[FELIX & MAXYM - UA] submarine.

S U B M A R I N E félix&maxym

Max n'apprécie pas qu'on le voit dans un tel état de faiblesse et pourtant, il ne lui est pas venu à l'idée d'en vouloir à Félix. Il s'en rend compte quand le plus jeune grimpe hors de l'eau en lui disant qu'il n'a qu'à lui apprendre à nager. Le blond fronce les sourcils, pas vraiment convaincu et s'accroche suffisamment au rebord pour atteindre les marches de la piscine. Deux mètres avant, il remarque qu'il a pied et se calme un peu, lâche la piscine pour marcher dedans et s'asseoir en haut de l'escalier. Les fesses dans l'eau, il prend le temps d'enlever ses vêtements trempes et se dit qu'il va avoir l'air bien malin une fois devant les autres. S'il commence à dire qu'il était dans la piscine avec Coalman, les moqueries vont revenir de plus belles. Ce sont des poissons étranges qui reviennent toujours sur leur lieu de naissance, traversant les contre courants, luttant contre la vérité pour la déformer. Il est méfiant à l'idée de devoir faire face à leurs interrogations mais tente de ne pas y penser. Au pire il s'éclipsera seul dans la nuit pour rentrer chez lui. Le gamin fera du stop comme il en a parfois l'habitude et rentrera d'un pas discret pour ne réveiller personne à la maison.

Son regard accompagne les gestes de Félix qui saute avec souplesse dans la piscine pour le mouiller et le faire grimacer. Les cheveux collés au visage, Max lui adresse malgré tout un léger sourire, presque timide avant de foncer dans l'eau avec le coeur aussi lourd que ses craintes. La caresse du liquide qui le soutient le met en confiance quelques secondes, le temps pour lui de faire trois brasses avant d'atteindre Félix et poser ses mains sur ses épaules quand il remarque qu'ils n'ont plus pied. C'est psychologique, à partir du moment où l'eau est trop haute, il a l'impression qu'il va se noyer. A la place de paniquer, Graham s'efforce de donner des coups de pied pour forcer son corps à ne pas couler. Il n'est pas suffisamment en confiance pour lâcher totalement toutes prises solides et tend un bras pour s'agripper à la bouée que Félix vient de lui tendre. Le bruit du plastique est désagréable lorsque ses doigts s'y attachent brutalement mais Max respire un peu mieux, là, flottant au milieu de l'eau bleutée.

Le blond profite d'un moment de calme pour battre brusquement des pieds à la surface et éclabousser Félix de toutes ses forces. Un rire déforme ses traits avec tendresse tandis qu'il retourne ni vu ni connu dans la partie de la piscine où il a encore pied. On fait moins le malin hein, Coalman ? Parce qu'il commence à découvrir que ce gamin n'est pas seulement bon à décrocher des bonnes notes et être parfaitement lisse, Max a aussi remarqué son penchant à jouer les fiers comme lui.

- Tu te débrouilles pas mal. Felix est insolent mais encourageant. C'est facile pour lui de faire des pirouette, en caleçon il pèse trois fois rien. Lorsque Max arrive pour mettre les mains sur ses épaules, il sourit en espérant que le rouge de ses joues a eu le temps de disparaître avec le bain. L'eau retrouve une surface lisse, chacun accrochés à leur bouée, on diraient qu'ils célèbrent silencieusement la première victoire de Max sur sa peur. Felix est serein et ne voit pas venir l'attaque lorsque le blond l'éclabousse. Tout en riant, il boit la tasse et se met à cracher, restant sur place tandis que son agresseur s'éloigne dans le petit bain.

- Si tu veux jouer à ça, Graham ! Il ne faut pas lui dire deux fois. Comme tous les chatons de son âge, Felix aime jouer. Il plonge tout à coup et disparaît de la surface pour remonter juste à côté de Max et retourne sa bouée. Le rondin de plastique tourne sur lui même et les enferme en son centre. L'espace est exiguë, plus qu'il ne l'avait imaginé à vrai dire. Son corps effleure celui de Maxym dans les remous de l'eau, Felix est juste assez grand pour avoir pied et garder sa tête à l'air libre. Tu sais ce qu'on fait aux tagueurs de casiers ? On les coule. Menace en l'air, il ne s'agit que d'un prétexte pour plonger ses bras sous ses cuisses et le décoller du sol pour lui faire peur. Ce qu'il y a de bien dans l'eau, c'est qu'une fois déchargé des vêtements, même un type comme Graham devient aussi léger qu'une plume. Felix n'a aucun mal a le porter, il n'a pas non plus la pudeur qu'il devrait avoir en sentant son corps s'embraser.

L'effet est immédiat, comme si tout son corps rougissait en plus de ses joues. Il a chaud malgré l'eau tiède et se sent pris au piège de sa propre farce en voyant les parois de la bouée se resserrer autour de lui. C'est comme s'il paniquait soudain, une espèce d'angoisse qui le prend à la gorge et lui fait se demander ce qu'il est en train de faire ; pourquoi ce geste anodin devient tout à coup plus excitant que tout ce qu'il connait. Pourtant, dieu sait qu'il en connait des choses ... Y'a qu'a voir sa moyenne en générale. Avec ce rapprochement, Felix se souvient du milk-shake à la fraise et des rayons de la lune sur le visage de Max. C'est à ce moment là seulement qu'il réalise un truc encore plus bizarre que tout le reste : Max lui a manqué. Il pourrait lui dire qu'il lui en veut d'avoir été la cause de sa privation de sortie mais quelque chose lui dit que c'était un mal pour un bien. Une espèce d'abstinence destinée à les faire se retrouver ce soir pour que Felix puisse constater les faits. Lui qui accorde de l'importance aux détails perd un peu de son aplomb. Ces derniers le troublent et rendent sa prise plus molle sur les cuisses de Graham. Son sourire se fane, il a finit de jouer : Je vais y aller.

Il a besoin de respirer, d'être loin de sa bouche et de ses yeux si bleu qu'ils font de l'ombre à l'éclairage de la piscine. Voilà déjà qu'il le repose, inquiet d'avoir agit de la sorte mais surtout perturbé par le désir qui l'habite. Felix n'a pas l'habitude du désir. Il a bien essayé de regarder des films de cul, comme tout le monde, mais ça ne lui fait pas d'effet. Il trouve les filles vulgaires, se sent coupable quand il se dit que ça serait mieux s'il n'y avait que des garçons. C'est la première fois qu'il se sent aussi attiré physiquement par quelqu'un, il ne sait pas comment réagir ; le repli stratégique lui semble être la solution la plus intelligente pour ne pas commettre de geste regrettable. Il ne laisse pas le temps à Max de le retenir, de l'insulter où de le pousser à nouveau. Prenant une grande inspiration, Felix passe sous la bouée et remonte déjà les marches pour récupérer ses vêtements. Sa fuite pourrait être plus rapide si ces derniers étaient secs mais ils sont aussi mouillés que lui et enfiler son jean devient impossible. Felix peste puis abandonne en s'asseyant sur un transat. La tête entre les mains, son t-shirt pendant sur ses épaules, il se concentre, préférerait que Max ne soit pas là pour le voir aussi perdu dans ce qu'il ressent.

C'est qu'il est parfaitement vulnérable là, replié dans sa bulle où personne n'entre jamais. Parfois il décroche et ramène ses genoux à sa poitrine, comme il est en train de le faire. Ca lui permet d'imaginer que rien d'autre n'existe autour de lui. Alors il fait le point et sent monter en lui comme une envie de pleurer. Peut-être que les rumeurs ont raison ? Peut-être qu'il est vraiment gay ? Si c'est le cas, il se sent complètement abattu. Felix aurait préféré que son attirance ne soit pas portée sur le seul type qu'il est sûr de ne jamais avoir comme petit ami. C'est quand même dingue de ressentir ça ! Pour lui, c'est trop : il a besoin de partir dans un monde où les questions sur les genres n'ont plus d'importance. Un monde où rester seul avec Max n'aurait pas cette saveur d'amour naissant qui lui fait boire la tasse alors qu'il n'est même plus dans l'eau.

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Félix est tellement plus à l'aise dans l'eau qu'il va beaucoup trop vite pour l'ours qu'est Graham. Ses yeux le cherchent et le retrouvent finalement contre lui. Leurs corps s'effleurent tandis que Max s'accroche à la bouée face à la menace. Bien sûr qu'il a la trouille, qu'il paniquerait certainement si on venait à lui mettre la tête sous l'eau même pour quelques secondes. Il essaie d'être à l'aise, oui, mais pas au point d'avoir confiance en cet élément qui l'impressionne. Sa mère qui croit en l'ésotérisme lui a toujours que c'était normal, son signe astrologique est de la terre : le taureau. Et autant dire que Max en est, un animal un peu sauvage qui n'hésite pas à taper du pied et froncer dans le tas, un espèce de bourrin qui se sent pourtant comme un chiot une fois dans une piscine. Son corps se crispe lorsque Félix le soulève mais un rire éclatant quitte ses lèvres. Le blond se débat mais son camarade cesse brutalement le jeu comme s'il venait de lui faire mal ou une bêtise du genre. Le plus vieux se retrouve tellement bête qu'il ne bouge pas, planté au milieu de la bouée, il le laisse partir alors que lui n'ose rien dire. L'alcool lui enlève de sa grande gueule. A moins que ce ne soit Félix qui possède cette attraction sur lui. Le souffle coupé, il s'avance jusqu'aux escaliers, soulève la bouée pour la jeter plus loin dans le bassin, là où il n'a certainement pas pied. Max ne va pas embêter Félix, se contente de quitter l'eau alors qu'elle ruisselle le long de sa peau dans une caresse agréable. La fraîcheur de la nuit contraste avec la température de la piscine et le fait frissonner. Le gamin claque un peu des dents.

