Cherry wine. - Alfie

L'air déçu de Nice lui fait presque mal au coeur. D'habitude, Alfie n'est pas vraiment la personne qui se charge de réconforter les pauvres demoiselles en détresse aux espoirs brisés à cause d'un pauvre type. Au contraire, il est en général plus souvent la cause de ce genre de situation. Il l'écoute se plaindre en silence, faisant tourner l'alcool dans son verre. « Alors laisse-le tomber, c'est simple. » Simple pour lui, ouais. Lui qui n'est jamais tombé amoureux, lui qui ne s'est jamais attaché à une fille au point de penser à elle jour et nuit. Ses conseils sont bidons, mais il ne sait pas quoi lui dire de plus puisqu'Alfie est loin d'être doué dans ce domaine. Entendre à nouveau le rire de Bérénice le soulage, il ne s'imaginait pas la réconforter en lui proposant de regarder Bridget Jones comme le ferait un meilleur ami gay pour sa meilleure amie. Suite à sa question, il se pince les lèvres en réfléchissant et regarde en l'air. « Bah, t'es plutôt cool comme fille. » Il pose à nouveau le regard sur Nice. « Enfin, ce que je veux dire, c'est que t'es le genre de personne auquel un gars pourrait facilement s'attacher. Pas un type sans sentiment comme Angus ou même moi, mais un gars bien. Parce que t'as l'air d'être une fille bien, et que les gens biens collent mieux ensemble que des opposés. » Alfie et ses discours sans aucun sens.

Ce qu'elle dit par rapport à un soit-disant événement l'intrigue, mais Alfie se tait car il n'a pas envie de s'étendre encore plus sur le sujet. Il se dit qu'une fois chez lui, il trouvera certainement Angus affalé dans son canapé, et il pourra en profiter pour le cuisiner et savoir ce qu'il s'est passé entre ces deux-là. Car même si son pote peut être un vrai chieur, il ne l'a jamais connu menaçant. De son point de vue, Angus est du genre tout sourire, à rire pour un rien, difficilement agacé et rarement de mauvais poil. Enfin, peut-être qu'il ne connait pas celui auquel Nice a dû faire face. Car vu comment elle en parle, ça ne lui semble pas avoir été une partie de plaisir. La réflexion qu'elle lui fait ensuite, le fait légèrement soupirer. Décidément, il semblerait que toutes les filles de cette ville aient décidé de lui donner une deuxième chance, à l'Alfie. Enfin, Bérénice ne le connait pas vraiment après tout. « Désolée de casser l'ambiance, mais je suis loin d'être un type bien tu sais. » Il hausse les épaules, lèvres pincées, avant de boire une gorgée de son verre puis de le reposer sur la table. « Je réfléchis sûrement un peu plus que lui, mais je ne suis pas vraiment un exemple. J'ai fait pas mal de trucs pas très glorieux, et j'en suis pas toujours fier. »

Il ne sait pas pourquoi il lui dit ça. Insister sur ses mauvais cotés, faire en sorte que Nice ne voit pas qu'en lui une personne pleine de qualités. Peut-être parce qu'au final, Alfie a toujours eu peur qu'une fille bien ne s'attache à lui. Qu'elle se mette à compter sur lui, à attendre quelque chose de lui. Et Alfie, même si il peut parfois donner l'impression d'être quelqu'un de totalement je-m'en-foutiste, n'aime pas blesser une personne qui vaut la peine qu'on fasse un effort pour elle. Suite à sa question, il secoue négativement la tête. « C'est pas dans mes plans, effectivement. » Et depuis que Manu est ré-apparue dans sa vie, il a l'impression qu'il est de moins en moins le genre de personne à faire du mal à quelqu'un. Sa petite sœur a toujours eu ce don pour percer sa carapace, et il craint qu'elle refuse de le revoir si elle apprend qui il est réellement depuis qu'ils se sont perdus de vue. Ce qui lui dit Bérénice le fait sourire. « Waw, carrément. Tu devrais être plus prudente Nice, en offrant ta confiance aux gens comme ça tu risquerais de te faire facilement avoir par quelqu'un de bien pire que moi. » Mais c'est vrai que, malgré tout, Alfie a toujours été un bon ami. Quelqu'un qui s'intéresse, à l'écoute, et qui s'attache même si il fait semblant que non.

Les paroles de Nice le font rire. Ouais, Alfie arrive à parler à des filles sans que nécessairement elles finissent toutes par la case "lit". Il s'assagit, il deviendrait presque un type... bien. Peut-être qu'elle a raison au final, peut-être qu'Alfie s'est trop longtemps voilé la face sur qui il est vraiment au point qu'une confrontation entre l'ancien et le nouveau Alfie a fini par avoir lieu dans sa tête, le dégoûtant ainsi de sa propre personne. Il efface définitivement cette pensée digne du film Inception de son esprit et hausse les sourcils, un regard amusé au coin des lèvres. « Peut-être que ça arrivera qui sait. Pas la partie où tu finis dans mon lit, je passerais un peu pour un vieux pervers si je disais ça. Mais toi qui tombe raide dingue amoureuse de moi. » Quoi que, c'est tellement rare qu'une fille tombe amoureuse de lui. En général, Alfie, c'est ce type avec qui on sort pour se rendre compte que ce n'est pas de cette vie qu'on veut, qu'il n'est pas le bon. C'est l'entre-deux, le provisoire. Il hoche lentement la tête suite à la demande de Bérénice avant de se lever de son siège. « Ouais, pourquoi pas. Je sais pas encore quoi, mais on trouvera bien en marchant. » Il s'avance vers la porte d'entrée, l'ouvre pour Nice en bon gentleman, puis est surpris de découvrir que dehors, la nuit est déjà tombée et les étoiles brillent en masse dans le ciel.

