elle s'est toujours considérée comme coupable. Toujours. Et personne n'a jamais été là pour la persuader du contraire comme elle a toujours enfoui cette histoire au plus profond d'elle. Elle préfère alors lui expliquer de façon implicite, en lui disant pourquoi elle l'a viré. Peut-être comprendra-t-il mieux, alors... Il est si près. Quelle drôle de journée. Déjà ce matin, la visite surprise qu'elle lui a rendu, le café qu'ils ont bu chez lui. Ensuite, le début de soirée basé sur ce reportage mensonger. Puis le coup de feu. Et maintenant.. Son air grave lui prouve qu'il a compris, mais elle reste de marbre. « Qu-quoi ? Tu m’as viré parce que tu penses être coupable dans la mort de tes parents ? » Elle serre les dents. Comme accusée, elle détourne le regard. Sa culpabilité est bien la plus intense des choses qui lui font avoir une si négative image d'elle-même. Elle ne répond rien, bornée dans son idée. « Tu n’y es pour rien, on est bien d’accord ? Ce sont eux qu’il faut blâmer… » Eux qui, les bandits ? Elle le sent chercher son regard et elle relève alors la tête, rencontrant brusquement celui, chocolat et pétillant, d'Emrys. Elle entrouvre les lèvres pour répondre, mais sa tête lui tourne un peu, et ses idées s'envolent. Est-ce l'alcool ? Non, elle n'en a bu qu'un verre, ça ne peut pas être déjà ça.. La proximité troublante de Sawyer ? Sûrement, oui. S'est-il rapproché, ou bien est-ce elle, pour qu'ils se retrouvent si près l'un de l'autre ? Elle ne saurait pas le dire, mais ses yeux passent de l'un à l'autre. Elle hésite, elle ne sait pas, elle se questionne, elle a peur. Oh oui, qu'elle a peur, notre jolie française. Sa main à présent sur la sienne sans qu'elle n'ait pu réellement se contrôler, elle conserve la proximité comme un mur, comme une barrière qu'elle ne s'autorise pas à franchir. Parce qu'elle sait que c'est différent de tous ces types, parce qu'elle sait que c'est dangereux, parce qu'elle sait qu'ici, céder voudra dire souffrir. Il se met à rire. Elle serre un peu plus les dents, elle aurait presque envie de pleurer. Sans doute se moque-t-il, sans doute va-t-il la regarder en lui demandant ce que ça signifie, à quoi est-ce qu'elle joue... Elle n'a pourtant pas détourné son regard du sien quand il le relève vers elle et le moment lui semble légèrement suspendu. Bon allez, abrège veux-tu, achève-moi maintenant. « J’ai envie… » Son souffle s'est heurté et elle ne parvient plus vraiment à réfléchir. Envie ? Envie de ? De quoi, de qui, quand, où, comment ? Tout s'emmêle dans sa petite cervelle décidément bien maltraitée ce soir entre la présence du jeune homme, le choc du coup de feu, les cachets, l'alcool. Cessant alors de réfléchir, elle ôte brusquement sa main de la sienne. Pour la déposer doucement sur sa joue. Cette main qui tremble, mais ça n'est plus l'hyperactivité. Son souffle qu'elle peine à contenir lui est douloureux. Son estomac s'est noué et elle ferme les yeux, s'autorisant à rapprocher un peu son visage du sien. Qu'il décide. C'est sans doute la dernière fois que je le vois après ça... Ben oui, vous imaginez la déferlante intersidérale qu'elle s'attend à recevoir. Mais là, les yeux clos, prise dans un tourbillon de doutes, d'angoisses, d'impatience et de peur précédant LE moment où elle aura sa réponse – brutale et négative à coup sûr – elle se dit pourtant que cet instant précis est le plus bel instant qu'elle ait vécu jusqu'ici.