Graham n'enfile pas ses vêtements, il sait qu'il est encore trop mouillé pour parvenir à quelque chose et passe ses mains dans ses cheveux afin de les mettre vers l'arrière, enlever le surplus d'humidité qui lui tombe sur les yeux. Son regard est timide mais il le pose en direction de Félix. Une longue inspiration puis il par s'asseoir à côté de lui. Le silence a un regard étrange au dessus de leur tête, comme s'il tentait de les préserver ou quelque chose comme ça. Il le touche pas, il garde même une distance de sécurité et le regarde avec cet air de chien battu. La musique s'est calmée de l'autre côté des murs et il craint de les voir tous débarquer pour sauter dans la piscine et les envahir. Max devra y retourner, faire semblant de ne pas avoir peur, accepter que Donald le noie et s'engueuler avec lui parce qu'ils ne savent rien faire d'autre que se piquer le nez pour se reparler aussitôt. Enfin, ses pupilles dégringolent sur le sol qu'il fixe, analyse, les traces de pieds de Félix à côté des siennes semblent elles aussi minuscules. Il voudrait avoir l'air plus jeune, perdre ses traits de jeune homme pour avoir les siens, plus enfantins. Avec sa gueule de mec, tout le monde considère Max comme un adulte alors qu'il n'en est rien.

J'ai fait quelque chose de mal ? Peut-être que c'est à cause du mur et qu'il lui en veut vraiment. Peut-être qu'il aurait mieux faire de partir, de lui foutre la paix et s'en tenir aux cours de chimie. Le souffle coupé, la bière est en train de lui brûler l'estomac mais Max enchaîne d'une voix plus douce, loin de l'acidité que produit son système digestif. Enfin laisse tomber, je vais y aller de toute façon. Merci pour le cours de natation. Faut croire que Félix est bon qu'à ça : lui apprendre des choses et finalement le laisser tomber. Quand on est saoul on lutte pas parce qu'il a déjà vu son père avoir des paroles déplacées et des gestes qu'il voulait pas. Fin non, il frappe pas sa mère, jamais mais il balance des trucs, c'est aussi effrayant. Il a pas envie de faire flipper Félix, il l'aime bien. Sans compter qu'il lui trouve un truc à chaque fois qu'il fait le malin. Max a encore envie de le voir frimer, ce serait con de tout gâcher parce qu'il en a marre de voir sa tête.

Maxym n'est pas discret. Lorsqu'il s'assied sur le transat, Felix le grille sans même avoir besoin d'ouvrir les yeux. Il sait que le blond le regarde, pose son front contre ses genoux pour ne lui offrir qu'une moitié de visage a analyser. Cette situation est horrible ; le chaton a l'impression d'être passé aux rayons X. Il sent la chaleur du regard du plus vieux contre sa peau ; elle suffirait presque à faire sécher l'eau qui coule encore du pan de son t-shirt. D'habitude, ça ne le dérange pas qu'on le regarde mais, face à Max, il a l'impression d'entrer en ébullition. Une écrevisse que l'on balance dans la marmite sans se soucier qu'elle souffre derrière sa carapace. C'est pour ça qu'il ne répond pas à la première question. Dans le fond, Felix sait bien que Graham ne le fait pas exprès, mais il lui en veut un peu de le mettre dans cet état. Lui préfère quand tout est sous contrôle, qu'il gère convenablement les rouages de sa mécanique interne sans se retrouver parasité par des hormones qui le rendent entreprenant. De rien. C'est tout ce qu'il trouve à répondre, redressant la tête et faisant un effort pour accorder un regard à Max alors qu'il a peur de se faire éblouir une fois de plus par son visage angélique. Peut-être qu'avec ses yeux il parviendra à lui faire comprendre qu'il n'a rien a se reprocher ? C'est ce qu'il essaye de faire, en tout cas, lorsque des cris d'allégresses en provenance de la maison le font sursauter.

Les autres ados arrivent, beaucoup plus saouls que tout à l'heure ; assez pour oublier de se moquer à nouveau d'eux mais pas suffisamment pour les laisser tranquilles : Hé les garçons ! Allez, venez, il nous manque deux mecs pour jouer à la bouteille ! Felix cille, stupéfait par le pouvoir de l'alcool sur le comportement humain. Quelques bières dans le chaudron collectif et le voilà devenu acceptable pour servir de bouche-trou. Cette fille peut toujours courir !

Du moins c'est comme ça qu'il voyait les choses avant qu'un grand roux ne se mette à courir dans leur direction. Apeuré par la bête, Felix se lève soudainement, prêt à bondir en arrière pour éviter une attaque mais c'est Max qui est la cible du sauvage. Ce dernier éclate de rire en promettant à son pote qu'il n'y échappera pas cette fois. Emporté comme un sac à patates, Graham disparaît de sa vue en quelques secondes. Il faut croire que ce Donald est fait du même bois que sa victime et que sa poigne est solide ... Bon alors, tu viens où pas, le chat ? Felix dresse l'oreille et fronce les sourcils. Il n'a pas envie de jouer avec des gens aussi bêtes que ceux qui viennent d'emporter Max. D'ailleurs, il ne sait pas en quoi consiste le jeu de la bouteille et n'est pas curieux de le savoir. Ca ne doit pas voler très haut pour que des adolescents ivres puissent y participer. Malgré tout, il jette un coup d’œil aux vêtements laissés sur le transat. Felix imagine Max en train de mourir de froid en sous-vêtements. En plus, il a bien vu la tête qu'il faisait en se faisant capturer. Ce dernier n'avait pas l'air enchanté à l'idée de participer au jeu ... Oh, le chat, j'te parle ! Je suis pas ton chien ! Réplique mauvaise tandis qu'il se secoue puis la suit dans le garage où un petit groupe de jeunes sont déjà assis en cercle. Felix marche vers Maxym pour lui rendre ses vêtements mais la fille l'attrape par les épaules et l'oblige à s'asseoir loin de lui. De la où il est, il voit le roux murmurer quelque chose à l'oreille du blond. Mais bon sang, qu'est ce qu'il fout ici ? Tout le monde glousse tandis que Felix s'attend à ce qu'on lui explique les règles. Ce qu'il ne sait pas, c'est que tous les autres les connaissent et qu'il n'y aura pas de résumé avant que le ciel ne lui tombe sur la tête.

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De rien.
Il a envie de le secouer, de lui demander s'il se fout de sa gueule de lui répondre juste un de rien à deux balles. De rien, il doit y lire quoi ? Entre les lignes peut-être ? Même pas, ça tient sur une seule, y a rien entre les espaces, juste du vide et le regard de Félix est au moins tout aussi vaste. L'esprit embrouillé, Max ne sait pas s'il a fait une connerie et voudrait bien le harceler de questions mais son père lui a appris ce qu'était la fierté. Apparemment c'est une chose très importante qui permet aux hommes d'aller loin. Loin, ça dit pas où exactement, juste après l'horizon ou alors à l'autre bout de la terre. Aller loin dans la vie, c'est trop vague, il lui faudrait des explications. Qu'importe, il utilise sa fierté pour se taire et un grand sourire se dessine sur le visage de Max en voyant Donald. Le roux est le seul capable de lui faire oublier ses questionnements à deux balles même s'il l'agace avec son comportement de sale emmerdeur. Donald est le Maurice de Max, aussi simple que ça. On force le gamin à se joindre au jeu, regrette de ne pas avoir plus bu pour que ce moment soit moins insoutenable.

En cercle autour de la bouteille, Max adresse un regard en direction de Félix mais rapidement, Donald vient lui chuchoter des conneries à l'oreille qui le font marrer de toutes ses cordes vocales. Il lui confesse l'espoir de tomber sur Ophelia au roulage de pelle. Le blond n'a pas le temps de répondre, l'esprit encore embrumé par le comportement du chat et plante son regard sur la bouteille qui le stresse à chaque fois qu'elle passe devant lui. Il est en train de prier pour qu'elle ne tombe pas sur lui et se sent soulagé à chaque fois qu'elle l'épargne et que les paris bidons tombent les uns après les autres. Donald tire la gueule lorsqu'on lui désigne une fille qui ne lui plaît pas à embrasser et Max ne peut s'empêcher de se foutre de sa gueule, de lui donner une tape dans l'épaule alors que le roux se met à râler avant de reprendre place à côté de son ami.