Le rougissement de ses joues, il ne le remarque pas vraiment. Il y a la pénombre qui joue déjà, puis le fait qu'Alfie n'a jamais été très doué dans l'art d'interpréter les émotions des autres. Surtout pas des filles. Il se contente de parler sans réfléchir, de déblatérer un nombre incalculable de bêtises qui peuvent parfois mettre mal à l'aise. Par contre, il ne peut s'empêcher de sourire quand Bérénice se met à bégayer. « Ce serait mignon, » ajoute-t-il pour clore le sujet, souriant toujours sans la regarder. Une fois à l'extérieur, il plonge ses mains dans les poches de son pantalon. Malgré les températures encore chaudes pendant la journée, le vent de la nuit est bien moins agréable à supporter. Il écoute une à une ses propositions, bazarde déjà l'idée de la promenade dehors parce qu'Alfie, il se fait vieux et il a pas envie de se les cailler. « Je t'aurais bien proposé de passer un peu chez moi, mais je suis en plein déménagement alors c'est un peu le bordel à l'appart. Donc soit ça te dérange pas de partager le canapé avec un carton rempli de trucs inutiles, soit on va chez toi. » Il cesse sa contemplation du sol et lève les yeux vers le visage de Nice. « Enfin, je ne voudrais pas m'imposer non plus. Si t'as envie d'être seule, je vais pas taper l'incrust' en mode "bah nan, j'suis toujours là". »

Si, il la trouve mignonne Nice. Elle et sa timidité, elle et ses petites joues rouges ou ses bégaiements. Elle attendrit le grand méchant Alfie et lui donne presque enfin de faire des choses bien dans sa vie. Elle dégage quelque chose d’apaisant parce qu'elle reste calme et qu'elle sourit. Ça le change, c'est un peu comme le calme après la tempête et non avant. La confession qu'elle lui fait fait sourire Alfie qui la regarde brièvement du coin de l'oeil avant de fixer l'horizon. « Arrête, c'est moi qui vais rougir. » Parce que clairement, il n'aurait pas cru qu'elle lui sortirait de telles paroles. Même si Nice s'est rapidement montrée beaucoup plus amicale envers lui qu'au début, même si elle lui a dit penser qu'il est quelqu'un de bien et qu'il a sa confiance, il n'aurait pas imaginé qu'elle puisse vouloir plus de temps en sa compagnie. Enfin, ce n'est clairement pas pour le déranger. Au contraire, Alfie commence de plus en plus à apprécier ces moments avec elle. C'est tellement rare pour lui de pouvoir discuter avec une fille sans que l'un ou l'autre n'aie d'arrière-pensée, ou que ça dégénère en gros bordel comme à Vegas. Vegas. rien que cette pensée lui donner envie de se vider entièrement la tête. « Tu vis toute seule ? Parce que je voudrais pas que ton coloc commence à s'imaginer des trucs, » ajoute-t-il en souriant.

Il sourit en entendant le prénom Arnold et la regarde d'un air fier. « Ton rat, c'est ça ? Tu me l'avais dit au resto, pour une fois que je me souviens de quelque chose. » Un petit rire s'échappe d'entre ses lèvres. Même si Alfie trouve ça un peu bizarre d'avoir un rat comme animal de compagnie, il ne peut s'empêcher de trouver ça plutôt cool. Ça fait de Bérénice une personne encore plus particulière puisqu'en général, les filles préfèrent des chats ou des chiens et qu'elles ont tendance à détester tout ce qui est rongeur. « Je ne voudrais pas le brusquer, je garderai mes distances promis. » Et pourtant, cette phrase s'oppose au comportement de Nice envers lui. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle lui tienne le bras de la sorte, mais ça ne le dérange pas vraiment et il la laisse donc faire. Ils marchent du bar jusqu'à chez elle, un trajet qui ne dure pas bien longtemps mais qui suffit à lui donner envie de s'installer bien au chaud dans un canapé moelleux.

« Pourquoi, tu voulais me rendre jaloux ? » Il lui lance un regard sous-entendu, même si il se doute bien que la réponse sera négative. Nice n'a pas vraiment l'air d'être le genre de fille à vouloir rendre n'importe qui jaloux, surtout pas lui. Elle semble bien trop gentille pour faire ça de toute façon. Une fois arrivés chez elle, il ne prête pas vraiment attention à la déco et va s'installer sur le canapé qu'elle lui désigne. Il est confortable, doux, tout ce qu'il faut à Alfie pour ne pas finir par devenir ronchon à cause du froid de dehors mélangé à la fatigue. « Donne-moi ce que t'as, j'suis pas bien compliqué. » Parce qu'il n'a jamais su quoi répondre à cette question, ne sachant pas de quoi est garni le frigo d'une fleuriste propriétaire d'un rat. En parlant de ce dernier, Alfie entend des petits bruits de pattes sur le sol et voit la bête surgir dans le salon. L'animal s'approche de lui et il se penche en avant pour le contempler. « Je peux le toucher, il va pas me mordre et me refiler la gale ? » demande-t-il, préférant être prévoyant plutôt que de finir à l'hôpital à cause d'un rat.