Lorsque la bouteille vise Félix, il y a un moment de silence parce que personne ne sait comment le gamin va réagir. Maxym redresse ses yeux bleus vers son camarade, le mouvement est instinctif ; il essaie de savoir ce qu'il pense alors que tous les regards sont posés vers lui. Première fois que le chat devient le centre de l'attention ; lui qui était jusqu'ici transparent, inutile, méprisé. La plupart autour de ce cercle le prennent pour un dégonflé et n'ont qu'une hâte à présent : se foutre de sa gueule.
Son sort est pourtant scellé avant même que la goulot ne l'ai pointé.
Le prochain devra embrasser la personne de son choix avec la langue.
Il trouve ça terrible comme gage. Jusqu'ici, personne n'avait le choix du partenaire. Qu'importe qui Félix choisira, cela remuera les foules. On lui inventera des raisons.
Max ne se rend même plus compte qu'il a froid, torse nu au milieu des autres, encore humide de la piscine.

Au premier tour de bouteille, Felix est partagé entre l'indifférence - il ne voit pas pourquoi tous les autres sont si excités à l'idée de jouer à ce jeu - et l'exaspération de ne pas être mieux informé. Il aurait peut-être du se contenter de déposer les vêtements de Max devant la porte du garage et partir sans s'attarder ici. Lorsque le premier désigné se met a embrasser l'oreille de sa voisine, le chaton se crispe. Il n'a pas envie d'embrasser l'oreille de quelqu'un et encore moins qu'on vienne mettre des dents pleines d'appareils dentaires dans la sienne. De plus en plus réticent derrière son silence attentif, il garde au fond de lui le trouble laissé par Graham et s'applique à ne jamais le regarder. Bizarrement, maintenant qu'il a compris que le but du jeu était de trouver des prétextes pour toucher les autres, les yeux bleus de Maxym lui font un peu peur.

Lorsque la bouteille s'arrête sur lui, Felix crispe la mâchoire. Il voit bien que certains regards font la navette entre Max et lui au moment de se taire pour le laisser choisir quelqu'un. Là, tout de suite, même s'il reste impassible parce qu'il sait qu'il n'a pas le droit d'afficher la moindre faiblesse, Felix se sent pris au piège. Il n'a pas envie de se plier à la règle d'un jeu aussi nul mais ne souhaite pas non plus laisser croire aux autres qu'il est un dégonflé, une petite nature qui s'écrase et prend la fuite comme il l'a fait tout à l'heure face à ses émotions. S'il se laisse intimider, il finira avec toute la bande du lycée sur le dos, ce qui est hors de question ; un seul à gérer c'est déjà bien assez. Une semaine à peine depuis l'interro de chimie et regarde un peu le bordel que Max a déjà foutu dans son crâne ...

Des rires commencent à se fait entendre. Les moins patients du groupe supposent déjà qu'il est en train d'abandonner. En réalité, Felix réfléchit à toute vitesse, analyse la situation avant d'arrêter son choix car il sait que, quoiqu'il fasse, il finira par le payer cher. D'abord, il se dit qu'il pourrait choisir une fille dont le flirt officiel se trouve aussi dans le cercle, histoire de provoquer une dispute et de couper court à cette épreuve. Il s'imagine aussi répondre qu'il est malade et qu'il ne veut contaminer personne mais ça ne prendrait pas. D'une part parce qu'il n'est pas malade, de l'autre parce que ça lui ferait plaisir de tous les voir tousser lundi, lors de l'entraînement de basket. Au moins, pendant ce temps, ils ne s'amuseraient plus à lui jeter la balle à la figure.

Après un long moment d'hésitation, Felix se lève et se place au centre du cercle. Il sait qu'importe son choix, c'est fini pour lui : cette histoire d'homosexualité le suivra jusqu'à la fin de l'année scolaire. Il n'a pas le capital sympathie de Maxym, a lui on ne pardonnera pas d'avoir été là au mauvais endroit au mauvais moment, à peine si on écouterait la vérité sur ce qu'il s'est réellement passé dans les toilettes. Pour Graham, en revanche, tout n'est pas perdu. Lorsqu'il se tourne vers lui, Felix se dit qu'il tient peut-être sa chance de se racheter pour tout à l'heure. En croisant son regard, il se souvient de son profil triste au bord de la piscine et décide de prendre sur lui pour faire bouclier. D'un pas lent, tandis que tous les autres retiennent leur souffle, il avance en avalant sa salive. La déglutition est difficile, preuve qu'il n'en mène pas large malgré sa volonté farouche de ne pas baisser les yeux et de garder la tête haute. Arrivé face à Max et son copain, Felix commence par se mettre à genoux et replace ses cheveux mouillés en arrière. Ça chuchote autour de lui mais il n'en a rien à faire. On ne lui fera pas croire que personne ne s'attendait à le voir s'arrêter de ce côté là du cercle ...

Pourtant, tout le monde ouvre grand la bouche lorsqu'il passe à quatre pattes pour avancer lentement vers Donald, le regarder avec ce même regard brillant qu'il adressait à Graham tout à l'heure, sur le transat. Lorsque son visage se rapproche de celui du rouquin, Felix fait un effort pour ne pas fermer les yeux. S'il le faisait, sûr qu'il verrait à nouveau le visage de Maxym au milieu de la bouée, or il fait présentement tout ce qui est en son pouvoir pour l'occulter de son champ de vision et garder la tête froide. Sa présence est bien là, cependant, à moins de trente centimètres du duo improbable qu'il forme en se penchant toujours plus sur Donald ; Felix la sent comme une radiation et doit se concentrer pour ne pas perdre le fil de son petit jeu de chat. Sûr de lui, il sait ce qu'il fait sans réellement le savoir, agit d'instinct tout en n'ayant pas encore conscience que son corps de garçon a déjà cette touche de grâce sensuelle qui fera tourner bien des têtes lorsqu'il sera adulte. Dans cette position, tel un félin, le dos cambré et le t-shirt collé à sa peau, Felix a de quoi impressionner ses camarades. Son attitude sulfureuse déstabilise l'assemblée, provoque de la gène mais aussi de la fascination. Il décoche un sourire espiègle au rouquin. Alors ? C'est qui le gay maintenant ? Ses lèvres narquoises se rapprochent comme pour le provoquer alors que la seule idée de l'embrasser le répugne mais il fait comme si ça lui plairait beaucoup. On appelle ça " mettre la pression ". Son père est doué pour ce genre de tactiques, surtout lorsqu'il lui gronde dessus. Le truc c'est de trouver la plus grande peur de la cible et de la lui renvoyer au visage ... Et ça marche ! Le roux, qui était déjà en train de grimacer, pousse un rugissement de protestation et recule pour éviter le baiser. Aussi innocent que peut l'être un comédien lorsqu'il berne son public, Felix pose les fesses sur ses talons et lèves les mains en direction des autres, faussement déçu. Je crois qu'on peut dire que Donald est éliminé, il ne joue pas le jeu. Un avocat devant le jury, pertinent et factuel pour noyer le poisson ni vue ni connu en jouant sur l'homophobie du meilleur copain de Max. Il ne le montre pas, mais il est terriblement soulagé que le roux ait reculé au dernier moment. Si son plan avait raté, il serait avec sa langue dans sa bouche à cet instant. L'horreur.

D'accord, il va passer pour un type louche qui court après les garçons plus vieux que lui mais ce n'est pas grave ; il n'écoutera pas les rumeurs dans son dos et s'imagine que son petit numéro de charisme lui rendra la vie moins dure lundi matin. Il parait qu'ils ne sont pas nombreux ceux capables de moucher les gros bras comme Donald. Au moins, maintenant, plus personne en croit que Max est gay. Max est comme son meilleur ami : une victime de ce taré de Coalman.

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Maxym est tendu mais personne ne le remarque car tout le monde est d'abord focalisé sur Félix. Et dans la nuit, sous les quelques lumières du grand jardin, à quelques mètres de la piscine, l'énergie que dégage le chaton est plus belle que n'importe quelle eau turquoise. Il comprend, soudainement, pourquoi tout le monde le regarde, lui. Pourquoi même dans la colère et la moquerie, la brindille attrape toute l'attention au vol. Même le blond ne parvient pas à dégager ses pupilles de son visage. Son coeur rate un battement alors qu'il inspire, la mâchoire vissée. Il y a un sentiment qui éclot alors que Félix s'approche lentement du duo. Difficile de dire s'il va s'attaquer à Maxym, la logique voudrait que oui mais le sort tombe finalement sur Donald. D'abord, il y a cette sensation de soulagement qui le traverse. Le blond se dit qu'il n'aura pas à faire attention pour ne pas éveiller des rumeurs. L'énergie que met son camarade à faire monter la pression auprès du roux termine par le mettre mal à l'aise. A croire qu'il a fait ça toute sa vie et que Max n'invente pas la chaleur au bas de son ventre. Graham pose instinctivement ses mains contre son nombril histoire de contrôler ce qu'il se passe dans son slip froid. Il est en train de bénir la fraîcheur de la nuit qui l'empêche de partir en vrille totalement. Max termine par lâcher du regard Coalman pour fixer un point invisible, ailleurs, loin de ces lèvres sur le point de s'effleurer et de Donald qui termine par râler, le repousser. Peut-être qu'il aime ça, au fond, lui aussi ? Difficile à dire. Tout le monde se retrouve figé face à la beauté étrange de la scène. Ce n'est plus un intello, plus un adolescent méprisable mais un adulte dans un corps trop frêle. L'attraction et le charisme du chat sont si forts qu'il faut à l'assemblée quelques secondes pour s'en remettre. Même Max ne le regarde plus.
Une seule lettre sépare Félix de félin.
Il sait pourquoi maintenant.

Je crois qu'on peut dire que Donald est éliminé, il ne joue pas le jeu.
C'est à ce moment là que Maxym s'éveille pour tenter de tempérer son ami qui part immédiatement dans les tours. Donald bombe brutalement le torse et le blond sait ce que cela veut dire : il est prêt à se battre, lui foutre une raclée dont Félix ne pourra pas sortir indemne. Le blond n'a pas le temps de le rattraper qu'il lui fout déjà un coup de poing dans la mâchoire. Donald ! La voix de Max résonne si fort que le roux se fige, le corps tendu, les poings serrés. Leurs yeux se rencontrent. Max pose sa main sur l'épaule large de son frère (c'est comme ça qu'il le considère). C'est un jeu, c'est bon, tu vois pas qu'il te charrie ? Les doigts de Max attrapent son menton, la peau claire du roux est si lumineuse qu'elle l'apaise à lui aussi. Bizarrement, eux, personne ne les a jamais soupçonné gay alors que leurs comportements sont bien plus douteux que ceux de Félix. Blessé dans son égo, le colosse se redresse quand même pour se barrer dans un coin de jardin et recoudre les déchirures de sa fierté. Le regard de Max atteint finalement le gamin trop fier de lui pour que le reste de leurs amis ne soient pas de son côté. La jeunesse veut que le dernier qui a pris la parole soit celui que l'on suive.

T'es obligé d'en rajouter une couche ? Il a toujours eu du mal pour supporter les moqueries envers Donald. Tu peux lui faire n'importe quoi, t'attaquer au plus tendre des êtres mais son meilleur ami ... Max entre immédiatement dans un sentiment de protection qui le dépasse. S'en prendre à Donnie, c'est s'en prendre à lui. Son regard cherche le roux mais ne le trouve pas ; il est au courant avec le temps que le réconforter dans sa colère ne fera que rendre les choses plus difficiles. C'est pourquoi le blond reste là, installé dans ce cercle alors que le jeu de la bouteille cesse. Certains râlent sur Donald, d'autres disent qu'ils doivent rentrer et les derniers sautent dans la piscine là où Félix et Maxym se trouvaient quelques minutes plus tôt. Il a la sensation que leur temple vient de se faire violer. Leur complicité se noie sous les remous que causent leurs corps agités dans le bassin. Je t'ai connu plus malin. A nouveau, le jardin reprend sa fonction de jardin. Max quitte sa bulle où seul le profil de Félix avait de l'importance et ses pupilles atteignent ses traits. Des restes de colère toujours placardés sur ses traits, Max sait qu'il devra encore une fois supplier Donald de le pardonner même s'il n'a rien fait. La brute rousse a toujours eu le dessus sur le blond qui se laisse trop faire sans jamais le remettre à sa place.
Sans son ami, il serait malheureux.
Et il espère que Félix a bien mal à la mâchoire. Ce serait la moindre des choses.

Il se passe alors quelque chose que Felix n'avait pas prévu : la riposte après la fuite. Lorsqu'il voit venir le poing de Donald, il est déjà trop tard pour esquiver. Plaqué par la douleur, son corps accompagne le mouvement, ce qui l'oblige à poser une main à terre pour ne pas tomber. Il croit d'abord que les huées dans son dos lui sont adressées et se retrouve surpris de constater que les autres blâment en réalité le roux pour son comportement. Quelqu'un l'aide même à se redresser tandis que Felix grimace à la fois de douleur et de satisfaction. Il est moqueur, ça se voit. Lui qui n'avait déjà pas beaucoup de scrupules à tourmenter ce sauvage se retrouve désormais libre de toute compassion lorsqu'il lève son majeur dans le dos du déserteur, faisant rire le groupe par son audace.

T'es obligé d'en rajouter une couche ?
Douche froide. Soudain, Felix reprend conscience de son t-shirt qui lui colle à la peau et de la superficialité de cette victoire qui n'en est pas une. Il n'a pas fait ça pour humilier le roux ; tout ce qu'il voulait c'était rendre ses fringues à Max. Si on ne l'avait pas enrôlé dans ce jeu à la con, jamais le blond n'aurait eu a le fusiller du regard comme c'est le cas à présent. Ayant soudain l'impression de se dégonfler comme un pneu, Felix hausse les épaules tandis que les autres se dispersent, déçus que le jeu s'arrête en si bon chemin. Entre le départ des uns et les projets des autres de finir dans la piscine, le chaton se hérisse. Deux filles sont venues lui faire la bise pour lui dire au revoir et qu'elles le trouvent mature d'avoir recadré Donald. Apparemment il aurait déjà mis une main aux fesses de l'une sans lui demander la permission !

Felix reste planté là, songeur, a se masser la mâchoire. Il aimerait bien rentrer maintenant, sa maison est à vingts minutes de BMX et il commence à avoir froid. La voix de Max le sort de ses pensées, l'oblige à remettre à plus tard le choix de l'excuse qu'il servira a sa mère pour justifier l'hématome qu'il aura probablement demain au réveil. Pfff, qu'est ce que tu voulais que je fasse d'autre ? Son ton est cassant tandis qu'il se penche pour récupérer les vêtements de Max et les lui fourrer dans les bras. Bonne nuit ! Impulsif, il s'en va en ronchonnant dans sa barbe contre l'ingratitude de Graham. Avec tout ce cirque, le blond est certain qu'on le laissera tranquille désormais et qu'insinue-t-il en retour ? Que Felix est bête ! Si c'est comme ça, alors il faudrait peut-être penser à abattre Donald. Lui, c'est vraiment le rois des idiots.

Sans dire au revoir à Stan, Felix contourne la maison et se rapproche de son vélo. Le jean qu'il a enfilé à la hâte tout à l'heure le serre et rend ses mouvements beaucoup moins fluides que lorsqu'il est sec. Il peine à lever la jambe par dessus le cadre et ne perd pas plus de temps avant de se mettre en route, cherchant à réchauffer son corps en pédalant à toute vitesse. Ce soir, il a l'impression d'avoir ouvert une porte derrière laquelle il ne soupçonnait pas ce qu'il allait trouver. Ce n'est pas que la porte des toilettes, c'est aussi une image dans sa tête. Une prise de conscience qui le tourmente autant qu'elle le libère. Au fur et à mesure que le vent sèche sa peau en le faisant frisonner, Felix trouve des réponses à des questions qu'il ne se posait même pas. En fait, s'il a pas de copine, c'est peut-être parce qu'il préfère les copains ...

* * *

Lundi matin, première heure.
Il y a toujours un attroupement d'élèves devant le lycée. Comme a son habitude, Felix arrive en vélo. Son mensonge a survécu au week-end, une histoire de chute dans la douche avec de faux bruitages pour être plus crédible. Felix a fait ça bien, il n'a pas envie que sa punition soit prolongée. Hier, sa mère est venue le voir dans sa chambre, les yeux tendre parce qu'elle avait de la compassion pour sa blessure. Son élan de sentimentalisme l'a poussée à faire pression sur Jeremiah pour qu'il allège un peu la peine; Désormais, Felix peut retourner à l'équitation mais il n'a toujours pas le droit de sortir seul. Tandis qu'il traverse la cour pour garer son vélo, il constate que tout le monde chuchote sur son passage. Ca devient une habitude, c'est pourquoi il a prévu le coup : une fois le BMX sous clé, il enfile les écouteurs de son walkman et attend que la cloche de début de cours sonne dans un couloir, assis par terre contre le mur. Il ne sait pas comment cette reprise va se passer. Une multitude de scénario lui sont venus à l'esprit durant le week-end jusqu'à ce qu'il décide d'arrêter de se torturer l'esprit.
Felix a décidé d'improviser. Preuve est faite que ça lui réussi plutôt bien dans cette jungle qu'est le lycée. Cette boum lui aura au moins appris une chose : pour lutter contre les imbéciles, il suffit d'être sans gêne. C'est ce qu'il est en ouvrant son sac à dos pour en sortir un chewing-gum même si c'est interdit en classe. De toute façon, le prof d'économie est nul, il ne connait même pas les formules que Felix a cité dans sa copie, lors de la dernière interrogation. Un papier tombe par terre. Il le ramasse et voit son profil avec les oreilles de chat. Plus que la matinée, c'est l'après-midi qui l'inquiète. Après le déjeuner, il a basket avec Graham et Donald. Quelque chose lui dit que les retrouvailles seront éprouvantes ...

Lors du déjeuner, Felix arrive au self avec un plateau rempli de briquettes de lait à la fraise. Il n'y a que ça, pas de plat, pas d'entrée, juste du dessert car c'est son préféré et qu'il pourrait s'en gaver du matin au soir. Dans la salle bondées et bruyante, le chaton cherche des yeux une table au calme et va s'asseoir dans un coin en remettant son casque. Manger en écoutant de la musique lui donne l'impression d'être dans un clip de David Bowie, ce chanteur qu'il adore et que sa mère trouve bizarre. Sa musique le détend, il en a bien besoin. Dans trois briquette de lait, ce sera l'heure de se rendre au gymnase. Felix a beau se moquer de l'avis de Donald et de son clan, la perspective de revoir Max l'empêche de tenir en place. Il gesticule et se demande comment son corps va réagir si le blond vient au contact pour lui voler le ballon.

S U B M A R I N E félix&maxym

Depuis qu'il s'est attardé sur Félix, plus rien n'est pareil. Je t'assure, c'est comme si ce gamin avait déréglé toutes les mécaniques de son corps et que Maxym devait dealer avec depuis. Un jour il a hâte de le voir et le lendemain, il a juste envie de le fuir. C'est con à dire mais quand il enfile son sac à dos pour prendre le bus, qu'il prend place tout au fond avec les autres cons de sa trempe, il se dit qu'il est content de pas le voir, qu'il se sent soulagé de pas l'avoir dans le périmètre et que tout ne peut que bien se passer. Avant que Coalman soit là, Max était là, tranquille, le nez dans ses bêtises et ses dessins par centaine. Il avait la vie devant lui, la tête plongée dans les étoiles ou ce ciel nuageux comme aujourd'hui et tout allait bien. Puis il y a eu cet astéroïde, cette boule lumineuse dans ses pensées et depuis, tout se touche, comme si son esprit produisait de l'électricité et qu'il cessait jamais de faire des court-circuits. Un jour Max en parlera forcément à Maureen, sa petite soeur mais en attendant il trouve plus confortable de le détester. Pas d'une haine violente, pas une qui lui fera sortir les poings. Juste tu sais ... en vouloir à quelqu'un pour oublier ce qui se trame sous la surface. Petit il aimait soulever les pierres et regarder les insectes dessous mais là, il sait que des dragons en sortiront, des chimères prêtes à le prendre par la main et l'embarquer dans un univers où il refuse d'aller.

Alors, le moteur du bus qui fait vibrer son corps est une mélodie appréciable. Son front contre la vitre froide, il a mal dormi ce week-end d'où ses cernes qui font ressortir ses yeux bleus mais aussi son silence. Max a perdu de sa fougue, l'énergie laissée sous l'oreiller et le coeur lourd du début de semaine. Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi ; il pourra respirer que samedi. En attendant, apnée.
Le bus s'arrête, Max attend que tout le monde descende pour faire ensuite de même, ses pas sont lourds, ses muscles sont tout mous, les cours de sport seront difficiles aujourd'hui mais il ose croire qu'il se dégourdira avec l'effort. Le blond inspire, il est le seul à dire merci et au revoir au chauffeur.

Les cours passent comme les autres jours de la semaine mais aussi des mois. Pas de différence. Sauf celui d'économie où il le passe à jeter des regards en direction de Félix qui ne le regarde pas puisqu'il est quelques rangs devant. Personne ne remarque le jeu de Graham, même pas Donald qui somnole à côté de lui encore énervé du jeu de la bouteille. Il lui a demandé de mettre une raclée à Coalman avec lui. Max a accepté, comme ça, incapable de dire non, persuadé que son ami finira par passer l'éponge avant. Il avisera, difficile de penser correctement quand la tête est ailleurs, quelque part entre les pages du livre de Félix ou bien dans sa trousse, à moins que ce ne soit dans son casier.

La cantine, une jungle au milieu de la jungle. Là que des cons volent les plus faibles, bouffent la nourriture de ceux qui se la sont payées. Si t'es seul à table c'est que tu vaux pas grand chose, que t'as intérêt à vite te trouver un compagnon de table pour pas passer pour un loser. Maxym regarde souvent des films qui se passent dans les prisons. Ici c'est un peu pareil, les plus forts ensemble, quelques autres forts à une autre table à défier les adversaires, les nuls dans un coin mais des nuls avec des amis alors on leur fout la paix. Les laids, les défavorisés ont une fidélité pour un membre de leur groupe que tu trouveras jamais nulle part ailleurs. C'est pour ça que les forts évitent de les emmerder, les répercutions peuvent être parfois violentes.
Puis y a Félix. Seul avec ses écouteurs comme s'il avait besoin de personne, qu'il était tellement mieux que tout ça. On chuchote autour de lui mais ça ne l'atteint pas et Max se demande comment il fait alors que lui serait certainement resté dans son lit à simuler un virus. Il inspire, laisse Donald s'approcher de Coalman et poser ses deux grosses mains sur la table. Le roux se penche, les filles autour sont impressionnées. Faut dire qu'il est beau Donald, tellement plus que Graham encore.
Hé, tête de gland. Il lui donne une tape sur la tête, les autres se marrent. Max ne dit rien, faut dire qu'il a ses raisons de se venger. On se retrouve au basket ? En plein dans le mille alors qu'il attrape une briquette de lait fraise et se retourne vers Maxym pour la lui donner. Il aime pas la phrase, le roux. Le blond l'attrape, adresse un regard éphémère à Félix avant d'aller prendre sa place à sa table des types forts. La briquette, il se la descend en trois gorgées.

---

Il raterait un cours de sport pour rien au monde. Tout le monde le sait et pourtant personne ne réagit quand Max se plaint de mal au ventre. Peut-être à cause du lait qu'il a bu d'une traite. Ou alors à cause de ce noeud qu'il a dans les tripes depuis des jours et dont il parvient pas à se débarrasser. Dans son jogging, il prend place dans les gradins, sa main posée sur le ventre. Le blond y reste cinq minutes, le temps pour lui de se faire oublier et s'éclipse dans les vestiaires parce qu'il est persuadé que Donald voudra le rendre témoin des ballons balancés violemment dans le ventre de Félix et ce spectacle ne lui dit rien.
C'est comme la corrida de l'amérique latine. Il a jamais compris comment les gens pouvaient y assister sans avoir envie de pleurer devant le taureau à l'agonie.
Son corps s'allonge sur le banc du vestiaire, au milieu des affaires des autres. Le blond parvient par à se tenir et se redresse, part fouiller dans le sac de Félix, ses affaires propres sont là, un t shirt qu'il attrape entre ses doigts pour respirer son parfum. Il sait même pas pourquoi il fait ça, ne se rend pas compte du ridicule que peut causer la scène. Son autre main continue de fouiller, de chercher un quelque chose qui pourrait soulager sa conscience sans savoir quoi, ni même quelle question.
Merde.

Felix n'entend pas le bruit des mains de Donald qui se posent lourdement sur la table mais la vibration de son plateau le fait lever le nez. Comme il a encore la musique sur les oreilles, il n'entend pas l'insulte et peste brièvement lorsque le roux lui tape sur la tête. Qu'est-ce qu'il peut bien lui vouloir encore, cet abruti ? Le regard de Felix accroche celui de Max, comme pour l'encourager à gérer son ami. Pas de réaction. Il hausse un sourcil non pas impressionné mais indigné. Et ça alors, Maxym le cautionne, c'est ça ? Pourquoi ne reproche-t-il pas a Donald que ce n'est pas très malin de se comporter de cette manière ? Il n'y a pas de professeurs aux alentours immédiats mais, quand même, des menaces et de l'intimidation dans le réfectoire ... on a vu plus discret comme coup de pression ! Le nez en l'air, refusant de baisser les yeux, Felix défit le roux du regard même s'il le laisse lui voler une briquette. La langue lui brûle de lui répondre par une provocation qui lui ferait comprendre qu'il n'a pas peur mais il n'a pas non plus envie de se prendre un revers qui lui donnerait l'air d'un hamster avec des joues enflées. Dans l'indifférence générale, Coalman se prépare donc à dérouiller. Il fait ça comme lorsqu'il s'apprête à passer en concours : le regard fixe et l'air concentré. S'il arrive à garder la tête froide, peut-être qu'il parviendra à éviter une partie des sales coups qui vont lui pleuvoir dessus dans les heures à venir. Là-bas, à la table des corps où les muscles ont dépassé le QI, la nuque de Maxym qui lui tourne le dos le laisse de marbre. Il est trop contrarié par le fait que le blond défende l'indéfendable pour prendre le temps d'apprécier la vue, la courbe de ses épaules et le dessin de ses muscles le long de ses bras.

* * *

Comme il fallait s'y attendre, le cours de Basket est un calvaire. Ça commence à l'entraînement par des croche pieds à la sauvette pour essayer de le faire tomber lorsqu'ils tournent autour du terrain. Concentré sur sa course, Felix n'accorde aucun regard à Graham perché dans les gradins. Il a trouvé ça louche qu'il dise qu'il avait mal au ventre et parle vaguement du lait à la fraise alors que lui aussi en a bu et qu'il n'a pas la nausée pour autant. Suspicieux, Felix se demande si ce n'est pas une stratégie de groupe mise au point pour le coincer. Un dans les tribunes pour avoir une vue globale sur la scène et conseiller les autres tandis que le jeu consisterait à striker le chat, où quelque chose comme ça. La suite lui donne tort : Max disparaît mais les ennuis ne s'arrêtent pas pour autant.

Durant les premières misent en situation, Felix évite plusieurs tire mais un particulièrement rapide le frappe à l'endroit pile où il a déjà mal. Ses mains se crispes sur sa mâchoire violette. Personne ne vient l'aider à se remettre, cette fois-ci ; l'élan de sympathie des autres à son encontre n'a, comme il s'y attendait, pas survécu au week-end. A l'école, Felix redevient l'ennemi de Donald que tout le monde adore, même si c'est un gros lourd. Il n'y a que le professeur pour réagir et reprendre son élève. Quant à Felix, on lui accorde le droit d'aller se reposer. Coalman acquiesce d'un air sombre. Il n'aime pas perdre ou avoir l'impression d'être mis en échec. Rester sur la touche ne lui convient qu'un temps. Il est las de voir le roux dresser le majeur dans sa direction chaque fois qu'il lui passe devant. C'est pourquoi il finit par se lever pour retourner au vestiaire  en attendant la fin du cours. S'il ne se montre pas, il sait que le prof finira par l'oublier. C'est toujours pareil à l'entraînement : le groupe finit par se déconcentrer et l'adulte doit faire face sur tous les fronts. Il n'a pas de temps à accorder aux enfants sages qui ne font pas de vagues.

- Qu'est-ce que tu fais avec mon t-shirt ? Il a encore la main sur la poignée lorsqu'il lâche ça, surpris de voir Graham penché sur son sac. Maintenant qu'il y pense, ça fait un moment qu'il avait disparu. Sourcils froncés, il s'avance et récupère son haut pour le fourrer dans le sac dont le dessin des oreilles de chat tombe à nouveau. Agacé, Felix le ramasse et le déplie avant de réaliser de quoi il s'agit. Avec la feuille entre les mains, il se sent pris en flagrant délit de fraternisation avec l'ennemi, n'a pas l'impression de pouvoir la ranger sans qu'un commentaire ne soit fait sur la présence de l'esquisse dans son sac depuis leur milkshake au diner. Dans un premier temps Felix se résigne à tendre le dessin vers Max comme pour le lui rendre, lui faire comprendre qu'ils n'ont plus grand chose à se dire si ce dernier soutien Donald dans son harcèlement, mais il change d'avis et reprend son bien avant même que le blond puisse l'attraper. Tant pis, il n'a pas a se justifier de le garder pour lui. De toute façon Max le lui a donné, non ? Alors si Felix préfère conserver le dessin sans ajouter de commentaire, c'est lui que ça regarde.

S U B M A R I N E félix&maxym

Le t shirt sent bon et lui rappelle ce moment en vélo jusqu'au diner. Il le ramène aussi au dessus du monde avec les ronronnements de Maurice en plus des bruits de la ville. La lumière tamisée des fins de journées New-Yorkaises et l'attente d'un jour nouveau. La couleur des buildings teintée de rosé et de doré lorsqu'on les regarde, au loin, comme s'ils devenaient soudainement tendre comme une carte postale. Pourtant, la ville, lorsqu'on y vit depuis sa naissance n'a rien de l'endroit rêvé où passer ses vacances. Tout ici respire la pollution et une vie effrénée, qui ne s'arrête jamais, même pas la nuit. New York ne prend jamais son souffle, contrairement à Graham qui inspire l'odeur de Félix en fermant les yeux, un instant. Il se perd dans des souvenirs qui l'apaisent alors que son ventre lui fait toujours mal et que son coeur suit le même chemin.
A la ramasse.
Complètement.
Son cerveau anesthésié peine à se rendre compte qu'il est pris au piège. Coalman le ramène à la réalité, lui arrache le t shirt dans une froideur détestable. Est-ce qu'il est comme ça tout le temps ou est-ce qu'il lui réserve ce sort uniquement à lui ? Max se retient de ne pas lui cracher des atrocités à la gueule, fronce les sourcils et se recule du sac dans une fierté qui lui colle si bien à la peau. Dans ce genre de moment, il est le portrait craché de Donald. Difficile de savoir lequel a influencé l'autre durant toutes ces années.

Ça va, je cherchais juste si t'avais pas mon t shirt. J'lai perdu l'autre soir, à la piscine. La seule excuse qu'il trouve quelque part dans son coeur tout étourdit d'avoir été pris la main dans le sac. Max se dit que c'est crédible, que Félix n'était pas là pour voir la fin de soirée, dans quel état il a pu la terminer et pourquoi. En réalité, il est seulement rentré quelques minutes après lui, les vêtements trempes, de la colère dans les veines, juste assez pour l'empêcher de dormir directement. Maureen est venue toquer à sa porte dans la nuit. Elle lui a dit qu'elle l'avait entendu rentrer tard et elle se demandait si tout allait bien pour lui. Généralement quand son grand-frère découche, c'est que les choses sont suffisamment sérieuses pour quitter le nid. Le nid, l'endroit où il pense le mieux à tout ce qui le chagrine. S'il le fuit, ce n'est pas pour sa famille mais pour sa chambre qui alimente toutes ses pensées.

Max se décale instinctivement de tout ce qui appartient à Félix, de tout ce qui porte son odeur. Comme un clébard à l'odorat hypersensible, le grand glisse sur les bancs pour retrouver sa place, ses affaires mises en boule dans son sac. Il regarde par la fenêtre du vestiaire, le ciel est strié par les barreaux de la seule issue possible. Il a la sensation que sa liberté est entravée, qu'ici, il ne pourra pas fuir Félix et son regard plein de reproches. Puis qu'est-ce que tu fous ici, tu me suis ?  Balancer des accusations pour que Félix oublie cette scène, Max ne trouve rien de mieux, n'est pas vraiment fier de son timbre agressif mais il a la sensation de ne plus avoir de bouée ou de cordes auxquelles s'accrocher. Son regard se redresse sur Coalman mais au fond de ses pupilles, c'est évident qu'il y a de la tendresse ou quelque chose qui y ressemble. Si le blond réagit si bêtement, ce doit être parce que ce moment de complicité dans la piscine s'est arrêté si brusquement qu'il n'a pas encore compris ce qu'il avait fait de mal. Avec Donald et tous les autres, tout est tellement plus facile qu'aujourd'hui il se sent complètement démuni face à Félix qui ressemble plus à une énigme plus qu'une solution. Maxym remballe le peu de maturité dont il peut faire preuve, enfile le masque de sa connerie chronique pour tenter de faire déguerpir Félix le plus rapidement possible. Quand il le regarde, là, comme ça, de sa place, il sait que ce sera facile de le faire dégager. Graham remarque que le gamin lui en veut, c'est évident. Il ne saurait dire exactement pourquoi il en est certain mais il le sent.
Comme dans la piscine, il sentait que tout allait bien.
Ce qu'il a pas vu venir se résume au regard que lui offre le garçon maintenant.
S'il était vraiment coupable ?
Il se met à douter.

Graham s'éloigne comme s'il sentait mauvais. Malgré la dent qu'il garde contre lui, Felix se sent insulté, pour ne pas dire rejeté par son comportement. Jusqu'à présent, il n'avait pas l'impression de dégouter Maxym. Est-ce à cause de l'autre soir et de la façon dont il s'est comporté avec Donald ? Le lendemain de la fête, il est descendu regarder un film avec ses parents car sa mère tiens à ce qu'ils passent quelques moments en famille le week-end. Sa manière à elle de se déculpabiliser d'être un fantôme la semaine et peut-être aussi de tenter de créer plus de liens entre Felix et son père. Ca n'a pas très bien marché, malheureusement, et pour cause : Felix s'est retrouvé plus désorienté qu'autre chose.  En entendant sa mère traiter de salope une actrice qui se mettait à quatre pattes comme lui sur Donald, il a d'abord été choqué. Puis son père a dit que cette fille avait au mois le mérite de savoir ce qu'elle voulait. Felix l'a regardé sans rien dire. Lui aussi sait ce qu'il veut, enfin, la plupart du temps. Ce qu'il ne voulait pas, en revanche, c'était de passer pour une salope au regard de Max. Est-ce pour cette raison qu'il s'éloigne à l'autre bout du banc ? Parce qu'il le méprise ? Toutes ces questions le contrarient. Elles se mélangent aux rêves bizarres qu'il fait depuis quelques mois, à l'image encore tenance du visage du blond tout proche du sien, dans la piscine, et à la remise en question qu'a provoqué chez lui la vague de désir ressenti à ce moment là.

Lorsque Max l'accuse de le suivre, Felix le fusille du regard. Il a beau être plus grand, plus fort et du côté de Donald, Felix refuse encore et toujours de se laisser marcher sur les pieds. Ses prunelles soutiennent le regard du blond sans ciller. Il hésite un moment sur le choix de sa réponse parce qu'il ne sait plus s'il a envie de lui dire la vérité, que Donald l'a touché à la mâchoire avec le ballon et qu'il a trop mal pour continuer à jouer correctement. Sûr que ça le ferait rire, lui qui prétend avoir mal au ventre à cause d'un lait fraise qu'il lui a volé par procuration. Drappé de fierté, Felix préfère contourner le sujet et se retrouve à agir aussi bêtement que son interlocuteur. Haussant les sourcils et lâchant un " pfff " dédaigneux, il ne répond même pas et lui tourne le dos pour changer de tenue. Felix ne compte pas retourner jouer au Basket ; il a eu sa dose pour la journée.

C'est bizarre. Au moment de lui apprendre à nager, Felix n'avait pas peur de se dévêtir sous le regard du plus vieux. Maintenant, il se tortille pour essayer de cacher son corps et frisonne en enfilant le t-shirt encore tiède des mains de Max. Incapable de tenir sa langue, il profite d'être de dos pour laisser le fond de sa pensée faire surface. J'irai voir Perry, demain, pour qu'elle mette fin au duo d'études. Peut-être que Graham le verra comme une libération et que la prof sera déçue mais Felix s'en fiche désormais ; il ne souhaite pas aider le complice d'un mec qui le harcèle à avoir de bonnes notes. Puisqu'il a décidé d'être aussi bête que ce que le roux attend de lui, alors tant pis pour Max. En plus, tout le monde sait qu'il va y avoir une interrogation la semaine prochaine. Felix se voit mal proposer au blond d'aller chez l'un ou chez l'autre pour apprendre ensemble, il a bien vu ce qu'il se passait lorsqu'il était trop près de lui et n'a pas envie de se retrouver une nouvelle fois avec un bleu sur le visage. T'imagines si Graham se met à devenir violent comme son copain rouquin ?

Digne, Felix passe une main sur sa mâchoire et ravale une grimace en enfilant son blouson. Tant pis aussi si le prof de sport le tacle parce qu'il a séché la fin du cours en partant sans demander la permission. Felix commence a en avoir marre de tous ces sportifs qui ne comprennent rien a ce qu'il se passe dans son coeur et dans sa tête. Lui non plus n'y comprend pas grand chose mais, quand même, il fait ce qu'il peut pour avancer et a l'impression que c'est grosso modo ce qu'on lui reproche. Faut pas pousser, à ce train là, dans un mois, on lui reprochera aussi de respirer, tant qu'on y est !

S U B M A R I N E félix&maxym

Félix n'est pas comme les autres garçons parce qu'il se fiche d'avoir ou non l'amitié de Max. Tout cela lui est égal, il sait qu'il peut vivre sans, que ce ne sont pas les types comme Graham qui le feront aller loin dans la vie. Il aura tout le temps de faire le malin lorsqu'il gagnera sa vie pendant que le blond en bavera toute son existence avec des petits jobs merdiques. Il pense pas à tout ça, Max, non, il pense à rien, les fesses posées sur le banc froid des vestiaires à observer une fois de plus le chat le repousser. Et ce grand con qui voudrait avoir la force de le retenir, de s'imposer pour lui dire d'arrêter de rendre tout compliqué mais aucun mot ne sort de sa bouche, soudainement obnubilé par le spectacle que lui offre son camarade : son corps qu'il prend soin de dissimuler alors qu'ils étaient en boxer deux jours plus tôt. Maxym soupire, pose ses pupilles sur le dos de Félix qui râle tout seul dans son coin. Le simple fait de le savoir dans la même pièce l'énerve maintenant et Graham a la sensation d'être un animal dont on sait pas quoi faire et qu'on pense à abandonner au bord de la route.

Bingo ! Demain le chat et l'ours, ce sera une histoire ancienne. Perry sera mise au courant de tout, de leur entente plus tourmentée que les vagues de la piscine et le coeur de Max flottant au milieu. Il se met à stresser, c'est con mais sa carcasse se redresse brusquement pour le tenir par le bras. Sa poigne est ferme lorsqu'il le force à lui faire face. Non, attends. Sa voix est beaucoup plus douce lorsqu'on la compare à ses gestes. Le blond n'a rien de menaçant. Au contraire, tu peux même ressentir cette pointe de détresse au fond de ses mots. Il a la nausée quand il le regarde comme ça, les yeux vides, déçu de ce qu'ils sont en train de devenir alors qu'ils pourraient au moins se tolérer pour travailler la chimie. Une matière pour survivre. Dis rien à Perry. Sinon c'est certain qu'il va encore se retrouver dans le bureau du proviseur avec ses parents et qu'on va l'envoyer en internat. Ce sera plus une blague. Pas la première fois que Graham dépasse les bornes, qu'il se met en danger. Avec Félix même s'il fait le malin il a la sensation de pouvoir arriver à quelque chose. L'internat c'est plus un prétexte qu'une réalité. Max s'en rend compte en réalisant qu'il serre son bras plus que de raison. Pardon ... Excuse, désolé, je suis navré. Il inspire, dix mille façons de chercher la rédemption et trente tonnes de courage pour la demander.

Maxym lâche Félix mais parvient enfin à reprendre la parole, formuler ce qu'il a sur le coeur. C'est bon, je suis désolé. Laisse-moi une seconde chance. La dernière. Une miette de pardon, c'est tout, c'est pas la mer à boire ... juste ça, rien de plus. Il est un peu con parce qu'il sait pas de quoi il s'excuse mais il sent que c'est le bon moment pour le dire, que c'est pour maintenant, pas plus tard, pas hier. Ses pupilles se plantent dans celles de son camarade. Il entend au loin le ballon de basket que les gamins de leur classe font rebondir par terre et les battements de son coeur calque leur rythme sur lui. Une semaine ... Sa gorge se noue, difficile de formuler des mots et des phrases quand on est en train de supplier l'autre de ne pas nous laisser tomber, que les choses nous tiennent réellement à coeur. Dans une semaine si rien n'a changé tu pourras aller voir Perry. Tant pis s'il se fait virer, si on prend des mesures drastiques pour essayer de le mettre sur le droit chemin. Une part de lui se doute que son sort est déjà scellé par toutes les lois de l'univers et que s'il doit mal finir sa vie, il le fera, qu'importe les rendez-vous à répétition et les chaînes qu'on lui mettra. Mais Félix, il a la sensation de pouvoir y faire quelque chose. Max s'en voudra de le laisser partir sans essayer de le retenir.

Non, attends.
Surpris par la poigne de Max, Felix se laisse retourner comme une crêpe. La requête le laisse perplexe aussi bien parce qu'il était persuadé que c'était ce que voulait Graham que parce qu'il ne s'attendait vraiment pas à recevoir des excuses. Pris au dépourvu, il n'a pas le réflexe de les refuser et de répondre qu'il ne pense pas qu'une semaine puisse changer quoi que ce soit aux différents problèmes de fond qui ternissent leur semblant de lien. Une semaine, c'est exactement le temps qu'il a fallu au blond pour lui retourner le cerveau. Qu'adviendra-t-il s'il lui en laisse une autre pour le contaminer d'avantage ? Il a bien vu que Max était capable du meilleur comme du pire ; d'être super cool et puis l'instant d'après d'être le dernier des idiots.

Un frison le parcourt sans qu'il sache si ce dernier est le résultat de leur proximité ou simplement de son corps qui refroidit maintenant qu'il ne court plus avec les autres dans le gymnase. Son regard se pose sur la main autour de son bras. Il aimerait bien que Max le lâche, qu'il recule un peu et qu'il arrête de lui parler avec cette voix si spéciale. Ou alors qu'il continue, Felix ne sait pas trop. Il remarque juste à quel point la communication du blond est subtile. Jusqu'à présent, le plus jeune ne s'était jamais attardé sur le timbre de son ainé, mais il constate désormais qu'un diccionnaire de ses inflexions est en train de se remplir dans un coin de son esprit. Ses tympans font leur travaille d'écoute et envoient au cerveau des informations que ce dernier croise avec les souvenirs de leurs moments passés ensemble. Il n'y en a pas beaucoup, c'est vrai, mais chacun d'entre eux était si particulier que Felix se souvient des moindres détails. Il faut dire qu'il a largement eu le temps d'y repenser, ce week end, en tournant le mystère Graham dans tous les sens. Ce ton de voix là, Max ne l'a encore jamais eu. Felix se demande s'il ne serait pas en train de le supplier. L'idée fait son chemin malgré son caractère saugrenu. Maxym Graham supplier le chat ? La bonne blague !

Et pourtant ... Après un long silence passé à le regarder intensément, comme s'il cherchait à voir si le blond n'était pas en train de mentir où de préparer un mauvais coup derrière son mea culpa, Felix reprend la parole, profitant que son bras soit à nouveau libre pour enfiler son sac. D'accord. Une boule se forme dans son ventre. D'une part il esprère ne pas le regretter, d'une autre il angoisse déjà à l'idée d'avoir à passer une semaine de plus en compagnie d'un aimant qui dérègle tous ses capteurs. Il commence par marcher vers la porte du vestiaire pour mettre de la distance physique parce qu'il est bien connu que les chats échaudés craignent l'eau froide. Ce brasier dans son corps, lorsqu'ils étaient dans la piscine, il est toujours là, Felix le sait. Des braises qui attendent sournoisement qu'on leur souffle dessus. Il va devoir faire attention s'il ne veut pas revivre ce genre de moment de gêne et de trouble indescriptible. Stopé dans l'encadrement, il se retourne une dernière fois avant de partir : Mais je suis privé de sortie à cause de l'autre soir alors, si tu veux réviser, il faudra venir chez moi après les cours. Mais pas ce soir. Ce soir, il a besoin de s'allonger sur son lit et de flipper en se demandant pourquoi il a accepté la demande de Max alors que parler à Perry aurait pu couper court au(x) problème(s). Sûrement parce que malgré les bleus sur son visage et la punition, Felix sait qu'il regretterait de laisser tomber maintenant. Il n'est pas du genre à déclarer forfait, sait bien qu'il pourrait réussir à remonter la moyenne de Max de quelques points uniquement en lui réexpliquant les basiques qu'il ne connait pas non pas parce qu'il est bête mais parce qu'il ne les a pas écouté, c'est tout. Mais n'est-il réellement question que de ça ?

Ce soir là, allongé sur le dos, Felix réalise qu'il n'a pas accepté de donner une seconde chacne à Graham pour lui faire plaisir mais pour se faire plaisir à lui-même. S'ils ne sont plus binômes, ils n'auront plus aucun prétexte à se parler et cette perspective l'effraie encore plus que d'être coincé avec lui dans un espace clos pour étudier des réactions chimiques alors que son corps en est une à lui tout seul. Une fois dans les bras de morphée, Coalman rêve pour la première fois de Graham.

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La journée s'est passée sans encombres. A croire que Max a fait la police aurpès de ses amis. Le message sur le casier est toujours là ainsi que certains regards noirs dans les couloirs mais plus personne ne vient menacer où défier le chat qui, lors du dernier cours, parvient même à se détendre. Dans le dos de Perry, il fait une blague à Max et sabote son expérience pour qu'elle enfume toute la salle. Hilarité générale, Felix rigole lui aussi, content de montrer au blond que cette matière peut être amusante quand on sait comment mélanger les substances. Un peu comme de la potion magique. S'il pouvait lui donner un pouvoir, alors Felix choisirait de la rendre capable d'insufler le courage. Dans la dynamique du cours, il était facile de bien s'entendre avec Graham, de ne pas se disputer et de se filer un coup de main mais, maintenant que la cloche sonne, il est l'heure de rentrer chez lui. Là où personne n'est jamais venu lui rendre visite. Là où ses parents bizarres lui poseront des questions sur qui il est et depuis quand Felix et lui sont amis. Car on n'invite que ses amis à la maison, c'est bien connu.

Avant de sortir, Felix glisse un mot en direction de Graham - " Rdv au garage à vélos " - car il se doute que ce dernier ira dire au revoir à ses copains devant le lycée. Le chaton veut bien faire l'effort de passer outre ses insécurités pour laisser une seconde chance à l'ours mais n'a pas envie de faire cet effort avec les autres ; pas tant que l'expérience avec Max ne lui aura pas prouvé que la bonne volonté parvient à rapprocher ceux qui d'apparence n'ont rien à faire ensemble.

S U B M A R I N E félix&maxym

D'accord.
Félix, Félix, Félix ... comment tu fais pour rester comme ça ? Si fier, si fort même quand l'autre idiot te supplie de le garder tel un petit copain qui aurait merdé et qui demande une énième chance. Comment tu fais pour rester si froid et détaché face à ce regard qui n'en mène pas large à l'idée de se faire jeter comme une belle merde. Ses doigts trembleraient s'ils n'étaient pas fourrés dans ses poches pour se remettre de ce contact plein de pardon et d'excuses qui n'en valent pas la peine. Il va recommencer, c'est forcé, écrit dans sa génétique. Max donnerait tout pour faire le malin, obtenir le respect des autres sans savoir quoi en faire. Alors, d'accord, c'est tout, rien de plus. Ah non, t'enchaînes, toujours dans la même froideur qui contraste avec le désespoir du blond. Tu dois pas le voir de là où t'es mais il a le souffle coupé, son coeur fait des bonds comme un cheval sauvage sous ses côtes. Ce doit être à cause de toi, de ton regard. Mais si ton regard, je t'assure, celui là, que tu lui offres à chaque fois que tu lui en veux et qu'il est pas fichu de se dépatouiller de ta colère. Tu lui laisses rien montrer, tu lui donnes même pas d'indices pour se racheter. A moins que ce soit pas possible ?
Enfin, chez toi, allez, pourquoi pas.
Il respire déjà un peu mieux. Les battements de son coeur reprennent toute leur normalité qu'à partir du moment ou tu décides de le planter là.

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Il se presse sans s'en rendre compte, sans même l'accepter. Max déboule les couloirs pour dire au revoir aux potes, balancer une dernière vanne et leur dire à demain. Donald demande à passer chez lui ce soir mais le blond refuse, prétextant un rendez-vous chez le dentiste pour sa petite soeur qu'il doit accompagner alors qu'il ne le fait jamais. Il sait même pas comment peut lui venir ce mensonge alors que son cerveau n'a pas eu l'occasion d'enregistrer ce genre d'informations. Sa mère lui demande toujours d'accompagner ses soeurs mais il ne le fait jamais pourtant, l'excuse est tellement bien trouvée qu'il en est fier. Maxym se défait de son sourire en apercevant Félix l'attendre et remet en place son sac dans son dos. Mal à l'aise, il a pourtant envie d'être là mais le froid qui pèse sur leurs épaules a le don de le rendre plus fébrile et renfermé que la moyenne. Il ne sait pas agir normalement aux côtés de son camarade, incapable de dire pourquoi et comment. Son corps monte des  barrières et des masques infranchissables pour ne pas lui montrer tout ce qu'il a sur le coeur. Derrière la bêtise, il reste encore un esprit qui se développe de jour en jour et s'enrichit du moindre détail.

Le plus vieux a pris son vélo parce qu'il savait qu'il irait chez félix ce soir et qu'il se voyait mal faire tout le chemin à pieds. Contrairement à son camarade, le sien est vieux et déraille souvent. C'est à cause de ses problèmes techniques qu'il l'utilise rarement mais son père lui a dit qu'il n'y aurait pas de soucis s'il ne faisait pas le guignol dessus. Perché sur l'engin, Max adresse un regard à son camarade. Contrairement à lui, le blond n'a pas de casque ni la moindre protection. Il préfère sentir l'air frais dans ses cheveux. Allez, hop. Il s'est fait la promesse de ne parler qu'à condition que la discussion ne tourne autour de la chimie et du contrôle à venir. Le reste, Max se la fermera, il a déjà bien assez fait de conneries pour s'enfoncer un peu plus. Il se doute que si son camarade a accepté de le faire venir chez lui, c'est avant tout par pitié. Le blond n'est même pas stressé de rencontrer ses parents, il connaît déjà ceux de Donald et ceux de la plupart de ses amis. Bien sûr pour l'occasion qu'il a fait un effort vestimentaire et qu'il espère au fond de lui que Félix n'a rien remarqué. En cours, le plus jeune ne lui a rien dit, il en déduit ne pas en avoir fait des caisses et passer pour un drôle de gamin qui se met sur son 31 juste pour faire des devoirs.

Durant le trajet où Maxym reste quelques mètres derrières pour suivre Félix, il n'y a pas la légèreté de leur première fois à vélo, pas de rire ni d'accélérations pour se taquiner. Chacun va à son rythme, l'un fixe l'autre pour ne pas se perdre de vue au milieu des voitures, des passants et de toute cette vie qui ne se calme jamais. Lorsque Coalman descend de son vélo, le blond fait de même. Ce n'est qu'une fois les pieds sur terre qu'il sent dans sa gorge un noeud se former. Qu'est-ce qu'il fout ici ? S'il ne se sent déjà pas à l'aise avec Félix, que peut-il en être de sa famille ? Son regard se pose sur les fenêtres, tente de voir par avance le visage de sa mère ou les traits de son père. Avec un peu de chance, ils seront seuls.